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EAN : 9782330050849
240 pages
Actes Sud (06/05/2015)
3.71/5   14 notes
Résumé :
De Montréal à Lisbonne, une lancinante mélodie en do dièse rapproche les âmes jumelles de deux musiciens apparemment étrangers l'un à l'autre. Une éblouissante variation sur le double et son revers.
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Lorsque le monde se dédouble, en proie à un jeu de calques et de miroirs, alors la réalité se trouble et devient inquiétante, incertaine et dangereuse…

Une mélodie inaboutie, une ébauche de quelques notes, une phrase musicale lancinante, inachevée - do dièse, fa dièse, accord mineur - obsède Hugo, contrebassiste et compositeur en perte de vitesse et d'inspiration qui décide de quitter Montréal et de rentrer chez lui, à Lisbonne, pour une année sabbatique durant laquelle il tentera de se ressourcer auprès de sa soeur jumelle, Julia, et de sa famille. Hugo, c'est un homme “incomplet, insuffisant pour lui-même”, un jazzman criblé de dettes qui s'efforce en vain de noyer dans l'alcool l'angoisse et le vide intérieur qui l'accompagnent depuis l'enfance et l'empêchent de créer et de vivre.

Ce vide, il le ressent profondément, comme une part manquante, volée peut-être à son insu, une absence qui s'exprime jusque dans ses cauchemars où il rêve “d'un homme s'éloignant dans une tempête de neige, un inconnu qui (...) lui avait volé quelque chose, une chose dont il pensait qu'elle était à lui mais qui ne l'avait peut-être jamais été, un visage, une identité.”

Quelle est cette silhouette, obscure et floue, qu'il croise parfois dans ses rêves mais également dans sa vie, présence furtive captée un bref instant du coin de l'oeil au détour d'un miroir, d'un reflet, ombre fugitive qui, aussitôt aperçue, disparaît et le laisse avec un sentiment trouble d'une inquiétante étrangeté ?

Do dièse, fa dièse, accord mineur… La mélodie, rétive, superbement rebelle, persiste à frayer son chemin sur la touche d'ébène de la contrebasse d'Hugo. La mélodie d'une vie. Obsédante. Indomptable. En attente et hors de portée, comme une femme, un amour, qui toujours se dérobe. Do dièse, fa dièse, accord mineur, enchaînement, transposition… Sous les doigts du pianiste virtuose Luis Stockman, en concert au Colisée de Lisbonne et sous le regard incrédule d'Hugo, la voilà qui se déploie dans toute sa beauté et qui le nargue, SA mélodie, amante inaccessible offerte sans pudeur au clavier et à la caresse adultère d'un autre musicien…

Qui est le compositeur, et qui est le plagiaire ? Quel est ce sortilège ? Et qui est cet homme, ce pianiste adulé par les foules, surgi brusquement de nulle part, dont personne ne sait rien et qui, étrangement, ressemble à Hugo et lui est détestablement semblable ?

Avec “Lisbonne Mélodies” - son troisième roman traduit en français après “Le Domaine du temps” et “Le bon Hiver” - Joao Tordo explore le thème du double, de la raison qui doute et qui vacille, ébranlée, sur les territoires incertains de la schizophrénie, de la folie et de toutes les interrogations qu'elles suscitent. Une belle histoire pleine de musique, de bout en bout passionnante, qui nous transporte dans un univers étrange et fantastique dont l'atmosphère m'a un peu rappelé celle du “Horla” De Maupassant, et, pour moi, un très bon moment de lecture

Do dièse, fa dièse, accord mineur, enchaînement, transposition... "Lisbonne Mélodies", tendez l'oreille et lisez, en écoutant, si possible, Charles Mingus, Charlie Haden ou Avishai Cohen.

[Challenge MULTI-DÉFIS 2019]
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De Joao Tordo, auteur portugais de 39 ans, on ne connait en France que 3 livres, soit moins de la moitié de son oeuvre de romancier publiée dans son pays. A priori, Lisbonne mélodies (O ano sabatico en V.O) semble manifester moins d'ambition que le bon hiver et surtout le domaine du temps, ses deux ouvrages précédemment traduits en français. Mais a priori seulement. Lisbonne Mélodies raconte dans un premier temps l'histoire de Hugo, contrebassiste raté, en exil à Montréal, tout près d'arriver à accoucher de la mélodie parfaite, sans jamais y parvenir. A son retour à Lisbonne, son calvaire commence après un concert d'un jazzman virtuose lequel a joué note pour note la mélodie coincée dans la tête de Hugo. Sa descente aux enfers sera courte mais douloureuse non sans qu'il ait pu rencontrer Stockman, le musicien qui, il en sûr, lui a volé sa composition. La deuxième partie du livre est consacrée à l'errance de Stockman qui va aller sur les traces de Hugo, médusé par ce qu'il va apprendre. Sur les thèmes du double et de la schizophrénie, Tordo se révèle une fois de plus virtuose, donnant à Lisbonne des airs de thriller psychologique largement imprégné d'onirisme et de fantastique. Ce roman tragique, non dénué d'humour noir, est parfaitement ludique et mystérieux, laissant une multitude d'interstices dans son récit pour que le lecteur se crée sa propre exégèse. Dans un second rôle muet, la contrebasse, par sa masse imposante et son jeu discret, mérite un prix d'interprétation.





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Contrebassiste ayant plongé dans l'alcool et criblé de dette, Hugo quitte Montréal pour revenir à Lisbonne sa ville natale. Il s'installe chez sa soeur et dit prendre une année sabbatique. Mais il aimerait parvenir à terminer une composition qui lui trotte en tête depuis des années. En se rendant par hasard dans un bar, un pianiste célèbre de jazz Stockman se produit. Et quand ce dernier joue sa composition, il perd tous ses repères. Il l'a lui a volé, c'est certain. Et si deux personnes qui ne connaissent pas pouvaient créer la même mélodie? Hugo plonge dans une sorte de folie solitaire.

Si la première partie du roman nous renvoie principalement à la vie d'Hugo à Montréal, la deuxième partie nous révèle bien des surprises ! Car l'auteur y ajoute un autre personnage. Un écrivain qui est le meilleur ami de Stockman et qui relate les événements. Car étrangement Hugo et Stockman se ressemblent physiquement, ont le même âge mais si l'un a réussi, l'autre ne connaît pas le succès. Intigué, Stockman se rend à Montréal pour découvrir qui était Hugo.
On est bousculé ne sachant plus où se se trouve la réalité et ses limites, et qui est qui au final. On est valdingué entre les doutes et les questions sur la possibilité qu'une autre personne soit notre double, et que sans elle nous ne sommes qu'une moitié.

Explorant le thème de la schizophrénie et de la personnalité, ce roman nous ouvre des multiples portes avec autant de clés. Et si je ne mentionne pas certains points, c'est volontaire pour que vous aussi vous soyez en mode poisson privé d'oxygène.
Une fois refermé, ce livre très troublant laisse des traces et beaucoup de questionnements.
Lien : http://claraetlesmots.blogsp..
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Tout se dédouble !
« Lisbonne mélodies » comprend deux volets : l'histoire de Hugo, et celle de Luis Stockman, pianiste à succès, deux musiciens, à la fois instrumentistes et peut-être compositeurs.

Hugo, contrebassiste à la dérive, quadragénaire sur la mauvaise pente, décide de quitter le Canada pour rejoindre Lisbonne où vit sa famille -notamment sa soeur jumelle. Il veut fuir des créanciers, des amours inachevées ; Il voyage avec son encombrante contrebasse, fardeau cher à son coeur, peut-être son guignon, espérant repartir sur de bonnes bases, avec pour seul trésor un morceau de musique inachevé qui le consacrerait compositeur.
A part un neveu lumineux, ébloui par sa « barque basse », Lisbonne ne répond pas à ses attentes.
Pire, Hugo assiste au concert de Stockman, pianiste en vogue, excellent improvisateur qui interprète en public… la composition de Hugo en « do dièse ». Il ne peut logiquement la connaître puisque Hugo son auteur ne l'a jamais ni créée, ni jouée entièrement. Il l'aurait donc « volée », mais par quel moyen ? Les troubles psychologiques de Hugo l'entraînent-ils dans la schizophrénie ?
Il décide d'approcher Stockman, au moins pour lui demander des comptes, voire comprendre d'inattendues ressemblances, y compris physiques qui font du pianiste un « double » du contrebassiste.
Le lecteur partage ses interrogations : le double de Hugo, en proie à des crises intérieures nourries par un monologue de malade, ne serait-il pas plutôt cet « autre » en lui qui s'imagine « volé » ? Ce Stockman, on ne le connaît que par la relation d'un narrateur, écrivain médiocre qui a le pianiste pour seul ami, et s'étonne de le voir progressivement déstabilisé, devenir distant dans ses amitiés comme dans ses amours, jusqu'à quitter Lisbonne pour… le Canada où il connaît un parcours de vie similaire à celui de Hugo avant Lisbonne !
Dans ce traitement du double, Joao Tardo, auteur accompli, joue de la composition « en abyme », il crée des reflets de miroirs, des échos musicaux et sentimentaux. Ce n'est pas seulement une étourdissante virtuosité, car le parcours des deux musiciens ouvre des pistes de réflexion.

Les deux personnages ont de l'ambition, ils refusent la médiocrité de l'instrumentiste pour se hisser, si possible, au statut de compositeur. Mais la création est difficile, et perdure cette constante insatisfaction qu'ils ressentaient dans tous les domaines.
p. 204 «  C'était un éternel insatisfait- c'est peut-être pour cette raison qu'il travaillait tant- et aucune relation ne pourrait jamais remédier à cette insatisfaction-là. »
L'inspiration, aléatoire, se manifeste rarement, et il reste à transformer la lueur entrevue, le thème incertain, en une oeuvre complète, achevée, et pérenne.
Là est le drame de l'artiste, tel celui d'un schizophrène. « Fou de solitude », l'expression revient à deux reprises, il dépend d'un « autre » en lui qui peut lui faire prendre des fictions pour du vécu, des mirages pour des créations, car le danger est grand de céder à l'appel des « nuages qui passent... là-bas... là-bas... [d]es merveilleux nuages ! ».
Très bonne lecture, on ne lâche pas le livre, séduits par l'histoire, comme les protagonistes qui cherchent un sens à leur vie.

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Hugo et Luis ont une passion : la musique. L'un est musicien reconnu, l'autre compositeur anonyme... à moins que ce soit l'inverse ?!
Entre célébrité et infortune, entre mémoire et rêves, entre actions et suppositions, entre plénitude et solitude, varie le tempo de l'histoire... mais au final quelle est la réalité ?...
Un récit un peu étrange, construit comme un thriller, qui interroge sur ce qui constitue l'identité d'un être en offrant une variante musicale de la schizophrénie.
Pas mal !
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Il est curieux me disais je de constater à quel point sont fragiles les liens qui nous rattachent à ce monde. Un jour on croit en faire partie intégrante, on est convaincu d'avoir une identité, une singularité, une marque personnelle. Le lendemain, il suffit que certains de ses liens se défassent - quelques uns seulement - et nous voilà effacer de l'Histoire.
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La mémoire, comme on sait, est une chose douloureuse.
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