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EAN : 9782020944663
328 pages
Seuil (03/01/2013)
3.69/5   8 notes
Résumé :
L'histoire de la criminalité au Moyen Âge est entachée d'une image noire et sanglante, qui renvoie aux archétypes traditionnels de la violence médiévale : ce Moyen Âge serait en effet le conservatoire des pratiques judiciaires les plus irrationnelles et le laboratoire de la torture, comme des peines les plus cruelles.

Au-delà des clichés, Valérie Toureille s'attelle à démêler les complexités de la justice médiévale à partir du XIIIe siècle : existe-t-... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Il vaut mieux ne pas avoir d'idées que d'en avoir de fausses. Et prendre prétexte de la démystification pour les administrer est d'un ordre vaguement pernicieux. Je m'explique.

D'abord, ce livre est d'une lecture facile. Ce n'est pas un reproche en soi. Mais l'illusion de facilité arrive certainement à convaincre le lecteur mal informé qu'il a compris quelque chose au "Moyen Age", alors qu'en fait, non. La facilité est le cheval de Troie des pires conneries.

Avec Toureille, on oscille entre 3 problèmes: premièrement les banalités, deuxièmement les simplifications exagérées et troisièmement les idioties consternantes.

Les banalités, c'est ce qu'on a répété un milliard de fois ou qui procède aveuglément de la doxa des écoles/chapelles idéologiques de notre génération (Toureille et moi appartenons à la même génération - elle n'a que 16 ans de plus que moi -, avons les mêmes diplômes, enseignons à peu près au même public). Ces dernières seront balayées par la génération suivante. Parmi les vieux trucs: la société de l'honneur, par exemple. Or cette société de l'honneur, en France prend fin au XIIe siècle, vers 1160, avec l'invention de l'Etat et le développement d'une société marchande: celle des bourgeois des communes, le tout réglé par la domination matérielle et morale de l'Eglise. Parmi les trucs idéologiques propres aux profs-gourous de notre génération et à leurs groupies, il y a par exemple l'idée que l'"anarchie féodale" n'existait pas; il faut parler d'"ordre seigneurial" (tout ça pour décrire exactement la même chose: on se paye de mots).

En tête des simplifications outrancières, l'idée même qu'il existerait une espèce de catégorie homogène "Moyen Age". Non, Valérie. Tu sais parfaitement qu'il y a eu dix, cent, mille "Moyen Age" selon qu'on est Français, Allemand, Anglais, selon qu'on vit en 477 ou en 1491. Et cela est précisément très important du point de vue de la Justice. Car la notion même de droit, sauf aux époques et dans les territoires où l'on conserve un semblant de droit romain, n'existe pas. C'est au nom de la Justice qu'on juge et qu'on condamne. Mais quelle Justice? La Justice théocratique de la Réforme grégorienne? La Justice du seigneur voyou qui saigne ses paysans sans pitié?

Et, de banalités en simplifications, nous dégringolons aux bêtises complètes. Si je comprends bien, il s'agit de "réhabiliter" (encore!) le Moyen Age, pas si cruel que ça, et sérieusement "normé" (mes collègues n'aiment pas le français). Là je vais faire dans le brutal: le "Moyen Age" était HORRIBLE. Nos contemporains qui chialent leur mère pour un pet de travers et portent plainte parce que les coqs chantent à la cambrousse seraient à 95% tombés dans la catégorie "paysan" où ils auraient été traités, littéralement, comme des esclaves, voire comme du bétail. Battus, violés, torturés, abandonnés à la vermine, au froid, à la faim, exploités sans vergogne. Curieusement un nanar grand public comme Les Visiteurs est plus près de la réalité que Toureille, agrégée d'histoire.

Autre débilité profonde (et là, on touche au sublime!): si on était si prompt à défendre son honneur, nous explique Toureille, c'est parce qu'on était plus jeune (hein?!?) Alors, clairement, indépendamment de l'absurdité intrinsèque de cette affirmation: la société de l'honneur n'a rigoureusement aucun rapport avec l'âge! Elle correspond exactement au développement de l'anarchie féodale et à l'ascension des seigneurs-châtelains qui ne peuvent s'appuyer que sur l'intimidation physique pour faire respecter leur propriété toujours menacée puisque a priori illégitime. La grande époque de la société de l'honneur va du Xe siècle (effondrement du centralisme carolingien) au redressement opéré par Louis VI qui commence à écraser les seigneurs autonomes au nom de la "Paix de Dieu" dès 1108 et à réduire le pouvoir de la noblesse en encourageant l'émancipation des villes et l'émergence de la bourgeoisie. Louis VII, ensuite, en inventant l'Etat capétien centralisé à Paris et la notion de "roi suzerain" (inspirée par Suger) et en se soumettant à la Justice théocratique de Rome la reduit à rien, et Philippe Auguste, fils de Louis VII et d'Adèle de Champagne finit le travail.

Enfin, la suprême idiotie, je la trouve dans l'idée éparse que l'homme aurait changé, et ne comprendrait plus la mentalité médiévale. Non, anthropologiquement, il n'y a eu AUCUNE évolution. Laver les crimes dans le sang ferait horreur à nos contemporains qui n'accorderaient aucune importance à la propriété? D'abord, il faut bien comprendre que les serfs n'étaient jamais propriétaires de rien, pas même de leur carcasse. Ces affaires d'honneur, de sang et de propriété touchaient 1% de la population: les nobles.

Mais la base de toute société humaine civilisée, c'est invariablement le respect de la propriété privée (je ne parle pas ici de la confiscation des biens de production ou d'information qui sert au chantage physique et moral dans une société capitaliste, mais de la propriété légitime). Du plus loin qu'on remonte dans l'histoire, cette chose-là est allée de soi. Si nos contemporain(e)s "acceptent" qu'on brûle leur voiture, qu'on les cambriole, qu'on les viole, c'est parce que la société est structurellement pervertie et que les rapports sont dénaturés par un "état de droit" (une dictature des magistrats) soutenu par la grosse artillerie médiatique et qui innocente les coupables et culpabilise les victimes pour le principe depuis 50 ans. Et si un quart des Français est sous Prozac, c'est en grande partie pour supporter ça. Attendons patiemment que tout s'effondre - au train où ça va, c'est pour demain - et nous pourrons observer, en historiens, comment de nouveau on traite l'affront et le vol en l'absence de tout Etat... Indice: comme depuis 300000 ans qu'homo sapiens existe.


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Un excellent ouvrage traitant du "crime" au Moyen-Âge (mis entre parenthèses car, comme l'explique avec clarté l'auteur, la notion de crime telle que nous l'entendons aujourd'hui n'existe pas vraiment à cette époque).

Au fil de ces pages sont réduits en pièces un certain nombre de clichés véhiculés sur cette période de l'histoire à propos de laquelle trop de gens emploient encore l'horrible adjectif "moyenâgeux". Si dans leur pensée ce terme infâme signifie barbarie et cruauté, l'époque moderne le mérite peut-être davantage que celle qui la précéda ! On apprendra ainsi que la peine de mort, quoique parfois spectaculairement violente, fut un châtiment minoritaire ; qu'elle était fortement ritualisée précisément pour en encadrer la violence et qu'elle devait avant tout édifier le public pour qu'il n'emprunte pas les mêmes voies que les condamnés. Que si la société médiévale est structurellement plus violente que la nôtre, c'est parce qu'elle est plus jeune en âge, plus prompte à réagir à la provocation et plus attachée à la "fama" (la réputation et l'honneur liée au nom et à la famille). Mais cette violence structurelle est consentie par tous et reste sanctionnée dès qu'elle devient excès (et en ce domaine, le droit, la coutume ou l'usage ont parfaitement défini les limites du supportable). Sait-on aussi que le vol est beaucoup moins toléré que le meurtre, contrairement à notre époque ? Car le vol signifie la rupture de la confiance au sein de la communauté tandis que le meurtre, s'il n'est pas trahison ou "coup fourré", peut se justifier, comme dit plus haut, par la provocation ou la légitime défense.

Par ailleurs, si de grandes différences subsistent entre nos modes de pensées respectifs, l'auteur montre aussi à quel point notre code pénal a hérité du Moyen-Âge.

Cet ouvrage assez court (300 pages), concis et clair, fourmille d'informations passionnantes et éclaircit bien des notions sans égarer le lecteur. A lire pour les amoureux d'histoire et du Moyen-Âge, mais aussi pour tous les curieux souhaitant étendre le champ de leurs connaissances.
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Formidable tableau de ce qu'était la justice au Moyen Age. L'auteur a parfaitement su rendre compte de la difficulté de définir la notion de crime sur une période aussi longue. Elle aborde l'évolution de la justice au regard des mentalités qui régissent les différentes époques. L'étude, pointue et très bien étayée, a su abattre les préjugés qui ont cours sur la violence, la barbarie et les superstitions de cette période de notre histoire pour faire apparaître un monde rationnel et structuré, en accord avec les moeurs qui le régisse. le style est clair et l'écriture fluide ce qui ne gâche rien.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Nos contemporains estiment ainsi comme insupportables les crimes de sang, tout en s'accommodant assez bien de la destruction volontaire de biens. Le Moyen Age, en revanche, considérait les atteintes à la propriété comme des transgressions majeures en ce qu'elles remettaient en cause la confiance réciproque entre les individus, constitutive de la vie (ou de la survie) du groupe. a cet égard, le vol était perçu comme un "vilain fait", un geste infâme, quand le crime de sang bénéficiait de la légitimité des actes commis lorsqu'était bafoué l'honneur, vertu cardinale des médiévaux.
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Pour évoquer le crime au Moyen Age, il faut tout d'abord prendre garde à ne pas lui appliquer les concepts de notre siècle, qui ne trouvent pas à s'exprimer pour cette période.
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La société médiévale est structurellement violente, certes, mais sa violence est normée.
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Vidéo de Valérie Toureille
Cartes blanche aux éditions Perrin Avec David FIASSON, Anthony GUYON, Jean LOPEZ, Clément OURY, Benoît YVERT La guerre est un éternel sujet d'actualité dont l'histoire militaire permet de saisir les enjeux géopolitiques et stratégiques. Au fil des conflits, de l'Antiquité à nos jours, l'art de la guerre s'est métamorphosé : Valérie Toureille, Clément Oury, Jean Lopez et Michel Goya vous décryptent ces métamorphoses
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