LE MÉTAPHYSICIEN. — Conclusion évidente. Puisque toute réalité est nécessairement imparfaite, il faut bien que l'être, pris dans une de ses formes réelles, dans un de ses modes, comme dirait Spinosa, ou même dans la totalité de ses modes, soit imparfait.
Commençons par la sensibilité et l'imagination. La sensibilité est la fonction la plus grossière de l'esprit, puisqu'elle est commune à l'homme et à l'animal. La sensation est le premier degré de la vie psychologique; elle en est le fait le plus simple et le plus élémentaire. C'est par elle que s'éveille l'activité intellectuelle ; c'est par elle que l'intelligence communique avec le monde extérieur. Elle est le point de départ, la condition de la vie intellectuelle; mais, à proprement parler, elle n'en fait point partie. Elle n'est point un acte de l'intelligence,même le plus grossier et le plus infime.
L'objet de cet entretien sera précisément de mettre cette vérité dans tout son jour. Il s'agit: 1° de montrer que, dans tout acte de l'intelligence, perception, notion, conception, jugement, principe, axiome, il y a une part à faire à l'expérience et une part à l'esprit; 2° de déterminer au juste quelle est la part de l'une, et quelle est la part de l'autre. Or, la part de l'expérience est l'élément externe, que Kant appelle la matière de la connaissance; la part de l'esprit en est l'élément interne, qu'il considère comme la forme de la connaissance. Voilà tout le mystère à expliquer.
LE MÉTAPHYSICIEN. — Ceci est une autre question sur laquelle nous aurons à nous expliquer dans la critique de l'intelligence. N'oubliez pas qu'en ce moment nous devons nous borner à l'analyse. Il nous suffit de savoir que ce jugement ne fait point partie de la classe des jugements à priori de la raison, soit analytiques, soit synthétiques. Quant aux autres jugements sur les attributs de l'Être parfait, ils peuvent se rallier à deux classes, selon la distinction des attributs relatifs à l'essence de l'Être parfait, et des attributs relatifs à son existence.
LE MÉTAPHYSICIEN. — Cherchons donc parmi ces jugements métaphysiques dont l'attribut ne forme pas équation parfaite avec le sujet, comme il arrive dans toutes les définitions. Si je dis, par exemple, Dieu est parfait, Dieu est absolu, Dieu est nécessaire, Dieu est infini, j'énonce des propositions dans lesquelles l'attribut, en supposant qu'il convienne au sujet et même qu'il y soit logiquement impliqué, ne forme pas avec lui une véritable équation.