22H

Il est des romans qui ne se livrent pas totalement, qui nous échappent un peu tout en nous impressionnant fortement. 22H, premier roman de Natan Valmy, est de ceux-là. Je ne peux pas dire que j'ai tout compris de ce livre que je serais bien en peine de de résumer tant les zones d'ombre sont étendues. Je peux par contre affirmer que de ce livre, j'ai tout admiré, ressenti, absorbé.

Ago est mort et Proust veut écrire un roman à sa hauteur pour lui rendre un dernier hommage. Partant sur la trace de ses origines, il interroge Flint, l'amant américain qu'Ago a brutalement abandonné dix ans plus tôt, quelques mois après l'avoir rejoint à New York après un été passé à veiller Monsieur V.

Je n'ai aucun mal à accepter de ne pas voir où lae créateur.rice d'une oeuvre artistique a voulu en venir ; je reconnais aisément ne pas toujours avoir les clés ou les références nécessaires pour une compréhension totale de l'oeuvre, je suis plutôt bon joueur tant que j'ai pu être touché par l'un ou l'autre aspect. le récit fragmenté, éclaté que nous propose Natan Valmy a suscité en moi un intérêt vif et ce, dès la page de titre ou s'étend le titre complet, comme un poème : "22H les autres imaginent l'heure sur sa montre à ressort Non c'est combien d'hommes durant l'été et une place dans un avion".

Je me rappelle avoir pensé, en lisant une des scènes de sexe du début du roman, que l'écriture de Natan Valmy était aussi moite que la caméra de Fassbinder au moment où Nono encule Querelle. Plus tard, alors que le texte m'enfonçait un peu plus avant dans la fascination, je trouvai la comparaison particulièrement heureuse : il y a quelque chose de Querelle de Brest dans Ago. Ça vient sans doute de son pouvoir sexuel, dans lequel sa personnalité tient presque tout entière, et de la fascination que celui-ci lui vaut. C'est peut-être aussi dû au sentiment de danger qui l'entour et à cette impression que la mort et la souffrance ne sont jamais très éloignés du désir.

Rapprocher 22H du texte de Genet n'est peut-être pas aussi anodin que je le pensais parce que chez Valmy aussi, il y a une utilisation de l'artifice qui touche sublime. On est mis à distance du sujet par un objet littéraire qui se rappelle à nous en tant que tel, on ne peut pas s'immerger dans l'histoire parce que tout dans 22H témoigne de sa construction en tant que texte littéraire. Que ce soit le mélange des genres, la multiplicité des tons, des actions, des temporalités, le côté méta apporté par le personnage de Proust... Tout est assemblé avec minutie pour ne garder que l'essentiel et éveiller les sensations des lecteur.rices.

L'histoire au centre de laquelle se trouve Ago est une tragédie, mais qui s'affranchit de tous ses codes. Déjà parce que la mort des personnages n'est pas le dénouement mais le point de départ de chacun des arcs narratifs qui s'y s'entrecroisent. Ensuite parce que, malgré le choeur d'adorateurs qui l'interpelle sans cesse, "Ago was no hero". Pas d'élévation possible dans son destin ; ce n'est probablement pas un hasard s'il est mort en faisant s'écraser son avion. Si la tragédie antique mettait en scène les grands de ce monde, Valmy donne la parole à toustes et à tout, jusqu'au moindre objet. Toustes témoins de la naissance du mythe ago ; aucun.es pour vraiment le saisir. Et quitte à tordre la tragédie pour la faire rentrer dans le romanesque, Valmy décide de s'affranchir de toutes les règles que le classicisme y a insufflée : aux unités de temps et de lieu, il répond par la multiplicité ; la vraisemblance se perd entre les lignes, on ne sait plus ce qui dans la période marquée par l'agonie de Monsieur V. tient du réel, du fantasme ou de la métaphore ; la bienséance, enfin, est écartée dès l'incipit puisque le livre s'ouvre sur un plan cul, donnant le ton de ce qui va suivre.

L'avenir nous dira si l'Ago de 22H pourra prétendre à une place aussi installée que Querelle dans la littérature française. Il en a en tout cas à mes yeux l'envergure.
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J'ai quand-même tenu jusqu'à la moitié du livre avant d'abandonner. Je n'ai rien compris et je ne sais pas s'il y a quelque chose à en comprendre au-delà d'un exercice de style pour lequel j'ai été particulièrement hermétique.

🔗 Service de presse numérique mis à disposition par l'éditeur.

Un premier livre puissant, une très belle plume, un premier livre très prometteur et un grand écrivain à lire absolument.
Une histoire surprenante qui nous fait voyager dans une passion dévorante….
Un livre que je recommande pour tous les amoureux de la littérature et de l'authenticité.
Un grand bravo à Nathan Valmy