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sur 323 notes
Dans cette histoire à double tranchant, le cadre paradisiaque d'une île indonésienne choisie pour des retrouvailles entre une soeur et un frère sous le regard de leur mère, se transforme très rapidement en cauchemar. On est même soufflé par la rapidité de la bascule dans une violence verbale qui laisse bouche bée. Dans une écriture chauffée à blanc, les dialogues se transforment en pugilat, ça fuse de partout en mode rageur, ça cogne dans un festival de vacherie. Et il n'y pas une page sans tension palpable.

David Vann a construit une oeuvre forte, celle d'un écrivain qui excelle à raconter une crise existentielle et des conflits familiaux. La nouveauté dans Komodo est le regard qu'il porte sur la condition féminine à travers le personnage de Tracy. J'ai rarement lu un portrait de femme aussi férocement proposé, dans l'outrance mais aussi dans la justesse pour dire le burn out maternel. Tracy est à bout. Après avoir abandonné sa carrière de biologiste marine pour élever ses jumeaux de cinq ans, elle arrive en Indonésie remplie de colère, rongée par la frustration d'une vie qui ne lui convient pas et d'un corps qu'elle ne supporte plus, dévorée par les rancoeurs à l'égard d'un frère qui a été toujours été le préféré nonchalant et dont elle ne comprend pas la vie, elle qui a l'impression d'avoir raté la sienne. Elle fantasme de passer son mari à la broyeuse et de tabasser ses gosses pour enfin vivre pour elle, prendre sa revanche aussi. C'est très dérangeant, audacieux aussi de miser ainsi sur un personnage principal aussi peu aimable, dont les outrances sont difficiles à comprendre et qui n'a même pas la tendresse de son auteur.

A la mitan du roman, je me suis dit que le roman commençait à ronronner et que les joutes entre Tracy et Roy, certes jubilatoires, se répétaient sans rien apporter de plus. Et c'est là qu'arrive une scène juste hallucinante de puissance, sous l'eau. Tracy et Roy font de la plongée sous-marine, ce qui donne lieu à des descriptions magnifiques et d'une rare justesse pour ceux qui plongent  : la sensation de légèreté et de transparence, entourés de beautés hypnotisantes du monde marin, la descente à l'intérieur de soi, le refuge procurée mais aussi le choc de la remontée dans le « vrai »monde avec ses laideurs. Et puis, le point culminant du récit. David Vann est le virtuose du retournement de situation, maitrisant avec brio l'art de la rupture.

Forcément, après une scène aussi incroyable qui justifie à elle seule la lecture, ce n'est pas facile de rebondir. L'auteur prend le pari, une nouvelle fois, de basculer le dernier tiers de son récit dans une autre direction, centrée cette fois sur Tracy, sans son frère ni sa mère, chez elle, avec mari et enfants. On ne sais pas vers où cela va aller, si Tracy va pouvoir rassembler les morceaux de cette famille pulvérisée. Au départ, j'ai été déçu de la direction prise, jugée fade. Et puis j'y ai lu une autre forme de désenchantement, moins brutal, plus subtil, sans doute plus mature aussi. Si Tracy avait été une des héroïnes de ses premiers romans, sans doute l'aurait-il fait mourir. Ici, tout est beaucoup plus ambiguë. Surprenant encore une fois.
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Étourdissant. Hypnotique. Magistral. Je ressors ko de ce dernier David Vann.

Tracy est au bout de sa vie. Épuisée et blasée par son rôle de mère de jumeaux à temps plein, frustrée par un mari déserteur, elle s'accorde une pause pour rejoindre son frère Roy avec sa mère sur l'île indonésienne de Komodo. Là-bas, les tensions sont au paroxysme dés le premier jour. Tracy nourrit une amertume et une rancoeur féroces contre son frère. Ce qui offre des dialogues de haute voltige entre ces deux là ! Tracy ne mâche pas ses mots et se montre sarcastique et tranchante. Roy est béatement plus taciturne. le pauvre gars encaisse sans broncher. Spectateurs de ces tensions vampiriennes, la mère qui a le don de prendre la défense du frère chéri puis Loïc qui veut manger en paix et décampe aux moindres étincelles. Toutes ces scènes explosent devant vos yeux comme si vous y étiez.

Le plus impressionnant reste pourtant à venir quand ces trois là plongent six pied sous mer. Dans un face à face avec les requins ou les raies manta, les démons de Tracy vont jaillir du plus profond de ses ténèbres.
Le parallélisme entre ce monde sous marin et la noirceur de Tracy est extraordinaire. L'auteur signe des passages très évocateurs et d'une puissance imagée surprenante.
On devine, on ressent même pleinement toute la rage et la déception de la jeune femme sur sa condition de mère-esclave et épouse effacée. Dans les abysses, son imagination est féroce. Des images à vous couper le souffle affluent et vous laissent en apnée.

La dernière partie quant à elle est un réquisitoire jubilatoire sur la folie maternelle, la solitude, le sens de la vie qui fait sens à l'univers sous marin de la première partie.
La fin aurait pu être plus incisive et tranchée selon moi.

Un roman dense, fouillé, imagé à souhait, éloquent et suicidaire avec une héroïne qui n'assume plus ce qu'elle vit mais sait sans conteste cracher à la figure de tous son sentiment d'injustice. du très bon David Vann.
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J'ai aimé l'histoire de cette femme au bord de l'explosion. J'ai aimé la métaphore de la plongée, permettant de mettre en relief ce qui il y a au plus profond de notre personnage alors que sa surface est tellement écorchée. Je reconnais l'avoir lu en quelques heures. Mais je n'ai pas du tout aimé le style de David Vann, sa plume, souvent ironique, sa façon de décrire son personnage principal, Tracy, avec condescendance, vulgarité et mépris. Cette façon de la mettre plus bas que terre pour ensuite nous expliquer que la cause de son aigreur, de son amertume est tout simplement la maternité et la famille. La relation de cause à effet qu'il veut nous mettre en évidence, nous dégoutant au passage, est pour moi inversée. Ce qu'il prend pour cause est pour moi conséquence.

Je suis passée de l'énervement à la tristesse dans cette lecture. L'énervement, voire la colère, dans la première partie, la sidération puis la tristesse dans la seconde partie. Et je n'ai pas accepté ce que David Vann veut nous dire en filigrane. Ça semble parler de lui tant c'est violent, je ne connais pas du tout son histoire personnelle découvrant cet auteur mais il y a une haine et une amertume telles que je me suis vraiment demandée quelle était la part d'expérience personnelle là-dedans. Comme Tracy, j'ai finalement été tiraillée entre le fonds de cette histoire et la surface si tourmentée. Je suis restée tout le long entre deux eaux.

C'est l'histoire d'une femme, Tracy, au bord de la crise de nerf, qui semble même être à la lisière du meurtre. Une femme qui ne comprend pas comment elle en est arrivée là, qui se sent esclave, prisonnière de sa vie, de ses jumeaux de 5 ans. Prisonnière de ses propres injonctions contradictoires : sa vie est devenue un enfer à cause de ses deux enfants mais elle sait « qu'elle aurait regretté d'être seule. Elle était si déterminée à fonder une famille. Elle n'aurait jamais été heureuse sans ça. Elle était donc condamnée, quel que soit son choix ». Esclave du rôle de mère dans lequel elle est enfermée et dans lequel la société, y compris son mari, l'enferme.

Dans la première partie, nous la découvrons avec sa mère rejoindre son frère sur l'île de Komodo en Indonésie pour quelques jours de vacances tant mérités vu que depuis 5 ans elle élève, quasiment seule, ses jumeaux. Son frère Roy fait partie d'un groupe de plongeurs dont il attend à la fin du séjour un certificat de moniteur. Tracy et sa mère savent et aiment plonger.
Nous découvrons immédiatement une femme aigrie, amère, jalouse, puérile, tout en reproches vis-à-vis de son frère et de sa mère. Tout est de la faute des autres, ses jérémiades sont incessantes. C'est insupportable. Mais en plus, David Vann, par sa plume, en profite pour la rendre incroyablement vulgaire, voulant sans doute renforcer la perception négative du personnage :
« Comment ça va ? je lui demande. — Très bien, dit-il. Tu parles très bien français. — Je n'arrive à prononcer correctement les R que si j'ai une bite dans la bouche, dis-je. Ça me permet de l'avoir bien au fond de la gorge ». Elégant…encore une petite citation dans le même style :
« Je m'assieds sur les toilettes, j'ai envie de chier mais n'y arrive pas »…
Les allusions « pipi-caca » sont très présentes et sans doute, je n'ai pas voulu creuser, cela signifie quelque chose en termes psy quant à son lien avec l'un des parents. Sans doute.

Cerise sur le gâteau, David Vann ose même l'affubler d'un problème hémorroïdaire, conséquence de la maternité nous dit-il, alors que ses enfants ont désormais 5 ans. Il lui enlève toute dignité, nous faisant spectateur d'un problème intime qui n'apporte rien à l'histoire si ce n'est de prouver combien la maternité détruit la femme, détruit son organe le plus intime, détruit donc tout désir…comment ose-t-il ? Je n'ai pas le courage de mettre les extraits tant j'ai trouvé ses propos indignes et inélégants…

Seules les descriptions sous-marines sont belles, par moment magnifiques, et nous les voyons au travers des yeux de Tracy. Comme si les profondeurs montraient ce qui est enfoui en elle, sous cette surface incroyablement rugueuse. « Sous moi se déploie un aquarium, des coraux multicolores mous ou durs, et cette impression que la lumière émane d'eux, qu'ils luisent, magiques. C'est dû à la clarté de l'eau. On ne voit pas les rais de lumière descendre à travers les particules de vase en suspension ».
On ressent bien la sensation de légèreté, d'apaisement, cette plongée en soi, ce refuge solitaire entouré de beautés marines, puis le choc de la remontée dans ce monde si dur.

Les plongées mises à part, bien décrites, cette première partie aurait pu faire l'objet d'une belle introspection poignante, intense. Nous avons là un personnage détestable, usant, vulgaire que David Van, transforme même en cafard…

La 2ème partie est son retour dans l'appartement familial dans lequel nous assistons à un huis-clos oppressant et sordide, entre elle désemparée, épuisée, et ses deux jumeaux de 5 ans. Comme si alors elle plongeait non plus dans l'immensité de l'océan, seule, mais dans un aquarium tout petit dans lequel elle mène un combat. Dans lequel elle se fait requin. Dans lequel elle est obligée de s'asséner un coup de poing dans la paume chaque jour pour s'empêcher de frapper ses enfants. de prime abord nous pensons comprendre : voilà pourquoi cette femme n'en peut plus et est aigrie. Sa fonction de maman l'a tout simplement épuisée. Mais ce serait trop facile… David Vann l'a tellement faite toxique et puérile que son rôle en tant que maman ne peut que s'avérer catastrophique. le drame solitaire vécu avec ses enfants n'est pas une cause mais bien une conséquence de ce qu'est cette femme, de ses traumatismes vécus, notamment durant sa propre enfance. Les enfants tombent facilement malades, sont souvent en crise, dans un environnement toxique.

La façon de percevoir les enfants, monstres égoïstes et violents, aux conversations « crétines et répétitives » est ainsi glaciale et ferait frémir toute femme pas encore maman…c'est extrême, péremptoire et si je peux comprendre cette perception lors de certains moments difficiles (qui n'a pas connu ça, ces moments d'abattement, d'immense fatigue face aux cris ?), je ne peux l'accepter poser ainsi comme vérité : « Une mère qui refuse d'être mère est une vraie paria. Paria, esclave, prisonnière. Qui elle est, ce qu'elle veut ou ce qu'elle pourrait être n'a aucune importance. Et les tyrans, si petits, dotés de traits de caractère qu'on n'accepterait jamais chez un ami, ni même chez un citoyen lambda : un égoïsme suprême, des exigences constantes, injustes et méchants et fous d'après les critères adultes, sans la moindre considération pour la loi. Violents, bruyants, destructeurs, incapables de raison. Leurs promesses n'ont déjà plus aucune valeur cinq minutes après les avoir prononcées, et impossible de négocier avec eux. Et la loi leur accorde tous les pouvoirs. S'ils la frappent, ça n'a pas d'importance. Libres à eux de le faire à chaque instant de la journée, chaque jour, des années durant s'ils le souhaitent. Mais si elle les frappe ne serait-ce qu'une seule fois, on parlera de crime ».

Avoir des enfants, ce serait prendre perpet' : « Ses obligations sont infinies. Attendre qu'ils s'endorment, attendre chaque soir pendant des années, et elle a encore treize ans de services devant elle. Une partie de ses obligations se mueront en peine à perpétuité. Elle sera toujours leur mère. Mais cet isolement au cachot ne durera que les cinq premières années, jusqu'à leur entrée à l'école. À ce moment-là, elle sera en liberté surveillée, un bracelet électronique à la cheville, obligée de rester dans les parages et de se présenter à horaires fixes, avec quelques heures ».

Alors oui, je le reconnais, David Vann souligne des problématiques contemporaines dans l'éducation des enfants, cette façon qu'ont les parents de vouloir aujourd'hui tout expliquer aux petits, de tout argumenter, de ne plus recourir à un peu de fermeté faisant des enfants le centre exclusif des attentions, faisant des parents des esclaves présents pour assouvir le moindre de leurs désirs, immédiatement. La faute aux parents. Non aux enfants.

Enfin je suis très surprise par la toute fin, j'ai trouvé ce dénouement final grotesque même, m'attendant à quelque chose de plus intense.

Sous couvert de nous montrer les dégâts que peut causer la famille, il me semble que David Vann a montré sa propre vision de la femme et des enfants. Et c'est effrayant. « Ce que les gens disent ou font se rapportent uniquement à leur propre vie » énonce-t-il. Cette histoire semble ne pas être celle de Tracy mais bien celle d'un homme désabusé par les femmes et la cellule familiale. Enfin, et surtout, David Vann est venu ici désacraliser ce qui a de plus précieux et important à mes yeux : les enfants. Pour toutes ces raisons, je n'ai pu apprécier ce livre et me suis sentie profondément mal à l'aise. En apnée.


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Pour la première fois depuis la naissance de ses jumeaux âgés de 5 ans, Tracy quitte la Californie pour rejoindre Komodo, en Indonésie, et les laisse seuls avec son mari Lautaro. En compagnie de sa maman, elle part retrouver son frère, Roy, qui vient de terminer sa formation d'instructeur de plongée et veut leur montrer les requins et les raies manta. Malheureusement, la semaine qui se voulait paradisiaque, loin de son quotidien harassant avec ses jumeaux qui l'accaparent et de son mariage qui bat de l'aile, sera loin d'être salutaire et reposante. Et ce, dès les retrouvailles tendues entre la soeur et le frère au cours desquelles les nombreuses rancoeurs vont refaire surface : Tracy qui reproche à son frère son divorce, leur mère qui, à ses yeux, a l'air d'avoir tous les soucis que son fils lui a procurés...

Si les magnifiques plongées au coeur de l'océan indien s'avèrent apaisantes, de par ces descriptions parfaitement décrites par David Vann, ce qui s'y passe en surface l'est beaucoup moins. En effet, malgré l'éloignement et les années d'absence, les retrouvailles entre Tracy et son frère, Roy, ne se passent pas si bien que prévu. Bien au contraire ! Tracy est, en effet, une femme en colère, rancunière, blasée, surmenée par la vie qu'elle mène (son mari ayant visiblement mieux à faire que de rester à la maison pour l'aider et s'occuper des jumeaux). Dès lors, si les premières heures s'avèrent tendues, l'affrontement ira crescendo entre Tracy et Roy... David Vann explore à nouveau un thème qui lui est cher, la famille. Cette fois, il se glisse, avec justesse, dans la peau d'une femme en plein burn-out maternel, dont la rage et la colère couvent en elle depuis trop longtemps. Ce voyage en Indonésie va, immanquablement, marquer et changer le trio familial ainsi que les relations qu'ils entretenaient. Un roman atypique, à la construction implacable, tout aussi dérangeant que suffocant parfois...
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J'ai été secouée par cette lecture tant j'ai senti son héroïne en souffrance. Cet auteur que je ne connaissais pas a réussi à donner vie aux sensations de Tracy, une mère de deux jumeaux qui est tellement à bout que, lorsqu'on la rencontre, ses pensées s'expriment par des mots qui n'arrivent pas à former des phrases. Je me suis dit que cette manie allait rapidement m'agacer, tout comme ses répliques agressives insupportent sa mère, avec qui elle vient passer des vacances auprès de son frère, moniteur de plongée à Komodo, Indonésie. Mais si elle ne peut s'empêcher de se rendre insupportable malgré les regards des autres clients, c'est qu'elle est en colère. Pas une petite colère d'enfant qui va passer, non ; une colère de femme qui prend conscience qu'elle subit sa vie sans l'appui de son mari, une femme qui est la seule du couple à se sacrifier depuis 5 longues années mais à qui on reproche tout, une femme qui encaisse les coups jusqu'à cette première semaine de vacances où la pression se relâche, où les vannes s'ouvrent, où d'un coup, plus aucun filtre ne retient le flot de ses paroles et pensées. Alors elle retrouve la force de faire de vraies phrases. Choc.


Elle transfère sa colère sur son frère, pour des raisons qu'elle nous dévoile au fil de l'eau et de leurs plongées touristiques, qui laissent à chaque fois le lecteur en apnée. D'abord pour la beauté des paysages sous-marins décrits par cette ancienne biologiste marine, qui en font une lecture d'été idéale, parfaite pour la plage : « Komodo, pareil à un coffre au trésor, des gemmes éparpillées partout » ; ensuite, pour la légère inquiétude qui s'installe du fait qu'elle et sa mère sont deux débutantes embarquées dans des plongées pour confirmés ; Egalement pour la présence de requins qui rôdent, à l'affut de la moindre blessure sanguinolente. Mais surtout, parce qu'à chaque plongée la pression s'accentue, la colère enfle envers ce frère qui ne sait pas s'occuper d'elles, et la noirceur de plus en plus profonde de ces plongées en âmes troubles devient palpable… Jusqu'au point de non-retour, quand les vacances de décompression tournent au drame. Lorsqu' on ne peut plus gérer la pression, il est temps de sortir la tête de l'eau. Mais comment faire, lorsque cette plongée métaphorique en eaux profondes révèle que des courants nous ont portés loin de là où nous pensions aller ? Lorsqu'on se débat dans l'obscurité des fonds marins, sans plus apercevoir la lumière du jour pour nous guider, sans solution apparente ?


« La vraie vie n'est qu'une question de pouvoir, jamais de justice. Mordre des nageoires, ou se faire mordre les siennes. »


Un roman tout en tension qui nous plonge au tréfonds de l'âme humaine, mais aussi au coeur d'un problème plus structurel : le modèle de famille et l'éducation des enfants. Des enfants que l'on a plus le droit de punir, de vrais dictateurs avec qui il faut négocier la moindre parcelle d'autorité, qui peuvent utiliser la violence impunément. de tels enfants peuvent-ils devenir des adultes équilibrés ? Se demande Tracy, Maman épuisée. Et qu'en est-il du rôle de ces pères, que l'on espère de plus en plus rares : absents, fuyants, utilisant la femme comme esclave au point que celle-ci, corvéable à merci, rêve chaque jour de frapper ses propres enfants et chaque nuit de tuer son mari ? « Bien plus effrayant qu'un requin, un être mû par une intention plus obscure »… David Vann joue avec nos émotions et parvient à nous placer dans les entrailles de ses personnages.


« Peut-être que la famille est un immense sac à merde qui se balance dans le vent, et qu'on s'en sert de pinata avant de reculer pour ne pas être éclaboussé quand elle éclate. »
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Impossible pour moi de rejoindre les critiques élogieuses de ce roman qui mélange plusieurs thèmes, sans les faire jamais aboutir, autour d'une femme, quadragénaire, mal dans sa vie, sa tête, son sexe, pas même capable d'apprécier quelques jours dans l'île paradisiaque de Komodo, en Indonésie, à plonger pour observer les poissons et les coraux.

Son histoire personnelle est d'une banalité totale, elle est mère de deux jumeaux qui la tyrannisent, engendrés par un mari qui la trompe probablement, soeur d'un frère auquel elle ne pardonne pas d'avoir divorcé de sa meilleure amie, fille d'une mère assez inconsciente, très énervante pour elle et pour le lecteur aussi.

Mère et fille rejoignent le fils à Komodo qui tente à la cinquantaine d'obtenir un diplôme de moniteur de plongée. La soeur agresse sans cesse le frère à propos de son divorce, la mère tente de calmer le jeu, la fille drague un jeune français sans être capable de conclure.

De conclusion, d'ailleurs, ne pas en rechercher au terme de ce livre qui se termine sur le retour de l'héroïne au bercail, à ses enfants tyranniques. D'ailleurs, à ce stade, elle cesse de raconter elle-même son histoire, laissant la parole à un narrateur inconnu qui va solder en quelques pages son existence misérable.

Il reste de belles descriptions de la faune aquatique de Komodo, une bonne scène d'action en plongée générant un certain suspense, pour le reste rien de transcendant.
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« Peut-être que la famille est un immense sac à merde qui se balance dans le vent, et qu'on s'en sert de piñata avant de reculer pour ne pas être éclaboussé quand elle éclate ».
Il parait que David Vann s'inspire de l'histoire de sa famille lorsqu'il écrit ses romans. Eh bien alors, je le plains.

La première partie de ce roman est un condensé de négativité, de plongée (sans jeu de mots) dans l'univers étouffant de l'amertume et de la jalousie.
Tracy, la narratrice, s'est octroyé juste quelques malheureux jours de vacances en compagnie de sa mère afin de rejoindre son frère Roy en Indonésie, dans ces îles paradisiaques où celui-ci fait un stage de moniteur de plongée.
« Malheureux », c'est bien le mot : « Ce voyage censé nous rapprocher tous les trois me pousse à croire qu'on ferait mieux de se noyer ».
En effet, le bonheur est loin, très loin et ce n'est pas en s'immergeant dans les couleurs éclatantes de l'univers sous-marin, avec les raies manta majestueuses, les requins tranquilles et les petits poissons magnifiques que Tracy trouvera la paix.
Confrontation avec le frère, jalousie, colère, envie de meurtre, tout cela sous les yeux de la mère impuissante. J'ai été agacée par cette noirceur continuelle, par l'agressivité de Tracy à chaque moment, même en plongée, vis-à-vis de son frère et des autres personnes. La description de l'univers sous-marin ne me passionne pas outre mesure, et j'ai compris que jamais je ne m'aventurerais dans cette exploration, rebutée en plus par tout ce vocabulaire technique propre à la plongée.

La deuxième partie nous emmène à la suite de Tracy dans son appartement à San Francisco. Elle y retrouve ses deux gamins de 5 ans et son mari égoïste et indisponible. Et c'est là que je comprends combien cette femme est malheureuse : de solitude, de fatigue. Elle est malade d'être mère et d'assumer cela toute seule. David Vann adopte résolument le ton et les pensées intimes d'une mère débordée, à la limite de l'acte ultime. L'atmosphère extrêmement oppressante est décrite à la perfection.

Bref, je quitte avec soulagement cette histoire avec quand même une petite note d'espoir pour cette femme.
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David Vann a l'art de créer le malaise dans ses romans et les histoires de famille sont le socle de son imaginaire. Les histoires de famille avec lui finissent mal en général...
Père névrosé dans Sukkwan Island, couple à la dérive dans Désolation, famille toxique dans Impurs, initiation à une chasse meurtrière dans Goat Mountain, père suicidaire dans un Poisson sur la lune...
David Vann, dans ses romans, en partie autobiographiques, revient sur son histoire familiale, sur le suicide de son père qui l'a profondément marqué.
Dans ce roman, là encore, c'est une histoire de famille, plus précisément un règlement de compte entre frère et soeur. Tracy, mère de jeunes jumeaux est train de se faire cannibaliser par ses enfants dictateurs tandis que son mari un latino beau gosse et coureur de jupons ne lui est d'aucun recours. Elle pense qu'une petite semaine de vacances avec sa mère, en Indonésie, dans un centre de plongée lui fera le plus grand bien pour décompresser. Elle doit y retrouver son frère Roy, qu elle n'a pas vu depuis longtemps. Celui-ci fait un stage pour obtenir son diplôme de plongée. Mais ce voyage sera
loin d'être salutaire pour Tracy, de vieilles rancoeurs remontent à la surface au contact de son frère à qui elle reproche vivement son divorce et d'avoir été un piètre mari. Elle lui en veut d'avoir sabordé un mariage parfait selon elle, alors qu'elle se débat dans les ruines du sien.
La semaine de plongée se transforme vite en bataille rangée entre frère et soeur, sur le bateau et dans les immensités sous marines. La deuxième spécificité de David Vann c'est son amour de la nature qui est omniprésente dans ses romans . La, en particulier, nous assistons à de magnifiques descriptions de la faune sous marine, raies, requins... dans des paysages grandioses, un rien inquiétant parfois.
Avec les profondeurs marines, les courants traitres, les requins qui viennent vous frôler, la tension monte d'un cran et cela va être le lieu des affrontements de Tracy et Roy jusqu'à un point de non retour. Laissant le lecteur comme les plongeurs, suffocant, en tachycardie, exsangue, sursautant à l idée qu 'un requin pointe son nez.
A travers le personnage de Tracy, l' auteur souligne la difficulté d' être mère et de garder sa personnalité, son travail, de ne pas être réduite qu'à des tâches ménagères rebutantes ,car on voit que Tracy s'enfonce dans une spirale dont elle ne voit pas le fond et elle perd pied, sans aide ni compréhension ni paroles de réconfort de la part de ses proches . Un travail extérieur aurait été une soupape de décompression, un moyen d'exister autrement qu' en temps que mère.
J' ai beaucoup aimé ce dernier roman de David Vann, fidèle à ses thèmes de prédilection, les problèmes familiaux et une belle et âpre nature.
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Elle n'est vraiment pas sympathique, cette narratrice de Komodo.
Elle s'appelle Tracy, est dotée de deux jumeaux de 5 ans qu'elle a lâchement abandonné à son mari aux Etats-Unis pour un voyage en Indonésie, près de l'île de Komodo. Elle a été invitée par son frère Roy, apprenti accompagnateur de plongée, et accompagnée de leur mère.

Dès son arrivée sur l'île où les attend Roy, alors qu'il faut aux deux femmes descendre du bateau et patauger un peu dans l'eau parce que le quai est trop haut, elle s'agace et constate avec plaisir que son frère a pris du ventre. Pour le saluer, ces premiers mots sont affables :
- « Tu as l'air en forme, évidemment, dis-je. En vacances toute l'année, sans jamais rien à faire. »
Le ton est donné.

Tracy et sa mère vont découvrir la hutte où elles vont séjourner, les repas faits de « boeuf baignant dans une sauce au piment rouge », du « chou bouilli mélangé à quelques rondelles de carottes » et un « immense plateau de tempeh servi nature. » Et Roy, en tant que stagiaire apprenti accompagnateur de Scuba Junkies, n'est pas autorisé à manger tant que les invités n'ont pas terminé leur repas.

Entre le frère et la soeur, le ton est amène. Il faut dire que Roy a divorcé d'une femme que Tracy juge charmante, sans raison apparente si ce n'est reprendre sa liberté.
Et Tracy lui en veut. En fait, elle en veut à la terre entière.
A sa mère, qui, après s'être beaucoup disputée avec son fils, semble chercher la réconciliation. A son père, qui s'est suicidé alors qu'elle était plus jeune. A son mari argentin qui semble la laisser se débrouiller avec des jumeaux insupportables. Bref, à tout le monde.

Et pourtant Tracy est censée venir à Komodo pour se détendre. Il y a un programme de plongée magnifique en perspective.
Et c'est vrai que la description des fonds sous-marins indonésiens est superbe. Mais on comprend vite qu'un drame ne va pas tarder à se nouer. On ne sait juste pas de quel côté il va surgir.
« Chaque plongée est la plus belle chose que j'aie jamais vue de ma vie. Si étrange. On comprend pourquoi les instructeurs sont prêts à gâcher leur vie, loin de tout, notamment des réussites sociales. Peut-être que les poissons leur suffisent » dit Tracy.
Dans ce cadre paradisiaque, la tension familiale est à son comble. Tracy, rongée par la colère, a des envies de meurtre, et on se demande quel monstre va surgir des profondeurs.

« Komodo » est un livre très agaçant. Jusqu'à la dernière partie, où Tracy se retrouve du jour au lendemain rapatriée aux Etats-Unis, et où elle retrouve une situation des plus irritantes avec deux petits monstres de cinq ans tyrannisant leur Maman : très déplaisant.
Une pirouette finale va sortir Tracy D une situation insupportable. Mais personnellement je n'y ai pas cru une minute.
Bref, un livre qui m'a laissé un profond sentiment de malaise. « Portrait trouble d'une femme en apnée » dit la dernière de couverture. Trouble, sans aucun doute.

Personnellement je préfère nettement les petits poissons colorés de Komodo à la vase dans laquelle Tracy s'est envasée – dommage.
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Il y a toujours une tension sous-jacent dans les romans de David Vann. Bon, dans celui-ci il s'est un peu assagit le Monsieur peut-être parce que le narrateur est une femme qui, d'ailleurs, est la seule à ne pas avoir de prénom, seulement cantonnée à ce rôle de mère de jumeaux où elle se voit esclave avec un mari qui ne se préoccupe que de son physique. Enfin, elle quitte la Californie pour une semaine en Indonésie avec sa mère et son frère. Pas bon de les côtoyer et d'entendre les règlements de comptes familiaux. Des passages vulgaires drôles. Une semaine de plongée à voir de magnifiques poissons sous-marins. On sent que l'auteur connaît bien son sujet. Sur le côté sombre du quotidien d'une mère de famille.
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