Grand lecteur de
Vargas Llosa et connaisseur du Pérou, je ne peux qu'être très déçu par ce livre. En dépit du fait que la lecture de ce texte demeure facile, on ne peut que ressentir un profond agacement, voir une grande colère au fil des pages.
En premier lieu, le mépris de classe décomplexé de
Vargas Llosa (déjà perceptible dans "
Qui a tué Palomino Molero?", "
Lituma dans les Andes", "Tour et Détour de la vilaine fille", "
Le héros discret"), est à déplorer. On est fatigué à lecture des descriptions des penthouses liméniens de l'autosatisfaction à peine dissimulée de l'auteur de décrire le "bon goût" de ceux de son monde, et de noter, à l'inverse, cette propension assez grossière de caricaturer les classes populaires en les rendant crasses, idiotes et dangereuses. La description de Lima se réduit à une opposition assez grotesque des quartiers riches aux quartiers pauvres, entre lesquels, semble-t-il, les 6 millions d'habitants (dans les années 1990) ont disparu.
En second lieu, on est également fatigué de constater à de très nombreuses reprises des anachronismes. le récit se déroule entre le début et le milieu des années 1990 (les guérillas sont encore actives) et pourtant,
Vargas Llosa fait référence à des envois de mails, à des téléphones portables, emploie le terme "fake news", sans parler de la référence à la compagnie LAN Pérou qui n'est entrée en activité qu'à la fin des années 1990. Tous ces éléments sont la preuve, semble-t-il, d'un manque de travail de documentation et, in fine, d'une paresse (assumée?) de
Vargas Llosa dans la préparation de son livre. Cela va de pair, de mon point de vue, avec cette vision caricaturale et fantasmée de la vie liménienne à travers laquelle le bourgeois
Vargas Llosa se contente d'exprimer un point de vue très cliché, et peu importe du reste. On est donc loin de la complexité des descriptions sociales faites par exemple dans "
La Ville et les chiens", qui restera son chef-d'oeuvre. Mais
Vargas Llosa était à l'époque, encore un écrivain.
C'est là qu'il faut en effet en venir:
Vargas Llosa ne fait plus de littérature, il "donne à voir" sa représentation (idiote) du monde comme le ferait le premier quidam venu en étant accoudé au bar du café situé en bas de chez lui. Sauf que le quidam n'a pas le privilège d'être publié chez Gallimard.
Vargas Llosa, qui assume depuis longtemps des positions polémiques sur la politique et les rapports ethnico-sociaux au Pérou, distille dans ce livre un point de vue méprisant sur son pays d'origine, lui qui assume son gout du luxe et son choix de revendiquer publiquement sa nationalité espagnole comme une manière de s'être tirer d'affaire de l'enfer péruvien.
On ressort ainsi de la lecture des "5 rues" avec le sentiment d'avoir entendu déblatérer pendant des heures un bourgeois assumé pétri de croyances absurdes ne faisant plus le moindre effort pour rendre son récit crédible et intelligent. le tout est saupoudré de descriptions se voulant érotiques mais qui sont loin de conduire à l'excitation réel du lecteur en demeurant surtout l'expression de fantasmes grossiers et peu originaux. Sur ce dernier point, et alors que tout le récit des "5 rues" tourne autour du (supposé) voyeurisme exacerbé de la société péruvienne, on pourra dire que
Vargas Llosa été fidèle à la réalité...