AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,74

sur 202 notes
Aujourd'hui je vais évoquer Temps sauvages le nouveau roman du péruvien Mario Vargas Llosa. L'écrivain prix Nobel de littérature a une oeuvre imposante parmi laquelle il faut citer La ville et les chiens, Lituma dans les Andes et La fête au Bouc qui n'est pas sans lien avec son nouvel opus.
Temps sauvages débute ainsi : « inconnus du grand public et, par ailleurs, peu présents dans les livres d'histoire, les deux hommes qui ont eu probablement le plus d'influence sur le destin du Guatemala et, d'une certaine façon, sur celui de toute l'Amérique centrale au XXe siècle furent Edward L. Bernays et Sam Zemurray, deux personnages qui ne pouvaient être plus différents de par leur origine, leur personnalité et leur vocation. » le roman raconte plusieurs décennies de l'histoire guatémaltèque récente. Même si la narration n'est pas linéaire, avec au début l'alternance de chapitres longs et brefs, cette épopée commence dans les années 1950. Les protagonistes du roman sont pour la plupart inspirés de personnages réels et le romancier s'est appuyé sur des documents déclassifiés aux Etats-Unis pour raconter cette histoire trouble et violente. le coeur du roman se situe en pleine période de la guerre froide, l'Amérique latine est le terrain de jeu des USA qui redoutent toute infiltration communiste sur ces terres. Une entreprise est centrale dans ces épisodes pour son influence notamment au Guatemala. Il s'agit de United Fruit une multinationale qui occupe les terres agricoles sans contrepartie et développe la culture et l'exportation de la banane. Parmi les responsables de cette société, des communicants hors-pair contribuent à la création d'un marché lucratif. Échappant à tout impôt, se considérant à l'abri de toute contribution, United Fruit voit rouge lorsque le gouvernement guatémaltèque envisage de mettre fin à cette situation. Mal lui en prend car face à ce prétexte fallacieux le grand frère américain qui se considère chez lui sur place va renverser le président insolent. C'est le début d'une longue période d'instabilité politique et de trouble social. Temps sauvages montre le rôle de la CIA qui fomente et dirige dans l'ombre des coups d'état et manipule les présidents et les militaires. le leitmotiv américain est d'éviter à tout prix toute contagion communiste et pour cela la propagande de fausse nouvelles fait partie de l'arsenal déployé. Alors que le président en poste est admiratif du libéralisme yankee il est accusé de thèses communistes. Pour garantir leurs intérêts les USA n'hésitent pas à propager des mensonges et à assister militairement (avec l'appui du Salvador et de la République dominicaine également vassaux des Etats-Unis) pour imposer leur vision de la société centre-américaine. Mario Vargas Llosa met en lumière l'histoire peu connue du Guatemala et documente le comportement et l'influence des Etats-Unis dans les complots, rébellions, condamnations et mises à l'écart. Les personnages sont souvent interlopes et peu fréquentables. Parmi la clique de malfrats et de filous figure le dictateur dominicain Trujillo déjà croisé dans La fête au bouc dont il était le héros ridicule mais menaçant.
Temps sauvages est un roman picaresque passionnant. le petit pays qu'est le Guatemala est montré sous un jour différent, au coeur des ambitions supposées des ennemis de la guerre froide. le style flamboyant de l'auteur et le rythme trépidant de la narration sont motivants pour s'attacher à ces nombreux personnages dont la plupart sont inconnus du lecteur européen.
Voilà, je vous ai donc parlé de Temps sauvages de Mario Vargas Llosa paru aux éditions Gallimard.

Lien : http://culture-tout-azimut.o..
Commenter  J’apprécie          40
Ce qui est gênant pour un lecteur européen non hispanisant quand il lit un livre d'un sud-américain, ce sont les noms à rallonge (s) : un coup, on a le nom entier en trois parties, puis juste le prénom, juste le prénom et un tiers variable du nom, juste les deux parties du nom sans le prénom, c'est juste épuisant (la répétition de mes "juste" est volontaire).
Corollaire : on met parfois trois pages (et elles sont compactes !) à savoir de quel personnage il est question.

Parlant des pages, le papier est très agréable, très doux au toucher, tellement fin qu'on voit bien qu'il y a du texte à la page suivante (ceci est un message pour les gens de chez Gallimard).

Quant au fond, je pense qu'on pourrait situer ce livre dans n'importe quel pays des Amériques (sud et/ou centrale), on aurait le même catastrophique interventionnisme étasunien. Vous pouvez allègrement remplacer "catastrophique" par "ridicule".

Bref, c'est gentil de nous rappeler que le Guatemala existe.
Commenter  J’apprécie          20
On espére toujours d'un grand romancier qu'on a beaucoup aimé , d'un écrivain engagé contre le totalitarisme , sanctifié par le prix Nobel en 2010
Peut être qu'après 80 ans ( il est né en 1936) il vaut mieux ne plus rien écrire ( pouvez vous me donner le nom d'oeuvres inoubliables écrites par des octogénaires ?)
Après un très décevant Aux Cinq Rues , je m'attendais à un remake de la fête au bouc ( version guatémaltèque)
A l'arrivée une curieuse narration , hachée, pleine d'impasses ou de trous comme le gruyère, de l'histoire de la disparition de la démocratie aidée par la CIA pour favoriser l'United Fruit Company( la célèbre banane CHIQUITA)
Commenter  J’apprécie          20
En 1988 Vargas Llosa écrivait « L'éloge de la marâtre », dans « Temps sauvages » il s'agit du procès de la marâtre, celle-ci étant en l'occurrence la CIA et plus largement les USA.

Dans les années de guerre froide les Etats Unis étaient chatouilleux pour tout ce qui concernait l'Amérique du sud, et se considéraient comme la mère adoptive de tous les pays de la zone. Ils devaient protéger ces malheureux contre la progression du communisme quitte, au besoin, à inventer un péril rouge.
C'est ce qui arrive au Guatemala qui a l'outrecuidance de vouloir faire payer des impôts à la compagnie United Fruit qui exploite sans vergogne le marché de la banane en Amérique du Sud.
Un lobbyiste de la compagnie va alerter les autorités US en qualifiant une réforme agraire et fiscale d'invasion communiste, il n'en faudra pas plus pour que la mécanique de désinformation s'enclenche et que les forces obscures de la CIA décident de renverser un gouvernement démocratique.

C'est le récit de ce coup d'état que nous raconte Vargas Llosa dans une tragi-comédie savoureuse car les complotistes sont une bande de grotesques qui se prennent les pieds dans tous les tapis, ce serait seulement drôle s'ils n'étaient pas sanguinaires et prêts à tous les coups tordus.
Comme à son habitude la CIA accumule les maladresses et les mauvais choix mais avec des montagnes dollars et l'aide des dictatures voisines l'affaire ne pouvait que réussir.

On voit que bien avant l'Irak et ses armes de destruction massives les USA savaient orchestrer grossièrement la manipulation de l'opinion sous l'influence des industriels, qu'ils n'hésitaient pas à déclencher émeutes et guerres sans savoir quoi faire ensuite. Rien de nouveau sous le soleil.
La démonstration de Vargas Llosa est que les agissements américains ont provoqués un rejet des US et envoyés des pays tel Cuba, dans les bras de l'URSS. Après l'Irak et l'Afghanistan il ne serait pas difficile de transposer cet effet de nos jours avec la Chine par exemple.

« Temps sauvage » n'est sans doute pas un sommet dans l'oeuvre de Vargas Llosa mais se lit avec plaisir. En s'attachant aux pas de Marta Borrero Parra jeune femme qui n'a froid aux yeux ni aux fesses Vargas Llosa relie les acteurs principaux de la tragédie qui finiront tous tristement,
L'action et la chronologie déstructurées relancent l'attention du lecteur qui doit assembler les morceaux et reconstituer la machination.
Commenter  J’apprécie          70
Passionnant
Mario Vargas-Llosa nous livre un « roman » palpitant. Il est fondé sur une connaissance solide du Guatemala des années cinquante, de ses initiatives démocratiques, des tentatives de déstabilisation et de manipulation dont il a fait l'objet, des conspirations et des coups d'état qui ont ponctué son histoire.
Vargas-Llosa entame sa galerie de portraits par un spécialiste des relations publiques nommé Edward Bernays, par ailleurs neveu de Sigmund Freud. Bernays est à l'origine d'une efficace campagne d'intoxication des médias américains, visant cyniquement à faire passer le président du Guatemala Jacobo Arbenz – démocratiquement élu en 1951 - comme un dangereux communiste inféodé à Moscou. L'opération est commanditée par la firme United Fruit dont la prospérité est liée à la corruption systémique des dictateurs des « républiques bananières » d'Amérique centrale. Elle est appuyée par la CIA et va entrainer une invasion, la démission d'Arbenz et la prise du pouvoir par un militaire qui sera lui-même assassiné trois ans plus tard. le crime d'Arbenz ? Une réforme agraire et des mesures fiscales lésant les intérêts de United Fruit – dont Allen Dulles, directeur de la CIA et son frère John Foster Dulles, secrétaire d'État, sont administrateurs.
Par la suite, de coups d'État en juntes militaires, de guerres civiles en massacres, le Guatemala connaitra plusieurs décennies d'instabilité et de violence avant de revenir à la démocratie.
Au fil d'une narration non linéaire, Vargas-Llosa s'attache à la trajectoire d'un certain nombre de personnages plus ou moins sympathiques : Arbenz lui-même, le colonel Castillo Armas son triste et fruste successeur, Martita la jeune et ravissante maîtresse de ce dernier, le brutal ambassadeur John Peurifoy, l'impitoyable Raphaël Trujillo, "président" de la République Dominicaine, Johnny Abbes Garcia son homme de main, le lieutenant-colonel comploteur Enrique Trinidad et quelques autres. La plupart d'entre eux connaitront une fin tragique, à la hauteur de leurs méfaits.
Curieusement, la plume de Vargas-Llosa ne rend pas antipathiques les protagonistes de son récit. Il semble faire sien ce propos de Gandhi : « chacun a raison de son propre point de vue, mais il n'est pas impossible que tout le monde ait tort ». Son style n'est pas dénué d'humour et la construction non chronologique, parfois déroutante, de son roman s'apparente à un habile montage cinématographique. Par ailleurs Vargas-Llosa domine son sujet et nous fait ainsi penser à Eric Ambler, ce qui n'est pas un mince compliment.
La froide conclusion est d'une grande sévérité pour la politique des Etats-Unis en Amérique centrale, jugée finalement néfaste et contre-productive. Selon Vargas-Llosa, le « triomphe » qu'ils obtinrent au Guatemala « provoqua une recrudescence de l'antiaméricanisme en Amérique latine et renforça les partis marxistes, trotskystes et fidélistes ». À la réflexion, la pertinence de l'analyse n'est-elle pas confortée par les récentes débâcles irakiennes et afghanes auxquelles ont conduit les errements de la politique étrangère des USA ?
Commenter  J’apprécie          40
« Cette nuit-là, dans sa maison de Pomona, le président Arbenz dit à sa femme, Maria Vilanova :
- Les Etats-Unis nous ont envoyé un chimpanzé comme ambassadeur.
- Et pourquoi pas ? rétorqua-t-elle. Ne sommes-nous pas pour les gringos une sorte de zoo? » (Mario Vargas Llosa, Temps sauvages, Gallimard, 2021, p.252)
Tout le monde se souvient de Salvador Allende et de l'odieux coup d'Etat de Pinochet, mais qui garde mémoire de Jacobo Àrdenz et de la manière dont les Etats-Unis s'en débarrassèrent une vingtaine d'années auparavant au Guatemala ? Comme une répétition de tous les mauvais coups qu'ils allaient se permettre pendant des décennies dans ce sous-continent qu'ils considéraient comme leur chasse gardée ?
Et si les événements des soixante-dix dernières années en Amérique latine trouvaient pour beaucoup leur origine dans une énorme « fake news » (à l'époque, évidemment, on n'aurait pas utilisé ces termes, on aurait simplement parlé d'un mensonge de propagande), la prétendue adhésion au communisme du gouvernement de Jacobo Àrbenz, arrivé légitimement au pouvoir au début des années cinquante au Guatemala, et sa non moins supposée allégeance à l'Union soviétique ? Si la montée en puissance des dictatures militaires dans les années soixante, l'extension des mouvements de guérillas ou des groupuscules paramilitaires, dont certains survivent encore aujourd'hui, la dérive de la Cuba castriste vers un régime autoritaire, les guerres civiles au Nicaragua ou au Salvador, et même simplement, débordant la seule sphère des combats politiques, la violence exacerbée, le règne de la loi de la jungle, qui semblent être encore l'apanage de tout le continent, d'Ushuaïa à Tijuana, si nombre de ces évolutions avaient été inaugurées par cette première grosse démonstration d'ingérence ? C'est un peu la morale que Mario Vargas Llosa tire à la fin du formidable récit qu'il fait, dans ce dernier roman, de ces événements du Guatemala, et de la rencontre qu'il relate, dans les dernières pages, avec l'une de leurs protagonistes, Marta Borrero Parra, « Miss Guatemala » (un surnom plus qu'un titre réel)+… Au début du texte, l'écrivain péruvien montre comment Edward L. Bernays, l'auteur de Propaganda, un manuel de manipulation en matière de communication encore utilisé aujourd'hui dans les meilleures écoles de publicité, se met au service de la United Fruit - géant américain de la production et du commerce des fruits (en particulier la banane, objet, alors, d'un nouvel engouement mondial !), exploitant les paysans dans toute l'Amérique latine, sans pour autant payer d'impôts (tiens, tiens, ça ne vous évoque rien aujourd'hui ?) dans les pays où l'entreprise est installée – pour trouver une parade aux projets politiques qui la menacent, en particulier la réforme agraire annoncée par le nouveau président guatémaltèque, Jacobo Àrbenz. Bernays, pour l'intelligence machiavélique
duquel Vargas Llosa cultive une certaine admiration , réussit à imposer au gouvernement des Etats-Unis et, surtout, aux principaux titres de la presse américaine, la fiction d'un gouvernement guatémaltèque poste avancé de l'Union soviétique en Amérique centrale, l'imaginaire adhésion d'Àrbenz et de son équipe aux idées communistes, quand le nouveau président était essentiellement un démocrate libéral séduit par un socialisme modéré, davantage soucieux du bien-être de son peuple, et, en particulier, de la communauté indienne, que ces prédécesseurs. L'opération de déstabilisation, ourdie conjointement par le gouvernement américain, la CIA, les nervis de la United Fruit, et leurs hommes de paille dans l'armée guatémaltèque, se met dès lors en branle. Tout l'art de Mario Vargas Llosa, conteur roué à la langue souvent truculente, consiste à transformer cette tranche d'histoire en un véritable thriller politique, dont les héros, humains trop humains, sont souvent, derrière les positions honorables et les habits officiels, de pauvres hères… Ces Temps sauvages, c'est un peu l'Arturo Ui de Brecht, rejoué dans le kitsch baroque d'une capitale coloniale ! le général putschiste Carlos Castillo Armas (dit « Caca »…), Johnny Abbes Garcia, le chef de sécurité, l'homme de tous les coups bas, l'ambassadeur américain Peurifoy, cheville ouvrière de l'opération (surnommé le boucher d'Athènes pour le rôle qu'il venait de jouer dans la prise du pouvoir par les Colonels en Grèce), brute sans âme ni conscience, sont quelques-uns des protagonistes un peu minables d'un drame dont les ressorts sont parfois moins politiques qu'émotionnels, affaires de désir, de jalousie ou de rancoeur. Trujillo, dictateur sanguinaire de Saint-Domingue et inoubliable personnage principal d'un précédent roman de Vargas Llosa, revient également ici pour jouer sa partition personnelle, compliquer un peu plus la manoeuvre américaine. Seuls Jacobo Àrbenz, sa femme Maria Vilanova, et son prédécesseur à la présidence, Juan José Arevalo, semblent montrer un semblant d'intégrité, de décence et de sagesse (ou de naïveté ?) politique au milieu de ce panier de crabes… mais ce ne sont pas les plus choyés par l'auteur, qui dévoile depuis longtemps un goût certain pour les génies du Mal (Ah, ce Celte, aussi, d'un roman précédent, quel bon souvenir !), et le fait amplement partager au lecteur. Et puis, comme une sorcière agissant entre l'ombre et la lumière, tout au long du roman, usant de ses charmes autant que de sa vivacité d'esprit, la belle Marta, « Martita », amante tour à tour des uns et des autres, mène la danse, égérie tirant souvent les pires des ficelles, ...mais l'auteur n'est pas le dernier qu'elle séduit, cet écrivain qui a toujours su magnifier l'amour, dans tous ses états ! Oui, tout cela, c'est vrai, ressemble à une farce… Mais quand c'est juste pour le génial Vargas Llosa, comme ça l'était pour Shakespeare en son temps, la meilleure manière de rendre à L Histoire tout son sens, alors n'en boudons ni la leçon, ni notre immense plaisir de lecture !
Commenter  J’apprécie          161




Lecteurs (458) Voir plus



Quiz Voir plus

Les classiques de la littérature sud-américaine

Quel est l'écrivain colombien associé au "réalisme magique"

Gabriel Garcia Marquez
Luis Sepulveda
Alvaro Mutis
Santiago Gamboa

10 questions
377 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature sud-américaine , latino-américain , amérique du sudCréer un quiz sur ce livre

{* *}