De
Boris Vian, j'avais lu "
L'écume des jours" et je gardais un très bon souvenir de cette lecture et de l'univers développé par l'auteur.
Si vous vous attendez à retrouver cet univers, ce n'est pas la peine d'y compter, car l'auteur livre ici un récit violent, choquant, perturbant, en somme, qui ne laisse pas indifférent le lecteur.
Ouvrage publié en 1946 sous le pseudonyme de
Vernon Sullivan, il fut très vite interdit et son auteur condamné pour outrage aux bonnes moeurs.
En effet,
Boris Vian y aborde, sous couvert de se faire passer pour le traducteur de
Vernon Sullivan, le racisme dans le sud des Etats-Unis et les difficultés rencontrées par les Noirs américains à travers le personnage de Lee Anderson.
Ce personnage cache un secret, c'est un nègre blanc, mais surtout il crache par écrit sa haine et son désir de vengeance, comme le titre du livre le laisse entendre, de son petit frère lynché pour avoir aimé une femme blanche.
Il rencontre Jean et Lou Asquith au cours d'une soirée finissant, comme toutes les autres, en beuverie et en orgie et n'a plus qu'une idée en tête, "l'idée de démolir ces deux filles".
Et il ne s'en cache pas, elles seront son coup d'essai, avant de viser plus gros, jusqu'à pouvoir vivre tranquille.
Ce livre va au-delà de la parodie du roman/polar noir américain en vogue à l'époque de la parution du livre.
J'ai été troublée par l'écriture, la violence des mots et le côté cru.
Tout est dit, Lee Anderson fait part au lecteur de ses moindres pensées, il ne cache rien, ni de ses intentions ni de son mode de vie.
Il y a de nombreuses scènes de sexe, c'est clairement de la pornographie, mais le passage qui m'a mis le plus mal à l'aise est celui ayant trait à de la pédophilie et où Lee Anderson conclut par "elle était brûlante comme l'enfer" après avoir pénétré une fillette.
Mais en creusant bien derrière tout cela, j'ai fini par retrouver le style de
Boris Vian.
Au-delà des mots et de l'histoire, il faut aussi y voir une dénonciation du racisme qui sévissait aux Etats-Unis à cette époque-là.
A propos de l'enfer, il y est aussi question de Dieu et de la religion, à travers le personnage de Tom, le frère de Lee, qui est d'ailleurs son antithèse.
Souvent, il essaie de ramener son frère sur le droit chemin, sans jamais y parvenir, car pour Lee "Dieu s'en fiche bien".
Et malgré cette écriture crue, la fin de l'histoire est en partie morale.
Lee, après s'être laissé emporté par son désir de meurtre, meurt.
Le méchant est puni et les innocents sont vengés, mais le racisme est toujours sous-jacent : "Ceux du village le pendirent tout de même parce que c'était un nègre".
Boris Vian continue avec une dernière pirouette finale, afin de graver une certaine ironie : "Sous son pantalon, son bas-ventre faisait encore une bosse dérisoire".
Ce livre m'a mise mal à l'aise, mais d'un autre côté j'ai été prise par l'histoire, par le style narratif et je n'ai pas pu le refermer avant de l'avoir fini.
Il y avait aussi une partie de curiosité pour voir jusqu'où l'auteur oserait aller.
Finalement, il n'y a pas de limite à ce livre, et c'est sans doute l'un des messages qu'a voulu faire passer
Boris Vian : voici ce que peut être une interprétation de la liberté.
Ce fut une lecture déroutante mais intéressante, qui m'a démontré toute l'étendue du talent de cet auteur.
Ce livre a été lu dans le cadre du challenge ABC critiques 2011/2012 - Lettre V ainsi que dans le cadre du club de lecture Babelio décembre 2011.
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