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2,65

sur 40 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  

Je tiens tout d'abord à remercier les Éditions du sous-sol et Babelio pour l'envoi de cet ouvrage dans le cadre d'une opération masse critique privilégiée.

L'auteur, Manuel Vilas, qui avec son "Ordesa" avait remporté en 2018 le Prix Femina étranger, tombe avec ce roman à nouveau dans les prix : notamment le "Premio Nadal de Novela" 2023 ou le plus ancien prix littéraire espagnol, pour la première fois décerné en 1944 à Carmen Laforet pour son magnifique roman "Nada".

À mon avis, ce prix est bien mérité pour la beauté de la langue et du style, mais l'histoire elle-même m'a dans le fond déçu.

En effet, la langue de Manuel Vilas est riche et précise, tout en étant fort poétique et l'auteur a, en plus, le don de saisir une réalité complexe par une formulation succincte qui fait penser à la maestria d'un Oscar Wilde dans cet art spécifique. Une caractéristique littéraire qui permet de distiller de jolies citations. Telle celle que j'ai envoyée à notre site de lecteurs hier à propos de l'amour qui "rend la laideur et la méchanceté du monde invisibles".

La version française a, en outre, bénéficié de l'élégante traduction par Isabelle Gugnon, la grande spécialiste de la littérature argentine.

Le thème central du livre est le deuil et la solitude qui suivent le décès de l'être adoré et comment reprendre goût à la vie.

Ainsi, Irene, l'héroïne du récit, perd au bout de vingt ans d'une relation très heureuse son époux bien-aimé, Marcelo ou Marce, au cancer. Arrivée à la cinquantaine, cette perte la laisse, bien entendu, totalement désemparé.
Dans son désarroi, elle vend son bel appartement au centre de Madrid, liquide le florissant commerce de meubles de son mari et, à la tête d'une solide fortune, part à Malaga, où elle loue une super BMW 840 décapotable pour faire le tour de la Méditerranée.

À Malaga, Irene a une brève relation sexuelle avec le beau Julio, rencontré par hasard, et c'est à partir de ses considérations à la suite de cette courte affaire et surtout sa comparaison entre ses sentiments pour cet homme et le grand amour pour feu Marcelo que l'histoire a commencé à me paraître moins convaincante et donc à me décevoir.

Il se trouve qu'en avril 2003, j'ai vécu un drame similaire avec la mort de mon épouse d'un cancer du sang à l'âge de 46 ans, et que mon expérience personnelle a probablement influencé négativement mon jugement du roman.

Les multiples renvois littéraires et poétiques donnent à ce livre cependant un charme particulier et certain.
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"Femme fatale" chantait Nico.
Irène, la cinquantaine conquérante, vient de perdre son époux Marcelo des suites d'une longue maladie. Persuadée de le revoir au moment d'atteindre l'orgasme ( ! ), elle multiplie les liaisons dans des hôtels luxueux au gré d'une virée le long de la Méditerranée, de l'Espagne à l'Italie. Et tous, amants et amantes, succombent aussitôt à sa beauté et tombent fébrilement amoureux. Mais elle n'en a cure, et entre deux rencontres, elle se remémore l'amour exclusif et fusionnel qui la liait à Marcelo. Toutefois, quelque chose finit par clocher dans ses souvenirs excessifs.

Histoire tordue, amour vicié, c'est un roman qui met mal à l'aise. Dès le début, j'ai détesté Irène, cette femme exigeante, sûre de son pouvoir de séduction, férue de poésie, et usant de ses parfums comme de poisons pour ensorceler ses proies. J'ai détesté son goût ostentatoire du luxe, son mépris arrogant du commun, et sa conviction d'avoir vécu un amour unique au monde. D'ailleurs, sa description de cet amour outrancier fait plutôt froid dans le dos, dès lors qu'elle y intègre des éléments très dérangeants qui le font glisser peu à peu dans le sordide ; au point que j'ai songé à abandonner ma lecture -mais bien m'en a pris de la poursuivre, car la fin éclaire admirablement cette étrange histoire.
J'ai également été bousculée par le style de Manuel Vilas, très racé, passant avec une confusion maîtrisée du "je" au "elle". Cette écriture nécessite une attention accrue, mais l'exercice finit par devenir agréable. En outre, le récit est impeccablement structuré.

C'est donc un roman perturbant, tant dans la forme que sur le fond, imprégné de folie contrôlée, et qui ne peut laisser indifférent.
Un grand merci à Babelio et aux Editions du sous-sol pour son envoi.
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Irene, qui formait avec son mari Marce un couple inséparable depuis une vingtaine d'années, vient de le perdre et traverse une intense période de deuil. Elle vend ses biens immobiliers, ainsi que le magasin de meubles de son époux et dotée ainsi d'une importante somme d'argent, elle quitte, désoeuvrée, le centre ville de Madrid, loue une luxueuse voiture et entreprend un voyage sur la côte méditerranéenne, en faisant des étapes dans des paradors et des hôtels prestigieux.
Lors de ces séjours, elle se met en quête d'hommes et de femmes à qui elle propose des rapports sexuels dont l'aboutissement lui permet d'entrer en communion avec son défunt mari, visualisé subrepticement en haut d'un escalier avant de disparaître dans les flammes. Elle lui offre ses amants sur l'échafaud de son corps afin qu'il lui rende visite.
Irene fait des retours sur sa vie avec Marce. Elle se souvient qu'ils entretenaient une relation totalement fusionnelle et exclusive, ne vivant que l'un pour l'autre, et excluant tout contact familial ou social. Ils se vouaient une passion réciproque hors norme et n'envisageaient pas d'avoir des enfants.
Elle admet qu'elle s'aimait à travers Marce, au point que cela pouvait se retourner contre elle.
Elle poursuit des réflexions sur le temps, sur le passé, est obnubilée par les montres, les montres hors de prix qu'elle porte et celles, moins onéreuses, de ses amants.
Elle dit révérer les morts, non pour eux-mêmes, mais pour elle, pour la part d'identité qu'ils contiennent.
Le passé est le temps de l'invention et Irene reconnait qu'elle s'invente un passé, qu'elle se construit une vie mentale parallèle qui n'est pas réelle. "Irene et la réalité".
Petit à petit le monde d'Irene s'effrite, des indices sont glissés çà et là, des failles surgissent dans le récit, et sa déambulation prend des allures de thriller.
Que cache cette poursuite effrénée ? Quels sont les secrets d'Irene ? Sur quoi repose le délire cosmique qui s'empare d'elle face à la Méditerranée ?
Comment expliquer cet amour éperdu et une telle déconnexion, aux autres, à la civilisation qui est perçue comme une chimère ?
Livre étrange, savamment construit, Irene laisse une sensation de malaise, à la hauteur de celui de son héroïne. Manuel Vilas a voulu y mettre beaucoup de choses, peut-être trop. Il me faudra un peu de temps pour savoir si je lui donne quatre étoiles.
Je n'ai pas retrouvé la vive émotion qui m'avait serré le coeur à la lecture de ses deux autofictions, Ordesa et Alegria, mélanges d'humanité, d'honnêteté et d'humour. Ici, plus de distance, de construction intellectuelle et de désarroi.
Je remercie vivement Babelio et les Editions du sous-sol pour cette masse critique privilégiée.


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De Manuel Vilas, qui m'avait impressionné avec « Ordesa », je pressentais que cet « Irene », qui m'a été proposé dans le cadre d'une Masse Critique, ne serait pas non plus ordinaire. Et, malgré des difficultés de lecture indéniables, je ne peux que reconnaître une fois encore son grand talent.

Un roman qui tourne autour d'un sonnet de Francisco de Quevedo, « Amor constante más allá de la muerte » (Constance de l'amour au-delà de la mort), voilà qui n'est pas banal… Ce poème, dont la traduction de Claude Esteban est incluse en intégralité, est particulièrement difficile à cerner du fait de sa construction extrêmement alambiquée.

Ces doutes sur la signification de ces vers, ses favoris, résonnent dans l'esprit d'Irene, qui ne peut faire le deuil de son grand amour Marce(elo). Elle mène une vie oisive, suffisamment riche pour aller de paradores en hôtels de luxe à travers le littoral méditerranéen. Elle y séduit de parfaits inconnus, hommes et femmes, pour une unique nuit de sexe en mémoire de son mari.

Si on en croit ses pensées, et ses dialogues mentaux avec Marce, leur merveilleuse vie de couple a duré vingt ans de pur bonheur. Devant ces tableaux, souvent dignes d'une publicité pour des produits de luxe, qui sont abondamment (trop) cités, j'ai éprouvé pourtant un doute de plus en plus envahissant sur la réalité de ces pensées, d'autant plus que des indices donnent à supposer qu'Irene ne dit pas tout…

De mon point de vue ce n'est pas roman plaisant à lire. de nombreuses redites ou bifurcations rendent son abord labyrinthique. Et le personnage d'Irene n'est pas de ceux auxquels on peut s'identifier. Restent des citations abondantes, qui font mouche, et un merveilleux sens des paysages méditerranéens.

Je remercie les éditions du sous-sol et Babelio qui m'ont fait parvenir ce livre.
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Irene fuit Madrid et la perte de Marcello, son seul amour, terrassé par la maladie. Forte de l'argent issu de diverses ventes de biens leur appartenant, d'hôtel en hôtel, en bord de Méditerranée, d'amant.e éploré.e en amant.e éploré.e d'un soir, aux montres et parfums comme seuls attraits, dont elle espère un orgasme, seule façon pour elle de voir apparaître, dans un escalier de lumière, son Marce, Irene cherche à redonner un sens à son existence, en courant après son amour brutalement perdu, éperdument, inlassablement, au point de mener son lecteur avec elle dans un tourbillon de monotonie qui la tient, quant à elle, en vie, jusqu'à ce que...

Certes, la monotonie est prégnante dans ce roman, et elle nous gagne, effectivement, progressivement, jusqu'au retournement qui nous attrape dans les cent dernières pages et donne lieu à un autre dénouement que celui attendu. Certes, ce retournement n'est pas des plus originaux, mais il fonctionne plutôt bien, et permet, par lecture rétroactive, de comprendre au mieux Irene, ses obsessions, ses routines, ses réflexions et pensées, les retours en arrière sur son passé, de plus en plus omniprésents.

Malgré tout, même si je comprends bien les raisons pour lesquelles Manuel Vilas a construit son roman de cette manière, je n'y ai pas pleinement adhéré, ayant eu du mal à entrer dans l'intrigue et à m'intéresser à l'histoire d'Irene, bien que cet intérêt soit venu plus tardivement, en réalisant justement que ce désintérêt était narrativement rendu délibéré pour donner plus de poids au retournement de l'intrigue.

Je remercie les Editions du Sous-Sol et Babelio pour la découverte et de ce roman, et de son auteur.
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Merci à Babelio pour l'envoi d'un exemplaire de cet ouvrage dans le cadre d'une masse critique.
Irène est un femme de cinquante ans riche et séduisante qui vient de perdre « Marce » l'amour de sa vie. Elle a trouvé un moyen original de communiquer fugacement avec l'être aimé qui lui apparaît en souriant lorsqu'elle a un orgasme avec un partenaire sexuel, homme ou femme.
Sa vie se confond désormais avec une errance sur les traces de son passé le long de la Méditerranée agrémentée de conquêtes d'un jour la reconnectant à « Marce ». Il y a un peu trop d'hôtels de luxe, de montres de valeur,de parfums divers et variés, de super bagnoles, mais on croit quand même à cette persistance d'un amour fou via ses aventures sexuelles de substitution .
La monotonie s'installe et le changement de cap de l'histoire, lors d'une visite chez un psy est le bienvenu pour redonner du tonus à l'aventure et déployer le talent narratif de l'auteur.
Un roman séduisant, rythmé et auscultant de nombreuses facettes de l'âme humaine.
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Irène, Irène
L'amour est voleur les soirs de fête
Irène, Irène
Elle a pris son coeur, elle est partie avec”
Connaissez vous cette chanson de Souchon qui porte le même titre que le roman de Vilas ? 
Elle parle d'une fille, lassée, qui quitte un homme, classique.
Sa solitude s'appelle Irène.
Voilà le point commun avec l'héroïne de Manuel Vilas, la solitude, non ce n'est pas son Irène qui aurait quitté Marcelo, son mari.
"Marce, son amour, son grand amour, s'était mué en silence. le silence est la fin de la musique.
 Le silence est le cadavre de la musique.
 Elle voyait ses mains gratter, plongées dans le silence. 
Je ne comprends pas le silence, mais ce n'est qu'une carence passagère, une méconnaissance due à l'ignorance d'un esprit incomplet comme le mien, un manque d'adresse."
Son Irène à lui quitte Madrid et fait un voyage autour de la méditerranée.
Elle monologue et se remémore ou plutôt fait vivre une part d'elle, la part vivante, durant 300 pages. Des pages poétiques, des pages folles, des pages tendres. 
Dans sa tête, Cervantès, Fellini, de la voix de Leonard Cohen (Dance Me to the End of Love), et bien d'autres, sa fascination pour Virginia Woolf (Les vagues), “Ne pas s'éloigner de la mer qui immunise contre la douleur.”
A cinquante ans, Irène est veuve, Marce est décédé des suites d'un cancer nous dit-on. 
Une femme énigmatique, séduisante en rotation parcourant au volant de somptueuses voitures de luxe des nationales pour éviter les péages, pas par manque d'argent, Irène est fortunée, on pourrait dire qu'elle dilapide la fortune de son mari, si il l'avait gagné grace à son magasin Meubles pour tous. 
Voyager pour regarder les paysages, pour retrouver des chambres d'hôtel, humer, se nourrir aux tables de restaurants prestigieux, pour séduire hommes et femmes, faire l'amour pour que Marce apparaisse en flamme en haut d'un escalier.
Pour calmer son obsession du temps, omniprésente. Elle sait en un coup d'oeil quelles sont les valeurs des montres que portent les “corps” qui passent dans sa vie. L'aiguille des secondes et cette manière qu'elle a de couler dans la prochaine seconde, le cliquetis. 
Tout est poésie pour Irène et ses respirations et inspirations ne tourne autour que d'un seul poème :
Constance de l'amour au-delà de la mort De Quevedo :
“Voiler pourra mes yeux l'ombre dernière
Qu'un jour m'apportera le matin blanc
Et délier cette âme encore mienne
L'heure flatteuse au fil impatient…” 
L'obsession caractérise Irène, l'obsession de l'amour, de la survie de la beauté.
Son monde intérieur est fastueux, il lui cache avec vivacité la sombre forêt. Efface les drames avec qui depuis elle doit marchander pour vivre de sa liberté qui l'anime.
Irène vous la croiserez dans un hôtel de luxe, vous vous direz d'elle qu'elle est imbue d'elle-même, folle à lier et nymphomane.
Irène est bien plus folle encore qu'elle en a l'air, profonde et torturée percluse de liberté. 
Par quel prisme regardez-vous Irène ?

Je n'ai pas lu Ordesa et Algegria de l'auteur, j'ai bien envie maintenant.

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Que deviendra l'être aimé après notre propre mort? Cette question lancinante laissera les jeunes couples de marbre, mais elle hante forcément les autres, ceux qui ont partagé une longue vie commune. Comment supporter de (sur)vivre? Comment endurer la vulgarité de l'existence, et encaisser les phrases toutes faites que l'ont adresse au conjoint survivant: "ce sont les meilleurs qui partent en premier" et autres lieux communs?

Manuel Vilas n'apporte pas vraiment de réponse à cette question. Ou plutôt, il y apporte une réponse désespérante. Son personnage central, Irene, court après la recherche de son mari décédé, au travers de rencontres de passage. Avec l'idée que le sexe peut ressusciter, ne serait-ce que durant quelques secondes, la présence éblouissante de cet amour perdu. Argument spécieux et discutable, que je ne me laisserai pas aller à discuter ici.

Irene n'a rien de spécialement attachant. Elle est riche, sans foyer, elle erre le long de la Méditerranée, allant d'hôtel de luxe en parador. Méprisant la réalité et les conventions, n'ayant pas vraiment d'amis, ne perdant pas son temps en mondanités superficielles et inutiles.

L'argent ne lui rendra pas Marcelo, alors Irene le dépense. L'argent, trivial, tient une bonne place dans ce récit. L'argent, et le mépris pour la classe des petits-bourgeois, définie comme l'ensemble des gens qui n'éprouvent ni convoitise, ni désir. Bref, ceux qui se contentent de ce qu'ils ont. Les vacanciers, par exemple, sont fainéants, il leur faut trouver un hôtel proche de la plage. Les touristes sont des minables, ils se méfient de ce qui est trop bon marché. le luxe est une forme de protection contre la stupidité de la société. Ikea symbolise l'échec de l'amour, sa banalisation. Même l'architecture est devenue trop sophistiquée, fonctionnelle, sans beauté. L'Etat ne cherche qu'à prélever des impôts. Et ainsi de suite.

Il nous faudra attendre les cinquante dernières pages pour découvrir l'envers du décor, un autre aspect de la vie d'Irene, expliquant notamment son rapport avec le feu, ainsi que l'attachement particulier qu'elle éprouve envers le temps, symbolisé entre autres par son obsession envers les montres de ses amants d'un soir.

Le style est parfois un peu pesant. Manuel Vilas ne nous épargne pas les platitudes, mais en écrivain retors, il désamorce lui-même la critique: son Irene se qualifie elle-même de ringarde et de ridicule... et en contrepoint de ces lieux communs, il nous confirme s'il en était besoin que l'amour ne se décrit pas; que nous pouvons parler d'émotions, mais pas d'amour. Au final, le roman fait réfléchir sur différents thèmes, l'amour évidemment, la beauté, la maladie, et le deuil. D'ailleurs, l'amour n'est-il pas une maladie?
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