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Isabelle Taillandier (Traducteur)Louise Heugel (Illustrateur)Eduardo Torres Corominas (Préfacier, etc.)
EAN : 9782955891025
84 pages
Éditions de la Reine Blanche (20/05/2017)
4.05/5   11 notes
Résumé :
Dans la philosophie antique, la vertu est un ensemble de quatre valeurs : le courage, la justice, la tempérance et la sagesse.

En mettant face à face deux personnages, l'un chrétien l'autre musulman, Antonio de Villegas démontre que tous deux possèdent ces quatre qualités. (...)

En puisant dans la pensée antique, Villegas tente d'établir un nouvel ordre, en dehors du champ religieux. Les valeurs qu'il propose n'excluent ni les chrétie... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
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« Un chrétien maudit
D'Abencerage
Tient l'héritage :
C'était écrit ! »
Pour le lecteur français, le terme Abencérage reste associé à Chateaubriand. Pour le lecteur espagnol, cette tribu maure du royaume de Grenade opposée aux Zégris dans des querelles qui ensanglantèrent Grenade durant des décennies reste associée à Antonio de Villegas, écrivain espagnol du XVIème siècle auteur des Inventaires dans lesquels on trouve Historia del Abencerraje y la hermosa Jarifa.

Sous le règne de Fernando I de Aragón, le gouverneur chrétien d'Antequera et d'Álora Rodrigo de Narváez, capture l'Abencérage Abindarráez au cours d'une escarmouche sur la frontière, alors que celui-ci chevauchait vers Coín pour épouser en secret sa bien aimée Jarifa.
Le maure se confie au chrétien sur ses amours impossibles. Rodrigo de Narváez s'en émeut et le libère afin qu'il puisse s'unir à elle. En échange Abindarráez devra revenir se constituer prisonnier sous trois jours.

L'Abencérage est un bonbon qui exalte les sentiments chevaleresques des chrétiens comme des maures, la noblesse des coeurs, la générosité, une friandise enveloppée dans un phrasé élégant propre à la Renaissance espagnole, un entremets délicat et délicieux. La préface signée par la traductrice Isabelle Taillandier et la post-face d'Eduardo Torres Corominas nous éclairent. L'édition est soignée, les illustrations signées Louise Heugel vraiment charmantes.

Les auteurs de novelas moriscas et autres romances fronterizos apprécieront ce court récit humaniste ancré dans l'Espagne médiévale (l'action se situe avant la chute de Grenade). Il tranche singulièrement avec l'image du Maure dans la culture populaire et les romans qui surviendra des décennies plus tard, lorsque la question morisque aboutira à l'expulsion massive des descendants des musulmans ("De mal moro, nunca buen cristiano »., etc...)

Je remercie La Reine Blanche Editions pour l'envoi de ce livre et d'un joli marque-page, reçus dans le cadre de l'Opération Masse Critique.
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Merci à Babelio et aux éditions La Reine Blanche de m'avoir adressé ce petit livre si joliment illustré.
L'histoire est un courant d'air frais, une parenthèse idéologique alors que nous vivons une période trop souvent animée par l'intolérence, le manque de courtoisie, de respect et d'harmonie.

Nous sommes à Grenade, au XVIème siècle au moment de la répression des chrétiens contre les maures et du décret de 1609 visant leur expulsion.
L'auteur, Antonio de Villegas (1522-1578) nous raconte une histoire d'amour difficile entre un maure Abindarraez et Jarifa. Abindarraez raconte son malheur à un chevalier chrétien qui décide de l'aider.

Cette courte fiction relate la passion entre deux êtres et son cortège de sentiments: le doute, l'angoisse, la peur, le courage, la dignité., mais plus encore. C'est une leçon de morale, d'amitié et de générosité entre deux êtres que tout sépare, désignant la vertu "comme modèle universel capable de se situer au-dessus des différences ethniques ou religieuses".

Cette belle histoire condensée sur 37 pages m'a permis de me documenter sur la renaissance espagnole, la guerre de Grenade. Un écrit efficace et talentueux.








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Voici un très court récit de Antonio de Villegas, écrivain espagnol du 16ème siècle.
L'histoire se déroule à la fin du 15ème siècle, quelque temps avant la chute de Grenade (1492). A l'époque, l'actuelle Espagne était divisée notamment entre le royaume chrétien de Castille et le royaume musulman de Grenade.
Une nuit, non loin de la frontière, une patrouille, menée par le gouverneur local Rodrigo de Narváez, capture, après une rude bagarre, l'Abencérage* Abindarráez. le jeune homme se rendait en secret dans la ville voisine pour y épouser Jarifa, sa bien-aimée. Désespéré d'avoir été fait prisonnier et de ne pouvoir se marier, il confie son désarroi à Narváez. Celui-ci, ému par l'histoire, décide de libérer le jeune homme pour lui permettre d'aller retrouver sa fiancée, tout en lui faisant jurer de revenir se constituer prisonnier trois jours plus tard, promesse qui sera honorée.

Placé sous les auspices de la vertu et de ses valeurs de courage, de justice, de tempérance et de sagesse, ce récit met donc face à face un chrétien et un musulman, tous deux imprégnés du même esprit chevaleresque noble et inébranlable. Deux hommes qui font preuve l'un envers l'autre d'une tolérance telle qu'elle dépasse leurs différences de culture et de religion, et fait triompher les valeurs précitées, auxquelles on peut encore ajouter le respect et la confiance.
Ecrit en 1565 dans un contexte d'intolérance croissante à l'égard des « morisques » (qui aboutira à leur expulsion pure et simple d'Espagne en 1609), ce texte idéaliste et humaniste – et audacieux vu le risque de censure - veut montrer que la vertu est universelle et n'est en aucun cas l'apanage d'une culture ou d'une religion. Eclairé par la présentation de la traductrice Isabelle Taillandier et la postface de Eduardo Torres Corominas, et joliment illustré par Louise Heugel, ce récit est un petit bijou de subversion élégante et délicate, dont le message est toujours actuel.

*Les Abencérages étaient une famille de nobles musulmans de Grenade, installés en Espagne depuis le 10ème siècle.

En partenariat avec les Editions de la Reine Blanche (merci pour le joli marque-page!) via une opération Masse Critique de Babelio.
Lien : https://voyagesaufildespages..
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L'Abencérage est une courte nouvelle du XVI° siècle espagnol. Des lecteurs français peu au fait de cette littérature ne seront pourtant pas dépaysés en la lisant : on y retrouve des traits connus de l'amour courtois, et, d'ailleurs, l'une des origines de cette tradition pourrait bien se trouver dans la littérature arabo-musulmane dont les thèmes seraient parvenus jusqu'aux seigneurs francs par l'intermédiaire des croisades : les exploits y sont monnaie courante et ne valent que pour le regard jeté par la dame qui seule peut en estimer le prix.
« Notre Espagne accorde peu d'importance au courage […] Ce n'est pas comme chez les Romains ou les Grecs qui, dans leurs écrits, déclaraient un homme immortel et le portaient aux nues pour peu qu'il se risquât à mourir une fois dans toute sa vie. »
Bref, avec Antonio de Villegas, on est entre gens sérieux et délicats, pas comme ce barbare d'Homère qui nous les brise menu avec ses combats interminables.
Mais la soumission de l'homme à sa dame, selon la thèse bien connue de Duby, est aussi une façon d'honorer son seigneur : le chevalier qui vainc son propre désir sans cesser d'aimer est bien l'homme parfait dont il faut vanter la valeur.
Mais au-delà de ces ressemblances avec notre littérature nationale, il nous faut nous arrêter sur la très éclairante préface de la traductrice qui rappelle le contexte historique de la nouvelle : après la chute de Grenade, certains musulmans se convertirent au christianisme sans renoncer à leur héritage culturel. Ces morisques furent constamment suspectés, humiliés et finiront par être violemment déportés hors d'Espagne. Antonio de Villegas propose ici le portrait de deux chevaliers, l'un chrétien, l'autre musulman, mais dont l'identique vertu ne fait pas de doute. Et je ne peux imaginer que la ravissante édition de ce texte n'ait été voulue sans arrière-pensée par La Reine Blanche : en notre société où beaucoup veulent confondre Islam et islamisme et refuser à des Français le droit de vivre sans être soupçonnés de forfaiture, il est bon de rappeler le sort inique des morisques refoulés hors de leur pays. Rodrigo de Narvaez et Abindarraez le Jeune font ici assaut de courtoisie quand, d'autres, plus près de nous, font assaut de vilenie. Je suppose qu'on a les modèles qu'on mérite.
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Une délicieuse lecture d'un texte où les héros font assaut de vertus et de galanterie, qu'ils soient chrétiens ou maures. C'est naïf et enlevé. Pas un moment je n'ai douté que la vertu de Rodrigo serait récompensée ou bien est-ce déjà la valeur guerrière d'Abindarraez qui déclenche le tout (avec l'équivalence posée de la valeur martiale et de la valeur morale) ?

Et pourtant… Pourtant rien n'est gagné d'avance puisqu'au moment où Villegas écrit, l'intolérance et la négation de la valeur de l'Autre gagnent du terrain et aboutiront à l'exil pour les Morisques. Et donc la fable légère se trouve prôner des valeurs contraires aux idées qui l'emportèrent finalement, avec le risque de disgrâce et de l'Inquisition.
Il a donc un contraste entre la fraîcheur et l'optimisme du texte et la réalité historique, beaucoup plus sombre et tragique.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Dans les tours de l'Alhambra
On entend une grande clameur,
Et dans la ville de Grenade
Règne une grande douleur
Parce que le Roi, sans motif,
En un jour a fait égorger
Trente et six Abencérages
D'une noble et grande lignée
Que les Zégris et les Gomelès
Accusent de félonie.
Grenade les pleure grandement,
Immense est la douleur ressentie,
Car en perdant de tels hommes
Elle perd beaucoup.
Hommes, enfants et femmes
Pleurent une perte si grande.
Toutes les dames pleurent,
Toutes, autant que Grenade en possède.
Dans les rues et aux fenêtres
Le deuil est omniprésent.
Toutes les dames de qualité
Portent le deuil
Et tous les chevaliers
De noir sont vêtus
Sauf les Gomelès
A l'origine de la félonie
Et avec eux les Zégris
Qui sont leurs alliés.
Et si l'un d'entre eux porte le deuil
C'est pour les leurs que,
Les Gazules et les Albèzes,
Courageux et intrépides,
(pour venger l'offense)
Ont tués dans la Cour des Lions.
Et s'ils avaient trouvé le Roi
Ils lui auraient ôté la vie
Pour avoir consenti cette scélératesse,
Car il l'avait consentie.

Pérez de Hita , Guerras civiles de Granada. Historia de los bandos de los Zegríes y Abencerrajes (en annexe)
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Des chevaliers de Grenade,
Nobles bien que Maures,
Poussés par l'envie
Parlent au Petit Roi.
Grande félonie se prépare.
Ils disent que les Abencérages,
Lignée fière et renommée,
Veulent tuer le Roi
Et lui prendre son royaume;
Grande félonie se prépare.
Que, pour mener à bien leur complot,
Ils ont le soutien des hommes,
Des enfants, des femmes
Et de tout le peuple de Grenade.
Grande félonie se prépare.
Quant à la Reine bien aimée,
Ils l'ont accusée de trahison,
Car elle a posé les yeux
Sur Albin l'Abencérage.
Grande félonie se prépare.

Pérez de Hita , Guerras civiles de Granada. Historia de los bandos de los Zegríes y Abencerrajes (en annexe)
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Les cinq premiers chevaliers chevauchaient tout en devisant quand l’un d’entre eux dit soudain : « Compagnons, arrêtez-vous. Si je ne m’abuse, on vient. » Ils se cachèrent dans un bois qu’il y avait près du chemin et entendirent du bruit. Attentifs, ils virent s’approcher d’eux un noble maure sur un cheval rouan. Il était grand, son visage était agréable et il montait avec une belle prestance. Il portait une marlota rouge cramoisi et un albornoz damassé de la même couleur, bordé d’or et d’argent. Sur sa manche droite repliée était brodé le portrait d’une magnifique dame. Dans une main, il tenait une énorme et belle lance à deux fers, une adarga dans l’autre, et un cimeterre sur son flanc. Un long turban entourait sa tête, l’embellissant et le protégeant tout à la fois. Le maure approchait dans ce costume, fort élégant, chantant une chanson qu’il avait composée dans le doux souvenir de ses amours :
« Né à Grenade
Elevé à Cartame
Pris d’amour à Coín
Près d’Alore
D’une belle Maure. »
Le talent du chanteur était discutable mais le maure ne cachait pas sa joie et son cœur énamouré remplissait de grâce tout ce qu’il disait. Sous le charme, les cinq chevaliers faillirent le laisser passer jusqu’au moment où ils lui firent face. Se voyant menacé, le maure se ressaisit et attendit leur réaction.
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"Il faut au moins que le monde chimérique quand on s'y transporte, nous dédommage du monde réel." Chateaubriand dans son Avertissement aux Aventures du dernier Abencérage.
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Nul ne pouvait se prétendre Abencérage sans courtiser une dame. Nulle ne pouvait se prétendre dame si elle n'était courtisée par un Abencérage.
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