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sur 373 notes
Ce qui est mis en scène dans ce court roman, c'est la puissance de la parole. D'une part dans le sens chrétien de la Parole de Dieu qui a été révélée aux hommes, d'autre part la force de la parole humaine qui se manifeste par l'emprise que Müntzer exerce sur les foules qui acceptent de le suivre : " Müntzer chantait, la foule venait."
Avant que Müntzer entraîne à sa suite les foules de cette Allemagne du XVIe siècle, il y a déjà eu des prédicateurs qui ont pris au mot l'Evangile ou la Bible et ont voulu que le Royaume de Dieu advienne dans leur époque. Vuillard cite notamment Wyclif qui prône une relation directe entre Dieu et les hommes, John Ball qui prêche l'égalité humaine ou encore Jean Hus. On pourrait y ajouter d'autres comme Valdès, Savonarole ou Joachim de Fiore.
Ce qui est étonnant dans cette révolte, c'est qu'elle arrive dans le contexte de la Réforme protestante. On pourrait croire que les idées de Luther et des autres réformateurs ont modifié les structures de la société allemande de cette fin de siècle, mais il n'en est rien. Luther a du reste refusé de soutenir la Guerre des Paysans. Quelle que soit leur religion, les puissants gardent leur position, ils écrasent les petits et ils sont sûrs de leur bon droit. Comme le dit le landgrave Philippe de Hesse : "Avec l'aide de Dieu, nous obtînmes la victoire dont nous devons à bon droit rendre grâce au Tout-Puissant."
J'ai vraiment apprécié cette oeuvre et la connaissance de l'Allemagne, de l'histoire des idées religieuses et de cette période entre Moyen-Age et Temps Modernes que possède Vuillard. Un livre âpre et violent, mais un combat toujours d'actualité !
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1524, les pauvres se soulèvent dans le sud de l'Allemagne. L'insurrection s'étend, gagne rapidement la Suisse et l'Alsace. Une silhouette se détache du chaos, celle d'un théologien, un jeune homme, en lutte parmi les insurgés. Il s'appelle Tomas Müntzer. Sa vie terrible est romanesque. Cela veut dire qu'elle méritait d'être vécue ; elle mérite donc d'être racontée.
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Dans ce court récit de 68 pages au style vif et ironique, on voit que de tous temps, les pauvres ont subi sous le joug des riches et des puissants. et puis d'un coup, ils se révoltent, suffisamment pour inquiéter ceux qui détiennent le pouvoir, insuffisamment parce qu'ils n'en ont pas les moyens. C'est pourquoi les répressions sont implacables.
Et Dieu dans tout ça, en 1525 ?
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Juste et salutaire. Éric Vuillard a, comme dans son 14 juillet, une fois encore rendu sa place aux oubliés de l'histoire, cette somme de petites gens qui pourtant en sont le terreau. J'ai seulement regretté que le format de ce roman soit si court.
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Avec 68 pages Éric Vuillard, exprime toute sa rage et son désespoir face aux révoltes qui ont traversé le XVI° siècle. On est loin de la vision de l'histoire dont j'ai gardé quelques souvenirs de mes années lycée. Les conditions d'extrême pauvreté engendrent des révoltes très violentes. Et quand en plus, les populations sont soumises à une religion qui dans les textes d'origine demande à ses disciples de reconnaître son frère dans le plus pauvre des humains on comprend que certains se demandent : « Où est le voeu de pauvreté dans l'opulence de l'église de leur époque ? ». Et puis, Gutemberg invente l'imprimerie, alors tout le monde pourra lire la Bible dans le texte et constatera que l'église les trompe lourdement. Il n'est plus besoin alors de se soumettre mais bien plutôt de se révolter et de revenir aux sources du christianisme. Livre incandescent et soutenu par un style incantatoire. Il se lit très vite, mais ne s'oublie pas de sitôt. Si l'imprimerie a permis le schisme protestant, c'est bien l'arrivée de l'internet qui soutient les révoltes actuelles. La soumission et la pauvreté engendrent toujours des mouvements violents, ils sont souvent réprimées énergiquement également mais beaucoup moins qu'au XVI° siècle.
Lien : http://luocine.fr/?p=10624
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68pages, lus d'une traite mais sans grand plaisir; j'avais déjà eu du mal avec L'Ordre du jour, prix Goncourt; d'habitude j'aime les livres courts et denses. Là, la magie n'a pas opéré. Certes l'auteur évoque la révolution qu'apportent l'imprimerie, et l'utilisation de la langue parlée pour aborder le sacré; du coup les pauvres comprennent la Parole et s'insurgent contre les richesses des prélats.
Il y a beaucoup de morts de part et d'autre.
On prône la pureté, la simplicité.
Ecriture épique mais trop de faits pour étayer une thèse simple et connue (l'an dernier un livre était paru sur les révoltes paysannes en Angleterre à la même époque, Aux Forges de Vulcain)
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Eric Vuillard nous propose un récit de la pensée et des actes de Thomas Müntzer qui au 16ème siècle prêchait pour l'égalité et la destruction des princes. En cela il était l'héritier des idées de John Wyclif qui 2 siècles plus tôt en Angleterre disait qu'il n'y avait plus besoin de prélats, qu'il y avait un lien direct entre Dieu et les hommes et que pour cela il fallait traduire la bible en anglais !, prônait la pauvreté, le péché d'esclavage... Avec les prêches de Müntzer, des soulèvements ont lieu vite réprimés par les princes. Ces appels à la révolution ont entrainé des milliers de morts qui ne furent d'ailleurs pas les derniers. Ces désirs d'égalité et de liberté font encore bien des victimes.
Un récit intéressant - je ne connaissait pas ce personnage qui utilisa les évangiles pour pousser les pauvres à la rébellion. de nombreux autres le feront par la suite et le font encore. Des croisades encore des croisades !
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Thomas Müntzer est la figure principale de ce court récit d'une soixantaine de pages où sont évoquées de nombreuses révoltes du Moyen-Âge en Allemagne puis au Royaume-Uni. Ces soulèvements sont comme autant de trainées de poudre instiguées par Müntzer et qui changeront à jamais l'histoire européenne, même si oubliés de nos jours.

L'écriture virtuose de ces quelques pages de faits historiques mêlés à de la fiction ou à des légendes urbaines est très fluide et le langage soutenu, donc très agréable dans sa lecture.
Les chapitres sont courts, comme autant de révoltes fugaces mais impressionnantes de sens et de vérité.

A la fin de cette lecture, j'en sors ravie, même s'il me semble être passée à côté d'une lecture plus précise et pointilleuse, mes connaissances sur les révoltes du Moyen-Âge et la guerre idéologique catholiques-protestants étant inexistantes.
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"L'histoire du monde est pleine de révolutions; on n'y voit que des guerres civiles, tumultes, séditions causés par la méchanceté des princes, et je ne sais ce qu'il faut admirer le plus à cette heure de l'impudence des gouvernants ou de la patience des peuples."
( A. France, "Les opinions de M. Jérôme Coignard")

Oui, à toutes les époques, le peuple a toujours été patient, conciliant et accommodant. Mais il ne peut pas se plier infiniment aux injustices des autorités religieuses ou politiques; il ne peut pas éternellement continuer à donner sans rien recevoir. Et parfois, le vase déborde...

Pourquoi cet opuscule, et pourquoi maintenant ?
Je l'ai acheté, parce qu'en l'ouvrant au hasard dans une librairie, j'ai vu que cela parle aussi de Jan Hus et des émeutes religieuses en Bohême au 15ème siècle. J'y ai trouvé un peu plus, et somme toute, c'était assez instructif.
La guerre des pauvres... Elle éclate à chaque fois que les gens ordinaires, les masses, les nations, sont poussés à bout. Ceux qui commandent mal ne peuvent qu'être mal obéis, ainsi va le monde. Il suffit alors d'une voix qui ose parler, une petite étincelle, qui met le feu au désir collectif de justice.

Vouillard a choisi Thomas Müntzer, un prédicateur radical du 16ème siècle, comme un exemple de cette "voix du peuple", et je me demande quelles étaient les raisons de son choix. Je sais seulement que Müntzer a été d'abord bien accueilli et écouté par les universitaires pragois qui partageaient les mêmes opinions sur la réforme de l'Eglise que lui, mais son fanatisme les a rapidement découragés, et Müntzer a été banni de Prague. Dénoncer la fausseté des prélats, leurs distorsions des textes bibliques et leurs indulgences, retour à la pureté chrétienne, oui; les appels aux meurtres et aux pillages, non. Le fanatisme n'a jamais été une solution.
Bien plus radical que Luther lui-même, le soulèvement que Müntzer a provoqué en Saxe ne fait que démontrer une fois de plus que même en militant pour une cause juste, le fanatisme est aveugle et pousse parfois les gens à commettre l'irréparable. Mais aussi que ceux qui se sentent menacés ripostent souvent par la force. Müntzer finit décapité, et sa tête est exposée à la vue de la petite armée de ceux qui pensaient qu'ils n'avaient plus rien à perdre.

Mais tel était aussi le cas de John Wyclif avec sa traduction de la Bible en anglais, afin de créer un lien direct lecteur-Dieu. La sainte Eglise crie au sacrilège, et Wyclif est condamné, tout comme plus tard William Tyndale et bien d'autres, dont le livre ne parle plus. C'est presque inutile, car toutes ces histoires sont pratiquement identiques.
John Ball se soulève contre la poll-tax, et il est exécuté.
Jan Hus croit que le concile de Constance le laissera défendre ses opinions réformatrices, mais il finit sur le bûcher coiffé d'une couronne d'hérétique avant même d'avoir la possibilité d'y prendre la parole. Un bouc émissaire, pour montrer à tous ces rebelles que la justice des riches n'a que faire de la justice divine.

Mais les pauvres sont seulement pauvres. Ils ne sont pas sots, sourds et aveugles. Certaines choses doivent changer, quand le temps y est propice.
J'ai dit que le livre est instructif, mais certainement plus politiquement qu'historiquement. Comment ne pas y voir des parallèles avec le mouvement des Gilets Jaunes ? Mais j'hésite entre la possibilité de le voir comme un avertissement que tous ces soulèvement populaires "finissent mal, en général" (comme dit la chanson), et un subtil message d'espoir.
Tout ça n'a pas servi à rien, et je pense à une autre chanson qui dit "people have the power". Même un minuscule grain de sable dans les rouages huilés du pouvoir peut enrayer la machinerie et la dévier doucement de sa trajectoire. Il le faut. Et peut-être qu'un jour "la vérité triomphera" vraiment, comme dit la devise tchèque inspirée par les paroles de Jan Hus. Mais quand et comment ?
Trois étoiles et demi pour le style vif d'Eric Vouillard dans ce petit concentré sur la guerre des pauvres.
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Une belle première page. Un livre toujours aussi bien mené du point de vue du style, quoiqu'un brin agaçant par le côté " je fais des allusions pointues à l'histoire ou a la Bible mais je ne précise rien parce qu'on est entre happy few et nous nous comprenons". Un brin agaçant donc, néanmoins je comprends l'intérêt de ce choix dans l'économie du récit. Mais ce côté clin d'oeil me laisse un peu sur le bord (même si je connais assez bien ce thème). Au moins il y a du fond dans ces 68 pages, à condition d'être déjà bien réveillé sur le sujet ou de compulser quelques ouvrages.

Le fond historique et religieux est solide - on est pas chez Dan Brown - mais il est au service d'un propos - c'est bien de la littérature et pas un livre d'histoire. Un historien de formation sera probablement un peu chatouillé par certains biais, rapprochements, élagages. Tout d'abord le propos est social, par conséquent les explications sont sociales et les clefs de compréhension religieuses semblent plutôt reléguées dans le décor et les accessoires du film en costume sombre. Ensuite, peut-être est-il plus chic de citer des hérétiques anglais du Moyen-Âge peu connus de notre côté de la Manche que de balancer la tarte à la crème cathare, les Vaudois ou même faire une allusion au Franciscains. Évidemment le bonbon aurait été moins joli et le propos moins bien servi, c'est de la littérature.

Sur l'impression générale, décevante et je n'en suis pas fier, j'ai plutôt eu l'impression d'un "14 juillet le retour". Je crois y voir plus ou moins le même esprit de déclaration d'amour à la révolte populaire par l'exhumation de l'histoire perdue. Cependant il ne me semble pas que soit présent le même souffle que dans 14 juillet, avec ses listes de noms, ce travail plus évident sur le document et un propos qui m'était apparu moins forcé. Il y avait me semble-t-il dans 14 juillet une déclaration d'amour qui ne voulait pas s'embarrasser de détails négatifs. Là le traitement de la guerre des pauvres est je crois plus franchement irénique.

Ce qui m'a amusé enfin c'est que ce martyrologe passe sous silence les événements, postérieurs d'une dizaine d'années de la révolte de Münster.
L'auteur saisit toutes les occasions de jouer sur les variantes du nom de Thomas Müntzer (étymologie, homophonie), mais pour cette autre révolte anabaptiste (un tantinet difficile à présenter d'un point de vue irénique) silence radio. Encore une fois je comprends (économie du récit, clarté du message, ombre immense de Marguerite Yourcenar et de son Oeuvre au noir) mais cela m'agace.
Évidemment la comparaison peut paraître injuste ou spacieuse du point de vue du sujet et le combat est totalement inégal avec Yourcenar, mais je n'ai pas pu ne pas y penser.
J'attends le prochain Vuillard qui nous avait a priori habitués à mieux.
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