Le Goncourt, quand même, c'est un peu fort...
C'est très moyen, c'est pas les Bienveillantes, ni Au revoir là haut, et de très loin.
En fait, ça ressemble à Hhhh, en moins idiot (cela n'engage que moi, hein)...Cette nouvelle idée de faire la leçon à ceux qui auraient dû empêcher le grand méchant loup d'agir...Mais alors bien au chaud en 2018, dans une gentille démocratie et par des gars qui n'ont absolument aucune idée de ce que c'est que la guerre, les bombardements, les tranchées, la crise de 29, la révolution russe, les SS, la Gestapo, Auschwitz, le totalitarisme au jour le jour, la terreur et la faim, toutes ces joyeusetés du début du XXème siècle, qui ont fait...euh, allez, 50 millions de morts...Moi non plus, je n'en sais rien. Heureusement. Mais on peut quand même se faire une idée de ce que c'est que de résister à la terreur quand on constate la difficulté qu'on a, à l'heure actuelle, où l'on ne risque ni la mort ni la torture ni les camps, à soutenir, je ne sais pas, un ou une collègue harcelé.e contre n'importe quel petit chef. Courage fuyons. le silence est souvent effarant. Donc bon. On reste calme, les mecs. J'ai vu une caméra cachée sur du harcèlement de rue. Un acteur insultait et cherchait à attraper une actrice. Elle criait et se rebellait. C'était en pleine rue. Aujourd'hui, en France. Personne ne s'est arrêté, sauf deux filles, qui sont intervenues. Donc du calme, les mecs, Vuillard, Binet et compagnie...Je voudrais bien vous voir face à des SS avec la casquette à tête de mort et le permis de tuer.
Excusez-moi de cette petite mise au point.
Il s'agit donc dans ce "récit" de reprendre des dates clés d'avant guerre, pour montrer avec quelle facilité les grands de ce monde ont cédé devant les nazis. Combien ils ont été lâches, cyniques, diaboliques. Je suis entièrement Vuillard sur les pages tout à fait pertinentes qui concernent les grands industriels. Je n'ai jamais compris comment il était possible qu'on puisse encore de nos jours voir inscrit partout Opel, Siemens, IG Farben et Hugo Boss, qu'il a oublié, sachant qu'ils se sont servi des nazis pour s'enrichir, servi de la chair humaine des déportés d'Auschwitz, Buchenwald, Ravensbrück, Dachau etc...pour continuer à produire pendant la guerre. Et à faire de l'argent dans le sang de ces pires qu'esclaves. Toutes ces entreprises, s'il y avait une justice, auraient dû disparaître, ou tout au moins leurs dirigeants être pendus à Nuremberg, leurs noms être changés, le tout nationalisé. Vuillard traite ce thème au début et à la fin de son récit, comme un péché originel jamais condamné.
Par contre, le milieu du "récit", les histoires de lord Hallifax, de l'Anschluss, de Münich...En cent pages, ça me paraît un peu rapide. Tout le monde est des crétins qui s'écrasent devant Hitler alors qu'ils auraient pu l'écraser. OK, comment, pourquoi ? Parce que tout le monde est des crétins lâches et aveugles. Qui ? le chancelier d'Autriche,
Chamberlain, Daladier. C'est un peu facile, il me semble. Et si je veux juger, je préférerais un livre d'histoire. Là, on rejoint Binet. Je ne vois pas l'intérêt de ce genre de récit détaché du contexte historique. C'est un non-sens complet. On peut sans doute les accuser, car nous savons la fin de l'histoire. Mais eux, ils ne connaissent que leur propre passé récent : la sale guerre, les tranchées. Ils ne veulent pas y retourner. Ce sont les mêmes hommes que vingt ans avant. Et pourtant ils y retourneront, et c'est comme ça qu'on a des hommes qui ont fait Verdun et qui sont morts à Auschwitz. Ca a existé.
Ce genre de récit ne m'apporte rien que l'idée que décidément, les hommes ont la mémoire courte, la langue bien pendue, et que l'histoire est la matière la plus essentielle à l'école.