Bernard Werber, c'est pour moi une espèce de rencontre annuelle. J'ai lu pratiquement toutes ses oeuvres depuis
les Fourmis, à raison d'un ou deux livres offerts rituellement par mes proches à l'occasion d'un Noël ou d'un anniversaire.
Après avoir été un peu déçue par "
La Diagonale des Reines", je me suis lancée dans "
Le Temps des chimères" avec un peu plus d'optimisme. le pitch me parlait davantage.
Force est de constater que le livre tient les promesses de son résumé : on y suit sur une cinquantaine d'années l'évolution de ces trois humanités parallèles et l'appropriation qu'elles se font de ce nouveau monde. Je n'ai pas désaimé ma lecture, que j'ai terminée en deux jours. En revanche, je crois que cette rapidité de lecture est moins imputable qu'à la qualité du style et de la narration qu'à sa simplicité.
Ce roman, comme beaucoup de
Werber récents, est un empilement d'idées vaguement organisées autour d'une intrigue. J'ai eu l'impression de visiter une succession de tableaux imaginatifs, intéressants d'un point de vue visuel et philosophique... mais sans grande cohérence entre eux. Pour un récit traitant de restructuration post-apocalypse, j'ai trouvé qu'il manquait une vue d'ensemble, une vraie homogénéité pour croire à ce monde post Troisième Guerre mondiale.
Les interactions entre Nautics/Aerials/Diggers et Sapiens sont abordées, mais trop peu profondément pour que l'on croie à un véritable avenir pour l'humanité. Un roman de ce genre ne pourra jamais être réaliste, mais j'aurais peut-être apprécié plus de vraisemblance.
La plume de
Werber, caractérisée par son fourmillement de concepts philosophico-symboliques (parfois repris depuis 30 ans, qu'on retrouvait déjà dans
les Fourmis ou
les Thanatonautes), souffre ici de sa distance, de son côté impersonnel. Les enjeux émotionnels sont présents, mais peinent à investir le lecteur.
La fin, que j'ai trouvé intéressante, propose une morale qui sert de conclusion, mais que j'ai trouvé un peu faible par rapport aux enjeux soulevés par l'intrigue. L'arrivée de
l'enfant-salamandre Axelle arrive comme un cheveu sur la soupe, une espèce de revirement narratif que rien n'annonçait et que peu de choses justifiaient - un deus ex machina assez malhabile pour un auteur de l'expérience de Werber
J'ajoute que, si je suis d'ordinaire prompte à pardonner les approximations scientifiques, il m'est arrivé plusieurs fois de hausser les sourcils face à de véritables incohérences ou facilités. La partie sur l'ISS m'a semblé particulièrement tirée par les cheveux.
Quelques coquilles syntaxiques subsistent au travers du roman, renforçant mon impression que ce livre a dû répondre à des délais de publications qui ont fait pâtir sa qualité.
Pour résumer, le texte se lit vite, facilement et explore des idées intéressantes. Il souffre en revanche d'une vraie redondance avec d'autres textes de l'auteur, et dégage une impression de texte écrit trop vite, mitraillant des concepts philosophiques d'une façon qui - même pour un
Werber - paraissent trop didactiques pour permettre un véritable investissement émotionnel et intellectuel de la part du lecteur.