AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,54

sur 56 notes
5
5 avis
4
3 avis
3
3 avis
2
1 avis
1
2 avis
Parmi ses plus grandes influences, Donald E. Westlake citait Dashiell Hammett et Vladimir Nabokov. Deux références majeures et inépuisables pour un nombre croissant d'écrivains ou de lecteurs bien entendu. Par contre, au niveau du style un monde les sépare. L'un assumait une écriture behavioriste qu'il a aiguisé sur un genre regardé de haut, le polar. L'autre se retrouvait dans une prose luxuriante, travaillée voire précieuse, et s'intéressait à des choses plus intimistes, romanesques. À regarder l'imposante bibliographie de Westlake (plus de cent ouvrages écrits) et la récurrence de certains motifs, on le placerait naturellement du côté Hammett. Pourtant, c'est à la périphérie d'une carrière admirable et cohérente qu'on trouve une "figure libre" qui aurait pu mener l'auteur sur une voie alternative, plus proche de Nabokov : Mémoire morte.
Avant d'être publiée à titre posthume, la nouvelle fut d'abord refusée en 1963 par la maison d'édition américaine. D'un point de vue commercial la décision s'entendait et les triomphes des séries Parker/Dortmunder l'ont pour ainsi dire corroborée. Cette expérimentation intimiste et psychologique aurait été difficile à vendre au public. Ce sont pourtant les mêmes raisons qui vont pousser les nombreux fans à se ruer dessus. Les atypiques ont tendance à dire long sur leurs géniteurs, peut-être encore plus que les oeuvres pour lesquelles ils furent portés aux nues. le voyage du malheureux Paul Cole à la recherche de son passé est d'abord une hypnotisante méditation. Ne pas faire fausse route : il se passe beaucoup de choses dans la vie et dans la tête de Paul. Il y a plusieurs mystères, quelques embranchements décisifs et beaucoup d'émotions.
Le ton abandonne la sècheresse ou le sarcasme auxquels on associe fréquemment l'écrivain. L'humeur est morose, brumeuse. Si les éclaircies affleurent elles cèderont régulièrement du terrain à la dépression. Notre héros doit lutter pour retrouver un passé qui lui échappe. Pas seulement son ancienne vie, mais aussi son ancien lui dont il semble étranger. Pour ne rien arranger, cette amnésie est également antérograde, autrement dit Paul perd le fil en cours de route. Sa mémoire est une passoire qui filtre la majorité des informations survenues dans les dernières heures ou derniers jours. Comment se définir soi-même quand chaque lever de soleil est un nouveau brouillard sur son existence ? de cette condition troublée, hybridation de drame et de thriller, naît une sorte de lyrisme existentiel noir.
Les 200 premières pages sont terriblement belles, d'une désarmante simplicité avec moult indices, fausses pistes puis cette irrépressible humanité qui se dégage de chaque feuillet. La narration omnisciente pénètre le cerveau de Paul pour mieux en extraire les sentiments, incertitudes, réflexions ou interrogations. Par rapport à son état, ce qu'il doit faire, ne pas faire, les stratagèmes mis en place afin de créer une bulle protectrice (?) dans l'espoir de retrouver la mémoire, son lui d'avant qui sait. S'il échoue, que devra-t-il faire ? D'un autre côté, s'il réussit sera-t-il plus avancé ? La lecture avance, le premier gros rebondissement arrive, et le trouble dissociatif entre deux Paul devient prégnant. Difficile d'en raconter plus sans gâcher la découverte, mais la deuxième partie assume une direction peu évidente, voire trompeuse qui augmente la force émotionnelle de la première. Westlake termine sur un retournement imprévu et bouleversant.
Lawrence Block, ami du célèbre écrivain, aurait déclaré que Mémoire morte aurait pu être le point de départ d'une autre carrière pour ce dernier. Il est clair que le ton et le sujet dénotent pas mal avec l'homme qui s'est taillé une indestructible réputation dans la comédie policière ou le pur roman noir. Mais je n'irais peut-être pas jusque-là, d'autres oeuvres originales ont ponctué sa vie et certaines ont un goût de réminiscences par rapport à ce grand oublié : Monstre Sacré avec un autre acteur paumé, le très sensible Ordo qui traitait aussi du désordre identitaire ou même l'iconoclaste Adios Shéhérazade permirent d'appréhender une troisième facette à feu Donald E. Westlake. La leçon à tirer se situe dans l'ouvrage lui-même, déclamée par l'un des personnages finalement les plus importants. "Le paysage est peut-être un peu différent selon le chemin que tu prends, mais ils finissent tous par se rejoindre". Quoiqu'on en pense, Westlake aurait laissé infuser de l'humour dans certains travaux puisque cela faisait partie de lui. Tout comme son affection pour Hammett l'aurait irrémédiablement conduit à tenter l'aventure hard-boiled. Avec parcimonie, un dernier aspect de sa personnalité devait se frayer un passage. S'il a officieusement commencé dès 1963, la suite de sa bibliographie ne laissait place à aucun doute à ce sujet. Cette publication posthume d'un de ses premiers écrits vint le confirmer avec quatre décennies de retard.
Commenter  J’apprécie          00
Curieux roman, curieux faux-polar d'un des plus grands écrivains du Noir.

Paul Cole est un acteur en tournée. Il se trouve à l'hôtel avec une de ses partenaires, au bord de la petite mort. Comme dans les vaudevilles, le mari survient et l'assomme d'un coup de chaise.
Sorti du coma, il se rend compte qu'il a perdu une bonne partie de sa mémoire. Commence alors une longue (très) quête de son identité passée. Mais sans argent, sans souvenirs, c'est un calvaire. Il n'inspire plus que méfiance, ennui ou dégoût.

Ce roman a été écrit il y a près de 50 ans et ressort aujourd'hui, après la mort de Westlake. Était-ce une bonne idée ?
Pas si sûr.

L'histoire est passionnante, troublante et surtout, touchante. On pense immanquablement au scénario de "Memento", le remarquable film de Christopher Nolan.
On suit quasi au quotidien, les efforts désespérés de Cole pour retrouver sa vie d'avant et la terrible ironie de la situation qui conduit un acteur, à vivre privé de sa mémoire.

Hélas, le récit, étalé sur près de 500 pages, se noie dans les détails, manque de changement de rythme et l'ennui finit par pointer.

Ce qui aurait pu être une remarquable nouvelle devient du coup, un roman un peu languissant.
Resserré, on tenait sans doute un chef d'oeuvre.
D'autre part, certains éléments restent inexpliqués. Ainsi, Cole perd (oublie) assez rapidement son portefeuille qui contient tout ce qui lui est nécessaire pour prouver son identité. Et pourtant, il parvient à accomplir des formalités, sans que cela pose de problèmes. Invraisemblable.

Westlake aurait-il fini par publier ce texte ? Peut être.
En l'état ?
Là, je doute.
Commenter  J’apprécie          00
Les souvenirs sont des morceaux de mémoire. Mais, Paul Edwin Cole, jeune homme de 26 ans hospitalisé après un accident, n'en a plus aucun.
Paul se réveille, dans une chambre d'hôpital, au milieu de nulle part, à plus de mille cinq cent kilomètres de chez lui. Son unique souvenir est qu'un soir, dans une chambre d'hôtel, alors qu'il était en galante compagnie, un homme s'est précipité sur lui et lui a fracassé une chaise sur la tête.
C'est le début de son amnésie et la mort du Paul Cole d'avant. Ses quelques effets personnels révèlent qu'il est acteur, venu dans cette ville avec une troupe itinérante, et qu'il habite New York. Paul n'aura donc de cesse que de rejoindre cette ville.
Son parcours sera parsemé d'embûches. Après avoir réglé les frais d'hospitalisation, il ne lui reste que quelques dollars en poche, juste assez pour se trouver une chambre d'hôtel, puis il trouve un travail de manutentionnaire dans une tannerie. Il économise autant qu'il est possible avec cet objectif chevillé au corps de retourner chez lui. C'est au prix de nombreux sacrifices qu'il parviendra à rejoindre New York. La reprise en possession de sa vie, avec une mémoire défaillante et des souvenirs plus que flous ne sera pas si simple. L'accueil qui lui est réservé n'est pas à la hauteur : ses proches ne le comprennent pas, ne le croient pas, ou bien ne savent pas - ne veulent pas ? - lui apporter l'aide dont il a besoin.
Dans ces moments difficiles où les amis sont les seuls à pouvoir nous venir en aide, Paul va cruellement découvrir la valeur de l'amitié.
Commenter  J’apprécie          00
Donald Westlake est mort en 2008 mais il continue à nous envoyer des pépites d'outre tombe ,comme si ses ayants droit. n'avaient eu qu'à se baisser pour se servir dans un fond inépuisable.
Ici,on est très loin du registre de la série parodique des Dortmunder ou des polars serrés comme des expresso de son autre personnage récurrent :Parker.
Mémoire morte pourrait se situer entre un récit kafkaïen,auquel il fait irrésistiblement penser et une quête personnelle pathétique,un peu comme le Feu Follet de Drieu.
Aucune Happy end à attendre dans cette histoire où son héros,Paul Cole,dont Westlake a su admirablement décrire la fragilité,se débat dans un quotidien qui engloutit sa mémoire et son identité.
Un grand livre pessimiste.
Commenter  J’apprécie          00
A lire en lecture rapide. Très noir
Commenter  J’apprécie          00




Lecteurs (125) Voir plus



Quiz Voir plus

Donald Westlake...for ever

Quand Parker m'a invité à passer chez lui, j'ignorais alors que c'était pour boire un petit coup de

blanc
vinaigre
cidre
gnôle

10 questions
9 lecteurs ont répondu
Thème : Donald E. WestlakeCréer un quiz sur ce livre

{* *}