Ma 201ème chronique est une exception à la règle puisqu'elle est consacrée à une lecture qui ne m'a pas totalement convaincu. La quatrième de couverture avait pourtant réussi à attirer ma curiosité en indiquant que la ville de Providence, dans l'état de Rhode Island, est la ville de Troie incendiée par les Grecs et Danny Ryan un héros homérique digne d'Énée. J'ai vite découvert qu'on était loin de la puissance des grands romans de
Don Winslow –
La griffe du chien, Cartel et
La Frontière – et bien loin d'
Homère et
Virgile ! Premier tome d'une trilogie d'un auteur souvent encensé par les lecteurs et la critique.
Résumé : Les familles Ryan et Murphy du clan mafieux des irlandais quittent Dogtown pour passer leurs vacances à Goshen Beach. Épouses, enfants et petits-enfants sont à la plage, s'adonnent aux barbecues, aux jeux de carte, vont boire dans les bars où ils « savent qu'on ne leur présentera jamais l'addition ». La mafia prend du bon temps ! Pam, une très belle femme, passant sur la plage en bikini, est le papillon fatal qui va faire déraper cette petite routine estivale et déclencher involontairement une guerre impitoyable contre le clan mafieux rival des italiens, les Moretti.
La lecture est facile et j'avais envie constamment de tourner les pages pour connaître la suite. L'immersion dans le quotidien de la mafia est totale. Les flics, les politiques mis sous nos yeux sont tous corrompus ou jouent un double jeu. L'auteur nous plonge sans retenue dans un univers vulgaire et sexiste sans qu'il soit possible de se raccrocher à l'espoir un peu solide de sortir de ce cauchemar. Les femmes sont à l'origine du mal – une très vieille idée, non ? –, cette Pam à damner tous les saints est à l'origine de « l'épidémie » de morts par armes à feu menaçant d'anéantir les deux familles et la cité. La psychologie de Terri, la femme de Danny, est sommaire, dommage… Reste l'esthétique de la violence, que
Homère avait pu transformer en poème épique. Elle est donnée ici sous la forme d'une photo, dépouillée et effrayante, de la violence intrinsèque aux États-Unis.
Un personnage est censé sortir du lot : Danny dont le père, Marty Ryan, est un mafieux retiré du jeu à cause de l'âge et de l'alcool. Danny Ryan est différent : intelligent, loyal et réservé. Mais voilà il est marié à Terri, la soeur de Liam et Pat de la famille mafieuse des Murphy et rapidement engagé dans leur business de racket sur le port auquel s'ajoutent quelques braquages de camions transportant des produits de luxe. Il est désolé d'aller voir les patrons du port pour les intimider, les menacer et – vraiment s'il y est obligé – « les bousculer un peu », sans trop abîmer le gagne-pain familial…
Il y a foule de dialogues, semblant retranscrits tels quels, à l'occasion plats et vulgaires à l'image des personnages, tous « plus cons qu'une valise » –
Don Winslow, à moins que ce ne soit le traducteur, utilise cette métaphore usée. Danny a le projet de partir loin dès qu'il aura assez d'argent, ce qui n'est pas d'une originalité folle au niveau scénario !
La morale et la religion sont des thèmes très présents chez Danny, alors que la loi et la justice sont largement absents ou gangrenées par l'argent. Quand il prie, on assiste à une étonnante tentative de débauchage de Dieu – il est poli, il utilise le vouvoiement avec un V majuscule ! J'y vois pour ma part une mise en lumière de l'hypocrisie américaine à ce sujet :
« … Je Vous en supplie, accueillez l'âme de Terri quand elle viendra à Vous et protégez-la. C'est une personne bien ; elle n'a rien à voir avec toutes les mauvaises choses que j'ai faites. C'est une passante innocente. Pourquoi a-t-il fallu que ce soit elle et non pas moi ? Je ne le saurai jamais. Mais vous l'avez choisie, et maintenant je dois m'occuper d'un fils, d'un vieux père malade et d'une poignée de personnes qui ont besoin de moi ; et pour cela je vais devoir commettre un acte grave. Un péché mortel. Je ne réclame pas Votre pardon ; je réclame Votre aide pour faire ce que je dois faire. Il se signe et se lève. »
L'auteur dédie ce roman policier aux victimes de la pandémie et à
Virgile, nouveau grand écart osé… Pour moi c'est une nouvelle version du Parrain qui n'apporte pas grand-chose, une lecture de distraction si on a la capacité de se distraire d'une apocalypse annoncée passant par le trafic de drogue. Je dois dire que je m'attendais à un renouvellement des codes, à une écriture plus inventive. le titre m'a évoqué
Dans la ville en feu de
Michael Connelly, autrement écrit et profond. Reste deux tomes à la trilogie pour, peut-être, rééquilibrer ce cri d'alarme sur le pouvoir de la mafia et donner le souffle épique promis ?
Avez-vous lu
Don Winslow ? Pensez-vous utile de chroniquer des livres qu'on a peu appréciés ?
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