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EAN : 9782246811497
1184 pages
Grasset (20/09/2017)
5/5   3 notes
Résumé :
Après Les Bourreaux (tome 1, le communisme d’en haut, du côté du pouvoir) et Les Victimes (tome 2, le communisme d’en bas, du côté de la société), Thierry Wolton achève sa monumentale trilogie « Une histoire mondiale du communisme » par ce dernier volume : Les Complices (le communisme dans les têtes).

L’auteur s’attache, dans ce volet de son essai d’investigation historique, à tous ceux qui ont permis au communisme de prospérer avec un tel succès ... >Voir plus
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critiques presse (1)
LeFigaro
15 septembre 2017
Dans Les Complices, tome III de son Histoire mondiale du communisme, Thierry Wolton évoque l'impunité intellectuelle dont ont joui les compagnons de route de l'URSS.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (94) Voir plus Ajouter une citation
Il existe de nombreuses façons d'esquiver le bilan du communisme. La plus nette consiste à exonérer l'idéologie du crime, à prétendre que le communisme du XXe siècle n'a rien à voir avec le vrai communisme qui reste à construire au XXIe siècle. Les PC encore en exercice qui, comme leur nom l'indique, continuent le combat ne nient pas la catastrophe puisque d'après eux ce passé n'a rien à voir avec l'avenir qu'ils comptent bâtir. Cette posture est une affaire de survie pour eux, endosser l'héritage serait un suicide politique. Plus pervers sont ceux qui ne rejettent pas l'ampleur du crime, qui trouvent même nécessaires ces catastrophes, présentées comme des expériences ratées qui vont permettre d'éviter des erreurs similaires à l'avenir. Pour ceux-là, le matériel humain se réduit à des cobayes de laboratoire, victimes nécessaires à la recherche de la bonne voie qui va guérit le monde et ses inégalités, de ses injustices, la profession de foi de toujours du communisme. L'indifférence aux souffrances d'autrui, au nom d'un toujours hypothétique avenir radieux, propre à cette démarche intellectuelle, suffit à disqualifier ses partisans. Pour ses antépénultièmes utopistes, la réalité ne doit pas embarrasser le rêve égalitaire. Ils sont favorables à un retour à la case départ, à Marx et à son utopie originelle, ils bataillent pour démontrer que le philosophe n'est pour rien dans ce qui est arrivé, ce qui est en soi une lapalissade puisqu'on ne saurait le rendre coupable de faits postérieurs à ses élucubrations. Lapalissade sans doute, ponce-pilatisme sûrement : que les partis-Etats aient tous pratiqué la lutte des classes et la dictature du prolétariat, concepts marxistes par excellence, pour se livrer au "classicide", permet de penser que cette philosophie est bien l'une des causes de la catastrophe. Si le philosophe Marx n'est pas coupable, l'usage qui a été fait de sa philosophie par ses disciples l'est.
Les communistes qui n'ont pas exercé le pouvoir rejettent toute culpabilité. Ils n'ont jamais tué personne, il est vrai, faute probablement d'en avoir eu la possibilité.
(...) Il est des armes de l'esprit qui peuvent se révéler meurtrières aussi. Ces PC ne sont pas responsables des crimes commis derrière le Rideau de fer, c'est entendu, sauf d'avoir joint leurs voix au choeur de ceux qui réclamaient la mort pour les condamnés.
(...) Sans contrainte, l'appel au meurtre serait-il moins condamnable ?
Se décharger des crimes commis par d'autres est une manière de se défausser.
(Pages 1037 et 1038)
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Le plus prestigieux, sinon le plus précoce des hommes politiques occidentaux à avoir joué un rôle d'"idiot utile" pour le compte de l'Union soviétique avant guerre est probablement Edouard Herriot.
(...) Edouard Herriot, témoin choisi par Moscou pour cacher aux yeux du monde la mort de millions de paysans affamés par ordre du pouvoir [stalinien], peut jouer son rôle de complice. Ce n'est pas que le Français n'a rien vu, c'est qu'il n'a pas voulu dire.
(...) "Lorsqu'on prétend que l'Ukraine est dévastée par la famine, permettez-moi de hausser les épaules", déclare Herriot dès son retour en France. Plus tard, dans ses interviews, il parle du "jardin ukrainien" en pleine prospérité, puis dans un livre, publié en 1934, il reprend la terminologie soviétique sur la "prétendue famine". A Moscou, les dirigeants lui sont reconnaissants du rôle joué.
(...) L'ambassadeur de France, Charles Alphand, adresse à Paris un courrier rassurant sur l'Ukraine. Faisant fi de la "fausseté des nouvelles répandues dans la presse", il admet des difficultés dans le secteur agricole pour mieux accuser les koulaks [paysans russes moins pauvres que la moyenne] de sabotage avec la complicité de l'Allemagne "qui mène en Ukraine une campagne séparatiste".
(...) Lorsqu'il s'est créée en 1916 une association France-Russie, Herriot en a pris la présidence. Le pays passé sous l'emprise bolchevique, le Français a été l'un des premiers hommes politiques occidentaux à se rendre sur place, en 1922 - accompagné d'Edouard Daladier, autre membre du parti radical -, avant même que des relations diplomatiques entre Paris et Moscou ne soient établies. Il est revenu enthousiaste, déjà prêt à jouer les idiots utiles. "Les tables sont fort bien garnies. Nous sommes dans une région riche. De fait nous traversons des plaines parfaitement cultivées où les paysans travaillent les champs divisés, tout comme chez nous", témoigne-t-il dans un récit de voyage qui rencontra un franc succès de librairie.
A l'époque, la Russie bolchevique était déjà victime d'une famine meurtrière - 5,5 millions de morts au total -, dont Herriot n'a pas vu de traces, pas plus qu'il n'en remarquera une dizaine d'années plus tard dans un autre contexte. Il a toujours milité pour une reconnaissance diplomatique du régime bolchevique. Devenu président du Conseil, à la tête du Cartel des gauches, Herriot fit ouvrir une ambassade à Moscou, fin 1924.
(Pages 743 à 746)
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La passion égalitaire ayant trouvé en France, avec la Révolution, à s'exprimer plus tôt qu'ailleurs, le communisme ne pouvait qu'y rencontrer un écho favorable.
(...) Lorsque au début de la Révolution l'abbé Sieyès s'en prend à la caste des privilégiés "dont l'existence seule est une hostilité continuelle contre le grand corps du peuple", il donne une cause à la haine de classe que le marxisme-léninisme se chargera par la suite de systématiser. Comme on le sait, la France de 1789 est saisie d'une "Grande Peur" alimentée par la crainte d'un complot aristocratique imaginaire, qui attise la colère du peuple, et plus tard encore lors de l'assaut des armées étrangères. La Terreur de 1793 a pour but de satisfaire la crainte du peuple terrorisé en appelant à venger "les martyrs de la liberté", avec pour point d'orgue la proclamation d'un "jour de la Vengeance", honoré par l'usage intensif de la "vengeresse du peuple", autre nom donné à la sinistre guillotine. Ces précédents ne sont pas sans rappeler le complexe obsidional qu'allaient instrumentaliser tous les régimes de "dictature du prolétariat" afin de justifier leur terreur. Le "jour de la Vengeance", par exemple, se mue chez les communistes vietnamiens en "jour de la Haine".
"Soyons terribles pour dispenser au peuple de l'être", dit Danton quand il faut justifier la mise en place d'un tribunal révolutionnaire. Au XXe siècle, les tribunaux communistes vont se charger d'être "terribles", au nom et pour le bien du peuple. Le Comité de salut public jacobin se donne pour programme, entre autres, de "purger les prisons et déblayer le sol des immondices, de ces rebuts de l'humanité".
Les régimes communistes vont à leur tour pratiquer la dépersonnalisation des "ennemis du peuple" pour les éliminer. La notion même d'"ennemi du peuple", identifiée à Louis Capet, promis à la décapitation parce que "ennemi extérieur" du corps de la Nation, trouve son origine chez Robespierre et Saint-Just.
(...) Le procès de Louis XVI annonce la justice de classe qui fonctionnera sous d'autres cieux plus tard. "Il n'y a point ici de procès à faire, souhaite Robespierre. Louis n'est point un accusé, vous n'êtes point des juges."
(...) La Terreur une fois décrétée, en septembre 1793, la Convention adopte une loi sur les suspects, destinée selon Saint-Just à "punir non seulement les traîtres, mais les indifférents (...), quiconque est passif dans la République et ne fait rien pour elle". Ultérieurement, les communistes traduiront cela par le mot d'ordre : "Qui n'est pas avec nous est contre nous." Lors du massacre vendéen, le représentant du Comité de salut public proclame la liquidation de "tous les individus des deux sexes" afin de purger le "sol de cette engeance". "Je lève mon verre à l'extermination finale de tous les ennemis et de toute leur lignée", dira Staline en pleine Grande Terreur, un soir de réception au Kremlin.
(Pages 630, 631 et 632)
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Les bourreaux n'ont jamais souhaité que l'on sache ce qu'il advenait de leurs victimes non par mauvaise conscience, mais pour punir aussi les proches du "coupable" en les laissant dans l'incertitude du sort réservé. A leur chagrin s'ajoutait alors le doute d'un vain espoir, ennemi du deuil. Dans l'URSS de Staline, par exemple, la condamnation sans droit de correspondance signifiait la mort, sans le dire. Il n'existe pas de sépulture des disparus, quelques croix parfois se dressent dans l'univers glacé et désertique de Sibérie, mais elles restent rares. La fosse commune a été le lot des condamnés. Des centaines d'entre elles ont souvent été découvertes par hasard, après la chute du communisme, à la faveur de travaux de terrassement, d'urbanisation, d'aménagement. Sans possibilité d'identification, ces morts demeurent anonymes pour l'éternité. Le nombre est un autre empêchement de la mémoire. Répétons-le, nulle autre cause ou idéologie dans l'histoire, que le communisme, n'a provoqué autant de morts en un temps si court, sur une si grande surface du globe. La pléthore et la dispersion du crime nuisent à sa reconnaissance, cela dépasse l'entendement et complique le travail de mémoire. L'esprit humain est dans l'incapacité de concevoir ce que peuvent représenter concrètement des dizaines de millions de morts. Le nombre devient une abstraction, les victimes perdent chair, corps et âme, leur caractère d'humains se dissout dans la multitude. Paradoxalement, l'ampleur du crime est le meilleur fourrier de l'amnésie communiste.
La diversité des victimes est un autre obstacle au deuil. Ce n'est ni l'appartenance à une race ou à une ethnie particulière, ni l'identification à une catégorie sociale déterminée, à une classe d'âge précise, à un niveau culturel donné, à une malformation physique ou mentale, ni une affaire d'opinion ou encore une question de moeurs, qui expliquent le crime communiste. C'est tout cela à la fois, plus d'autres critères encore.
(...) L'universalité de la victime est une nouvelle abstraction, et un nouvel embarras pour concevoir la singularité du crime communiste. La multiplicité des méthodes d'extermination nuit encore à la qualification du délit. Entre les déportations, les exécutions, les tortures, les famines, la mort a pris plusieurs visages.
(Pages 1000 et 1001)
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En novembre 1947, Maurice Thorez se rend à Moscou pour assister aux festivités du 30e anniversaire de la "Grande Révolution Socialiste d'Octobre". Avant son retour en France, Staline le reçoit à la demande du Français. Le secrétaire général du PCF vient chercher conseil auprès du Guide, Staline souhaite de son côté s'informer sur la situation des communistes en France et en Europe. Le rapport de maître à élève subsiste entre les deux hommes, moins prononcé toutefois que lors de leur précédente rencontre il y a trois ans. Le compte rendu de l'entretien le note à un moment :
"Thorez dit que les communistes français seront fiers du fait que lui, Thorez, ait eu l'honneur de s'entretenir avec le Cam. [Camarade] Staline. Thorez remarque que, bien qu'il soit français, il a l'âme d'un citoyen soviétique. Le Cam. Staline dit que nous sommes tous communistes et que cela veut tout dire."
(...) L'histoire aurait été autre si l'Armée rouge avait libéré la France, se désole Staline. Thorez abonde dans ce sens :
"Le Cam. Staline dit que su Churchill avait encore retardé d'un an l'ouverture d'un second front dans le nord de la France, l'Armée rouge serait allée jusqu'en France. Le Cam. Staline dit que nous avions l'idée d'arriver jusqu'à Paris", note le compte rendu.
"Thorez dit que les Anglo-Américains ont débarqué en France moins pour détruire l'Allemagne que pour prendre position en Europe occidentale.
Le Cam Staline dit que, bien évidemment, les Anglo-Américains ne pouvaient laisser l'Armée rouge libérer Paris, alors que, pour leur part, ils seraient restés sur les rives de l'Afrique. [Dans leur esprit] cela aurait été un vrai scandale.
Thorez dit qu'il peut certifier au Cam. Staline que le peuple français aurait accueilli l'Armée rouge avec enthousiasme.
Le Cam. Staline dit que de telles conditions le tableau aurait été tout autre. Thorez dit alors que de Gaulle n'existerait pas.
Le Cam. Staline dit que de Gaulle serait parti."
(Pages 276 et 277)
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