A la lecture de ce roman publié en 1925, je comprends mieux pourquoi les romans de
Virginia WOOLF sont des classiques : Quelle plume, quelle claque ! Décidément, j'aime les classique pour ça !
L'histoire en elle-même n'a rien d'extraordinaire puisqu'elle est constituée d'une seule journée de la vie de
Mrs Dalloway, une femme élégante de la bonne société londonienne, épouse d'un homme politique qui s'épanouit en donnant des réceptions. Mais en seulement 260 pages, l'auteure parvient à nous décrire chaque personnage et leurs vies à travers à la fois la perception qu'ils ont d'eux-mêmes et du monde, et la perception que les autres ont de chacun d'eux.
Pour ce faire, l'auteure nous livre les monologues intérieurs de chaque personnage qui croise la route du lecteur (et il y en aura de toutes sortes !) : On fouille donc dans l'âme de chacun, puis on les voit de l'extérieur avec les yeux des autres et ainsi de suite pour chaque personnage jusqu'à tous les retrouver le soir à la réception, où s'accentue encore la différence entre pensées intimes et paraître extérieur.
La rédaction de ce roman est donc un fondu de souvenirs et d'impressions qui se mélangent, appartenant alternativement à chaque personnage secondaire et qui mettent en lumière le personnage principal éponyme. La lecture donne l'impression de regarder un film dans lequel la caméra ferait un bout de chemin avec chaque personnage qu'elle croiserait au gré des rencontres.
Et ces apartés forment un tout qui nous dépeint à la fois l'époque, la journée, les gens : On entend ainsi penser un soldat revenu de la guerre avec des syndromes post traumatiques qu'on prend pour de la folie et traités comme tels, les sentiments d'un amoureux éconduit envers
Mrs Dalloway, on assiste au retour de l'ancienne meilleure amie perdue de vue qui a bien changé, à l'évolution des sentiments entre époux, aux alliances politiques et discussions d'affaires ou commérages frivoles, etc…
Tous ces personnages sont liés, comme nous sommes tous liés les uns aux autres d'une manière ou d'une autre. Et l'héroïne,
Mrs Dalloway, s'efforce de les réunir tous dans des soirées mondaines régulières. Elle est leur point commun dans cette histoire, leur lien.
Est-
elle superficielle pour autant ? On nous murmure que non : Elle aime la vie, créer des rencontres, voir évoluer les gens, les voir s'amuser et les faire interagir, bref : tisser ce lien social que tout le monde recherche et dont tout le monde dépend.
« Ses soirées ! Tous deux l'avaient critiquée et s'étaient moqués d'elle de façon très injuste à cause de ses soirées. (…) Ils croyaient, ou en tous cas Peter, qu'elle prenait plaisir à se mettre en avant ; qu'elle aimait être entourée de gens célèbres, de grands noms, bref qu'elle était snob, tout simplement. (…) Eh bien, ils avaient tort tous les deux. Ce qu'elle aimait, c'était tout simplement la vie. « C'est pour cela que je le fais » dit-elle en parlant tout haut, à la vie. (…)
Mais pour creuser plus profond, sous ce que disaient les gens (et ces jugements, comme ils sont superficiels, incomplets), pour creuser dans son propre esprit, qu'entendait-elle par cette chose qu'elle appelait la vie ? Oh, c'était très étrange. Imaginons Untel à South Kensington ; Untel à Bayswater ; et quelqu'un d'autre, disons à Mayfair. Elle avait en permanence le sentiment de leur existence. Et
elle se disait quel gâchis.
Elle se disait quel dommage.
Elle se disait si seulement on pouvait les faire se rencontrer. Et elle le faisait. C'était une offrande. Un arrangement, une création. Mais pour qui ? Une offrande pour le simple plaisir d'offrir, peut-être. En tous cas, c'était son don. Elle n'en possédait pas d'autre qui eût la moindre valeur. »
Voici au total un joli tableau de l'époque et de magnifiques portraits tout en légèreté. Mais surtout une oeuvre de l'intime et du quotidien, qui parvient à être extrêmement poétique, avec une plume étonnamment musicale : Rythmée,
elle s'envole puis nous effleure, tourbillonne autour d'un personnage, nous murmure un secret sur l'autre.
Une écriture à découvrir de toute urgence, qui met en valeur l‘intime de chaque âme et en perspective les interconnexions entre les gens, sexes, courants d'idées et professions qui forment la société et font tourner le monde. Quant à moi, je file lire un autre de ses romans : «
Les vagues »…!