Ce livre est ma première incursion dans l'oeuvre de
Akira Yoshimura. Ce ne sera pas la dernière ! Les éditions
Actes Sud, dont il faut saluer la qualité de leur travail dans la collection Babel consacrée à la littérature étrangère, ont rassemblé deux courts récits dans ce livre, avec une traduction d'une très grande qualité. Cela ne va pas m'aider dans ma résolution à lire autre chose que de la littérature japonaise, car à chaque fois que je conviens en moi même d'une pause avant ce dernier livre d'un auteur nippon, j'ai un coup de coeur qui me fait racheter d'autres écrivains du pays du soleil levant !
Le premier récit est le plus original, je vais aussi en tout arbitraire m'attarder sur celui-ci même si l'autre est aussi passionnant à plus d'un titre. On suit dans le récit le parcours du corps d'une jeune femme morte, que sa mère vend à une faculté de médecine afin de s'en débarrasser contre rémunération. Pourtant, ce corps est encore habité par l'âme de sa propriétaire, qui accompagne la dégradation de son véhicule physique du transport à la dissection et à la crémation. A ceux qui auraient un haut le coeur instinctif, ne fuyez pas! Ce qui pourrait se résumer à un vain récit morbide revêt sous la plume de l'auteur une toute autre subtilité. Pourquoi ? Tout d'abord l'auteur prend un parti pris dérangeant. le corps que l'on envisage comme une coquille vide est resté habité par la morte, qui reste une personne sensible, désormais incomprise des autres, incapable de communiquer, et soumise à la volonté des hommes et du système qui traitent son corps comme une denrée périssable ordinaire sans le moindre respect. Cet aspect m'a un peu rappelé la Métamorphose de Kafka, avec ce héros devenu Cafard qui est désormais traité avec répulsion, indifférence par les autres. Mis à part le fait qu'ici le monde ignore que le corps est encore habité, on retrouve une même similarité : ce qui reste un corps humain devient un objet du seul fait de la mort, le changement d'état provoque une déshumanisation définitive. Ce livre nous interroge sur notre respect des morts, nous renvoie la hâte à se débarrasser de l'objet du corps. Un doute vient à nous effleurer. Et si Akira avait raison ? Et si notre âme subsistait dans notre corps à notre mort ? Vaste question métaphysique me direz-vous, que l'auteur a l'élégance de poser en mots subtils.
De plus, ce que je trouve fascinant, c'est que le parcours du corps devient pour notre personnage une sorte de deuxième vie. Elle suit son corps franchir des étapes, le sent évoluer et de ces dégradations éprouve des émotions troublantes. Ce corps vit une deuxième vie, où les situations sont renversées. Là ou la volonté de l'âme imposait ses actions aux corps, c'est un corps qui manipulé par les hommes, impose ses états de fait à l'âme prisonnière.
Enfin, dernière question posée par ce récit ; que ressentirions nous si nous habitions encore notre corps après notre décès ? Question ô combien fascinante (que je ne suis pas à titre personnel pressé de résoudre !)
Petite et trop parcellaire réflexion sur le deuxième récit : la figure de Sone m'a semblé quelque peu inspirée par la vie d'un certain écrivain japonais, pour ne pas le citer
Dazai Osamu….QU'en pensez-vous ?
In fine, je vous conseille vivement ce livre.