Anguille sous roche est le premier roman de
Ali Zamir, jeune Comorien de 29 ans, directeur de la culture de l'île autonome d'Anjouan. Comme un crachat sauvage sorti du fond des océans, une logorrhée anguilliforme, une déferlante de souvenirs, un maelström de passion, ce roman nous engloutit dans cette atmosphère de survit.
Ce monologue s'étend d'une seule phrase de près de 317 pages, style courageux et ambitieux comme l'avait utilisé déjà
Mathias Enard en 2008 avec
Zone, puis aussi "
La danse du fumiste" écrit par
Paul Emond constitué aussi d'une seule et longue phrase de 166 pages, et plus récemment
Sylvain Prudhomme dans
Là, avait dit Bahi en 2012.
Ali Zamir, de son héroïne se noyant, libère sa mémoire de sa vie, cette longue et brutale agonie sème rapidement un flots de souvenirs inextricables, se broyant comme l'écume de lucidité de notre victime, happée par les frondeurs de son univers, l'océan qui la vit naitre et la verra mourir, de ce choix, se justifie naturellement, cette tirade ponctuée de virgule rythment l 'écoulement avec stimulation. Résonne au loin les interrogations et les interpellations de notre victime à des personnes invisibles, muettes comme pour survivre à son isolement, devenant fantôme, ces blancs figent les paragraphes, les doutes tintent, le récit de son histoire doit se finir, sans faille, au prix d'une lutte sans merci conte elle-même s'autoflagellant puis s'encourageant.
Ali Zamir entremêle langue orale et mots précieux avec justesse mais l'osmose tarit lentement comme le fil de cette histoire, terne, sans consistance, où traine des longueurs, des incertitudes où l'imagination reste en berne au détriment du lecteur que je suis.Les Comores, avec l'île d'Anjouan illustre des coutumes locales alimentaires, vestimentaires ou festives où s'imbrique la pauvreté de cette langue dans le chaos de cette pensée mourante.Dans cette ville de Mutsamudu, les pêcheurs majoritaires peuplent les rumeurs, celle des légendes, celles des anecdotes puis celles de Anguille, cette jeune fille de 17 ans, jumelle de Crotale, perdue dans les rouages et moeurs de ces us, celles de son père, Connait-tout, pêcheur septuagénaire, veuf à la naissance de ses deux filles.
Cette fuite mortelle, cette vie courte, cette obsession imperturbable de cette jeune naufragée où s'enfuit ses souvenirs, d'une trahison, de la féminisation de la gente masculine, l'écoulement de la vie anguilliforme, tête relevée, tel une anguille qui ne regrette jamais ces choix, ces choix l'amèneront à cette noyade entre son île et celle de Mayotte.
Une belle lecture où l'ennui vient de temps à autre vous engourdir, le final réveille nos sens avec une révélation improbable cassant la monotonie.
J 'adore les prénoms choisis à chaque personnage, comme une vérité de l'acteur jouant le rôle de son patronyme, comme Anguille, Crotale, Vorace, Tranquille, Voilà puis l'humour aiguise nos sens avec le leitmotiv des petites histoires sur les pets, cette ironie amusante.