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sur 4826 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
La saga familiale d'une famille kabyle des années Trente à nos jours, de l'Algérie à la France, qui s'intéresse aux problèmes de l'identité et aux vestiges du colonialisme. Un roman très bien écrit et extrêmement bien documenté qui mérite d'être lu. Ce récit a le mérite de proposer, outre une histoire bien construite, des perspectives historiques et sociologiques. Alice Zeniter évoque avec subtilité les non-dits et les silences de cette génération d'immigrés qui a dû tout abandonner pour venir en France. Une jolie réussite littéraire.
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L'art de perdre est un très beau livre, dépeignant une partie de la guerre d'Algérie et ses conséquences sur plusieurs générations familiales.
La beauté de ce livre réside, à mon sens, dans ce parcours intergénérationnel qui met en jeu l'évolution lente et ardue d'une famille entière. Ali peinera toute sa vie à accepter ses choix et sa triste réalité, et gardera le silence sur des éléments pourtant cruciaux pour le développement de sa famille. Ce silence qui nous accompagne tout au long du livre, parfois frustrant, représente bien le silence qui entoure généralement la guerre d'Algérie, et notamment le sort des Harkis. Ce silence sera transmis à Hamid, le fils d'Ali, qui fera tout pour sceller ses racines algériennes, et sera ensuite subi par sa propre fille, Naïma. Celle-ci se posera énormément de questions quant à ses origines et quant à sa place dans la société, aussi bien française qu'algérienne. Son évolution est captivante et émouvante.
J'ai aimé comprendre l'impact de certains évènements sociétaux des dernières années, sur une partie de la population française, longtemps oubliée.
Toutefois, j'ai trouvé le livre plutôt long et certains passages m'ont semblé trop descriptifs, me coupant de l'histoire. J'aurai sans doute davantage accroché à une version plus condensée de ce livre...
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Un titre qui amène à la réflexion, une belle couverture qui ressemble étrangement à un tableau du Douanier Rousseau. Pourquoi l'éditeur a-t-il choisi de mettre en scène un tigre dans cette illustration ? Ce félin paraît apeuré, sur la défensive, mais en même temps on sent qu'il peut être dangereux et qu'il peut sauter à tout moment sur sa victime et l'égorger.

L'art de perdre, c'est sans doute l'art de perdre son pays, sa position sociale, ses biens, ses amis, une partie de sa vie, ses repères et ses morts que l'on laisse derrière soi pour fuir son pays.
Homme important et écouté de son village en Kabylie, Ali et sa famille doivent s'enfuir de leur village comme des pestiférés, abandonner leurs terres et deviennent des moins que rien une fois arrivés en France, des invisibles parqués dans des camps de transit et de reclassement comme celui de Rivesaltes.

L'art de perdre, c'est aussi l'art de perdre son identité, sa mémoire.
Ali et son fils se refusent à évoquer ces évènements. Aux questions posées par les proches et la descendance d'Ali, se heurtent deux silences.

« La première, celle de 39-45, il en est ressorti en héros et alors son silence n'a fait que souligner sa bravoure et l'ampleur de ce qu'il avait eu à supporter. On pouvait parler de son silence avec respect, comme d'une pudeur de guerrier. Mais la seconde, celle d'Algérie, il en est ressorti traître et du coup son silence n'a fait que souligner sa bassesse et on a eu l'impression que la honte l'avait privé de mot. »


Alice Zeniter s'est très bien documentée : la montée du FLN, la façon dont les Français ont instrumentalisé les harkis, les massacres, la peur, les attentats, les accords d'Evian, l'exil, le racisme et les humiliations. Mais je suis désolée de dire que j'ai eu du mal à rentrer dans l'histoire. On navigue entre le récit et le documentaire, et cela m'a déstabilisé. Je suis « sortie » plusieurs fois de l'histoire, et c'est ainsi que je me suis surprise, plusieurs fois, à lire certaines pages en diagonale, tant elles me paraissaient sans fin.

Je suis tout de même très contente d'avoir lu ce roman et d'avoir appris beaucoup sur la guerre d'Algérie qui reste encore un morceau d'histoire tabou. Un texte indispensable sur le devoir de mémoire. Un hommage aux harkis.
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l'art de perdre ou qu'est-ce qu'un harki ?
un traître à sa patrie, l'Algérie, ayant honteusement collaboré avec l'occupant français ?
En 1962, en tous cas, pour le tout nouveau pays indépendant, c'est un être immonde juste bon à être égorgé !

Ali, le grand-père de Naïma n'a rien de monstrueux. Non, il n'a simplement pas supporté que le Fln assassine un de ses compagnons, ancien combattant comme lui. Ali est un être humain comme des millions d'autres, révolté par les excès commis, mais Ali deviendra un homme déraciné, condamné à fuir sa Kabylie natale, son univers, ses champs, ses oliviers, une partie de sa famille, pour venir s'installer en France, sa patrie, puisqu'il est français !

Mais la France ne lui fera pas de cadeau. Tout d'abord interné avec femme et enfants dans un camp, il ne sera qu'un "crouille" aux yeux de certains crétins, français de souche, et il aura le sentiment d'avoir perdu son honneur, sa dignité, se repliera sur lui-même jusqu'à devenir un inconnu pour ses proches et son seul espoir résidera dans l'avenir que ses enfants pourront se construire. Ce que fera le fils aîné, grâce aux études et à l'oubli volontaire de l'Algérie, pays dont il ne voudra plus entendre parler.

"je suis devenu jayah ... c'est comme cela que l'on désigne l'animal qui s'est éloigné du troupeau et l'émigré qui a coupé les liens avec la communauté. Jayah, c'est la brebis galeuse. Celui qui n'a plus rien à apporter au groupe, qu'il s'agisse de la famille, du clan ou du village. Jayah, c'est un statut honteux, une déchéance, une catastrophe. C'est ce que ressent Ali. La France est un monde-piège dans lequel il s'est perdu."

Naïma, sa petite fille, nous conte la désolante trajectoire de cet homme qu'elle nous livre dans un récit pudique et émouvant, dépourvu de tout pathos, mais déchirant, et nous restitue avec brio cette page honteuse d'histoire de France, superbement occultée par les manuels, où des êtres humains se sont retrouvés sans patrie, rejetés par l'Algérie, et traités comme des parias par la France.
A lire, pour apprendre et comprendre !
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Ce roman d'Alice Zeniter, L'Art de perdre, m'attirait pour plusieurs raisons… J'aime beaucoup les romans historiques qui abordent l'Histoire à partir de points de vue individuels et intimistes et j'ai un certain intérêt pour tout ce qui touche aux problématiques et aux littératures postcoloniales.

Dans L'Art de perdre, Alice Zeniter met en scène Naïma, née en France d'un père algérien et d'une mère française. La jeune femme vit, malgré elle, une crise identitaire puisque personne ne lui a raconté la Kabylie dont son père et son grand-père sont originaires ; en effet, c'est la société française en général puis son milieu professionnel qui la poussent à faire des recherches sur la douloureuse histoire des Harkis et à se rendre, finalement, dans le pays méconnu de ses origines.
Le parcours de Naïma sert de prétexte au récit d'une magnifique fresque familiale intergénérationnelle au cours de laquelle l'auteure donne une place et une légitimité à la parole des oubliés de l'Histoire. Elle présente son livre comme une trajectoire douloureuse de migration.

C'est en format audio que j'ai choisi d'aborder ce roman, lu par Zineb Triki. Au début de mon audio-lecture, j'étais un peu agacée par le ton de la lectrice, que je qualifiais de « boudeur » et j'avais fini par écouter d'une oreille plutôt distraite et puis j'ai accroché peu à peu au récit de la première partie au point de recommencer cette audio-lecture depuis le début en étant beaucoup plus attentive.
L'histoire du grand-père et du père de l'héroïne dans les montagnes de Kabylie puis, en France, dans les camps de transit pour harkis, les hameaux de forestage et les cités urbaines ghettos est racontée et vécue de l'intérieur ; les personnages sont travaillés et attachants, leurs parcours sont édifiants et rendent compte de la manière dont la France a traité les supplétifs engagés dans la guerre d'Algérie, leur refusant le statut de militaire, les abandonnant à leur sort, n'en rapatriant qu'une partie dans des conditions honteuses. Tous les personnages gardent une certaine dignité malgré les épreuves endurées ; il émane des grands parents une forme de grandeur dans le souvenir de la Kabylie originelle, dans leur posture d'exilés incompris, en quête de reconnaissance. Cette impression décroit avec la génération suivante, le père de Naïma semblant avoir accepté le rôle du perdant…
La deuxième partie raconte comment Naïma part à la rencontre de ses racines algériennes et c'est vrai que cela pêche par excès de pathos. Pourtant, la transition artistique pose une touche originale sur ce deuxième parcours et promettait une posture à la fois distanciée et esthétique : malheureusement, Naïma n'arrive pas à profiter pleinement de la chance qui lui est donnée…

En fait, la lectrice avait bien saisi l'ambiance générale de ce roman et sa tonalité, que je jugeais trop geignarde, est sans doute assez juste. Selon moi, c'est un peu dommage car cela accentue et dénature le propos tout en rendant peut-être justice au postulat de l'auteure... dont la présence s'affirme parfois dans le récit par des réflexions à la première personne indiquant souvent qu'elle ne maîtrise pas forcément les choix de ses personnages.

Un beau sujet mais traité dans une expression parfois trop expansive et sur-jouée.
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L'Art de Perdre mais que perd-on quand on quitte son pays, ses racines, sa famille mais en plus quand on le quitte comme un ennemi à sa patrie et un étranger sur la terre d'accueil ? Est-ce un art ou une bénédiction quand le passé est une souffrance ?

Sur 3 générations Alice Zeniter retrace le parcours d'une famille (inspirée de sa propre famille) qui abandonne sa terre natale, ses richesses, sa maison et son statut car son chef de famille, Ali, en 1962, a fait un choix, son choix mais a-t-on toujours le choix, d'être du côté des français (mais n'oublions pas que jusqu'à cette date l'Algérie était française).

La guerre d'indépendance, lui, l'a vécue dans la peur, le sang et l'injustice. Il a fait des choix : il a protégé sa famille mais a dû quitter son pays à la fin du conflit car il n'était plus, pour les autres, algérien mais français et il était déjà étranger à l'Algérie car il était Kabyle.

Arrivés en France dans différents lieux d'hébergement enfin plutôt des camps, humiliés, sans rien que le minimum de ce que l'on a pu emporter sur soi, ballotés du sud à l'est puis à l'ouest, en Normandie dans une cité HLM/ghetto. On n'y est pas non plus reconnus, on est tout juste tolérés. Il y a les algériens et il y a eux, les harkis, traitres à leur patrie mais quelle patrie et pour quelle reconnaissance.

Alice divise son récit en 3 parties, une par génération :

Ali, le grand-père kabyle, harki qui vivra le déracinement de façon douloureuse mais avec l'espoir d'un ailleurs possible et comprendra vite qu'il n'a plus de pays. Amère désillusion d'une terre d'accueil dont il se sent exclu et pour laquelle il a tout sacrifié. Même dans le regard des siens, ses proches il vivra cela comme celui qui a trahi, a fui et il se tait.

Hamid, son fils, né là-bas, avant la fuite, dont il ne garde aucun souvenir,  mais arrivé très jeune en France, et qui affrontera et s'éloignera de son père,  parce qu'il est et se sent français et par envie d'intégration. 

Naîma, la petite fille qui cherche à comprendre et cherche sa place mais devant le silence des générations précédentes, entreprendra le voyage dans les origines.

Très beau roman, une fresque sur les racines, avec en fond la guerre d'Algérie. Une famille kabyle qui se sent kabyle et non algérienne et donc déjà une étrangère, qui côtoyait français et algériens, qui se retrouvent au centre d'une guerre de militaires, de révolutionnaires mais aussi d'intérêts dont elle ne comprend pas tous les enjeux mais qui voit la souffrance, les meurtres.

Amertume du traitement subit par ses hommes qui ont fait le choix (quelles qu'en soit les raisons) de tout quitter parce qu'ils n'avaient plus leur place là-bas mais qui ne l'avaient pas plus ici. Qui est-on ? Celui des racines, celui de la terre natale ? Et comment se construire quand le silence vous entoure, qu'on ne répond pas à vos questions, que vous vous construisez uniquement par les regards, les odeurs de cuisine, les bribes de discussions entendues. Comment se construire lorsqu'on ne parle plus la même langue même au sein d'une même famille ou que l'on se moque de vous lorsque vous essayez de parler.....

Ils reçoivent les voisins avec un masque grave qui dissimule mal la jubilation qu'ils éprouvent et, après quelques hochements de tête, se lancent dans l'analyse des pièces apportées comme si, en devins des temps anciens, ils ouvraient le ventre d'un animal pour y lire des messages secrets et supérieurs.(p257)
La nouvelle génération prend en charge les "anciens", les manipulent parfois, le rôle de chacun est modifié, dévalorisé, les traditions s'oublient et l'on peine à partager.

Ils trouveront difficilement leurs places dans ce pays d'accueil et quand ils la trouveront ce sera au risque de se couper de leurs familles.

Tout le monde s'effondre à un moment ou à un autre, il faut juste attendre un peu. Il y a des jours où vous croyez que tout va bien et puis vous vous penchez et vous voyez votre lacet défait. Soudain, l'impression de bonheur disparaît, le sourire lui-même s'écroule, comme des bâtiments soufflés par une explosion : il tombe comme les immeubles. En fait vous n'attendiez que ça, le lacet, la chose minuscule. Tout le monde a secrètement envie d'être furieux ou malheureux. Ca rend intéressant.(p365)
Naïma (l'auteure) fruit de la mixité, remontera le fil de l'histoire, ressentant un trouble et une attirance pour un pays qui lui est étranger, où de nouvelles règles s'installent mais où elle comprend qu'elle fait partie malgré tout de ce pays, qu'il est au plus profond d'elle.

Naïma aime les gens qui vieillissent sans mollir. C'est un effort et un risque considérables  le corps avec l'âge supporte moins bien les coups. Décider de rester droit, debout et dur, c'est s'exposer à la brisure nette des os ou de l'ego. Alors chez la plupart des gens, la colonne vertébrale ploie lentement avec les années et une sorte de calme s'installe - qui semble pour Naïma une renonciation -  et transforme les dernières oeuvres des artistes vieillissants en des vignettes nostalgiques qui ne l'intéressent pas.(p365)
Il est important de transmettre, pour ne pas perdre, se connaître, savoir d'où l'on vient pour mieux aller là où l'on va, mais la pudeur, la honte parfois peuvent parfois l'empêcher sans oublier qu'il s'agit de générations où la parole n'était pas aussi libre que maintenant.

Il reprend le récit de sa vie là où il l'avait laissé la dernière fois, comme si c'était un livre dont il avait marqué la page et qu'il avait glissé sous la table basse jusqu'à ce qu'elle revienne et qu'il puisse l'ouvrir, sans effort, au bon endroit. (p396)
J'ai aimé l'écriture, fluide et forte. Sa délicatesse, sa précision, le travail de documentation, la pudeur des situations mais aussi leur force parfois dans les non-dits, les silences et le bruit de fond : l'injustice, le mépris face à ces apatrides, la honte aussi. J'ai trouvé parfois certaines longueurs mais ma lecture et mon plaisir ont été crescendo et plus particulièrement dans la dernière partie : "Paris est une fête", qui est la synthèse, le bilan et surtout sur une forme de parole libérée, enfin.
Lien : http://mumudanslebocage.word..
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Entre nous, ce roman et moi, cela a été un peu un coup de foudre. Je ne connaissais rien de son histoire ni de son succès. Je passais devant une librairie, "La mémoire du monde" en vacances accompagné de mon fils. J'essayais par ailleurs de lui enseigner les vertus d'être fairplay au jeu. Nous aimons beaucoup les jeux de société et les enfants ont parfois du mal à perdre. Apprécier le fait de participer plutôt que vouloir gagner à tout prix et faire un drame de la défaite. Puis, cette vitrine avec cette couverture! Ce tableau de Rousseau. Ce tigre magnifique avec ces couleurs fauves qui m'attirait inéluctablement. Et ce titre"L'Art de perdre"qui allait tellement à contre-courant de notre vie actuelle où on est au résultat, à la réussite, à la rentabilité, au toujours plus vite et au plus fort. Quelques secondes avant, j'expliquais encore à mon enfant l'intérêt de ne pas tout focaliser sur la victoire mais sur l''être ensemble". le but de jouer n'est-il pas le partage avant tout? D'ailleurs j'apprécie beaucoup les jeux coopératifs pour cette raison. Jouer ensemble et pas contre l'autre. Enfin, vous l'avez compris, je suis entrée avec mon fils et j'ai demandé de quoi traitait ce roman mais même quand on m'a répondu "la guerre d'Algérie", à ma grande surprise, je l'ai quand même pris. J'étais trop curieuse de le lire et j'étais déjà mordue. Et je n'ai pas été déçue. Une de mes meilleures lectures depuis la rentrée (et j'en ai lu une bonne quarantaine et des pas mal conseillés par des amis..). Mon préféré je crois...

Pour information, ce roman paru en août 2017 a remporté une demi-douzaine de prix littéraires (seuls 4 apparaissent sur babelio actuellement), excusez du peu. le Goncourt des Lycéens 2017. le Prix Landerneau des Lecteurs 2017. le Prix des libraires de Nancy et des journalistes du Point. le Prix du Journal le Monde. Et pour le Prix Liste Goncourt, la Pologne, l'Espagne, la Belgique et la Suisse l'avaient choisi comme meilleur livre français. Finaliste Prix Goncourt 2017 également. Il est resté deux années (2017 et 2018) au palmarès des livres francophones les plus vendus en France.

L'expression L'Art de perdre est l'incipit du poème One Art d'Elizabeth Bishop (1911-1979)1, que connaissent et citent Naïma et son chauffeur entre Tizi Ouzou et Alger, au retour de la maison familiale et du pays d'origine ; poème également lu par l'héroïne du film In Her Shoes.
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Trois générations, du grand-père à la petite-fille, trois générations, depuis le village de la crête jusqu'à Paris, en passant par les camps pour harkis, et les banlieues les moins charmantes de Normandie, pour un récit fort complet.
Trop complet, presque, c'est à peu près le seul défaut d'un livre à l'écriture élégante: dans ce récit triple, il y a quelques longueurs. C'est un de ces livres impossibles à raconter car trop riches: il faudrait raconter les oliviers, et la peur, et les menaces, et les massacres, il faudrait raconter la vie dans le camp, et le prénom français du petit frère imposé par l'assistante sociale, et les chenilles processionnaires et l'usine, il faudrait raconter les lettres lues par le fils, et les coups de fils de l'autre côté de la Méditerranée, et Clarisse à qui l'homme de sa vie n'ose dire son passé, et enfin Naïma, et cette Algérie perdue qui ne sera jamais tout à fait retrouvée.
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"Ce qu'on ne te transmet pas, ça se perd, c'est tout. Tu viens d'ici mais ce n'est pas chez toi."
Dans ce roman, Alice Zeniter raconte l'histoire d'une famille sur trois générations : le grand-père Ali, né au temps de "l'Algérie de papa", comme l'a appelé De Gaulle, enrôlé dans l'armée française durant la seconde guerre mondiale et se retrouvant à devoir faire un choix lors de la guerre d'indépendance. Choix ou non, sa petite-fille ne sait pas , l'histoire familiale ne le raconte pas, le grand-père s'est muré dans son silence. Il ne le racontera pas à son fils Hamid, qui a fui le pays natal en 1962, comme tous les harkis, pour échapper aux représailles du FLN, mais rejetés, parqués dans des camps de transit lors de leur arrivée en France, la "France froide" racontée avec l'histoire du père qui se construit dans ce pays qui devient le sien, il trouvera toujours des raisons pour ne pas retourner de l'autre côté de la mer, la Méditerranée devenue une frontière infranchissable. Et puis, Naïma, la fille, petite-fille, qui se cherche, qui veut comprendre d'où elle vient dans cette France traumatisée par les attentats de Charlie et du 13 novembre, trop prompte aux amalgames, dans laquelle on lui demande d'être plus solidaire que les autres, du fait des origines de sa famille paternelle...
Mais cette histoire, elle a aussi une dimension plus universelle, celle de ces 2ème, 3ème générations, d'ici tout en étant un peu d'ailleurs sans en être vraiment...
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Menacé par le FLN, Ali descend de son hameau kabyle pour chercher protection en ville mais se compromet en contactant l'armée. Il ne peut obtenir le pardon de cette forfaiture car les insurgés le conditionnent à l'assassinat d'un officier. Il émigre en France dans des conditions périlleuses, est interné avec sa famille au camp de Rivesaltes, puis confiné dans un hameau de forestage avant d'atterrir dans une barre HLM. Sa fuite et l'année de son exil — 1962 — le désignent comme harki. Il est moralement détruit par la perte de sa maison et de sa culture, par son illettrisme, et par le renversement de la hiérarchie familiale — son fils Hamid parle bien mieux français et lui sert d'intermédiaire. Après 200 pages quasi documentaires, illustration discrètement romancée d'un constat ethnologique et historique, un deuxième temps du livre est l'acculturation et l'ascension sociale de Hamid dans une petite ville de Normandie. La troisième partie, la plus longue mais aussi la plus souple dans l'écriture, la plus subtile aussi, est la vie parisienne de sa petite-fille Naïma, personnage dominant et porte-parole de l'auteure qui se prend à parler à la première ou à la troisième personne. Étrange rupture de ton. On apprend dans la première partie, on se projette dans la dernière qui pourrait être écrite par narrateur différent. Pudeur dans la présentation du grand-père humilié ou habileté littéraire ?

Père, fils et petite-fille connaissent le racisme, un racisme de basse intensité mais persistant, ravivé par les attentats de 2013 ; le premier le subit, le second contre-attaque, la troisième tourne les racistes en dérision. Naïma sera la première à retourner en Algérie, au village de la montagne, non sans crainte et non sans bonheur, bouclant l'histoire familiale. Symboliquement, les mêmes phrases sont répétées à la première et à la dernière page de l'histoire de Naïma.

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