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sur 4762 notes
D'Ali à Naïma, du temps colonial aux attentats de 2015, en passant par la guerre d'Algérie : des décennies d'Histoire, et l'histoire d'une famille sur trois générations.
Des faits bruts, brutaux, dérangeants.
Des hommes et des femmes terriblement attachants.
Alice Zeniter a écrit un roman prenant dont j'ai tourné les pages avec avidité.
Un roman foisonnant, débordant de vie et de mort, de joies et de tristesses tout à la fois.
Je me suis attachée aux personnages, je les ai de mieux en mieux compris, de plus en plus aimés, me laissant finalement complètement emporter par le flot des émotions.
Naïma voudrait comprendre qui elle est, d'où elle vient. Mais comment le pourra-t-elle entre une grand-mère qui ne parle pas la même langue qu'elle et un père meurtri qui refuse d'évoquer l'histoire familiale ?
Dans la tête de Naïma, c'est un tourbillon de questions sans réponses.
Est-elle française ? algérienne ? kabyle ? Rien de tout cela... ou un peu de tout cela à la fois ?
Être descendante de harki, qu'est-ce que cela veut dire ? Qu'est-ce que cela implique ?
Comment démêler les fils de cette histoire si complexe ?
Ses grands-parents ont connu l'exil, la fuite de l'Algérie qui les rejetait et dans laquelle ils n'étaient plus en sécurité, l'arrivée dans une France qui ne les a pas bien accueillis. Traitres d'un côté de la Méditerranée, moins-que-rien de l'autre.
Pris dans une tenaille infernale.
Comment vivre dans ces conditions ? Et pour les plus jeunes, comment se construire ?
Inspirée par sa propre histoire familiale, Alice Zeniter embarque le lecteur dans une grande fresque en trois parties, au cours desquelles l'intensité des émotions monte progressivement. Un récit sur l'exil et la perte. Un récit sur la recherche de ses racines, sur la quête de son identité.
Un récit profondément humain et dont je sors toute bouleversée.
"Ce qu'on ne transmet pas, ça se perd, c'est tout. Tu viens d'ici mais ce n'est pas chez toi."
Les lycéens qui ont attribué leur Goncourt en 2017 à ce roman ont décidément très bon goût !
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Quel beau roman.
C'est l'histoire d'Ali, écartelé, déraciné qui va devoir quitter l'Algérie en 1962 ; date qui va le poursuivre toute sa vie.
C'est l'histoire d'Hamid son fils, né en Algérie mais qui veut en oublier les odeurs, les couleurs, la musique et les saveurs.
C'est l'histoire de Naïma, française qui ne connait pas le pays de son grand-père trop peu connu, de sa grand-mère adorée et de son père taiseux.
Les oncles, les tantes, la mère, les amis, les cousins sont attachants, émouvants.
La plume de l'auteure est pudique, élégante presque envoutante.
Je me suis sentie bien pendant ma lecture même s'il y a de l'injustice, du déracinement, du racisme, de la colère et de l'émotion.
J'ai adoré.
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Une amie m'avait prêté ce roman il y a quelques mois, je l'avais vite abandonné simplement parce qu'elle annote les pages au crayon, ce que je déteste...
le confinement me l'a fait reprendre et j'en suis heureux, le livre m'a passionné !

Passionné par cette recherche d'Identité, de racines, d'histoire de sa famille que mène Naïma,
passionné par ce rappel de l'histoire de l'Algérie, de sa guerre d'indépendance, des choix douloureux de ses habitants entre le FLN et la France, par le sort des Harkis, ceux qui se sont tournés vers la France et qui ont été considérés alors comme traîtres, passionné par leur arrivée en France, parqués dans des camps, pas vraiment acceptés, par les conflits entre les bons Algériens et les traîtres, par ceux qui gardent la nostalgie d'un paradis perdu (et toujours immuable comme si l'Algérie ne se modifiait plus depuis leur départ, par ceux qui au contraire veulent gommer le passé.
Naïma, qui fait partie de la seconde génération de ces exilés, fera le voyage vers le pays de ses ancêtres.
le roman, saga d'une famille kabyle, nous fait passer de sa pauvreté initiale à sa réussite financière et sociale dans un village de montagne, les prémisses des luttes d'indépendance durant lesquelles tant le FLN que les Français incitent les villageois à choisir le bon camp, la fuite vers la France tout en pensant que ce n'est que provisoire, les difficultés à l'arrivée, la confrontation au racisme.
Il aborde aussi la condition des femmes, l'écart qui se creuse entre ceux qui ont quitté l'Algérie et leurs enfants qui ne connaissent que la France et qui privilégient la langue française.
Un peu plus de 500 pages parcourues avec intérêt et grand plaisir.
Je ne manquerai pas de le dire à mon amie et de la remercier en lui rendant son livre !
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Pour cette rentrée littéraire 2017, Alice Zeniter nous propose un très beau roman sur la recherche d'identité et de ses racines. Plus de cinquante ans après la fin de la guerre d'Algérie et des accords d'Évian, c'est avec un roman que l'auteure a choisi de raconter l'histoire des harkis et de leurs familles, ces Français musulmans qui ont choisi la France plutôt que l'Algérie.

Trois générations, trois personnages, Ali, Hamid et Naïma.
Naïma, la narratrice conte l'histoire de sa famille, la famille Zekkar. Cela commence par son grand-père, Ali, producteur d'huile d'olive, notable de son village en Kabylie. Sa vie en Algérie dans les années 40 et 50, la guerre d'indépendance, son dilemme et son engagement aux cotés des Français, le côté des perdants. Et puis : la fuite, le bateau, Alger-Marseille, les centres d'accueil, le camp de transit de Rivesaltes, l'installation en HLM en Normandie. Son changement de statut, de notable à simple ouvrier illettré, « Je suis devenu jayah. C'est comme cela qu'on désigne l'animal qui s'est éloigné du troupeau et l'émigré qui a coupé les liens avec la communauté. Jayah, c'est la brebis galeuse. Celui qui n'a plus rien à apporter au groupe, qu'il s'agisse de la famille, du clan ou du village. Jayah, c'est un statut honteux, une déchéance, une catastrophe. C'est ce que ressent Ali. La France est un monde-piège dans lequel il s'est perdu. ».
Elle raconte le combat d'Hamid, son père, fils ainé d'Ali, qui ressent la honte de son père et fera tout pour se détacher de sa famille et de son passé.
Naïma relate aussi ses difficultés en tant que personne issue de la troisième génération. le sang algérien qui coule dans ses veines, son éducation française. le poids du passé que sa famille a tout fait pour oublier, sa vie de femme moderne et occidentale.

« L'art de perdre » est une grande fresque familiale qui nous entraine de l'Algérie coloniale à la France d'aujourd'hui. Mais derrière cette histoire, Alice Zeniter nous parle des difficultés de l'intégration. Elle rend un hommage aux harkis et pose des questions sur leurs engagements et leurs répercussions.
Déjà primé par le Prix Littéraire le Monde. Ce roman est aussi présent dans les sélections pour le Prix Goncourt, le Prix Femina et le Grand Prix du Roman de l'Académie française. Un roman à lire !
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L'art de perdre est un voyage à la fois géographique et sentimental entre trois générations déracinées d'une Algérie natale, dont certaines ne l'ont pas connue. L'auteure, Alice Zeniter, ressemble étrangement à un des personnages du livre, Naïma, la petite fille d'Ali, celle qui porte la troisième génération.
Laissez-moi vous tendre la main vers ce pays que je ne connaissais pas, l'Algérie, et vous dire qu'à travers ces pages, certains personnages m'ont aussi tendu la main pour m'entraîner dans ce voyage intime.
Ici j'ai senti le ciel bleu et sa douleur. Je ne sais pas encore comment me remettre de ce voyage.
L'Algérie apparaît tout d'abord comme un pays inondé de soleil et d'insouciance Nous sommes en Kabylie et faisons connaissance avec Ali qui a combattu auprès des alliés lors de la seconde guerre mondiale. Son village est un sanctuaire de bonheur. Son destin et celui des siens, sur cette terre d'Algérie, va basculer progressivement lorsque l'idée d'indépendance va venir et puis cette fameuse guerre d'Algérie qui va meurtrir, ensanglanter, diviser, sans qu'il y ait d'un côté les bons personnages et de l'autre les mauvais.
1962, c'est une brèche ouverte par une date. Pour certains, il faut partir. Ils n'étaient pas du bon côté. On les a nommés les Harkis. Pour eux, l'Algérie s'éloigne comme un continent naufragé et j'aime cette image belle et tragique, lorsque le ferry quitte Alger, emmenant la famille d'Ali vers la France, où l'Algérie qui s'éloigne, ressemble à une sorte de bloc attaché et emporté par le bateau en partance. Cette scène est pour moi une déchirure à la fois douloureuse et magnifique. À leur arrivée en France, ils sont cantonnés dans des camps. Ils sont derrière des barbelés.
La deuxième génération vient alors dans le récit. Elle est portée par Hamid, fils d'Ali et père de Naïma.
Naïma n'a donc pas connu l'Algérie. Elle en rêve pourtant.
Naturellement, Naïma veut se rendre dans l'Algérie natale, celle qu'elle ne connait pas. Ce voyage est un questionnement qui pourrait l'apaiser.
Mais comment parler d'un pays perdu, comment revenir à ce pays de mémoire sans n'y avoir encore jamais mis les pieds ?
Les pays dont on s'éloigne ressemblent à des terres naufragées.
Ce livre nous parle de destins brisés.
Ce livre nous parle aussi de nous-mêmes.
J'ai senti au fond de moi cette déchirure venir peu à peu, ce récit dit cela avec beaucoup d'émotions.
Un pays perdu n'est jamais qu'une seule chose à la fois.
C'est aussi un pays unique, un pays multiple.
Un pays est autant ce qu'il fut que toutes les possibilités qu'il porte encore.
C'est un livre en mouvement. Ce livre nous dit le soleil et la déchirure, une fracture qui vient dans ce ciel si bas qui se penche désormais sur une terre absente.
Des êtres vivent ensemble, dans un même village, sur une même terre, et brusquement l'histoire s'engouffre dans leurs vies, divise ce qui était paisible.
Ce livre est un pont, une passerelle, ce sont des mots jetés entre trois générations, comme des bras tendus, comme le fil ténu qui relie les femmes et les hommes d'une même famille, dans ce déchirement d'un pays qui n'est plus sous leurs pieds.
Ce texte ample et délié est une rencontre.
Dans ce récit qu'on pourrait presque considérer comme autobiographique, l'Algérie s'invite comme un pays à reconquérir.
Pays perdu,
Pays de l'enfance,
Pays de la guerre,
Pays unique,
Pays multiple,
Pays lointain...
Ô ce pays absent !
Ce pays est un tout et n'est jamais une seule chose à la fois.
J'ai aimé la justesse des mots, du récit.
J'ai aimé ce pays que je ne connais pas.
Comment saisir le ciel dans ce déracinement ?
Comment réapprendre un pays où l'on n'a encore jamais mis les pieds ?
Ce livre parle de la douleur et de la détresse d'un pays manquant, d'une religion perdue, d'un pays qu'on ne connaît que par les seuls mots que disent les parents ou les livres.
Plus tard, tout à la fin, j'aime cette phrase qui conclut l'itinéraire de Naïma : « elle reste en mouvement, elle va encore ».
Nous aussi, à travers ce livre magnifique, nous cheminons. Il est important de cheminer, de se perdre aussi. Celui qui trouve trop vite son chemin, c'est qu'il n'a pas su s'égarer. Je me suis égaré dans les questions que se posaient Ali, Hamid, Naïma. Je n'ai pas encore trouvé les réponses. Je me perds aussi, avec eux, avec les autres...
L'art de perdre est un chemin.
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Apres Le pays des autres (et ma legere deconvenue) de Slimani, j'ai pris en enfilade ce livre, voir comment interpretait Zeniter la partition France-Afrique du Nord.


C'est une autre musique. Un autre rythme. Une autre harmonie. Je l'ai suivie attentivement jusqu'a me perdre entre ses notes et mes pensees. Envoute, j'ai grince des dents; j'ai ri; je me suis laisse envahir par l'emotion; des souvenirs enfouis qui n'ont rien a voir avec la trame du livre, de cette partition, ont ressurgi; j'ai ete remue, revolte, agite, suffoque, conquis. Conquis. J'en suis ressorti enivre, deborde, repu. Comble. Conquis.


C'est une trilogie en un seul tome. le livre d'Ali, le grand-pere. le livre de Hamid, le pere. le livre de Naima, la fille. Trois livres qui s'enlacent, s'embrassent et se melangent pour n'en faire qu'un. Trois generations confrontees a une meme relation binaire: France-Algerie. Une relation qui change a chaque generation mais qui change aussi a l'interieur de chaque generation. Rien n'est statique. Rien n'est simple. Dans de nombreux passages, une derniere phrase vient remettre en question tout ce qu'a ete enonce auparavant


Tout commence avec Ali, un kabyle qui, parti de rien, arrive a devenir grand proprietaire terrien, chef de clan. Il a combattu aux cotes de la France libre pendant la deuxieme guerre mondiale (c'est un des heros de Montecassino) et ne croit pas a la force du FLN. Par orgueil il affichera ses accointances francaises jusqu'a ce que lui et sa famille soient clairement menaces et qu'il n'ait d'autre issue que la fuite, l'exil. En France, il sera parque, avec les autres harkis, dans le camp de Rivesaltes, puis dans un hameau de forestage pres de la Durance, le Logis d'Anne, pour finir apres quelques annees dans un ensemble d'HLM construit a Flers en Normandie, la Cite du Pont-Feron. L'homme orgueilleux devient soumis, abattu, dependant de son fils pour tout contact avec n'importe quelle administration, bouffe par une colere qui ne peut s'exterioriser. Sa femme, Yema (on ne l'appelle pas par son prenom mais par son role, son titre, imma, la mere) essaiera toute sa vie de greffer un certain souvenir, une certaine idee de l'Algerie en France.


Passons a Hamid, leur fils. LE fils, parce que l'aine. Ne en Kabylie, il ne commence une scolarisation qu'a Flers, vers les 10 ans. Il se lancera dans les etudes comme un forcene, et, se faisant des amis francais, dans une francisation a outrance. Il s'eloignera de ses parents et s'enfermera dans un mutisme acharne, ne passant a ses quatre filles rien de son passe algerien ni d'une vague culture maghrebine, a part leurs noms.


A la troisieme generation, Naima aussi tente de s'enfermer dans un mutisme, de s'isoler de ses origines, mais une fois advenu le 21e siecle, le terrorisme islamiste bouleverse les assises de son assurance de parade: pourquoi autour d'elle cet amalgame entre Islam et islamisme radical, entre arabes et Islam, quoi, il n'existe pas d'arabes athees? Il y a meme des arabes chretiens! Et pourquoi il y a relativement peu de musulmans qui denoncent ce terrorisme de mauvais aloi, de mauvais Islam? Et elle, elle n'est meme pas arabe, elle est kabyle! Comment kabyle? Elle est francaise! Mais tout parait vouloir la ramener a une identite algerienne! Pourquoi s'adresse-t-on a elle drolement? Et pourquoi se prend elle des fois a expliquer ce qu'elle ne comprend pas, a justifier ce qu'elle n'approuve pas? Elle ne sait plus ou elle en est et quand la gallerie d'art ou elle travaille lui propose une mission en Algerie, elle accepte, pour en savoir plus sur son pere et sur son grand-pere qui ne lui ont rien transmis. Le voyage lui donnera-t-il des cles pour connaitre le passe de sa famille? Pour comprendre le mutisme des hommes et l'attachement de Yema aux coutumes et traditions de son ancien monde? Rien n'est moins sur, mais en fin de voyage elle reviendra plus tranquille quand a ses soucis identitaires.


Une histoire de silences, qui passent de generation en generation.
Une histoire de peurs, qui traversent aussi des generations: la peur d'oublier le pays, la culture qu'on a quitte, doublee de la peur de ne pas s'integrer au pays et a la culture d'accueil. Naima respirera quand elle comprendra que "on peut venir d'un pays sans lui appartenir... on peut perdre un pays".
Peurs et silences, une bonne recette pour dominer l'art de perdre. Un art ou excellent les emigrants, de tous pays, de tous temps.
Et une reflexion sur la transmission, et sur les limites de la fidelite a ce qui est transmis. Ca m'a ramene au verset biblique "En ce temps la on ne dira plus: les peres ont mange du raisin vert et les dents des enfants en ont ete agacees".
Et des pages tragiques sur la guerre d'Algerie, guerre de liberation, guerre d'independance, mais aussi guerre civile, avec toutes les horreurs d'une lutte fratricide. Des pages cruelles, a vriller la conscience de tout lecteur.
Et des pages sur le camp de Rivesaltes, d'indigne memoire, moins horribles mais non moins marquantes.
Et des pages tres justes sur ce que nous savons deja, les quartiers peripheriques oublies, laisses a leur etiolement, a leur decheance.
Et beaucoup de pages ou suinte un humour bon enfant.
Et aussi, quand il le faut, de belles descriptions, de "la fausse blancheur d'Alger", ou de la verte kabylie.
La Kabylie... J'ai senti entre les lignes une certaine fierte kabyle, comme une reverence faite de loin a ces orgueilleux berberes. Alors comme pour m'associer a l'auteur, comme pour la remercier, j'ai mis un vieux disque d'Idir:

C'est une maison bleue
Adossee a la colline
On y vient a pied
On y frappe pas
Ceux qui vivent la
Ont jete la clef

Tizi Ouzou eleve
Des enfants fous de reve

Peuplee de cheveux longs
De grands lits et de musique
Peuplee de lumiere et peuplee de fous
La maison berbere mazalit debout

Tizi Ouzou se leve
Allant au bout de ses reves

Di tewrirt Musa
Inder urgaz n Tefsut
Ayen ifi icna
Dayyen fi immut
Ismis Tamazgha
D lmut ma nettut

Tizi Ouzou se leve
Dans ses collines s'acheve
Le reve des fous
Qui veulent de nous
Que l'on oublie
Tizi Tizi Ouzou






















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Eh bien voilà... Et c'est rare... Ce livre encensé par un jury de lycéens, par les libraires de Nancy, par la Presse... Prix du journal le Monde, vous pensez... Ce livre me tombe des mains...
Je n'en peux plus...
Portant, tout avait fort bien démarré ; Algérie coloniale, une famille dont le père, Ali, suite à un « don du ciel » est en passe de faire fortune : un pressoir apporté par un oued en furie manque de lui fracasser le crane... Et c'est bien connu : « ce qui ne vous tue pas vous rend plus fort ». Il fera fortune dans l'huile d'olive.
C'est sans compter avec L Histoire qui se mêle de ses affaires, et ça, en général, ce n'est pas folichon. Guerre d'indépendance... Lui le soldat de la Grande Guerre se retrouve harki un peu malgré lui, comme par inadvertance ; et par là même rapatrié et retenu au camp de Rivesaltes, puis installé à Flers...
C'est là que je disjoncte : depuis quelque temps , le voyage du père, décrit dans un style monocorde qui sied mieux au témoignage ou au documentaire qu'au roman commençait à me peser... Je ne sais pas vous mais moi, j'ai besoin de rêver ou d'apprendre, ou les deux dans un pavé de plus de 500 pages. Sauf que là, c'est plat, ça pue l'ennui...
Plus assez de temps devant moi pour insister comme je l'aurais fait à vingt-cinq ans, par respect pour la chose écrite...
Abandon en rase campagne... du côté de Flers... Au coeur de cette Normandie qui m'est si chère.
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« L'art de perdre » d'Alice ZENITER vient de remporter le prix Goncourt des lycéens. Pourquoi ne suis-je pas étonnée de cette récompense ? Parce que ce prix est à mon avis presque toujours décerner à des romans qui le méritent vraiment. C'est encore le cas cette année.

L'auteur nous offre une fresque familiale romanesque puissante divisée en trois parties correspondant à trois personnages de générations différentes : Ali le grand-père, Hamid le fils et Naima la petite-fille. Ils sont tous les trois les représentants d'une famille kabyle qui vont vivre chacun différemment l'histoire de l'Algérie des années 1930 à aujourd'hui.

Tout d'abord, Ali le grand-père qui s'est enrichi dans le commerce des olives et qui est devenu ce que l'on appellera « un harki » durant la guerre d'indépendance de l'Algérie. Il est mort avant de pouvoir « raconter ». Puis, Hamid, père de Naima, arrivé en France à l'été 1962, mis avec sa famille dans les camps de transit hâtivement mis en place par l'autorité française et qui en sera définitivement meurtri. Il choisira jusqu'au bout de garder le silence.

Naima ne sait rien de l'Algérie : tout juste que sa famille est originaire de là-bas. Elle est le symbole de cette nouvelle génération française et qui se heurte au silence familial sur ce qui s'est véritablement passé là-bas. Mais les différents évènements survenus en France depuis quelque temps vont l'obliger à prendre conscience de ses origines. Alors, elle va partir là-bas et se lancer vers la quête de celles-ci et de cette histoire si longtemps tue.

Ali, Hamid, Naima trois personnages issus d'une même famille et pourtant séparés et divisés culturellement et affectivement par les conséquences de la guerre d'Algérie. Les deux premiers, exilés forcés, marqués du sceau du déracinement et habités par la douleur de l'histoire de leur pays et les humiliations subis dans les camps de « harkis ». Naima, profondément française mais dont les origines sont enfouies tout au fond d'elle-même.

Alice ZENITER signe un roman magistral sur ces familles de « harkis » et leurs descendants en racontant magnifiquement le destin de ces trois générations successives prisonnières malgré elles de cette histoire terrible qu'est la guerre d'Algérie. Roman sur l'immigration, l'identité à travers « l'art de perdre » tout ce qui nous définit à notre naissance : nos origines, notre culture…nos racines tout simplement. Mais c'est aussi un roman sur la difficulté d'être soi pour tout une génération dont fait partie Naïma, ayant soi-disant une « double culture » par obligation mais qui connaît à peine trois mots d'arabe.

Au bout du compte, on ne peut s'empêcher de penser que ce texte explique en partie bien des situations qui posent problème aujourd'hui y compris la radicalisation. Bravo Madame ZENITER, vous méritez sans l'ombre d'un doute votre prix.


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« Tu peux venir d'un pays sans lui appartenir, suppose Ifren. Il y a des choses qui se perdent... On peut perdre un pays. » Une phrase qui illustre bien le thème de ce roman.

Ali est riche et respecté dans son village. Il possède des champs d'oliviers. Devenu harki, en pensant protéger les siens et son village de la violence du FLN, il doit fuir son pays lorsque l'Algérie devient indépendante. C'est le début du parcours d'une vie en tant qu'immigrés.

Ali et sa femme Yema vont perdre leur vie d'avant. Leur Algérie est morte, leur façon de vivre au fil de la nature, sans regarder la montre, de penser l'argent seulement comme un moyen de dépenser, de partager, mais pas comme un bien en soi. Ne pas compter le temps, ni l'argent.

Puis on regarde l'histoire avec le regard d'Hamid, le fils aîné de la fratrie. du camp de Rivesaltès et de ses barbelés, jusqu'en Normandie dans la tour HLM grisâtre. Hamid est bon élève, il pourrait aller loin.
Bientôt les enfants oublient la langue natale et le père n'a plus son rôle de patriarche. Ali s'enfonce dans son silence, alors les mots manquent à Hamid pour comprendre les actes de son père, pour lui redonner son éclat d'autrefois, sa force, sa fierté.

Naïma, la fille d'Hamid prendra le relais. Elle a un sursaut de prise de conscience après les attentats de 2015. À son tour elle voudra réveiller la mémoire de sa famille, de son grand-père Ali. Remplir les silences. Comprendre qui elle est, quelle image elle reflète en tant que descendante d'immigrés algériens et musulmans. Mais, autant chercher les racines du brouillard, comme disait sa grand-mère Yema.

Un voyage en Algérie, jusque dans le village perché dans la montagne, lui fera comprendre que ce qui n'a pas été transmis se perd. L'Algérie n'est pas son pays. Pourtant, souvent en France on pense qu'elle vient d'ailleurs, qu'elle a quelque chose à voir avec les terroristes…

Un roman qui éclaire un peu mieux sur les obstacles que rencontrent les immigrés. La barrière de la langue, de la culture, de la religion. le regard de l'autre, la méfiance à l'égard de l'étranger. L'exploitation d'une main d'oeuvre bon marché qui n'a pas les outils pour se défendre dans un milieu qui lui échappe. Des familles déchirées par la guerre à qui on ne propose que la survie sans leur offrir les moyens d'être vraiment libres.

Trois générations pour s'implanter, pour accepter de perdre ce qui ne peut pas se replanter ailleurs. Trois générations pour tenter de comprendre les choix du passé, entre un camp ou un autre, et ses implications pour l'avenir.

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« Quand on est réduit à chercher sur Wikipédia des renseignements sur le pays dont on est censée être originaire, c'est sûrement qu'il y a un problème ».

« L'art de perdre » est un roman sur la deuxième génération de harkis et des fragments de tristesse et de colère qui courent dans leurs veines depuis 1962.
Histoire d'un pays perdu qui revient silencieusement hanter ceux qui pensent être en train de l'oublier mais qui repeignent sans cesse leur nouvelle vie aux couleurs de la nostalgie.

Voici un récit romancé pour faire contrepoids à l'histoire officielle et mettre à jour son Histoire plurielle, CELLE que les livres des français ont avalé, CELLE que le FLN a fait disparaitre.
" Rien n'est sûr tant qu'on est vivant, tout peut encore se jouer, mais une fois qu'on est mort, le récit est figé et c'est celui qui a tué qui décide. Ceux que le FLN a tués sont des traitres à la nation algérienne et ceux que l'armée a tués des traîtres à la France. Ce qu'a été leur vie ne compte pas : c'est la mort qui détermine tout. "

Durant certaines batailles de la seconde guerre mondiale, les hommes des colonies avaient été envoyés en première ligne et on le leur fera payer durement ensuite lors de la décolonisation.

Dans cette réhabilitation romancée d'une partie de leur histoire, pour ces familles, on découvre de quelles manières l'Algérie a toujours été là quelque part, et partout à la fois, à travers une somme de composantes : peau brune , cheveux noirs , dimanches chez les grands-parents qui ne parlent toujours pas français, des prénoms, … une Algérie qu'on porte sur son visage, etc, les marqueurs d'une immigration indélébile.

Ali raconte comment il a fait le choix d'être " protégé d'assassins qu'il déteste par d'autres assassins qu'il déteste."
Où l'on découvre que l'histoire de France marche toujours au côté de son armée. Qu'elles vont ensemble, et que certains en ont payé le prix fort. Notamment les harkis.
Sécurité, stabilité et démocratie allaient-elles vraiment être leurs mots d'ordre comme ils le pensaient ?

Puis c'est l'histoire qui s'est poursuivie dans des camps. En France, à leur arrivée. Cette histoire-là ne sera jamais chantée, parce qu'elle se déroule " dans un carré de toile et de barbelés."

Quand Naïma, la deuxième génération questionnera pour comprendre ce qu'il y avait sous les bâches, elle découvrira ...une perte de mémoire, un amour déraciné sans failles, du racisme, une étiquette de français de seconde zone au rabais et j'en passe.

J'ai donc eu un énorme coup de foudre pour ce grand roman qui narre le chemin de vie d'une famille de harkis sur trois générations. En s'inspirant de l'histoire de son grand-père paternel, c'est l'honneur de ces bannis d'Algérie mal reçus en France et crachés par l'Algérie qu'Alice Zenati raconte à travers cette intelligente et renseignée saga familiale fictive.

Tout autant récit de vies qu'analyse sociétale des souffrances endurées et des non-dits, son texte magnifiquement écrit libère la parole de ceux qui se taisent depuis plus de cinquante ans. Ce roman rédigé avec une grande délicatesse et intelligence se lit d'une traite (ou presque) et se révèle comme un hymne à la liberté et à la dignité retrouvées.

Sa puissance littéraire lui permet de remettre quelques pendules à l'heure, côté Algérie comme côté Français. Je pensais connaître le sujet, avais visionné des documentaires sur la question... que nenni ! Révélation sur révélation « L'art de perdre » est avant tout un documentaire nourri de matériau historique et sociologiques (voir psychologique) pour ceux qui pensaient à tort avoir compris l'affaire.

« Li fat mer le passé est mort. »
Non pas vraiment.
Bien au contraire.

Douleurs, rancunes, trahisons... tout est là dans ce livre passionnant, foisonnant et inoubliable. Il rassemble les chaînons manquants d'une histoire tragique.
Courrez vers ce magnifique roman à la fois dur et nostalgique qui reconstitue les parties manquantes d'une histoire tragique franco-algérienne et qui doit aussi nous interpeler sur les questions d'immigration et d'identité de la France d'hier à aujourd'hui.
Lien : http://justelire.fr/lart-de-..
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