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sur 549 notes
"Le texte me parut essentiel, car il me donnait ce qu'un texte donne rarement : les pieds dans le plat avec violence, avec soin" écrit Philippe Lançon, journaliste et romancier, dans sa magnifique préface.

Le texte, c'est le récit autobiographique de Fritz Zorn, paru en 1977, réédité en avril de cette année, dans une nouvelle traduction d'Olivier le Lay. Il est essentiel. C'est exactement cela.

"Je n'ai pas grandi dans un monde malheureux mais dans un monde mensonger."
Fritz Zorn, atteint d'un cancer et au seuil de la mort, analyse avec lucidité, ironie mordante et parfois, tendresse, son éducation, son milieu et ses parents, représentatifs de la "bonne société bourgeoise", riches Suisses allemands, habitants de la Rive dorée du lac de Zurich.

Il décortique l'effrayante apparence du bonheur, l'éducation au conformisme et la "normalité qui vous [soulève] presque le coeur de dégoût". Il nous fait entrer dans le monde du "comme il faut" où priment courtoisie, paroles convenues et mots rayés du vocabulaire.

Il traque le mortifère d'une vie rétrécie, monotone et asphyxiante. Une vie sans désir. Une vie comparable à celle "des bernard-l'ermite; par-devant, (…) solidement carapaçonnés, mais par-derrière la nudité [pointe]."

Il dépeint le fade et le lisse. Une éducation polie, à être dans le ton, à penser ce qu'il est convenu de penser, à maintenir l'harmonie coûte que coûte. Ne pas s'exposer et taire les sujets d'importance ou possiblement conflictuels.

Malade d'une société qui l'étouffe, Fritz Zorn laisse exploser sa rage, longtemps contenue et dans un cri, à la dernière phrase de l'essai, se "déclare en état de guerre totale ".

Un texte qui sonne comme une invitation à la lucidité, brûlante, parfois; à la singularité, dérangeante, souvent et à la force vitale de la confrontation.
Un récit, à l'image de Mars, dieu de la guerre mais aussi dieu de "la force créatrice (…), du printemps et des commencements".
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Relu le "Mars" de Fritz Zorn. Je ressens avec plus de profondeur combien le choc de cette lecture dut être violent en son temps pour la bourgeoisie de notre petit état. Que les arguments de l'auteur soient fondés ou pas quand aux causes de son cancer ne change rien au fait qu'il expose un état des lieux qui, trente ans plus tard, reste inchangé. Suisse = confort et ennui.
La pire chose qui puisse nous arriver en ce bas-monde est l'absence de problèmes. J'ai le sentiment que Zorn prétend que là se situe la source de son cancer. Pourquoi pas.

D'autres extraits ci-dessous
Lien : https://filsdelapensee.ch/
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" Mars" de Fritz Zorn ( 264 p)
Ed. Gallimard
Bonjour les fous de lectures....
Ceci est un essai autobiographique édité à titre posthume ( l'auteur est mort le jour où un éditeur acceptait le manuscrit).
Fritz Zorn est un nom d'emprunt, "Mars" est sa seule publication.
Années 50, Zorn, fils de la haute bourgeoisie zurichoise, est élévé sur la rive dorée du lac.
Ambiance hors du temps, comportement de convenance.
32 années plus tard, Zorn, atteint d'un cancer, fait le bilan de sa vie insipide et règle ses compte avec ses parents et l'éducation reçue.
Pour lui, aucun doute, son cancer est d'origine psychosomatique et est le résultat de son éducation bourgeoise, cancérigène (pour reprendre ses termes).
N'affirme-t-il pas " avoir été éduqué à mort"?
Zorn revendique une vie qu'il n'a pas eue,reproche à son éducation ( donc ses parents) de l'avoir laissé en dehors du temps et faisant de lui un névrosé.
L'écriture est acerbe comme les états d'âme de Zorn.
Aucune concession ni complaisance vis-à-vis de ses géniteurs et de l'éducation reçue responssable de sa vie gâchée.
Les phrase sont brèves, le rythme lansciant, répétitif à la limite pesant, traduisent bien l'état d'esprit de l'auteur.
On ne peut sortir de cette lecture que le moral plombé.
Cependant, l'analyse de la société bourgeoise de l'époque et de ses conséquences sur l'éducation est magnifique.
Lecteurs, accrochez-vous .. entrez dans le grand gâchis que fut la vie de Zorn. ("être correct plutôt que vivre")
J'ai beaucoup aimé ... certainement y ai-je retrouvé certains traits d'éducation révolue.
Une BD et une pièce de théâtre seront tirées de ce récit.
A savoir:
Ne zappez pas la préface très engagée d' Adolf Muschg ( écrivain suisse )
L'auteur a pour prénom Fritz ( nom des guerriers germaniques). Son nom de famille Zorn est la colère … Et il intitule son récit " Mars" le dieu de la guerre.
C'est dire le mal être.
« Mars » déclare la guerre de Fritz Zorn à sa famille et à son héritage.
Lecture très dure mais un bijou
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Fritz Zorn (1944-1976), pseudonyme de Fritz Angst, est un écrivain suisse de langue allemande. Fils d'une famille patricienne très austère, après le lycée il étudie la philologie allemande et les langues romanes. A l'université, il obtient le titre de docteur et pendant une brève période, il a été professeur dans un lycée, jusqu'à ce que son cancer le force à abandonner cette profession. Il entame alors une psychothérapie et commence à écrire. Fritz Zorn est l'homme d'un seul livre, Mars, un essai paru en 1979.
Je dois vous dire que ce bouquin m'avait profondément marqué quand je l'avais lu pour la première fois, à l'époque de sa parution en France, car cet essai autobiographie très dur, révélait chez son auteur quelques points qui m'étaient communs et de les voir écrits-là noir sur blanc, comme une révélation, j'en étais sorti chamboulé. le relire aujourd'hui, avec plus de recul, m'a permis de l'aborder avec un oeil plus serein.
A première vue on pourrait penser que Fritz Zorn a eu la belle vie, fils d'un architecte aisé, ses parents vivent dans le rupin Zurich et le Fritz a fait de brillantes études. Mais alors qu'il arrive à la trentaine, on lui découvre un cancer. le lecteur alors est sensé se retrouver avec entre les mains un bouquin classique, du genre jérémiades, déni puis éventuellement combat contre le crabe. Vous ne connaissez par l'auteur ! Au contraire, il déclare crânement : « la chose la plus intelligente que j'aie jamais faite, c'est d'attraper le cancer. » Haussement de sourcils et yeux ronds.
A partir de sa maladie, l'écrivain va remonter dans ses souvenirs et revenir sur sa vie et son éducation, pour en déduire que ce passé ne pouvait que le conduire à cette adversité fatale. Selon sa théorie – car c'est de cela qu'il est question ici, la construction d'une théorie expliquant sa maladie -, son éducation bourgeoise dans une Suisse trop pépère, où l'on ne fait jamais de vagues, où l'argent et la sexualité sont des mots et mêmes des idées tabous dont on ne parle jamais, tout cela ne peut mener qu'à la dépression, à la névrose et in fine au cancer. « Je crois que le cancer est une maladie de l'âme » et que cette pathologie découle des frustrations accumulées depuis l'enfance avance l'auteur. Si la façade est en bon état, il fait bonne figure pour les autres, derrière les murs tout est en ruine, il ne peut réellement pas communiquer, donc pas de femmes et une sexualité en berne.
Le texte est en trois parties, la première et la plus longue nous restitue le type d'éducation qu'il a reçue et le milieu social dont il est issu, la seconde en vient au but du livre, le récit se muscle et Zorn nous interroge, « Vaut-il mieux, soixante ans durant, mijoter à mort sur la petite flamme de la frustration ou plutôt, par désespoir, déjà mourir à trente ans, du cancer ? ». La dernière partie, en antithèse, vient contredire ce qu'on aurait pu mal comprendre, à savoir qu'il ne condamne pas ses parents pour l'éducation qu'ils lui ont donné, il leur pardonne car il considère qu'eux-mêmes étaient le fruit d'une éducation vérolée.
Le lecteur relèvera de nombreuses répétitions mais elles sont voulues pour mieux enfoncer le clou. Par contre, à relire cet ouvrage aujourd'hui, il m'a semblé un peu long sur la fin car très typé d'une rhétorique années 70 (tout est politique, Dieu est mort etc.). Il n'empêche que c'est un très bon livre, très émouvant finalement car Fritz Zorn aura séjourné sur Terre une trentaine d'années, sans pourtant avoir jamais vécu.
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Fritz Zorn, avec ce livre unique, a fait au lecteur qui l' a découvert un cadeau inestimable.
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Un livre qui exprime avec une précision distante, comme au téléscope, l'angoisse d'être passé à côté de sa vie ; il semble écrit avec le détachement qu'impose un diagnostic médical. le style ressemble à l'auteur : il est clair, classique et sa lecture est aisée. La version paroxysmique de la bienséance bourgeoise d'évitement de tout ce qui ressemble à la vérité nue nous ramène à nous, en tant que bourgeois (les choses sont-elles tellement différentes aujourd'hui?). A nos mensonges et aux lâchetés de notre éducation, à l'hypocrisie de nos valeurs et de nos comportements sociaux.
L'auteur envisage son cancer comme un rappel au corps et à la vie. Une chance, croit-il. Sa souffrance physique dans la dernière partie du livre, et sa rage, sont déchirantes. On trouvera cependant de nombreux passages drôles, mais d'un humour anglais et noir.
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C'est le remarquable récit d'un névrosé, inadapté au monde qui l'entoure,qui vient d'apprendre qu'il a un cancer et décide de régler ses comptes avec ses parents, son milieu (la bourgeoisie zurichoise), son éducation (celle de la bourgeoisie des années 50-60 vu son âge).
Cela ne tient pas la route sur le plan médical : ce livre a fait que des tas de gens ont cherché des explications psychosomatiques à leur cancer. Un cancer du sein par exemple a très peu de chance de survenir juste après un deuil qui en serait la cause, sachant que quand un cancer est visible sur une mammographie cela fait en réalité des années qu'il était là, invisible. Par contre cela reste intéressant, car on sait aussi que la méditation, la gestion du stress peuvent avoir une influence sur l'immunité, l'état général de l'organisme. Mais c'est juste un tout petit élément parmi des tas d'autres.
Zorn est un pseudonyme qui signifie en allemand « colère ». Il est remarquable que le vrai nom de famille de l'auteur soit Angst qui signifie « peur », « angoisse » !
Ce livre est le testament d'un dépressif qui associe son cancer à un amas de larmes qu'il n'a jamais pu pleurer. Il nous montre une société bourgeoise d'un autre temps qui fabrique du malheur en cherchant à se préserver, mais la lecture est difficile car le problème de l'auteur est de ne pas pouvoir s'ouvrir aux autres. Au lecteur de le suivre dans son introspection, ce qui n'est pas toujours aisé. C'est en tant que livre d'introspection justement un excellent ouvrage et l'auteur est très doué pour communiquer son état mental. Un très bon ouvrage aussi pour réaliser ce qu'étaient les sociétés bourgeoises de cette époque, et un plaidoyer indirect pour l'anti-conformisme (plaidoyer un peu tardif car publié en 1976).
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Difficile d'avoir un commentaire à la hauteur de ce récit exceptionnel, de par son honnêteté intellectuelle, sa sincérité, sa lucidité et sa qualité littéraire. Un texte puissant sur la quête du sens de la vie, de sa propre existence, sans omettre l'analyse sociologique. Une lecture passionnante, avec toutefois une réserve quant à l'insistance de l'auteur sur le lien entre le cancer, son éducation et ses parents, qui peut laisser dubitatif, mais pourquoi pas ? le coté pince sans rire de Fritz Zorn fait aussi des merveilles pour un thème franchement douloureux, et que l'on pourrait aborder avec réticence. A lire et à relire.
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Ce livre prenait la poussière dans ma bibliothèque. Je l'ai lu dans sa traduction originelle après avoir entendu une interview intéressante de son nouveau traducteur. Cela peut d'ailleurs valoir la peine de lire la nouvelle traduction car le style de celle que j'ai eue entre les mains est parfois un peu lourd et désuet. Mais la force de l'écriture simple, directe, souvent véhémente de Fritz Zorn l'emporte. L'auteur à peine âgé de trente ans se bat contre la maladie et craint (avec raison) qu'elle l'emporte rapidement. le plus urgent pour lui est de faire le récit d'une vie qu'il considère comme totalement gâchée du fait l'éducation bourgeoise qu'il a reçue. Fritz Zorn se livre alors à une critique psychologique et sociale extrêmement virulente de la société dans laquelle il a été élevé. Il analyse les grandes étapes de sa courte vie avec la finesse et la froideur d'un entomologiste ou d'un thérapeute. À un premier texte (Mars en exil) qui aurait pu se suffire à lui-même, l'auteur en ajoute un deuxième (Ultima necat) dont il faut souligner la différence de ton : la distance scientifique laisse alors place à la colère. Une colère d'autant plus poignante que j'ai eu le sentiment que Fritz Zorn nourrissait l'espoir que son premier récit aurait sur lui un effet cathartique, qu'il lui permettrait d'accéder à une vie qui ne serait plus tout à fait gâchée, qu'il aurait enfin l'opportunité de se rattraper, mais cette transformation ne s'est pas produite et cet ultime espoir a été déçu. Enfin, Fritz Zorn ajoute une troisième partie (Le chevalier, la mort et le diable) dans laquelle il continue à ressasser ce qu'il a vécu mais en prenant de la hauteur pour proposer des éléments de philosophie morale assez percutants, notamment sur la nature du Bien et du Mal. J'ai failli arrêter ma lecture à la fin du premier récit. Je suis allé jusqu'au bout et je ne le regrette pas.
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L'autobiographie poignante et bouleversante d'un homme aux frontières de la mort.

Zorn pratique une analyse si chirurgicale de son état, son passé et ses émotions que la lecture en devient presque insoutenable.

C'est trop juste, trop étouffant mais tellement, tellement marquant.
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