+++ LE PAYS ENTRE LES LANGUES : REPORTAGES
DE BELGIQUE +++
Mon amie,
Els Snick, qui est professeur de littérature allemande à l'université de Gand et fondatrice-présidente de la Société des Amis de
Joseph Roth de Belgique et des Pays-Bas, vient de recueillir les textes que le grand écrivain
Stefan Zweig a écrits à l'occasion de ses différentes visites en Belgique.
Sept reportages du grand maître autrichien traduits par elle dans un élégant petit ouvrage richement illustré avec des dessins originaux de l'artiste et historien Koen Broucke (né à Mont-Saint-Amand en 1965) et une postface de
Piet Chielens (né en 1956 à Poperinge), ex-coordinateur du Musée "Flanders Field" d'Ypres consacré à la Première Guerre mondiale.
Dans son tout premier reportage de 1902, le tout jeune
Stefan Zweig, qui n'a pas encore 21 ans, est émerveillé par l'élégance des dames et bâtiments d'Ostende, la "reine des plages". Ce qui l'impressionne ce sont d'une part les courses hippiques et la présence du roi au Grand Prix (annuel) d'Ostende et d'autre part le beau monde qui se rend le soir au nouveau casino pour un concert ou à la salle des jeux de roulette et patience. Prix d'entrée 20 francs (belges).
La même année l'écrivain rend compte de sa visite à Bruges, un des rares endroits restés authentiques avec des quartiers qui vous donnent l'impression d'un retour au Moyen Âge. La ville féerique des "primitifs flamands", des frères van Eyck, Gerard David et
Hans Memling....
Deux ans plus tard, Zweig est de retour dans la "Venise du nord". Lors de cette seconde visite il se montre fasciné par l'aspect mystique que confèrent les canaux à cette agglomération urbaine typique. À ce propos, il rappelle des vers du poète
Georges Rodenbach (1855-1893) que j'ai envoyé hier à Babelio comme citation.
En 1914, c'est le tour de Liège qui lui fait penser à Salzbourg avec sa citadelle et la Meuse qui partage la ville en 2 moitiés inégales. Zweig est saisi par la considérable activité qui y est continuellement déployée.
À Louvain, peu après, il déplore les dégâts causes à cette vieille ville universitaire par le passage récent des troupes allemandes.
À Anvers, toujours la même année, il explique le rôle historique de Napoléon dans le développement de cette ville portuaire que l'empereur a d'ailleurs visitée en avril 1810 et commémore les vers de Schiller relatif au siège d'Anvers et de la résistance courageuse de sa population.
La dernière visite de Zweig, couverte dans le fascicule sous rubrique, s'est effectuée en 1928 à Ypres, "ville martyre" de l'horreur de la conflagration mondiale de 1914-1918. En longeant la rivière l'Yser, l'épicentre des combats, "dans laquelle court moins d'eau que le sang qu'elle a fait couler", il réalise avec horreur que toutes les constructions qu'il voit sont neuves... du fac-similé de ce qui s'y trouvait avant.
L'arrivée d'Hitler au pouvoir en Allemagne a causé le départ des auteurs juifs et avant sont départ final pour le Brésil et sa mort en 1942,
Stefan Zweig a passé une partie de l'été 1936 à Ostende en compagnie de
Joseph Roth,
Egon Erwin Kisch, Herman Kesten, etc.
Voir l'excellent compte-rendu de
Volker Weidermann "Ostende 1936 - Un été avec
Stefan Zweig" et mon billet du 21 avril 2017.
Dans sa péroraison,
Piet Chielens souligne que l'auteur a dans ses reportages toujours placé l'homme face à son temps. Et le temps de Zweig a été un temps éprouvant pour notre continent. D'où le conseil : pour bien comprendre notre Europe contemporaine, il existe peu de guide plus érudit que
Stefan Zweig.