💄 « Elle heurta de plein fouet une femme qui entrait. « Pardon », fit-elle, troublée, en essayant de se frayer un passage. Mais l'autre lui barra le chemin et la dévisagea avec fureur et un mépris non dissimulé. « Enfin je vous prends sur le fait ! hurla celle-ci sans gêne, d'une voix grossière. Pardi ! Une femme honnête ! Elle n'a pas assez de son mari, de son argent et de tout. Il faut encore qu'elle pique le julot d'une pauvre fille... »
(P.13)
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La peur, ce sentiment qui dévore et qui détruit. Oui,
la peur d'être découverte, démasquée, que le secret jusqu'alors préservé soit révélé aux yeux de tous, pas de n'importe qui, non, aux yeux de ceux que l'on aime, ceux qu'on a élevés et nourris, dont on a guéri les blessures et pansé les maux, celui qui partage ses nuits, auprès duquel on s'endort paisiblement jusqu'à ce que rejaillisse à nouveau la culpabilité, la crainte de se mettre à nu et la honte d'avouer le péché. Oui, avoir un secret est un poids que l'on porte avec soi, et qui, à mesure que passent les jours, s'alourdit, au point de faire courber le dos, de ne plus être capable d'affronter un regard ou une parole sans y déceler une accusation, une menace, un danger.
💄 La trahison. Irène Wagner en paiera le prix lorsque, un jour où elle quitte l'appartement de son amant, une inconnue l'interpelle et met sa paisible tranquillité en péril. Si au début l'argent semble être une monnaie d'échange acceptable pour gagner le silence de cette maître chanteuse, l'engrenage dans lequel s'embourbe Irène Wagner la dévore à petit feu : son secret n'est plus le sien et à tout moment, cette femme est capable de faire basculer la vie qu'elle a construit jusqu'alors. Mais ce ne sont pas les menaces qui pèsent, mais la torture intérieure, le remords, l'angoisse grandissante qui pourraient causer la perte d'Irène : il n'y a pas de pire ennemi que cette voix intérieure qui, perpétuellement, jour et nuit, accuse et blâme les fautes d'un être désespéré...
💄Écrite en 1912, cette nouvelle est, encore une fois, la preuve du génie et de l'incroyable sensibilité de Zweig envers la nature humaine, de son inclinaison naturelle à saisir l'état d'esprit des femmes. Son écriture rend tellement compte de cet état d'angoisse, de peur ingérable, que la lecture en fût presque désagréable... Je ne cesserais jamais de m'étonner de ce talent fou à décrire les sentiments avec une telle acuité. Un petit bijou que je vous invite à découvrir si ce n'est chose faite...