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(01/01/1900)
3.74/5   43 notes
Résumé :
Leporella est une nouvelle de l'écrivain autrichien Stefan Zweig, publié pour la première fois en France en 1935.
Vienne, début du XXe siècle. Crescence, originaire du val de Ziller, est une domestique au service d'un couple dont le mari, d'origine aristocratique, est sans le sou tandis que sa femme, fille de marchand, est richissime. Le mariage de ces deux personnes est sans amour, et la situation du ménage est tendue. Crescence, quant à elle, traverse tout ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Les personnages de cette nouvelle sont peu attachants : une femme frustre et insociable, ne vivant que pour son travail de domestique et le salaire qu'il lui rapporte ; son employeur, époux volage, dépensier et velléitaire. Les hasards d'une conversations les amènent à nouer une relation malsaine qui finit par aboutir au drame.

Cependant, avec sa plume toujours aussi juste et élégante, Stefan Zweig parvient à faire de cette histoire triste et sordide un récit poignant où la passion, inattendue chez l'héroïne, vient tout bouleverser.

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Leporella, c'est le surnom qu'on lui donne. Elle, cette femme atypique, laide, froide, sévère. Mais qui reprend vie grâce à la complicité qu'elle aura avec son maître. C'est qu'elle est servante. Pour un couple qui se déchire, qui ne s'endure plus. Lui, coureur de jupons, aimant les jeunes belles filles. Elle, austère, acariâtre, malade. Il suffit donc d'un séjour au sanatorium pour la maîtresse pour que la servante renaisse. Mais au retour de cette dernière, elle s'éteint à nouveau. N'en pouvant plus, elle commet ce qui semble irrévocable. Et le maître à soudain peur d'elle. Il suffit de peu de mots pour créer une ambiance, une histoire forte. Zweig a un talent indéniable, un génie littéraire. J'ai beaucoup aimé cette (trop) courte lecture. L'intensité y est présente, et la plume est toujours aussi majestueuse.
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Crescenz est une tyrolienne à l'aspect disgracieux. D'un esprit lourd et obtus, elle est affligée d'une tête chevaline, d'une apparence bestiale. D'ailleurs elle travaille comme un boeuf; elle en a les journées laborieuses et monotones. Revêche et taciturne, elle thésaurise avidement. Alléchée par la perspective de doubler ses gages, elle est entrée au service d'un ménage mal assorti. le mari, de petite noblesse, volage et prodigue s'accommode d'une grosse bourgeoise mal dégrossie et mesquine dont la mauvaise humeur se déverse sur la domesticité. Mais avec sa force de travail machinale, notre servante est complètement imperméable au monde extérieur. Un recensement de la population avec sa kyrielle de questions compliquées est la forme que prend le destin pour troubler l'uniformité de sa vie végétative. Il appert que le baron a chassé sur ses terres, a eu comme guide l'oncle de la maritorne et qu'il a même dégusté un excellent rôti de chevreuil dans l'auberge où elle officiait précédemment. Cette évocation, et la nature jovial du mari aidant, est l'occasion de quelques allusions régionales et d'une bonne tape sur le croupion de Crescenz.. le fait qu'il connaisse son pays et la petite privauté qu'il s'est permis tiennent pour elle du miracle, elle qui n'avait jamais eu une telle discussion depuis des années. Elle se met alors à éprouver un attachement fanatique de chien fidèle pour le baron et, en retour, une haine très peu déguisée pour la maîtresse de maison. Toute dévouement pour lui, elle fait preuve d'une mauvaise volonté évidente pour elle. L'absence de la femme hystérique partie en cure est l'occasion pour la tyrolienne d'une métamorphose : un dépôt de passion cachée dans le marais de son indifférence remonte, elle s'humanise. Il se conclut un pacte tacite entre eux, elle se fait la complice du libertinage du baron qui l'affuble du surnom parodique de Leporella (Leporello est le valet de Don Giovanni dans l'opéra de Mozart). Elle a les yeux d'Argus pour ce maître qu'elle vénère, son esprit s'affine, elle devient fouineuse, voyeuse et devance tous ses désirs. Malheureusement la femme revient, mettant fin à cette période “idyllique”. Mais dans l'esprit grossier de Leporella on sent que sourd une idée fixe, sournoise et inquiétante. Parti à la chasse après une énième algarade, le baron apprend une stupéfiante nouvelle : on a retrouvé sa femme morte, asphyxiée par les émanations du calorifère en plein mois de mai. On conclut à un suicide; mais le baron est de plus en plus gêné par la présence glaçante, tel un spectre, de la servante.

Le ton badin de la nouvelle rend sa lecture fluide et très agréable, on en vient à regretter la fin un brin abrupte du récit. J'aurai quant à moi apprécié que cette oeuvre se prolonge un peu, la personnalité primaire et inquiétante de Crescenz, se prêtait bien, ce me semble, à un plus ample développement.
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Leporella /Stefan Zweig
L'histoire se passe à Vienne, capitale de l'Autriche au début du XXe siècle.
Elle s'appelle Crescentia, elle a trente-neuf ans, elle est laide. Son visage chevalin la rend disgracieuse à souhait. Elle est légèrement handicapée car elle a du mal à ordonner ses pensées et à comprendre ce que l'on attend d'elle. Elle ne rit jamais. Enfant illégitime élevée au frais de la commune, elle travaille depuis l'âge de douze ans comme servante dans un hôtel. Elle a été remarquée par son activité frénétique et son seul plaisir, elle le trouve dans l'argent sonnant et trébuchant qu'elle gagne et ne dépense pas. Elle va à la messe tous les dimanches.
À trente -sept ans, elle a quitté sa patrie tyrolienne pour la première fois pour travailler à Vienne chez un jeune baron marié à une femme légèrement hystérique. Dans cette atmosphère toujours plus ou moins orageuse, Crescentia tient bon et se fait discrète. Active et indifférente, elle compte ses billets qu'elle place dans un petit coffret.
Peu à peu, le jeune baron s'habitue à cette femme qui le sert et se permet quelques légères privautés pour l'encourager, par exemple en lui tapotant le derrière quand elle s'en va. Mais ce que ne sait pas le baron, c'est que ce sans-gêne secoue les sens engourdis de Crescentia. À partir de ce moment, cette femme va vouer une haine sourde et absolue à l'épouse du baron et se réjouit des scènes de plus en plus violentes entre les époux.
L'épouse doit alors, sur conseil du médecin de famille, faire un séjour de deux mois en sanatorium. La servante se réjouit de rester seule au service de Monsieur dans le spacieux appartement. Peu à peu elle s'humanise comme si une créature humaine s'était éveillée dans la bête de somme fourbue d'autrefois, têtue, fermée, rusée, inquiète, sournoise et dangereuse. Elle n'hésite pas à servir d'entremetteuse pour le plaisir du baron.
le retour de l'épouse du baron va précipiter les choses et les manières revêches de la maritorne tyrolienne vont ressurgir…
Grâce à sa plume toujours aussi juste et élégante, Stefan Zweig réussit à faire de cette histoire turpide et affligeante un récit émouvant.

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La meilleure nouvelle du recueil "La Peur" de S. Zweig selon moi, et j'ai donc voulu en faire une critique à part. C'est grâce à son personnage principal, une paysanne inculte, bornée, venant de ses montagnes, ne connaissant ni l'amour, ni le rire, ni même la beauté ou l'art. Arrivée à Vienne, elle ne pense qu'à son travail, et à son argent, sans que ce soit même une véritable avarice, puisqu'elle ne pense pas à en jouir, pas à le dépenser pour son plaisir, mais elle n'amasse que pour amasser.
Tout change lorsqu'elle découvre l'amour, ou plutôt une forme d'amour qui n'est pas du désir, mais plus un dévouement muet qui se passe de parole. Nouveau valet au service de son don Juan de maître, elle va jusqu'à devancer ses moindres volontés, et même lui fournir du gibier - pour sa table et son lit ; la métaphore de la chasse est particulièrement filée tout au long du texte. Et l servante effacée se transforme en monstre, avant de révéler son coeur dans son acte final.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Cependant cette causerie de cinq minutes remua profondément l'âme glauque et figée de la morne créature, telle une pierre dans une mare: tout d'abord se forment peu à peu des cercles mouvants, qui lentement se propagent ensuite en vagues pesantes jusqu'au bord de la conscience. Non seulement cette fille obstinément taciturne n'avait plus eu de conversation avec personne depuis des années, mais le fait que l'homme qui lui avait adressé la parole dans ce dédale de pierres était justement de ses montagnes, qu'il avait mangé un filet de chevreuil préparé par elle, cela lui parut tenir du miracle. A quoi s'ajoutait cette tape sans-gêne sur le derrière, qui, dans le langage paysan, est un appel laconique, une avance faite à la femme. Et si Crescenz n'avait pas l'audace de croire que ce monsieur élégant et distingué la désirait réellement, cette familiarité physique n'en avait pas moins secoué ses sens engourdis.
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Que vais-je devenir quand, Dieu m’en préserve, ma femme reviendra ? » Une familiarité à ce point dénuée de tact, d’un sans-gêne frisant le cynisme et qui, en d’autres pays, étonnerait peut-être, n’était d’ailleurs pas chose extraordinaire dans l’aristocratie de la vieille Autriche : ce genre de laisser-aller provenait aussi bien de l’allure désinvolte que ces gentilshommes montraient en toute circonstance que de l’immense mépris qu’ils professaient pour le bas peuple.

Mais cette familiarité, démocratique en apparence, facilement consentie et reprise de même, était tout le contraire de ce qu’elle paraissait : elle n’était jamais qu’unilatérale et cessait à la minute où le maître se levait de table. La petite noblesse s’étant toujours efforcée de singer les gestes des féodaux, le baron n’éprouvait donc aucune espèce de scrupule à parler avec dédain de sa femme devant une lourdaude paysanne tyrolienne - sûr qu’il était de sa discrétion…
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le regard qu’à ce moment Crescenz leva timidement vers lui n’était que celui d’une bête blessée, qui juste devant elle, voit surgir la meute du fourré.
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Les hommes ne l'importunaient pas, soit parce que ce quart de siècle de travail acharné l'avait dépouillée de ce qu'elle pouvait avoir de féminin, soit parce que, revêche et taciturne, elle eût coupé court à toute approche.
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Et nul non plus ne l'avait jamais vu rire; en cela aussi elle avait tout de l'animal, car il est une chose peut être plus cruelle que l'absence du langage, c'est celle du rire, ce jaillissement spontané du sentiment, qui a été refusé par Dieu aux créatures inconscientes.
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Stefan Zweig, auteur à succès, se voulait citoyen d'un monde qu'unifiait une communauté de culture et de civilisation. Il n'a pas survécu à l'effondrement de ce «monde d'hier» qu'incarnait la Vienne impériale de sa jeunesse.
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