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Je suis tombé un peu par hasard sur cette petite plaquette, La peur, dépassant à peine cent pages. Quand j'ai remarqué que l'auteur n'était autre que le grand Stefan Zweig, je l'ai pris et je l'ai lu d'une traite, dans un temps record. L'histoire, je la résume à ceci : une femme est aux prises avec la peur. Croyez-moi, ce n'est pas si banal que ça en a l'air. Trop succinct ? Alors voici : Irène Wagner trompe son mari. Oui, oui, cette grande bourgeoise, épouse d'un magistrat bien connu de Vienne, a un mari. Mais, elle qui a tout, elle se sent lasse, inutile, comme si elle errait sans but dans la vie. du moins, c'était jusqu'à ce qu'elle rencontre un jeune peintre de basse extraction. Non, non, il ne s'agit pas d'une histoire de vaudeville. Elle trompe son mari, mais surtout son ennui. Pour la première fois depuis longtemps, elle se sent en vie. Mais voilà qu'un jour, en sortant de chez son amant, une femme l'apostrophe, l'empêche de s'enfuir, lui bloque le chemin, lui crache à la figure son dégoût. Cette femme la suivra et exercera du chantage par la suite.

À partir de ce moment, la peur envahit Irène Wagner, au point de prendre toute la place dans vie. Plus rien n'a d'importance. La dame n'ose plus quitter ses appartements, craignant de tomber sur la folle hystérique qui risquerait de dévoiler son aventure et de ruiner sa vie. Exit le gentil amant, l'amour, la passion. Mais la peur a déjà emprise sur elle et nulle part elle ne trouve la paix. Même la sonnette la fait sursauter : est-ce sa vile extorqueuse qui la harcèle jusque chez elle ? Et elle n'a personne vers qui se tourner (il est évidemment hors de question de faire appel à son mari). C'est une véritable torture psychologique. Paralysée par la peur, elle n'a plus le goût de manger, plus rien ne l'amuse, elle semble dépérir.

Stefan Zweig a écrit un véritable drame psychologique. Il n'a pas son pareil pour sonder l'âme humaine. Il décrit Irène Wagner, ses actions, réactions, sentiments, motivations sans jamais la juger – elle le fait assez bien elle-même! – et son évolution psychologique suit une courbe en crescendo parfaite. J'y trouve un quelque chose à la Madame Bovary, de Flaubert. En tous cas, plusieurs parralèlles peuvent être faits entre les deux héroïnes, bien que leur destin ait pris des chemins différents. D'ailleurs, parlons-en, du dénoument. Beaucoup diront qu'il est inattendu, certains qu'il est magistral. Moi, je ne l'ai pas aimé. Mais bon, je suis quand même capable d'en apprécier la superbe, c'était vraiment bien pensé de la part de l'auteur. En tous cas, ça tient la route. Plus personne n'osera tromper son partenaire après avoir lu cette nouvelle…
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Comment est-il possible d'analyser ainsi les sentiments, de sonder si profondément l'âme humaine ? J'avais pu lire, notamment grâce aux beaux billets de Sandrine et Berni sur cet auteur, que Zweig est un chirurgien passant au scalpel les sentiments avec une finesse, une précision, une nuance rarement égalées. Je ne pensais pas m'arrêter ainsi sur certains passages, les lire et les relire pour m'extasier devant une telle virtuosité, devant ce sens de l'observation acéré. Et dans ces six nouvelles, c'est la peur qui est convoquée, autopsiée et passée au crible, la peur culpabilisante de la femme adultère, celle du voleur, celle de l'employeur face à la fidélité fanatique de son employée, celle éprouvée devant le fantastique enchanteur qui nous dépasse…un tamis aux mailles fines permettant de mettre en évidence, pépites menaçantes et glaçantes, les différentes manifestations de la peur, tant physiques, que psychologiques.

La première nouvelle « La peur », la plus importante, a donné son titre à l'ensemble du livre. Irène, une bourgeoise d'une trentaine d'années, épouse d'un avocat et mère un peu distante de deux enfants, devient maitresse d'un jeune pianiste, davantage par ennui que par amour. Elle s'est en effet laissé séduire, sans le désirer vraiment, plutôt vaguement curieuse et flattée...c'est sans compter l'arrivée d'un grain de sable qui va venir enrayer les rouages d'une vie quasi normale intégrant l'amant d'une manière presque banale. Un quatuor terrible se met alors en place : la femme infidèle, le mari, l'amant et la peur, personnage à part entière, qui rôde, menace, et resserre peu à peu son étau. Nous assistons progressivement à une véritable torture psychologique. Nous suffoquons avec Irène. Jusqu'au dénouement final, magistral !
La peur est décrite en effet dans le menu, tant par ses causes, que par ses manifestations physiques et psychologiques : « Elle avança péniblement d'une rue à l'autre, au prix d'un effort surhumain, comme si elle traversait un marais ou s'enfonçait dans la neige jusqu'aux genoux. » / « Elle n'était plus capable de lire ou d'entreprendre quoi que ce fût, traquée par le démon de sa peur. Elle se sentait malade. Elle devait parfois s'asseoir subitement, tant son coeur était pris de palpitations violentes ; le poids de l'inquiétude répandait dans tous ses membres le suc visqueux d'une fatigue presque douloureuse, qui refusait pourtant de céder au sommeil. [Toute son existence était minée par cette peur dévorante, son corps en était empoisonné, et au tréfonds d'elle-même, elle désirait que cet état morbide finît par se manifester sous la forme d'une souffrance visible, d'un mal clinique réellement observable et visible, qui susciterait la pitié et la compassion des autres. Dans ces heures de tourments secrets, elle enviait les malades. »

La maladie semble plus douce que la peur, le châtiment enfin prononcé une délivrance. C'est aussi l'occasion pour Stefan Zweig de digresser avec brio sur le système des peines, notamment lorsqu'elles punissent un fait ancien, sur la culpabilité et la responsabilité de celui qui commet un crime, et surtout sur le pardon et la rédemption. Réflexion également menée dans la deuxième nouvelle : « Il y a toujours de petits détails qui éclairent les profondeurs de l'âme comme le ferait la flamme d'une allumette qu'on craque ; au moment précis où je vis le pickpocket boire ce lait blanc et doux, la plus innocente, la plus enfantine des boissons, il cessa aussitôt d'être un voleur à mes yeux. ».

Les autres nouvelles sont tout aussi abouties bien que plus courtes, la deuxième notamment, intitulée « Révélation inattendue d'un métier », a ma préférence dans la façon d'observer, quasi chirurgicale, de l'auteur. En plus d'embardées magistrales sur l'art de voler, celui du pickpocket, art observé, analysé, loué même, de main de maitre, et de descriptions vivantes et passionnées sur le mécanisme des salles de vente aux enchères, Zweig excelle dans l'art de décrire les paysages, de façon poétique et personnifiée. Voyez donc comment démarre cette deuxième nouvelle : « Il était délicieux l'air de cette singulière matinée d'avril 1931, encore tout chargé de pluie et déjà tout ensoleillé. Il avait la saveur d'un fondant, doux, frais, humide et brillant : un pur printemps, un ozone sans mélange. En plein boulevard de Strasbourg, on s'étonnait de respirer une bonne odeur de prés en fleur et d'océan. Ce ravissant miracle était l'oeuvre d'une averse, une de ces capricieuses ondées d'avril dont use volontiers le printemps pour s'annoncer de la façon la plus cavalière. »

Mention spéciale à la quatrième nouvelle, « La femme et le paysage », sublime de poésie, flirtant avec le fantastique, dont les descriptions de paysages terrassés par la chaleur et le parallèle avec le corps de la femme sont d'une beauté à couper le souffle.

Un recueil de nouvelles intelligent sur les ressorts de la peur, ciselé par une écriture fine et élégante, poétique et fantastique. Je comprends bien la volonté de Zweig qui voulait, dans ces six chefs-d'oeuvre, «résumer le destin d'un individu dans un minimum d'espace et donner dans une nouvelle la substance d'un livre». Oui, dans chaque nouvelle, son oeil vorace s'insinue partout et de ses mille suçoirs nous ravit toute ignorance. C'est magistralement réussi !




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Irène, trentenaire a tout pour être heureuse, un mari qui l'aime, deux enfants, une grande maison, des domestiques, l'aisance qu'apporte l'argent. Elle a peut-être tout mais ce tout ne lui suffit pas, elle a besoin d'excitation, de troquer l'ennui contre quelques heures dans les bras d'un amant. La liberté et la tromperie ont aussi un prix à payer quand une femme misérable surprend Irène dans son adultère. A coups de chantage, Irène va s'engouffrer dans la peur, labyrinthe sans issue.

Stefan Zweig montre tout son talent dans l'autopsie de cette peur, jusqu'à la honte, le dégoût, la folie. le coeur bat toujours, encore faudrait-il apprendre la confiance et le pardon nés dans une libération du mal qui ronge.

Effrayant, psychologique, diabolique, entier dans ce terrible sentiment qu'est la peur.
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Irène vit dans la peur
Et dans la culpabilité
Sueurs assurées !
Elle l'a trompé !

Son mari, avocat de son métier
Disséquer les émois
Et sur la Vérité
Mettre le doigt
Il excelle !

Tant de tourments
Pourquoi ?
L'autre gueuse
Qui la harcèle
A tout compris

Affaire juteuse !
De cette scène conjugale
Elle en a fait son fruit
Et se régale
100, 200…300 couronnes
Pour son silence
Quelle indécence !

Pour Irène, pauvre Daronne
Repli sur soi
Dépression
Plus le choix !
Seule Solution
Rester chez soi !
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Mieux qu'un banal trio amoureux, Zweig a imaginé un quatuor diabolique :
La femme infidèle, le mari, L'amant ET LA PEUR, quatrième personnage à part entière de ce court roman qui rôde en permanence, resserre son étau implacable autour de l'âme d'Irène Wagner, grande bourgeoise menant une vie frivole, épouse d'un grand magistrat viennois, maîtresse d'un jeune pianiste.

Elle s'est laissée séduire, " s'est donnée à lui sans avoir besoin de lui ou sans le désirer vraiment...par une sorte de curiosité inquiète ". Elle a intégré son amant à sa vie quotidienne et l'adultère ne torture pas sa conscience. Mais, car bien sûr un petit caillou s'est glissé dans le rouage bien huilée de sa vie admirablement organisée, une femme jalouse a découvert son secret et entreprend de la faire chanter, la poursuivant même jusqu'au coeur de son foyer. Nous assistons alors à une véritable descente aux enfers, au subtil dérèglement progressif mais inexorable de la conscience d'Irène sous l'emprise de la peur, qui s'accompagne naturellement de manifestations physiques qui inquiètent son entourage et son mari en particulier. Une véritable torture psychologique ! du grand Zweig !

Peur de tout perdre, impossibilité de révéler son secret : Zweig, comme toujours, excelle à dépeindre les tourments de l'âme humaine, en particulier féminine. Et même si cette oeuvre peut paraitre un peu datée, elle n'a rien perdu selon moi de sa force psychologique, la tension est réelle et le dénouement magistral.
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Avec "La peur", Stefan Zweig nous offre encore un bijou littéraire : la femme, le mari, l'amant, la (et pas "le" !) maître-chanteur et la peur.
Cet ouvrage, thriller psychologique, nous tient en haleine sur les 100 pages et sait nous communiquer avec intensité les états émotionnels de la femme.
Je vous le recommande et au plaisir de lire vos critiques !
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Une nouvelle dont la montée d'angoisse est digne des meilleurs romans noirs.

Irène, 30 ans, en refermant la porte de l'appartement de son amant et en descendant l'escalier qui mène à la rue, est saisie par la peur. La peur d'être découverte. Une peur de l'instant, un petit stress au moment d'ouvrir la porte qui donne sur cette rue fréquentée, même si un voile dissimule son visage, même si elle a une excuse toute prête pour son mari. Une peur qui se transformera progressivement en terreur...

La suite est digne d'un scénario à la Hitchcock.

Zweig s'intéresse, une fois de plus, à un personnage issu de la bourgeoisie viennoise, bourgeoisie dont le confort et les codes paraissent éloignés de la vraie vie telle que son héroïne l'imagine. Une aventure semble alors nécessaire.

L'auteur sonde aussi l'âme humaine comme jamais. A travers les gestes et les moindres intonations dans la voix de son personnage, tout est dit.

Tout cela donne à cette nouvelle une ambiance noire et crispante très réussie.
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On le sait, Stefan Zweig est un conteur hors pair qui nous enchante à chaque fois de sa plume belle et précise.
Son talent d'observateur de l'âme humaine fait encore merveille dans ce recueil de six nouvelles où il dépeint des personnages tourmentés avec une justesse impressionnante.

La peur, titre de la première nouvelle et éponyme du recueil, pourrait effectivement servir de fil rouge aux différents récits.
De la femme adultère prise au piège au collectionneur aveugle abusé par sa famille, l'auteur nous dresse le portrait de six natures bien tranchées aux prises avec leurs démons intérieurs.
Des personnalités issues de milieux divers, bourgeoisie, pauvres ou malandrins, bouquiniste..
Dans "La femme et le paysage", c'est la nature qui vole la vedette enfiévrant corps et âmes.
Une description magistrale d'un soir d'orage caniculaire, d'une nuit magique durant laquelle le ciel pénètre et féconde la terre avant de se retirer, apaisé.

Je m'incline une nouvelle fois devant la qualité de la traduction d'Alzir Hella qui participe sans doute beaucoup à l'engouement jamais décrié de l'oeuvre de Stefan Zweig.

Je suis d'habitude assez réticente aux recueils de nouvelles ayant beaucoup de difficultés à m'immerger rapidement dans un récit.. Quitter un récit court pour plonger tout de go dans un autre me donne une désagréable impression de "zaping".
Mais le maître sait y faire et la densité de l'écriture fait ici de chaque nouvelle un tel concentré d'émotions que quelques pages suffisent à notre bonheur de lecteur.rice.

J'en profite pour remercier David qui m'a une fois de plus couverte de très belles lectures !
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La peur est un recueil de six nouvelles de célèbre Stefan Zweig qui regroupe La Peur, la nouvelle qui donne son titre au livre, Révélation inattendue d'un métier, Leporella, La femme et le paysage, le bouquiniste Mendel et pour finir La collection invisible.

Ces six nouvelles ont toutes un point commun : la peur, l'appréhension, l'angoisse.
"Lorsque Irène, sortant de l'appartement de son amant, descendit l'escalier, de nouveau une peur subite et irraisonnée s'empara d'elle.
Une toupie noire tournoya devant ses yeux, ses genoux s'ankylosèrent et elle fut obligée de vite se cramponner à la rampe pour ne pas tomber brusquement la tête en avant."
Zweig dissèque ses personnages, décrit avec détail et précision chaque émotion et c'est un vrai plaisir a la lecture.

Pour ma part trois nouvelles sont vraiment sorties du lot : La Peur bien sur qui nous raconte l'histoire d'une femme qui a un amant et qui se fait surprendre par une autre femme. A partir de ce moment, elle entre dans une spirale folle ou elle a peur de perdre son mari, sa situation et réputation. Leoporella, nous conte l'histoire d'une femme, domestique et cuisinier, entièrement dévoué a son maître (peut-être même un peu trop...) et enfin La collection invisible que j'avais lu il y a peu et que j'ai pris plaisir a relire
Lien : http://missmolko1.blogspot.i..
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Vous est-il déjà arrivé d'éprouver une peur si intense qui vous paralyse, vous obsède au point de perdre totalement pied ?

C'est ce qu'il arrive à Irène, l'héroïne de cette nouvelle de Stefan Zweig. Dès le début, la peur s'empare d'elle et ne va plus la lâcher, s'amplifiant, se lovant en elle, la martyrisant, l'anéantissant...
Irène a peur que son mari découvre son aventure extra-conjugale avec un pianiste. Elle tient bien plus à son confort bourgeois qu'à cet amant qu'elle visite par habitude une fois par semaine, comme si elle allait prendre le thé avec des amies. Imaginer qu'elle puisse tout perdre, son mari, ses enfants, sa maison lui paraît inconcevable. Un jour, une femme l'aborde sur les lieux de son adultère, et l'admoneste : " Je vous y attrape enfin. Bien entendu, c'est une honnête femme, une soi-disant honnête femme ! Elle n'a pas assez de son mari, de son argent et de tout ce qu'elle a, il faut encore qu'elle débauche l'ami d'une pauvre fille..." Pour la faire taire, Irène lui donne de l'argent mais ce n'est que le début.. L'extorqueuse reviendra, de plus en plus menaçante, de plus en plus vorace.

La vie d'Irène devient alors un véritable calvaire. Un calvaire que Zweig nous dépeint avec tout son talent. D'une histoire somme toute banale et à peine croustillante, il bâtit un véritable thriller, digne d'une réalisation à la Hitchcock, ménageant un suspense à peine soutenable. Si l'angoisse étreint Irène, elle parvient aussi à toucher le lecteur qui n'a qu'une hâte : parvenir à la fin pour pouvoir souffler, se relâcher...
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