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Le petit Livre Rouge (01/01/1900)
4.2/5   232 notes
Résumé :
Dans les faubourgs de Vienne, quelques années après la fin de la Première Guerre mondiale. Pris d'une impression de déjà-vu, un homme se rend compte qu'il se trouve dans le café Gluck (angle de l'Alserstrasse), refait à neuf depuis, où il avait coutume de rencontrer le bouquiniste Jacob Mendel, alors qu'il cherchait des documents pour faire des recherches sur le mesmérisme. Il apprend alors de la bouche de Madame Sporschil, la vieille "femme des lavabos", la fin pit... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (57) Voir plus Ajouter une critique
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C'est beau, c'est bouleversant, c'est du Zweig dans tout son éclat. C'est un concentré d'humanité ce regard qui se pose sur un être d'exception, Jacob Mendel, petit homme juif de Galicie au physique ordinaire, mais si érudit, doté d'une mémoire prodigieuse, pour qui la vie commence et s'arrête au milieu des livres. Ses journées se passent, du soir au matin, au Café Gluck, à Vienne, juste avant la Première guerre mondiale, où il tient séance si quelque étudiant voire quelque spécialiste vient y chercher son expertise. Sa vie prend sens dès qu'une personne le sollicite que ce soit pour un livre, un récit, des recherches littéraires. Rien n'existe autour de lui, il vit dans son monde, plongé dans les bouquins, jusqu'au jour où la folie des hommes fait irruption dans sa vie.

Zweig nous offre une réflexion sur ces anonymes que nous oublions avec le temps malgré l'importance de leur présence qu'ils ont eue à nos yeux à un moment de notre existence. Mais le temps fait son oeuvre, les évènements s'enchaînent, et nous passons à autre chose sans nous soucier de ce qu'ils sont devenus.

Pacifiste, Zweig n'aura de cesse de montrer les ravages de la guerre qui détruit les êtres humains. On entre de plain-pied dans le tragique d'une destinée.

Cette nouvelle est extrêmement courte mais on retrouve l'écriture agréable, fluide, de l'auteur. Elle est à savourer même si elle nous rappelle la fragilité de nos vies.

J'y ai ressenti la même tendresse, la même sensibilité que chez Gary-Ajar dans « la Vie devant soi » bien que les récits soient totalement différents. L'un comme l'autre possède ce regard altruiste à l'égard de leur semblable, leur plume en est imprégnée et rejaillit sur le lecteur pour peu que ce dernier y soit réceptif.

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De toutes les nouvelles que j'ai lu de Stefan Zweig, celle-ci m'apparaît comme la plus touchante, la plus proche aussi de la sensibilité de Stefan Zweig qu'il révèle si bien dans : le monde d'hier.
D'abord, son univers, la Vienne pétillante, livresque, musicale de sa jeunesse. Avec le café, une institution viennoise si importante pour toute l'intelligentsia.
Le personnage de Mendel m'a immédiatement fait penser à un très grand ami de Zweig. Je veux parler de Josef Roth, qui hantera en dernier lieu le café Tournon à Paris, journaliste, écrivain, c'est un homme qui ressemble beaucoup à Mendel.
Un juif de Galicie, né aux confins de l'empire austro-hongrois, à quelques kilomètres de la Russie.
En tout cas, j'aime y voir un hommage à Josef Roth.
L'écriture de cette nouvelle est un pur délice mettant en avant une magie des mots et du verbe comme l'une de ces phrases:
" Car pour Mendel, tenir entre ses mains un ouvrage rare valait autant qu'un rendez-vous galant"
Stefan Zweig met beaucoup de lui-même, on le sent au détour d'une phrase come celle-ci
" tout ce que nos vies présentent d'original et de puissant est le fruit d'une concentration intérieure, d'une monomanie sublime apparentée par un lien sacré à la folie"
L'amour des livres chez Zweig était tellement puissant allié à sa passion de collectionneur d'autographes.
L'amour des livres mais aussi le message et la vocation des livres qu'il définit si bien dans la dernière phrase de la nouvelle
"on ne fait les livres que pour unir les hommes par-delà la mort et nous défendre ainsi contre les adversaires les plus implacables de toute vie : l'évanescense et l'oubli"

Tout est merveilleusement dit, je vous recommande la lecture de cette nouvelle pour tous les "amoureux" de Stefan Zweig et aux autres qui auront ainsi la chance de le connaître.
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"(...) les livres sont faits pour unir les hommes par-delà la mort et nous défendre contre l'ennemi le plus implacable de toute vie, l'oubli."

***

Surpris par une averse, un homme - le narrateur - se réfugie dans un café traditionnel viennois. 

L'extirpant de ses rêveries, une sensation étrange s'empare de lui. le décor a certes changé mais ce lieu ne lui est pas inconnu. 

"Quelque vestige de mon âme  d'autrefois gisait là,  caché comme une épingle dans la fente d'un parquet." 

*

Peu à peu, par réminiscence, le passé ressurgit. Il se souvient alors avoir rencontré ici même, dans le cadre de recherches estudiantines, un bouquiniste de renom à la mémoire faramineuse. 

Véritable encyclopédie humaine et "catalogue ambulant", Jakob Mendel abreuvait de son savoir bibliographique toute la capitale voire au-delà. 

Amoureux impénitent et monomaniaque des livres, nul autre objet ne trouvait grâce ou intérêt à ses yeux.

"Feuilleter un ouvrage rare procurait à Mendel  une jouissance délicieuse,  comparable à celle qu'éprouve l'amant qui caresse sa maîtresse. Ces instants étaient ses nuits d'amour platonique."

*

La table qu'il occupait chaque jour inlassablement est aujourd'hui vide. 

Qu'est-il devenu? 

Pour le savoir, rendez vous au café Gluck, Mme Chocolat vous contera non sans émotion le destin tragique de cette personnalité hors du commun.

"Mendel n'était plus Mendel, comme le monde n'était plus le monde."

*

Poète, dramaturge, romancier, nouvelliste, biographe, essayiste ou encore traducteur, Stéphan Zweig était sans conteste un homme de lettres accompli doté d'un talent aussi protéiforme que remarquable. 

Encore aujourd'hui, ses oeuvres interpellent, séduisent et rallient générations après générations de nouveaux lecteurs dont je fais partie. 

Style inimitable, écriture magnifique, psychologie des personnages finement ciselée,  cet auteur me fascine davantage à chaque lecture. 

Dans cette nouvelle parue en 1929, il explore avec acuité des thèmes multiples tels que la mémoire,  l'oubli, les ravages de la Grande guerre et l'amour dévorant des livres. 

La courte biographie présente en début d'ouvrage, constitue un apport des plus judicieux permettant de saisir avec force toute la portée de ce récit.

Entre les lignes transparaissent, le profond attachement de Stefan Zweig à Vienne, l'adoration de la littérature, la nostalgie du temps qui passe et efface, l'incompréhension, les meurtrissures de l'âme... L Histoire qui broie les Hommes. 

Grandiose et terriblement émouvant!

***

"A quoi bon vivre, si le vent emporte derrière nos talons la dernière trace de notre passage?"
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Magnifique texte !
Zweig pour l'instant ne m'a jamais déçue. Ce texte est un chef d'oeuvre. Court, magistral. Un lieu : un café de Vienne. Une époque : un peu avant et un peu après la première guerre mondiale. Et un personnage exceptionnel : Mendel, un bouquiniste capable de vous trouver n'importe quel livre, un bouquiniste à la mémoire fabuleuse, un bouquiniste qui ne vit que pour et par ses livres.... au point de ne pas voir la réalité du monde qui l'entoure, réalité qui va l'entraîner, réalité qui va le détruire...
On suit ce personnage attachant, on sent que l'histoire ne sera pas gaie et pourtant on espère....
Zweig est impressionnant : en quelques pages, il brosse un lieu, une époque, un personnage et on est complétement immergé. Il aurait pu faire un roman, il en a fait une nouvelle. Mais quelle nouvelle ! Pas un instant on a l'impression que c'est trop court. On est complètement pris par l'histoire, ses personnages, ce monde...
Vraiment un texte qui réussit à être poignant en quelques pages. Quel exploit ! Quel réussite !
Je ne peux que vous conseiller de rencontrer ce bouquiniste Mendel....
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De la mémoire, de la passion, des désastres de la guerre, de la mémoire encore. le tout en moins de cinquante pages.

Afin de s'abriter d'une averse, le narrateur s'engouffre dans un café viennois jusqu'au moment où un sentiment de déjà-vu le pousse à se triturer les méninges. L'occasion pour Stefan Zweig de s'interroger sur les mécanismes de la mémoire.
C'est une petite table carrée qui ramène à sa conscience une époque révolue où trône un personnage remarquable: le bouquiniste Mendel. L'homme ne vivait pas. L'homme se consacrait à une unique tâche: la lecture. de 7H30 jusqu'au soir, au fond du café Gluck, ses yeux collaient aux pages. Mais ces livres "il ne les lisait pas pour leur sens, ni pour leur contenu, théorique ou fictif. Seuls le titre, le prix, leur format de publication original, suscitaient sa passion". Mendel était un immense catalogue vivant, admiré par ceux qui achoppaient dans leurs recherches.
Ce savoir prodigieux, cette mémoire stupéfiante nécessitaient la plus intense concentration.Le bouquiniste Mendel se devait d'abandonner aux autres tout ce qui fait l'existence humaine. Etranger à son époque, la guerre le condamnera pour son étrangeté.

Après deux ans de camp, Mendel revenait s'asseoir à sa table. Différent. Irrémédiablement différent. Son talent s'en était allé dans le fracas de son existence brisée. Les temps avaient changé. Sans soutien, sans appui, sans mémoire livresque, dépouillé de son exclusive passion, il ne pouvait que mourir. D'abord socialement. Ensuite physiquement.
Oublié du narrateur lui-même, seule la vieille employée du café avait conservé le souvenir du bouquiniste Mendel au moyen d'un livre délaissé lors de son arrestation.

L'oubli est chose redoutable.
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Citations et extraits (49) Voir plus Ajouter une citation
Car il lisait comme d'autres prient, comme un joueur qui se passionne pour sa partie, ou comme un ivrogne hébété regarde fixement dans le vide; il lisait avec un recueillement si frappant que, depuis , la manière dont lisent les autres m'a toujours semblé une chose profane. (p. 23 / sillages, 2013)
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Car, dans son ignorance, elle avait au moins conservé un livre pour mieux se souvenir de lui, tandis que moi, j'avais oublié le bouquiniste Mendel pendant des années, moi qui sais bien, pourtant, qu'on ne fait les livres que pour unir les hommes par-delà la mort et nous défendre ainsi contre les adversaires les plus implacables de toute vie : l'évanescence et l'oubli.
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Car les pieux Israélites savent que grâce au doux balancement du corps oisif, leur esprit, comme un enfant qui sombre dans le sommeil et échappe au monde, s'abandonne mieux par ce mouvement rythmé et hypnotisant, à une extase contemplative.
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Car il lisait comme d'autres prient, comme des joueurs se passionnent pour leur partie, ou comme des ivrognes suivent une idée fixe; je l'avais vu lire avec un recueillement si parfait, que la manière dont lisent les autres gens me semble, depuis lors, superficielle et profane. Sans aucun doute, le pauvre bouquiniste de Galice Jacob Mendel avait révélé pour la première fois au jeune étudiant que j'étais le grand secret de la concentration parfaite, propre à l'artiste et au savant, au véritable sage comme au fou intégral, ce bonheur ou ce malheur tragique qui fait de l'homme un véritable possédé.
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Les livres sont faits pour unir les hommes par-delà la mort, et nous défendre contre l'ennemi le plus implacable de toute vie : la fugacité et l'oubli ...
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Vidéo de Stefan Zweig
Stefan Zweig, auteur à succès, se voulait citoyen d'un monde qu'unifiait une communauté de culture et de civilisation. Il n'a pas survécu à l'effondrement de ce «monde d'hier» qu'incarnait la Vienne impériale de sa jeunesse.
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