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Zweig est un auteur qui a marqué mes jeunes années (en bien). Ce livre est un peu différent des autres et plus personnel aussi. Il s'agit du portrait moral d'une génération (la sienne), née dans la deuxième partie du XIX ème siècle, la seule peut-être qui dans toute l'histoire de l'humanité a véritablement cru en l'homme en dehors de toute idéologie. Cette génération croyait que les progrès matériels et de l'éducation allaient rapprocher les hommes et les améliorer. Zweig était en outre un Européen convaincu. Hélas, cette génération a connu la boucherie de la 1re guerre mondiale, le suicide de l'Europe et l'anéantissement moral et spirituel de la seconde. Zweig ne s'en est d'ailleurs pas remis puisqu'on connait sa fin.
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Le Monde d'Hier est une autobiographie, mais c'est aussi l'exemple parfait de ce que doit être une autobiographie.

De telles oeuvres ne doivent pas se résumer à une promenade linéaire dans les souvenirs d'une vie, non. Les autobiographies se doivent aussi d'être une photographie littéraire d'une ou de plusieurs époques, celle(s) qu'a traversé l'auteur. En plus d'être une critique de soi-même, une bonne autobiographie se doit d'être une critique de son temps, une réflexion sur les événements vécus, qu'ils aient concernés l'auteur de près ou de loin.

Et ceci, Zweig le fait avec son brio habituel. Comme il l'indique lui-même, le Monde d'Hier est une analyse et une critique commençant en 1895 et s'arrêtant en 1941.
Sans concessions, mais avec une grande lucidité, il commence son récit en décrivant la société d'avant-guerre sans jamais se montrer nostalgique, avant que la première guerre ne vienne tout chambouler. Viennent ensuite les privations et les reconstructions de l'entre-deux-guerres, avant que tout ne s'écroule de nouveau.

Zweig était un homme de lettres, quelqu'un d'intelligent et de sensible qui comprenait beaucoup de choses, mais ne cherchait ni la gloire ni le pouvoir. A son analyse de la société se côtoie une analyse personnelle, ou il fait de nouveau preuve d'une honnêteté très courageuse en avouant ses fautes, ses défauts mais tout en n'oubliant pas de se souvenir de ses victoires. Avec lui, on rencontre certains des plus grands esprits et auteurs de ce temps, on assiste au aux zéniths et aux nadirs consécutifs de l'Europe, à la montée de la peur et du nationalisme....Sur tout le livre plane un sentiment tragique. le suicide de Zweig nous attend à la fin, on sent sa lassitude et sa tristesse de voir la folie des nazis prendre le dessus.
Dans les dernières pages, Stefan Zweig nous offre une dernière révérence, avant de prendre ses valises et de partir pour un endroit meilleur.

A la fin du livre, à la fin du voyage, le lecteur est aussi fatigué que l'auteur. Réflexion intelligente de la fin d'une civilisation, réflexion sur une vie, le Monde d'Hier est tout cela mais bien plus encore.
Un livre à lire et à posséder absolument, un témoignage époustouflant et bouleversant qui ne se veut jamais tire-larmes ou sentimental mais toujours honnête. Un livre à classer dans le patrimoine de l'Humanité.
La meilleure autobiographie jamais écrite ? Il n'y a ici qu'un pas que je franchirais allègrement. A votre tour, maintenant, d'explorer les souvenirs d'un Européen.
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Témoignage d'une vie tendue par les cavaliers de l'Apocalypse de la première moitié XXème siècle, ces pages écrites en exil en 1941 rendent palpable la fin d'un monde et le poison du nôtre.

Le Monde d'hier n'est pas une autobiographie. La personne de Sweig n'est pas le sujet, elle est le media d'observation des temps, des évènements, des bouleversements, de l'atmosphère morale. Il est mille fois plus facile de reconstituer les faits d'une époque que son atmosphère morale. Stefan Weig la reconstitue merveilleusement à partir de petits faits personnels comme cette comparaison de Berlin et sa Vienne : "La propreté et un ordre rigoureux, exact, régnait partout au lieu de notre entrain musical. La servilité volontaire de l'Allemagne avec sa conscience hiérarchique accusée des rangs et des distances, aiguisée jusqu'à en être douloureuse."

Il est à conseiller vivement à tout honnête homme de lire cette relation décrivant le Monde d'avant la première guerre civile européenne et les transformations vécues notamment, et peut-être surtout, dans le monde intellectuel si éloigné des préoccupations du monde marchand.

Et de revenir sur 50 années avec légèreté et gravité parcourant tous les thèmes de la vie : Les libertés individuelles et le sentiment de classe ; les relations entre les hommes, les femmes et Freud ; la coexistence entre autrichiens, Allemands et les Juifs ; Moscou et l'accélération du temps ; Thédore Herzl, la Neue Freie Press et la naissance du sionisme ; La Belgique et Emile Verheren (+ 1916) poète du monde moderne ; Paris, l'héritage de la Révolution et Romain Rolland ; Rainer Maria Rilke le pur poète et Rodin la concentration.

Puis bien sur il y a 14 où malgré tout le poète, l'écrivain pouvaient donc parler avec quelques chances de succès, en ce temps où l'oreille et l'âme n'avaient pas encore été submergées par les flots incessants et bavards de la radio. Il y a 39, l'entre-deux guerres et l'agonie de la paix dès 34 où ce témoin du coeur de l'Europe dénonce, crie, décrie et se désole. Il bouscule ces criminels que furent certaines puissances financières armant ces fous usant de la parole pour créer une atmosphère propice aux cataclysmes, ce mensonge de la guerre.


Et si je l'écrivais aujourd'hui, ne verrais-je pas avec terreur s'avancer un monde nouveau…

Lien : http://quidhodieagisti.over-..
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Ma découverte de la confusion des sentiments, premier livre que je lisais de cet auteur, aura marqué un tournant dans ma vie littéraire. Depuis, je ne me prive jamais de lire une de ces nouvelles écrites avec une plume dont je suis littéralement tombée amoureuse. Stefan Zweig arrive toujours à m'inspirer une palette d'émotions, parfois contradictoires, d'où la force de ses récits. Me voilà ici avec ses mémoires, le récit de sa vie, entre moments de paix et de culture et ceux de frustration et de dépression face aux deux grandes guerres mondiales qui auront changé la société de l'époque.

Né en 1881 en Autriche, Stefan Zweig va baigner dans ce fanatisme national de la culture des arts. Par cet élan, il va être poussé à se surpasser et à se donner les moyens de réussir dans sa vie lors de cette époque de paix où cette génération est d'abord naïve et optimiste. Il nous raconte la vie de son pays, ses voyages à l'étranger qui se résultent parfois par des rencontres connues comme André Gide, Romain Rolland, Freud,etc... et le développement d'une grande ouverture d'esprit internationale.

Puis les prémices de la guerre vont le confronter comme tant d'autres aux difficultés de la vie, et il deviendra un écrivain farouchement contre la censure et la guerre, ce qui était vu comme une trahison pendant ces années-là. Il ne se laissera pas corrompre, continuant à défendre ses idées qui seront bientôt opprimées par le dictateur allemand Hitler. Je suis admirative de cet auteur qui gardera ses positions coûte que coûte et qui devra à cause de ça, par obligation et par dégoût de la montée du fascisme, s'exiler loin de son pays.
Lien : http://entournantlespages.bl..
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Dans ces mémoires, écrites peu de temps avant qu'il ne se donne la mort en 1942, Stefan Zweig retrace 50 ans d'histoire, de la Vienne riante de la Belle Époque aux bruits de bottes qui ont précédé la Seconde Guerre Mondiale. Aux longues années de bohème et de voyage initiatique (Londres, Paris, Berlin) succède brutalement, dès la fin de la Première Guerre Mondiale, le succès mondial du fabuleux peintre des passions humaines qu'était devenu l'auteur de "Amok" et de "Brûlant secret". L'émergence du nazisme en Allemagne et en Autriche, érigeant la haine des juifs en valeur cardinale, va faire de lui un apatride, d'abord en Angleterre, qu'il retrouve trente ans après, puis en Amérique, où il fuira la guerre et la haine de "l'allemand". Éternelle errance d'un homme profondément attaché à son pays, à sa langue et à ses convictions pacifistes. Sur cette trame historique, présente dans tous les manuels d'histoire, et reprise tant de fois dans la littérature et le cinéma, Stefan Zweig apporte son regard personnel, un regard que le lecteur ne pourra plus oublier une fois le livre refermé. Jamais on n'a vu décrit avec autant de sensibilité, par un témoin des moments les plus atroces que l'humanité ait jamais connue, l'amour du genre humain. Resté jusqu'au bout fidèle à ses convictions, Stefan Zweig a continué contre vents et marées à se battre pour faire triompher le camp de la paix et de la raison, jusqu'au moment où il n'a plus trouvé la force de lutter contre les vieux démons qui continueront toujours et partout à agiter Homo sapiens, primate parmi les primates. J'ai été estomaqué par l'acuité de son analyse des causes de la Première Guerre Mondiale. Non, décidément Stefan Zweig n'était pas seulement un spécialiste des choses du coeur, il était aussi un géopoliticien hors pair. Sa profonde connaissance de l'âme humaine lui avait permis de comprendre ce qui pouvait animer les masses bien au-delà des contingences politiques. Un grand moment d'émotion, et une si belle écriture...
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Nous sommes en 1941. Stephan Zweig, désespéré de l'homme et du monde, dévasté par un nouvel exil, joue une fois de plus son rôle d'écrivain : témoin et penseur se retournant sur son histoire et l'histoire de ce siècle . Ce livre se partage entre l' autobiographie à orientation littéraro-intellectuelle, et un témoignage historique. On sent dès le début que c'est un cri désespéré.

La première moitié du livre est consacrée au tournant XIXème-XXème siècle , cet avant guerre insouciant. de Vienne, à la fois libérale et puritaine, Zweig, jeune homme précocement brillant et descendant d'un bourgeoisie plus qu'aisée, voyage sans limites à travers l'Europe et le monde, tisse des amitiés artistiques dans toutes les capitales... jusqu'à l'assassinat de Louis- Ferdinand et au déclenchement de la 1ere guerre mondiale, où, citoyen européen qui commence à être reconnu en tant qu'auteur, il se retrouve l'un des seuls à prôner un pacifisme résolu, attaché à sa « liberté intérieure ».

C'est un récit à la fois fort instructif, élégant et très maîtrisé , les différences de mentalités entre les capitales sont finement analysées, Zweig décrit de belles figures d'amis artistes. Par contre absence totale de femmes, on est là pour parler de choses sérieuses...
J'ai également été gênée par une vision du monde tout à fait biaisée par sa situation privilégiée, ignorant tout du sort des moins favorisés (les ouvriers étaient bienheureux en ces temps où l'on avait réduit leur temps de travail, explique-t'il) et l'impression que tous les citoyens partagent, et son bonheur, et ses points de vue. Comme s'il régnait une fraternité universelle, comme si la notion de nationalisme n'avait émergé que le jour de la déclaration de guerre, pour mieux exploser dans les décennies suivantes. Cette « naïveté » explique sans doute sa surprise à découvrir les excès de la haine et les enthousiasmes belliqueux.

Dans l'après-guerre, les blessures du traité de Versailles qu'on croit enterrées, la misère et la famine jugulées, l'inflation maîtrisée, s'installe un temps que Zweig veut croire serein.
Il y connaît un succès planétaire, fréquente les grands de ce monde en matière de pensée et d'art, sa collection d'autographe trouve un essor éblouissant, dans le temps-même où le festival de Salzbourg s'épanouit. Quelques confrontations avec les chemises noires mussoliniennes, lui mettent la puce à l'oreille, mais son ingénuité est toujours là, ce sont des temps heureux. Là encore il semble curieusement croire que cette plénitude est commune à tous.

Ce n'est que peu à peu qu'émergent Hitler et ses sbires, « dressés à l'attaque, à la violence et à la terreur », sans trop attirer l'attention. Puis, brutalement, les interdictions aux Juifs, les brimades, et pour Zweig, le choix de l'exil d'où il sera confronté aux tentatives de conciliation qui n'empêcheront pas la déclaration de guerre. C'est la fin des choix, la perte d'une nationalité, l'effroyable statut d'apatride, puis d'étranger ennemi. Là encore une certaine ingénuité, l'idée qu'en Amérique du Sud, loin de l'Europe explosée, un monde meilleur de tolérance est possible.

Témoignage et réflexion sur un monde en mutation qui perd une certaine innocence et qui court à sa perte, on ne doit pas attendre de [b]Le monde d'hier[/b] une objectivité historique ; c'est le regard désespéré d'un homme des plus choyés, naufragé au sein d'un monde en perdition. On découvre cet homme et sa vision de l'histoire des quarante premières années du XXème siècle. Car Stefan Zweig a choisi de s'épargner de voir la suite.
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Le Monde d'hier, par Stefan Zweig. Ce livre n'est pas un roman, et davantage que des mémoires, c'est un document. Certes il est écrit à travers le regard de Stefan Zweig, lequel est pertinent et très personnel, mais il renseigne surtout sur toute une époque, le début du siècle, à Vienne en Autriche et plus généralement en Europe, dont il décrit la vie littéraire, entremêlée de considérations sur l'environnement social et historique.
Zweig, né en 1881, est issu d'un milieu viennois, aisé, bourgeois. Il est juif, s'en ressent peu, et pourtant son origine conditionnera, non pas son oeuvre, mais son destin, puisque, après avoir connu le succès, voire la gloire, pour ses romans, ses nouvelles, ses biographies, son théâtre, après avoir été reconnu comme un européen et un pacifiste convaincu par les milieux littéraires et artistiques, où il avait de multiples amis, après avoir vécu la première guerre mondiale comme un désastre humain et culturel, il a dû s'exiler, à la veille de la seconde guerre mondiale, chassé par les nazis, dépossédé de ses biens, anéanti par le désenchantement. Établi d'abord à Londres, puis au Brésil, il n'a pas supporté l'effondrement de ses rêves. Il s'est suicidé en 1942.
Son récit, d'une facture classique, chronologique, d'une écriture claire, riche, d'une précision remarquable au regard des années passées, relate la vie viennoise au début du siècle, marquée par l'insouciance, les multiples échanges au sein de l'élite culturelle, l'espoir généré par les progrès techniques et les productions et les échanges artistiques. Ami de Romain Rolland, autre grand pacifiste, Zweig supportera mal l'émergence puis l'affirmation de ce nationalisme qui finit en dévastation au coeur de l'Europe, en 14-18. La période suivante fut celle de l'apogée de l'écrivain: Zweig fut en effet un auteur à succès, traduit et vendu dans le monde entier. Il voyagea beaucoup, de capitale en capitale en Europe, en Inde, aux Amériques, il se fit beaucoup d'amis, des écrivains surtout mais aussi des musiciens, des peintres, des sculpteurs. le livre regorge de portraits fins, justes, parfois croustillants de multiples célébrités : Rainer Maria Rilke, Arthur Schnitzer, Émile Verhaeren, Auguste Rodin, Richard Strauss, Paul Valéry, Sigmund Freud, Walt Whitman, Maxim Gorki, et bien d'autres.
Mais ce qui frappe dans ce livre, c'est la discrétion de Stefan Zweig, sa pudeur : il ne dit rien de sa vie privée, ni de sa personne qu'il présente parfois comme peu sûr de lui, rongé par le doute, indigne de sa célébrité, mais dont on note pourtant le goût des mondanités, la sociabilité. Il parle peu de son oeuvre, de ce qui l'inspire, sinon à ses débuts antimilitaristes. C'est pourquoi je parlais au début de ce texte d'un document sur une période, d'un témoignage sur les moeurs artistiques du début du XXe siècle. Un témoignage toutefois teinté dans une première partie d'optimisme et d'insouciance, et dans une seconde partie de pessimisme et de désillusion. Un témoignage marqué par une grande lucidité quand au cours belliqueux de l'histoire, en grande partie fondé sur les humeurs guerrières, revanchardes des populations et de leurs dirigeants. Un livre tout à fait passionnant.
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Il ne s'agit pas à proprement parler d'une autobiographie. En effet; Sweig ne raconte pas uniquement sa vie. Il s'agit plutôt d'un livre testament, où l'auteur décrit le monde tel qu'il était, plus particulièrement l'Autriche, avant la venue des de la Première Guerre Mondiale, et ensuite du nazisme. Il décrit une Vienne cosmopolite, ouverte au monde, où la culture a une très grande importance dans la société. Mais en même temps, il décrit une société assez figée dans ses codes bourgeois. Où cette immobilité est représentée par l'école. Il décrit aussi les grands moments historiques : la Première Guerre Mondiale, la montée du nazisme, d'un point de vue interne, qui complète toutes les études et les connaissances que l'on a sur ces thèmes. Tout le monde connait le nazisme, mais ce que l'on sait moins, c'est comment il s'est imposé progressivement, se faisant d'abord passer pour inoffensif. Enfin, il décrit les grandes personnalités de ce siècle qu'il a connues personnellement : Freud, Romain Rolland, Rodin, et d'autres. Vraiment un livre passionnant, où l'on apprend beaucoup, et sans jamais s'ennuyer. Car Sweig a la génie de rendre ce monde passé concret et vivant, même pour le lecteur d'aujourd'hui. de plus, il traite de plusieurs sujets différents, même dans un seul chapitre. Cela rend la lecture vivante et captivante. Oui, je conseille vivement la lecture du Monde d'hier, sans contre indications. Il s'agit d'un témoignage historique inédit, trop peu connu, et qui mérite largement de l'être.
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Le monde d'hier, souvenirs d'un Européen : l'autobiographie de Stefan Zweig (1881-1942) est l'un des livres les plus remarquables que j'aie lus, par son sujet et la qualité de son écriture, et se lit comme un roman. J'ai rêvé que mes grands-parents, qui subirent les deux guerres mondiales, aient écrit de tels mémoires, et j'ai retrouvé dans ce livre des sentiments qu'ils auraient pu éprouver, ayant connu ce "monde d'hier", puis les tragiques tourments du suicide européen du 20e siècle (p. 8, 354, 463). À vrai dire, j'ai du mal à comprendre qu'on ne nous l'ait pas fait lire au lycée, lorsque nous étudiions cette période. On y partage le désarroi d'un homme qui vient d'un monde qui a doublement disparu, englouti par l'histoire, pour le malheur de l'Europe entière, et à qui ne reste plus qu'un "seul bien assuré, le sentiment de liberté intérieure" (p. 24, 453) : de l'empire austro-hongrois des Habsbourg-Lorraine, le "monde de la sécurité", ne subsistait plus qu'une république d'Autriche amputée, elle-même annexée et avilie en 1938 par l'Allemagne nationale-socialiste. La préface annonce déjà cette accélération du rythme de l'histoire, le monde libre et sûr d'hier, entraîné par des progrès merveilleux de la technique et l'émancipation de la femme (3e chapitre), mais cédant sous les coups des "chevaux livides de l'Apocalypse" (p. 11) et la diffusion des idéologies de masse : fascisme, national-socialisme, bolchevisme, nationalisme. Je retiens notamment l'atmosphère de cette Vienne d'avant 1914, dont la maxime était "leben und leben lassen" (p. 41), celle d'un Paris encore insouciant (4e chapitre), puis le vain espoir que la solidarité spirituelle des intellectuels pourrait infléchir les "puissances qui poussaient à la haine" (p. 243), le basculement dans la guerre en 1914, l'échec de la tentative de paix séparée (p. 307), la description du bureau de Romain Rolland (p. 312), la chute de l'empire austro-hongrois (p. 334), le récit saisissant des ravages de l'inflation (p. 341, 366, 444), le bouleversement de l'art (p. 353), la rare description de la méthode d'écriture de l'écrivain par l'auteur lui-même (p. 374), l'interrogation sur le financement du parti nazi (p. 421), la perte irrémédiable de la liberté de circulation (p. 476), de nombreux portraits et rencontres, dont celle de Dali avec Freud (p. 492), et l'aliénation insensée d'être un écrivain de langue allemande, déchu de sa nationalité autrichienne par l'Allemagne, qui le hait et le proscrit en tant que juif, et pourtant assimilé à l'Allemagne ennemie, à laquelle comme Autrichien il n'a jamais appartenu, par les bureaucrates de son pays d'exil (p. 505), la laideur de la guerre, et le point final d'une vie trop remplie, assombrie par l'échec de la "fédération pacifique de l'Europe" (p. 505) à laquelle il avait tant rêvé et travaillé, et dont les germes ne grandiraient qu'après sa mort.
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Zweig veut raconter l'histoire de sa vie, mais surtout celle de ce monde dans lequel il a baigné : une époque de vie intellectuelle lumineuse, vécue sous le signe de la sécurité et du progrès universels - pour lui, un instant sublime de l'humanité - jusqu'à son effondrement, sous les assauts des barbaries du XXe siècle. Il évoque cette Belle Epoque, puis l'entrée en scène des guerres fratricides, et de « cette pestilence des pestilences, le nationalisme ». Un texte sublime, à la hauteur du drame vécu. Laurent
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