Voilà un texte glaçant à la fois bien éloigné des images pieuses de la Grande Guerre et empli d'une foi incroyable envers la Patrie, Dieu et l'armée.
Glaçant par ses descriptions des tranchées pleines de débris humains putréfiés qui vont être soulevés maintes fois par les obus. Cette vie parmi les morts-vivants, décrite par un jeune homme de 20 ans, est difficilement acceptable : on comprend mieux les silences d'après-guerre sur les réelles conditions de "vie" des Poilus.
La question est toujours la même : comment a-t-on pu faire accepter de telles horreurs à des générations entières dont le destin n'était que de faire de la chair à canon... ?
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Un avant-bras saille d'un pare-éclat. La main toute noire s'avance au milieu de la tranchée et les doigts crochus se crispent tout écartés. Plus loin une bombe, en défonçant le parados, vient d'exhumer une tête à demi scalpée qui s'écrase contre les clous d'un brodequin. Je m'approche : une face immonde. Plus de narines : l'os est à jour. Les fourmis grouillent sur les gencives découvertes et dans les orbites vidées. Entre les dents rapprochées pénètrent et sortent des mouches vertes. Un poignard traverse de part en part le cou charbonneux
Nous sommes de nouveau sous l'avalanche des torpilles. Elles s'engloutissent dans ces monceaux de putréfaction et leur explosion gigantesque fait sauter avec les croix des haillons fétides et des tronçons de cadavres. ...
D'après les statistiques établies dans trois secteurs du front et que le docteur Mercier a fait connaître à l'Académie de médecine, il y aurait eu en moyenne un tué pour 448 obus tirés.
Une tête nue sciée au ras des narines gît au bas d'un arbre. accrochés aux branches brisées, des haillons suspects s'agitent dans les bourrasques