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3,71

sur 227 notes
Je vous mets cinq étoiles pour votre roman parce que vous êtes entré dans le temps et l'histoire et qu'il ne m'appartient plus de vous juger.
Qui d'autre que Jean d'Ormesson pouvait m'offrir cette promenade dans le temps avec l'histoire. J'ai aimé découvrir ce que vous aimiez dans ce monde à travers vos yeux, votre légéreté et votre bonne humeur. Quel émerveillement !
Vous vous êtes posé beaucoup de questions que nous nous posons aussi: le temps, la vie, la mort et toutes ces interrogations qui peuvent assombrir l'existence et vous nous en avez fait part avec légéreté, même si vous n'en aviez pas les réponses. Peut-être les avez-vous maintenant ? En tout cas, merci pour cette dernière promenade qui me propose quelques escapades pour mieux découvrir ces hommes et ces lieux qui comptaient tant à vos yeux et aussi pour votre oeuvre que vous nous avez laissé.
Merci à vous Jean d'O pour Ces moments de bonheur, ces midis d'incendie. Vous nous manquerez.
Et voilà ma critique qui n'en est pas une, car le coeur a ses raisons que la raison ignore.
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Non, non, non je ne suis pas soudain devenu nécrophile et à vouloir profiter d'une manière ou d'une autre de l'ombre crépusculaire d'un quelconque illustre ; car à ce jeu là, il faut bien dire que tout fait farine au moulin et que l'on se bouscule, plus encore que dans le métro ou à l'ouverture des soldes -70% sur une pâte à tartiner aux noisettes, pour être le premier à la chasse de la meilleure place dans la lumière. Attitude hautement paradoxale^^ mais de plus en plus prisée - au point de s'interroger si ce n'est pas dans le cours de l'histoire - par une foule déchaînée. Or j'ai pour habitude de m'en tenir loin et qui plus est de laisser les morts enterrer les morts.


Déjà que je passe trop de temps dans les livres et pas assez parmi les vivants. Pour tout vous dire ce qui m'amène ici est un triple cadeau que je dois à la gentillesse d'amis bourguignons, à la vie qui fut si généreuse avec Jean d'Ormesson, à la vie encore qui l'est aussi avec moi. Sinon j'aurais laissé passer le temps, retomber la poussière à la poussière, pour un peu plus de recul, ou qui sait passer négligemment à côté : donc trois fois merci. Et tchin, tchin !


Paraphrasant Jules César (ou son nègre ;)) je poserai lapidairement cette citation d'une toute autre portée pour résumer l'histoire :
"Je suis venu, j'ai vu, j'ai vécu" (*)
avec cela je n'ai pas l'arrogance d'y entrer mais elle peut-être cogne-t-elle aux portes de la postérité ? Jean d'Ormesson a fait cela, pleinement, d'une vie qui si elle n'aura pas été en tout point admirable aura à tout le moins été d'une immense, joyeuse et tendre admiration pour elle-même, et c'est en soi une formidable leçon. Soit-elle comprise que le monde s'en porterait mieux et le cours de l'histoire pour un temps infléchi.


L'histoire c'est elle que Jean d'Ormesson chevauche et nous fait parcourir au grand galop sautant au grès de sa fantaisie d'un sujet à l'autre, au fil du temps suivant les faits les plus marquants, ou ménageant sa monture pour nous rapporter quelque anecdo(c)te digne de nous instruire et nous distraire. Une dernière coquetterie d'écrivain, j'ai envie de dire facétie, le narrateur, mais laissons-le : "Tantôt homme, tantôt femme, je suis, vous l'avez déjà deviné, je suis l'espèce humaine et son histoire dans le temps. Ma voix n'est pas ma voix, c'est la voix de chacun, la voix des milliers, des millions, des milliards de créatures qui par un miracle sans nom, sont passées par cette vie. Je suis partout. Et je ne peux pas être partout. Je vole d'époque en époque, je procède par sondages, je livre mes souvenirs." p.42


Ce n'est pas un livre facile car l'histoire de l'humanité, et quelle autre pourrait nous intéresser si ce n'est celle de l'univers lui-même, est d'une densité et grouillante comme une forêt vierge dans laquelle se déplace avec une aisance magistrale Jean d'Ormesson. Bien plus jeune que lui, j'éprouve bien des difficultés rien qu'à le suivre. Quelle mémoire prodigieuse, encore dans ses vieux jours ! Moi tous ces noms illustres, toutes ces batailles, toutes ces découvertes, tous ces bâtiments, toutes ces oeuvres d'art, toutes ces comptines, tous ces textes qu'ils soient de lois, de littérature jusqu'aux poèmes, je les oublie, ils n'ont pas l'inflexion des voix chères qui se sont tues.


Alors la balade fut par moments ardue mais aussi éblouissante, peur de me perdre et en même temps excitation de découvrir ou redécouvrir toutes ces espèces de grands arbres entremêlés. Et Jean d'Ormesson de me les décrire toutes et de passer de lianes en lianes. WAOUOUOUHHH ^^ Après un long cheminement, digne du Juif Errant, dans cette jungle touffue qu'est l'histoire humaine, et je pense que cette pensée de Pascal n'est pas pour rien en bonne place dans ce livre : "Toute la suite des hommes, pendant le cours de tant de siècles, doit être considérée comme un même homme qui subsiste toujours et qui apprend continuellement .", nous arrivâmes enfin au lac de la sagesse. Ah, ces quatre derniers chapitres à tenue plus philosophique, cette ironie et cette fausse (ou fausse fausse, allez savoir avec tant de subtilité) autodérision, ce désir de plaire (toujours) et de transmettre (encore)...


(*) Krout, le 31 janvier 2018
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« Et moi, je vis toujours », le titre du dernier roman de Jean d'Ormesson, ouvrage édité quelques semaines après son décès, pourrait intriguer si on ne connaissait pas le côté malicieux de son auteur. Ni roman historique, ni livre d'histoire, c'est un roman « autobiographique » de l'Histoire.
« L'Histoire », tel devait être à l'origine le titre de ce roman, mais Jean d'Ormesson l'a jugé trop sérieux.

Ce livre est écrit à la première personne, mais ce « je » qui sans cesse virevolte ne représente pas l'auteur, mais l'Histoire ; l'histoire de l'humanité entière. Jean d'Ormesson nous fait partager sa passion de l'Histoire et ses passions littéraires et historiques. « Longtemps j'ai erré dans une forêt obscure. J'étais presque seul » ; ainsi commence le roman. Dès les premières pages, nous accompagnons les premiers pas de l'homme primitif qui s'éveille à la conscience. Le développement du langage, de la pensée, de l'écriture, a pris des milliers d'années, Jean d'Ormesson nous le raconte en accéléré.

De la préhistoire à aujourd'hui, Jean d'Ormesson visite plusieurs milliers d'années d'histoire, de littérature et de sciences. Tantôt à Athènes, Rome, Byzance ou Paris, témoin de la guerre de Troie ou de la chute de Constantinople, ami d'Ulysse ou assassin d'Archimède, matelot à la découverte du Nouveau Monde avec Christophe Colomb, témoin de l'invention de l'imprimerie ou simplement jolie servante dans une auberge, il est successivement un homme ou une femme, un poète ou un guerrier... Il rencontre Platon, Homère, Ronsard, Marco Polo, La Fontaine… et de nombreux autres personnages célèbres…

Jean d'Ormesson livre de nombreux détails avec l'habileté de l'académicien mais également la légèreté et la vivacité de l'homme qui aime la vie. Ce livre, qui permet de réviser ses connaissances en culture générale, pourrait paraître obscur ou ennuyeux, mais le talent de l'auteur est de le rendre intelligible et accessible à tous.

Jean d'Ormesson a l'art de la citation, de l'ironie et de l'anecdote qui souvent attirent le sourire.
Exemple : un aristocrate, condamné à mort durant la Révolution, est amené à la guillotine sur une charrette. Il demande qu'on ne lui ligote pas les mains car il est en train de lire. Au moment où il doit descendre, il corne le livre et il le met dans sa poche…

Il termine ce livre ainsi : "Ne me jugez pas trop sévèrement. Je vaux mieux que ces souvenirs lacunaires et aléatoires qui, non contents de s'emparer de ma voix, ne constituent, en dépit de leur ambition, qu'un livre de plus parmi les autres."
Aujourd'hui Jean d'Ormesson pourrait ajouter : ce livre est « épatant », et il aurait raison.
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Jean d'Ormesson fut, Jean d'Ormesson n'est plus...

"Et moi, je vis toujours" son dernier roman, où quand L Histoire nous livre son autobiographie.
Sous divers personnages, l'histoire prend corps depuis les temps les plus reculées jusqu'aux plus proches...

C'est un réel plaisir que d'enfourcher sur la plume de Jean d'Ormesson pour traverser les temps, les âges et les espaces. Une démarche un peu similaire que vient d'entreprendre E.E. Schmitt en huit volumes...
Mais là, le temps presse, la faucheuse est en route. On le ressent d'ailleurs sur certains chapitres qui semblent un peu bâclés quand on connait la faculté de l'auteur à développer subtilement les détails.
Qu'importe. le style "classique" si élégant de l'auteur m'embarque, encore une fois, une dernière fois ; son érudition me subjugue ; ses choix, ses prises de position...
Bref, depuis bien longtemps amateur de la prose de Jean d'Ormesson, je n'ai plus que la ressource de me tourner vers les quelques ouvrages attente dans ma PAL pour assouvir le besoin que j'éprouve de temps à autre de me replonger dans cette prose sublime, apte à faire sentir la musique des mots jusque dans les énumérations de lieux et de personnages exotiques.

L'Histoire se raconte. Et si Jean d'Ormesson s'était pris pour l'histoire, lui qui sent "le vent du soir" se lever ? On sait pour l'avoir entendu le déclarer : "Pour ce qui est de la modestie, je ne crains personne."
Alors ?
Adieu l'artiste.
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Et moi je me pose cette question : qui est ce "je" qui nous livre la quintessence de l'Histoire Universelle de L'Homme ? Il est là, toujours où L'Homme est, comme un monolithe kubrickien. Sans porter de jugement, il partage ses turpitudes. Est-il l'âme de l'Homme ? Ou n'est-t-il qu'un témoin fidèle et constant; une allégorie de l'Histoire qui se réincarnerait en des personnages plus ou moins actifs ?
Il faut se laisser le découvrir au rythme de la belle prose de Jean d'Ormesson, se laisser doucement envahir par les personnages qui ont forgé l'histoire de L'Homme.
Et là où l'éditeur et où certain lecteurs voient une autobiographie, je ne vois « que » la biographie de l'histoire de notre univers. Là est la grande originalité ce dette oeuvre.
J'ai senti à l'approche de la conclusion du roman poindre comme une désillusion de l'auteur. Là où, dans ces derniers opus, surgissait l'idée de Dieu, comme un espoir ; ici c'est la froideur du hasard qui règne en maître dans la destinée de l'Homme.
Là où il ne pouvait se résoudre à ce que tout cela ne soit qu'une « farce » sans but, et bien il semble l'envisager, peut-être désabusé par l'égrainage des horreurs ponctuant l'histoire de l'homme.
Et moi, je me sens peiné de voir cet auteur chéri nous quitter sur cette note triste.

Contrairement à ce qu'avance l'éditeur, je n'ai jamais senti sourdre dans ce texte une autobiographie de l'auteur. Certes, l'essence de l'auteur modèle de plus en plus ses choix, ses références historiques qui deviennent de plus en plus littéraires - celles qu'il a tant aimé- pour faire, à l'extrême rigueur, de ce roman un portrait de l'auteur en ombre chinoise et c'est superbe.
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Quelle aventure ! Je n'avais pas lu la quatrième et je m'attendais pas du tout à cela, je pensais plus un livre d'adieu, sur sa vie, sa carrière, un flash back. Mais loin de moi d'imaginer, courir toute une histoire, celle de l'humanité.
J'ai beaucoup appris, peut être moins retenu car c'est dense, riche, j'ai découvert des pans d'histoire qu'on survole voire passe carrément à l'école, et j'ai retrouvé avec plaisir des personnages haut en couleur qui me donne l'envie de les relire comme Voltaire, Molière.
C'est l'histoire donc plus des lieux, des personnes illustres que nous offre l'auteur. C'est très intéressant pour ceux qui aiment l'histoire ou la découverte de petites anecdotes sur telle ou telle époque, ou fait historique.
Sans compter bien sûr la plume savoureuse de Jean D'Ormesson. Franchement il tire sa révérence par un bel ouvrage comme si il avait mis sa pierre à l'édifice de la grande Histoire, et gravé de son nom son oeuvre auprès des grands de la littérature, et il peut bien, c'est grandement mérité.
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Je commence la lecture, des mots m'enchaînent à l'instant, des courtes phrases, saisissantes, alléchantes m'empoignent d'un seul coup. Et cette solitude qui cristallise l'enfance, et qu'on en parle avec pincement au coeur, ça m'a beaucoup éblouit. Mais quand j'avance juste un peu dans ma lecture, je me perds, je me dis que le vieux dérape ou quoi, après ce moment de brouille passé j'ai compris que le vieux voulait simplement me dire que tout peut passer mais seule l'histoire reste...Et lui, il a fait son histoire, il nous le raconte tout en retraçant avec ingéniosité l'histoire du monde!
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L'Histoire sans lui

Pour son dernier roman, Jean d'Ormesson réécrit l'Histoire du monde à sa façon, érudite, exaltante, pétillante. Champagne!

« Tantôt homme, tantôt femme, je suis, vous l'avez déjà deviné, je suis l'espèce humaine et son histoire dans le temps. Ma voix n'est pas ma voix, c'est la voix de chacun, la voix des milliers, des millions, des milliards de créatures qui, par un miracle sans nom, sont passées par cette vie. Je suis partout. Et je ne peux pas être partout. Je vole d'époque en époque, je procède par sondages, je livre mes souvenirs. » le narrateur omniscient de ce superbe roman commence par jeter un oeil hors de la caverne où il se reposait pour nous parler de sa vie, de l'invention du feu qui va bouleverser sa façon de voir le monde, de se déplacer, de se nourrir mais aussi ses relations avec les autres. « Longtemps je m'étais déplacé de bas en haut et de haut en bas. Maintenant je marchais droit devant moi, la tête haute, impatient et curieux. le soleil n'en finissait pas de se lever devant nous. Je découvrais avec ahurissement, avec admiration un monde nouveau dont je n'avais aucune idée: des peuples, des langues, des villes, des religions, des philosophes et des rois. »
C'est ainsi que de fil en aiguille, d'un continent et d'une époque à l'autre Jean d'Ormesson va nous livrer un époustouflant récit, côtoyant aussi bien Alexandre le Grand que Napoléon, des bords du Nil à ceux du Tibre, de Christophe Colomb à Robespierre, du long de la Muraille de Chine aux baraquements d'Auschwitz.
Et moi je vis toujours est un régal de tous les instants, tellement riche qu'on aimerait cocher chaque page, pouvoir réciter tant de passages savoureux, histoire de s'approprier un peu de l'esprit aussi brillant qu'espiègle de cet immortel qui a décidé, ultime pied de nez de l'académicien facétieux, qu'après tout cette immortalité n'était pas faite pour lui, qu'il lui fallait bien un jour aller voir si tout ce qui se dit sur «l'autre côté» avait un semblant de vérité.
S'il nous fait partager son érudition, il nous sert aussi de guide à Vérone: « allez donc à Vérone. Vous y prendrez un repas de rêve aux Dodici Apostoli, vous irez voir les portes de bronze de l'église San Zeno, vous admirerez dans l'église Sant Anastasia le tableau de Pisanello - Saint Georges délivrant la princesse de Tréhizonde - où brille la croupe d'un cheval blanc. Et vous vous promènerez sur le Ponte Pietra où flotte encore au-dessus de l'Adige, le souvenir de Dietrich von Bern. » Bien entendu, il n'oublie pas Venise et ses merveilles, à commencer par les vénitiennes: « J'ai été gondolier à Venise. Je m'appelais alors Marcantonio. Je dois l'avouer: je ramais fort, je chantais assez bien et j'étais plutôt joli garçon. Je promenais de temps en temps sur la lagune la fille d'une de ces familles hautaines de Venise: Bianca Cappello. J'ai eu de la chance: elle est tombée amoureuse de moi. Elle habitait un palais sur le Grand Canal. J'avais un petit logement à San Pietro di Castello, derrière l'Arsenal. Elle avait seize ans. J'en avais dix-neuf. Elle n'avait pas froid aux yeux. »
Et c'est ainsi que l'on passe du coq à l'âne, si je puis dire, que l'on passe des grandes idées aux grands sentiments, du principal au trivial.
Reste la plume virevolante d'un auteur qui parvient à nous faire partager sa jubilation, allant même jusqu'à se mettre dans la peau du Jean d'Ormesson imité par Laurent Gerra en affirmant qu'il a bien connu les auteurs dont il nous présente les oeuvres: « J'avais connu beaucoup de monde. J'étais jeune encore. Je n'étais plus un enfant. Tout m'amusait : je m'amusais moi-même. Une occupation nouvelle était entrée dans ma vie : je me mettais à lire. Sinon déjà à Athènes, du moins un peu plus tard, à Rome et à Byzance, je lisais Platon, Sophocle, Hérodote, Thucydide. Je les ai connus. Je peux vous l'assurer: ils ont existé. Ce ne sont pas des inventions de savants fous ou de poètes exaltés. le talent, le génie se promenaient à l'ombre de l'Acropole: Athènes était alors le centre et la gloire du monde connu. » 
Iconoclaste et facétieux, l'ex pilier du Figaro s'amuse à s'imaginer communiste, à trouver la Révolution inévitable et, par un raccourci audcieux, à y mêler sa belle Vénitienne: « Ce n'est ni une invention scientifique ou technique, ni une oeuvre d'art, ni un ouvrage de l'esprit. C'est un bouleversement, une idée, une explosion collective. On s'est beaucoup demandé si elle aurait pu être évitée. C'est de nouveau l'histoire de la brioche de Bianca Cappello. La Révolution était nécessaire et inéluctable puisqu'elle a eu lieu. Il n'existe pas de plan B à mon parcours torrentiel. Il n'y a pas d'alternative. À chaque instant, dans la grandeur et la petitesse, dans la justice et la vanité, dans l'enthousiasme et dans l'horreur, ce qui est fait est fait et ne pouvait pas ne pas être fait. La Révolution vient de loin, elle a mûri, elle a été longuement préparée. Elle devient inévitable. Comme l'avait prévu Voltaire, elle éclate comme une grenade. » Et la déflagration est telle qu'elle secoue le monde sur bien des années, emportant dans son sillage bien des rêves de liberté, d'égalité et de fraternité. C'est une chose étrange à la fin du livre que de constater combien Jean d'Ormesson nous manque déjà.
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Chaque livre est différent, chaque livre s'ouvre avec un sentiment distinct, parfois intense, parfois craintif, parfois neutre. Mais pour le dernier roman de Jean d'Ormesson c'est une approche bien étrange. Dans ses mains, on sait que l'on détient un objet rare, un bien précieux qu'il faut manipuler avec précaution. le regarder, le retourner, le feuilleter, fermer les yeux pour se souvenir. Puis, commencer la lecture, tout doucement, prendre son temps parce que c'est justement de lui qu'il s'agit, ce temps qui passe et qui ne revient pas, ces hommes et ces femmes qui vivent et trépassent inéluctablement. C'est l'Histoire, la nôtre, la vôtre, cette histoire universelle que nous conte l'académicien et qui, par son écriture, personnalise ce qui nous lie tous : l'humanité et sa fuite en avant.

C'est le récit d'un voyage qui a commencé un jour ou une nuit, et personne ne sait quand il se terminera. Il a débuté sans les animaux, sans les hommes. Puis, progressivement, les êtres vivants sont apparus, ont évolués jusqu'au moment de la découverte du feu qui a été un grand pas en avant vers les civilisations. C'est là que s'ouvre « Et moi, je vis toujours » où l'auteur nous entraîne à travers les siècles, les continents, où l'auteur se transforme en 1001 personnages, tantôt homme, tantôt femme afin de faire vibrer les vies qui font le roman de l'épopée humaine commencée il y a des milliers d'années en Afrique.

En seulement 280 pages vous détenez la plus précieuse des bibles, Jean d'Ormesson étant à lui seul une encyclopédie et tel un Ulysse c'est une invitation à une odyssée perpétuelle entre larmes et rires, entre guerre et paix, entre haine et amour, le tout englobé dans l'ivresse de l'art, de la philosophie, d'anecdotes et de découvertes comme, par exemple, celle de la brioche de Bianca Cappello.

Cette publication posthume de Jean d'Ormesson est une profonde émotion. le bonheur de le lire encore, de s'enivrer de sa verve, de savourer son humilité, de sourire face à un humour qu'il a dû pratiquement garder jusqu'à son dernier souffle. La tristesse aussi, en sachant que c'est le dernier opus (à moins que certains soient cachés et qu'un jour…), et que Monsieur Jean n'est plus là pour nous épater.

Pourtant, écoutez :
« Longtemps je m'étais déplacé de bas en haut et de haut en bas. Maintenant je marchais droit devant moi, la tête haute, impatient et curieux. le soleil n'en finissait pas de se lever devant nous. Je découvrais avec ahurissement, avec admiration un monde nouveau dont je n'avais aucune idée ; des peuples, des langues, des villes, des religions, des philosophes et des rois ».

Ou encore :
« J'ai pleuré et j'ai ri. Il y a de quoi rire : rien ne m'a autant amusé que la vie. Et il y a de quoi pleurer : je suis aussi la faim, la soif, la pauvreté, l'ignorance, la maladie, les chagrins d'amour, la dépression, la folie. »

Son timbre nous berce, ses mots resplendissent. Sacha Guitry disait « quand on a entendu du Mozart, le silence qui suit est encore du Mozart ». Pour ce Guépard de l'atticisme, désormais « loin de tout, qui a rejoint le domaine des certitudes éternelles », c'est exactement ce même silence. Un silence vivant.

Lien : http://squirelito.blogspot.f..
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Dans L'Histoire du Juif errant, Jean d'Ormesson racontait le mythe de ce juif condamné à parcourir le monde jusqu'à la fin des temps pour avoir refusé un verre d'eau à Jésus sur le chemin du calvaire. Dans Et moi, je vis toujours, il prolonge ce récit au moyen d'une prosopopée, figure de style qui consiste à donner la parole à une entité qui ne peut la prendre. En l'occurrence, il s'agit de l'histoire universelle des hommes, qui se raconte elle-même en s'incarnant tour à tour dans différents personnages, tantôt humbles, tantôt puissants, de la préhistoire jusqu'à l'époque contemporaine, en passant par les conquêtes d'Alexandre, la chute de Rome, la naissance de l'Islam, la découverte de l'Amérique, la Renaissance, la poésie de la Pléiade, l'art baroque, le miracle du classicisme français, le siècle des Lumières, la Révolution française, l'émergence de la science et les grandes guerres du XXème siècle. Ludique et léger, le récit vole de personnage en personnage, jouant sur les points de vue, les époques, et les lieux pour mieux souligner l'incroyable diversité de l'aventure humaine. A l'arrivée, cela donne un livre passionnant, d'une érudition foisonnante et légère, curieuse, papillonnante, mobile et versatile, capable d'embrasser de son intelligence les grands récits de l'humanité dans un tourbillon vertigineux de 280 pages qui laisse le lecteur ébloui et pantois. Présente dès l'incipit malicieusement inspirée de Proust et de Dante (“Longtemps, j'ai erré dans une forêt obscure.”), la littérature parcourt tout le récit, comme si l'Histoire ne pouvait exister sans les troubadours, poètes et écrivains qui l'ont transmise de génération en génération jusqu'à nous. Dans les dernières pages, elle cède la place à la philosophie et la métaphysique, à l'heure où l'écrivain vieillissant s'efface devant ses interrogations sur l'avenir de l'humanité face à la marche du temps.

Avec ce dernier roman, Jean d'Ormesson nous fait relire l'histoire des hommes, mais il se raconte aussi lui-même à travers les thèmes, les idées et les lieux qu'il a admirés et mis en scène dans ses ouvrages précédents (L‘Histoire du Juif errant, bien sûr, mais aussi son Autre histoire de la littérature française, ou Un jour, je m'en irai sans en avoir tout dit). Davantage qu'une histoire de l'humanité, Et moi, je vis toujours est aussi une autobiographie intellectuelle, le testament d'un être curieux et passionné, amoureux des livres et des hommes. Certes, le livre n'est pas exempt de défauts, et on décèlera bien ça et là quelques traces de coquetterie ou de narcissime. Mais c'est aussi un très beau témoignage qui enchantera tous ceux que la disparition du grand écrivain a laissés orphelins.
Lien : http://www.carnetlecture.com..
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