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Critique de Nastasia-B


Il est probablement de mauvais ton en ce moment de dire ce que l'on pense sincèrement de Jean d'Ormesson, littérairement parlant. le littéraire, qui devrait être la seule chose qui nous préoccupe dès lors qu'on parle d'un écrivain, fût-il récemment décédé.

Il y a quelques années, donc, dans ma librairie favorite, je feuilletais un volume de la Pléiade : Thomas Hardy ? Thomas Mann ? Hermann Hesse ? John Steinbeck ? D. H. Lawrence ? Robert Musil ? Witold Gombrowicz ? Yachar Kemal ? Italo Svevo ? José Saramago ? Orhan Pamuk ? Non, non, non, malheureusement, non. Ceux-là ne figurent pas dans la collection, tous écrivains trop mineurs probablement pour espérer y figurer. Non, non, c'était bien mieux que tout ça, c'était un volume de... Jean d'Ormesson !

Il y avait donc sur l'étagère, dans un proche voisinage, William Shakespeare, Léon Tolstoï et Jean d'Ormesson. Au départ, j'ai cru qu'il s'agissait d'un jeu où l'on pouvait gagner quelque chose si l'on désignait correctement l'intrus. Mais non, la vendeuse a été formelle, le machin de d'Ormesson était à vendre lui aussi. Il n'y avait rien à gagner. Au contraire, en le feuilletant, j'ai vite compris qu'il y avait tout à perdre : et son temps et son argent.

Je n'y ai trouvé que pages atones et douloureux ennui : des phrases ou creuses, ou pompeuses, ou sirupeuses, ou démagogiques, ou méthodecouéistes, ou tout ça à la fois. J'ai sondé le machin à plusieurs endroits afin d'être sûre : partout la même farine, partout la même blancheur, partout la même inconsistance. Ça me filait entre les doigts ; j'ouvrais la main : il ne restait plus rien.

Alors oui, il est mort, le pauvre homme, ce sont des choses regrettables, très tristes, mais qui, malheureusement, arrivent à tout le monde. Par exemple, Michel Butor ou Michel Tournier se sont éteints récemment et pour eux, pas de drapeau, pas de funérailles, pas de nationales, pas de discours opportuniste d'un président, rien. Reste l'oeuvre nue, il n'a plus que ça, l'écrivain, voilà sa stèle, voilà l'empreinte qu'il laissera. Jean d'Ormesson, lui, a tout eu : les médias complaisants, le décorum, les larmes à l'oeil et le crayon sur le cercueil… Mais qu'en restera-t-il, dans dix ans d'ici ? (À l'échelle de la littérature, vous savez bien que dix ans c'est la plus petite unité de mesure.)

Milan Kundera a plusieurs fois fustigé — et ce à quoi je souscris — ce qui pour lui était la pire lie de la littérature, à savoir le kitsch. Il définit le kitsch (grosso modo) comme ce qui est bienpensant, gentil, onctueux (l'équivalent livresque du Nutella), ce qui est censé plaire à tout le monde, car totalement lisse, sans aspérité, sans saveur ni odeur clairement affirmées, sauf à aller toujours dans le sens du courant dominant.

Une odeur n'est définissable, n'est repérée comme telle par notre cerveau que dès lors qu'elle parvient à se distinguer du bain odoriférant de l'environnement. le kitsch c'est l'odeur d'ambiance. Eh bien pour moi, littérairement parlant, Jean d'Ormesson est l'incarnation du kitsch, donc, par définition, ce qui ne survivra pas aux modifications de l'air du temps, car ça ne développe aucune pensée, aucune vision, aucun style propres.

Bref, aujourd'hui, plus que jamais, ce n'est qu'un avis, et vous savez qu'il ne représente pas grand-chose, qui plus est sur une oeuvre abandonnée jadis, le jour même où je m'y étais plongée, comprenant vite qu'elle ne comblerait aucune de mes attentes, littérairement parlant. Quant aux trompettes de la renommée, un vieil ami à moi m'a soufflé une fois qu'elles étaient souvent mal embouchées. Allez savoir…
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