Compte rendu, chronique, le livre d'Étienne de Poncins témoigne à hauteur d'homme, à hauteur d'un haut fonctionnaire de l'État français, de ce que furent pour notre ambassadeur installé au 39, rue Reitarska à Kiev, les six mois que l'Ukraine vécut à partir du 24 février 2022 à 5 heures 30 du matin.
Depuis 372 jours, il n'est est pas un seul qui n'apporte son lot de terribles nouvelles, et quelquefois, au milieu de ce canevas tragique se glisse un petit rai de lumière. C'est un peu la tonalitée choisie par EDP...
L'ambasadeur est passé en quelques heures d'une paix qui ne demandait rien d'autre qu'à le rester à une guerre de haute intensité.
Cela faisait deux ans et demi qu'Étienne de Poncins était en poste en Ukraine, un pays dont il s'est épris, lorsque Poutine massa ses troupes aux frontières de ce pays qu'il proclama vouloir dénazifier et porter secours dans la foulée aux Ukrainiens russophones discriminés et persécutés par une bande de " nazis homosexuels, pédophiles, satanistes et drogués..." EDP nous raconte les quelques jours qui précédèrent l'invasion à laquelle peu étaient ceux qui y croyaient, tant en Ukraine qu'en France... les quelques heures avant le point de bascule que fut l'invasion russe à grande échelle.
L'ambassade française demeura à Kiev trois jours, mais devant la menace russe, le 28 février EDP accompagné de 104 personnes parmi lesquelles des membres de l'ambassade française mais aussi quelques autres représentants des corps diplomatiques étrangers ( Belges, Japonais...), des gendarmes du GIGN, embarquèrent à bord de 42 véhicules, formant ce qu'il appelle " le grand convoi ", quittèrent la capitale ukrainienne pour prendre la direction d'Odessa, passèrent en Moldavie puis en Roumanie où chacun poursuivit sa route en fonction de ses choix ou de certains impératifs. EDP qui avait décidé, avec l'aval de l'Élysée de maintenir la représentation française en Ukraine, s'envola de l'aéroport de Iasi à bord d'un A400M avec une équipe restreinte ( uniquement des volontaires ) direction la Pologne et l'aéroport de Rzeszow.
De là un petit convoi se forma, convoi qui retraversa la frontière pour prendre ses quartiers à l'Alliance française de Lviv où elle demeura 7 semaines, continuant à assurer le mieux possible sa mission d'aide et de représentation de notre pays.
La culture ne fut pas absente des initiatives d'EDP qui, outre ses nombreuses tâches, réussit à faire venir le 12 avril Gautier Capuçon pour deux concerts " extraordinaires "... dans un tel contexte. Vint ensuite le 15 avril, le retour à Kiev et la réinstallation solennelle de notre ambassade au 39 de la rue Reitarska.
Les activités de notre représentation purent reprendre dans des conditions moins insécures qu'elle n'étaient durant les premiers jours de la guerre.
Emmanuel Macron ayant gagné les élections présidentielles, un gouvernement fut formé et Catherine Colonna nommée ministre des Affaires étrangères se rendit à Kiev et à Boutcha, précédent Macron, Sholtz, Draghi, Iahannis.
Ce fut ensuite le tour de
Gérard Larcher, Président du Sénat, puis de
Valérie Pécresse, Présidente du conseil régional d'Île-de-France, avant des vacances dans l'hexagone et un nouveau retour à Kiev... retour dont EDP suggère qu'il est le prélude à une suite à ce premier volet de son témoignage "
au coeur de la guerre ".
À ce résumé que j'ai essayé de condenser il faut ajouter tous les éléments de ce que fut le quotidien d'EDP et des siens durant ces six mois : pensées, analyses, réflexions, états d'âme, décisions, actions... doutes, angoisses, peur... de manière plus " prosaïque " le gîte, l'alimentation, les " loisirs", le sommeil, la santé... et en permanence la sécurité...
EDP a compris d'emblée qu'il était au coeur de l'Histoire. Il a vécu cette " opportunité " comme une chance et comme une écrasante responsabilité. Il nous fait part d'emblée de son incrédulité face à l'impensable décision de Poutine, mesure dans les premiers jours le peu de chances des Ukrainiens de pouvoir tenir face au rouleau compresseur russe... avant de réaliser qu'il y a une " nation ukrainienne " unie, résiliente, héroïque. Il nous entraînera à Boutcha, à l'aéroport d'Hostomel, le lieu où s'est joué dans les premières heures le sort de la bataille de Kiev, se montrera fier d'être à l'origine de l'envoi des enquêteurs français à Boutcha ( nous avons été les premiers...), nous fera part de " l'énigme " Zelensky, cet homme que cette guerre a métamorphosé et fait entrer au panthéon de l'Histoire...
Un livre empli de ce que furent ces six premiers mois du retour de la guerre sur le continent européen.
Un livre qui n'est pas un chef-d'oeuvre littéraire mais le témoignage sincère d'un homme qui n'était pas préparé à croiser le chemin de l'Histoire mais qui s'efforce avec sincérité, authenticité et parfois une certaine candeur de s'en montrer digne.
À ceux qui cherchent des analyses sur les tenants et aboutissants de ce conflit, vous trouverez des éléments de réponse à vos attentes dans des livres dont c'est la vocation.
On ne demande pas à un otage qui raconte sa captivité de théoriser le terrorisme, encore moins d'en faire un essai politico-historique...
J'ai lu ce livre dans le cadre d'une opération Masse Critique, et hasard des lectures EDP cite dans son ouvrage le livre de
Frédéric Mitterrand - 1938, l'oeil du cyclone -, livre que j'avais lu et chroniqué pour Babelio à l'occasion d'une opération MC antérieure...