Si je vous dis « Archie », vous allez me répondre « royal baby » ? Eh bien pas tout à fait ! Ce journal concerne un de ses compatriotes légèrement plus âgé que lui : Archie Adams, 2 ans un quart exactement. Archie vit en Angleterre avec papa, maman et Monsieur Poil (le chat). Son journal transcrit ses états d'âmes et ses aventures quotidiennes dans un langage d'adulte, tandis que les illustrations, très sommaires, reposent sur des personnages en bâtons.
Dans la lignée actuelle des ouvrages jeunesse illustrés, comme le Journal d'une grosse nouille ou le Journal d'un dégonflé, le
Journal d'un incompris se lit vite et très facilement, chaque journée ne dépassant pas une page ou deux. Toutefois, je m'interroge sur le lectorat ciblé : je mettrais plus volontiers ce livre entre les mains d'adultes, idéalement de jeunes parents, que d'enfants. Car s'il y a des passages plutôt drôles, la tonalité générale m'a fait rire jaune, voire carrément dérangée. Explications...
Archie, frustré par les limites de son corps d'enfant, a décidé de mener la vie dure à ses parents. Et la situation s'aggrave avec la naissance de sa petite soeur. Se lever chaque jour avant 5h du matin, se nourrir exclusivement d'aliments de couleur beige, mordre les autres enfants pour ne pas partager ses jouets, refuser d'utiliser le pot… Archie est plein de ressources pour faire tourner ses parents en bourrique et c'est le ressort comique du livre. Cependant, au fil des pages, je me suis rendu compte que cette méchanceté gratuite était le plus souvent dirigée contre sa mère. Par exemple, Archie lui fonce dessus violemment car il a remarqué que sa tête arrive juste au niveau du pubis de sa mère et cela l'enchante (pas moi). Quand il s'acharne sur elle alors qu'elle est enceinte, jusqu'à l'épuiser totalement à coup de farces scatologiques, je trouve cela carrément glauque.
De plus, l'auteur,
Katie Kirby, s'inscrit dans un stéréotype où maman travaille à temps partiel pour prendre soin de son fils alors que papa travaille à plein temps à l'extérieur. Il n'est présent que ponctuellement auprès d'Archie, au point que ce dernier se demande à quoi il sert. Cette vision passéiste de la structure familiale est bien décevante, sachant que
Katie Kirby est née en 1980. Pesantes, aussi, ses allusions répétées à la consommation d'alcool des adultes qui, selon elle, ne pensent qu'à se débarrasser de leurs enfants pour s'enivrer. D'ailleurs son site internet s'appelle « Hurrah for gin »... Tout est dit.
Or, contrairement à l'image que véhicule
Katie Kirby, être parent, ce n'est pas se soumettre avec résignation aux caprices arbitraires d'un enfant-roi. C'est aussi donner et recevoir beaucoup d'amour, parfois avec maladresse, comme l'exprime par exemple
le guide du mauvais père de
Guy Delisle, plus subtil que cet ouvrage. Tout enfant, aussi turbulent soit-il, a ses qualités, ses faiblesses et des moments de grâce. le journal d'Archie, focalisé sur ses frustrations et sa volonté de nuire, manque singulièrement de ces moments de grâce qui l'auraient rendu plus aimable au lecteur.
Je remercie Babelio et les éditions Robert Laffont pour cette dystopie parentale qui rend mes enfants d'autant plus adorables.