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EAN : 9782707199249
656 pages
La Découverte (03/02/2022)
5/5   1 notes
Résumé :
La physionomie de nos sociétés dépend de vendeurs et d'acheteurs qui ne se rencontrent plus comme autrefois sur les marchés de plein air ou dans les ateliers des artisans. Depuis un siècle, les articles jugés sur pièce ont fait place à des "produits" pré-emballés, bardés de marques et poussés à travers des "canaux de distribution" matériels et médiatiques; les clients sont devenus des"consommateurs". Ajustant chaque jour la production à la consommation et la consomm... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
L'histoire passionnante, et au final assez peu étudiée, de cette discipline méconnue: le marketing. Souvent réduit à son aspect le plus visible, la publicité, le marketing recouvre en fait toute la chaîne de l'économie: de la production à la consommation, en passant par le maillon essentiel de la distribution.

Le marketing est essentiellement américain, il prend son essor au cours des années 1920, alors qu'il ne sera enseigné en France qu'à partir des années 60. L'auteur s'appuie donc sur une multitude de sources états-uniennes et décortique pour nous les théories, les pratiques, et leur évolution.

Curieusement, au départ le marketing avait pour but d'éduquer le consommateur, et principalement la ménagère américaine, celle qui s'occupe des achats domestiques, mais qui a son mot à dire pour tout (si si, même la bagnole). Logique: les transports étaient encore peu développés, les normes quasiment inexistantes, il était vital de savoir reconnaître les fruits véreux, le poisson pas frais, ou la viande frelatée. de nos jours, c'est l'inverse, on n'ouvre plus les boîtes pour vérifier la qualité d'un produit. Tout récemment d'ailleurs, venant retirer une commande, j'ai eu affaire à ma grande surprise à une employée qui a pris la peine d'ouvrir l'emballage du fabricant, pour me montrer qu'il contenait bien l'appareil et tous ses accessoires!

Par la suite, avec l'essor de la production, l'élévation du revenu des ménages, la multiplicité des produits disponibles, le choix des consommateurs est devenu énorme. Il s'agit alors de deviner ce qui peut l'attirer, pourquoi, ce qui influence les achats. Les études de marché se multiplient, on fait appel aux sciences sociales, comme la psychologie. On influence aussi les fabricants, et l'on oriente donc leur production. Enfin, on investit beaucoup dans l'emballage, la disposition des produits dans les boutiques, et en particulier dans ces temples de la distribution que sont les supermarchés. Thibault le Texier nous apprend ainsi que dès 1917, trois brevets furent déposés concernant le plan de circulation dans les supermarchés Piggly Wiggly. Lequel plan m'a semblé étonnamment similaire à celui de mon Ikea favori. Vous savez, cet itinéraire imposé, qui vous amène à passer absolument devant tous les rayons...

Thibault le Texier n'oublie pas d'aborder le marketing politique, ou celui, autrement fondamental, de l'argent: vente de prêts, de crédit. On apprend ainsi que dès les années 60, Visa envoie des dizaines de milliers de cartes de crédit à des personnes... qui n'avaient absolument rien demandé! Il faudra attendre 20 ans pour que cette pratique soit interdite.

Plus éclairante encore est sa critique de l'économie, et plus particulièrement des économistes. Car le marketing est central dans l'économie. Or, comme le montre l'auteur, très peu d'économistes se sont intéressés à la consommation. La plupart des chercheurs en économie - y compris des prix Nobel respectés comme notre indéboulonnable Debreu - se sont intéressés à la production, aux échanges, dans des systèmes quasiment parfaits, et surtout, en supposant que tous les agents sont rationnels! Or, ce que démontre ce bouquin, c'est que ce système parfait n'existe pas. Que nous ne sommes pas rationnels. L'histoire de la discipline est remplie d'auteurs et gourous ayant chacun leur "méthode", mais au final, il faut bien se l'avouer, on reste dans le bricolage, et l'on ne sait pas déterminer à l'avance ce qui marchera ou ce qui sera un fiasco commercial.

Pour finir, l'auteur nous invite à réfléchir et à nous débarrasser des idées reçues, notamment sur la société de consommation qui uniformise (alors que le marketing est affaire de différenciation des marques, de positionnement) ou que le consommateur soit passif et domestiqué, alors qu'il est conscient de l'impact de certains choix. La réalité est bien plus complexe.

Une des conclusions est que le marketing influence la société, mais qu'il ira toujours caresser dans le sens du poil les consommateurs, on ne peut donc en attendre aucune révolution. Ce qui face au défi climatique, ne peut que rendre pessimiste. D'autant que les gouvernements ont depuis longtemps renoncé à être directifs, laissant les marketeurs nous dire ce qui serait bien pour nous... Les gouvernants ont abandonné le combat, se limitant à appuyer les entteprises, sans trop se soucier des consommateurs. [C'est toujours vrai aujourd'hui, en témoigne entre autres la faiblesse des contrôles sanitaires régulièrement mise en lumière par divers scandales, tels que les pizzas Buitoni. Tiens, la semaine dernière, j'apprends que certains enfants ont les dents pourries parce qu'ils ont été nourris avec des biberons de Coca... Merci qui?]
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Nombre des problèmes les plus urgents du marketing découlent précisément des aspects du système que la théorie économique a choisi d'ignorer. La théorie économique des marchés est en fait une théorie des échanges, où ne se pose pas la question de savoir ce qu'il faut produire, quand, et en quelle quantité. Le marketeur, au contraire, est plein de doutes face aux réactions incertaines des consommateurs et des concurrents. Et loin d'informer les consommateurs aussi parfaitement que possible, il joue sur leurs émotions et leur inconscient, leur faisant croire par exemple que l'achat de telle marque de bière en fera de bons amis ou des partenaires sexuels convoités.
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Comme il semble improbable que les gouvernements abandonnent volontairement le consumérisme et les marchés, l'alternative est simple : soit nous prenons en charge la satisfaction de nos besoins de manière autonome, soit nous vivons avec le marketing.
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Videos de Thibault Le Texier (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Thibault Le Texier
Conduite en 1971 par le professeur Philip Zimbardo, l?« expérience de Stanford sur la prison » a vu vingt-deux étudiants volontaires jouer les rôles de gardiens et de prisonniers au sein d?une fausse prison installée dans l?université Stanford. L?expérience devait durer deux semaines mais elle fut arrêtée au bout de six jours, résume Zimbardo, car « les gardiens se montrèrent brutaux et souvent sadiques et les prisonniers, après une tentative de rébellion, dociles et accommodants, même si la moitié d?entre eux furent si perturbés psychologiquement qu?ils durent être libérés plus tôt que prévu ». Devenue presque aussi célèbre que l?expérience de Stanley Milgram sur l?obéissance et souvent citée en exemple de l?influence des situations sur nos comportements, l?expérience de Stanford est pourtant plus proche du cinéma que de la science : ses conclusions ont été écrites à l?avance, son protocole n?avait rien de scientifique, son déroulement a été constamment manipulé et ses résultats ont été interprétés de manière biaisée. Rassemblant archives et entretiens inédits, Thibault le Texier mène une enquête haletante sur l?une des plus grandes supercheries scientifiques du XXe siècle, entre rivalités académiques, contre-culture et déploiement du complexe militaro-industrialo-universitaire.
« Histoire d'un mensonge. Enquête sur l'expérience de Stanford » de Tibault le Texier Éditions Zones, avril 2018 ?? http://www.editions-zones.fr/spip.php?article180011
Photographies © Chuck Painter, Stanford News Service
Musique © Big Blood, « Run », Phrase! Records, 2011
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