Je me suis décidée à créer un compte Babelio pour pouvoir poster cette critique.
Formée à la littérature plus classique, ce genre de livres ne fait généralement pas partie de mes lectures. Et celui-ci en particulier ne me poussera pas à en découvrir davantage.
Je suis fortement mitigée quant à cette conception du « pervers narcissique » et quant à leurs prétendues victimes. Je ne dis pas que ces personnages « malfaisants » n'existent pas ; simplement, on utilise le terme à tout-va et dans des situations qui ne s'y prêtent pas toujours. le terme « toxique » n'a jamais été aussi en vogue.
Il faut parfois examiner les deux parties dans le couple, et se dire que le manipulateur n'est pas celui que l'on croit.
[Attention : témoignage personnel] J'ai grandi avec une mère seule qui se dépeint comme une parfaite victime de « PN ». Bien qu'ils aient divorcé des années auparavant, ma mère n'a jamais cessé de relater les « méchancetés » de son ex-mari, jusqu'à aujourd'hui, trente ans plus tard. « Il m'a fait ceci, il m'a fait cela », « à cause de ton père... ». En trouvant presque un certain plaisir dans cette narration. Mon père, je ne l'ai jamais vraiment connu : un grave accident l'a laissé handicapé et sans capacité de s'exprimer. Une aubaine, peut-être, pour ma mère, qui pouvait dès lors raconter sans contredit toutes ces désastreuses aventures. Résultat : j'ai grandi en apprenant à détester une personne que je n'avais jamais connue. Il m'a fallu des années pour prendre conscience du fait qu'il n'existe pas, dans une relation, un méchant et un gentil, et que tout simplement chacun a ses torts et ses qualités...
Pour revenir au livre, voilà le topo : Hélène est la pauvre petite victime de Dominique le terrible. Pourtant, voici quelques exemples frappants que j'ai relevés dans le texte et qui témoignent de l'innocence critiquable de celle qui crache sur le personnage de Dominique, mais aussi d'autres personnages qui ne lui ont rien fait :
- Critique envers Dominique, bien sûr : « [...] combien de fois lui ai-je servi de secrétaire alors qu'il était incapable d'aligner une phrase correcte ? ».
« Dominique n'avait aucun charme, aucun intérêt, il n'était même pas drôle. Une catastrophe au lit et d'une inculture encyclopédique ». Je trouve cette méchanceté particulièrement dure : qui est-on, quelle figure de perfection incarne-t-on pour pouvoir ainsi dénigrer tout chez l'autre ? N'est-ce pas justement ce qui est reproché au pervers narcissique... ? Et pourquoi dans ce cas lui avoir laissé croire que l'on pouvait l'aimer ?
- Critique envers les amis de Dominique : « [l]es seuls amis autorisés étaient les siens. Que des hommes : un musicien homosexuel refoulé, un psychanalyste raté, ou encore un peintre narcissique et sans don particulier. » Peut-on être plus méchant à l'encontre de l'entourage de celui qu'on prétend aimer ?
« Même Philippe, pourtant homo jusqu'au bout du brushing, n'en voudrait pas ! » : on passera sur la critique homophobe glissée dans la conversation.
- Critique envers Aimée, la mère de Dominique : « Et les repas infâmes d'Aimée ! Et ses cadeaux à la noix ! »
- Critique envers les hommes, en général (car c'est sans doute cela le vrai problème d'Hélène, c'est qu'elle déteste les hommes) : « [c]et homme m'a exaspérée [...] Les mecs me tapent sur le système [...] A-t-il seulement déjà écrit une ligne ? [...] Décidément, les hommes se ressemblent tous ! » Facile de mettre tout le monde dans le même panier : le monde entier s'oppose à elle, bien entendu ; ou bien c'est l'inverse...
- Critique envers ses enfants : « Angélique me fatigue, m'énerve avec sa manie de mettre le chauffage au maximum [...] Je ne supporte plus que l'on dégrade ou que l'on maltraite quoi que ce soit. »
En somme, et ça n'engage que moi, il semble que de nombreuses femmes qui se veulent victimes de ces pervers cherchent juste à critiquer et à construire autour d'une personne choisie l'image d'un monstre (cf. le triangle de Karpman avec les trois figures du bourreau, de la victime et du sauveur). Elles sont surtout victimes d'un manque de personnalité et se plaisent à pleurnicher afin que l'on leur porte toute l'attention qu'elles désirent, d'une manière étrange, en suscitant la pitié. C'est à peine dissimulé : « [q]ue l'on se préoccupe de moi, que l'on comprenne ce que je vis, que l'on reconnaisse la valeur de mes sentiments, mais aussi de pouvoir m'épancher quand ça ne va pas. » -> mais enfin regardez-MOI ! Si un couple ne fonctionne pas – car c'est possible que les deux personnes ne soient tout simplement pas compatibles – ce n'est donc pas nécessairement à cause de la personne pointée.
Il est bien plus simple de se plaindre (« Progressivement, Dominique m'a isolée des gens que j'aimais et qui m'aimaient. ») Je crois qu'Hélène n'était obligée à rien par son mari : avec un peu d'énergie, il semble qu'elle aurait pu se tirer de là, soit par la communication soit, si cela ne fonctionne pas, en rompant. Mais il est aussi plus facile de se complaire dans une situation « zone de confort » et de s'en plaindre que de chercher à améliorer sa condition. Hélène dira d'ailleurs : « [p]ourquoi dois-je toujours tomber sur des énergumènes ? » : « tomber » est significatif, elle n'endosse ainsi aucune responsabilité dans l'histoire.
Si elle malmène bien cet odieux tortionnaire, Hélène ne perd pas de temps et se permet de fricoter avec d'autres sans scrupules, se laisse inviter au restaurant par un certain Paul à plusieurs reprises, alors qu'elle est mariée. Et pourtant celui-là n'est pas considéré comme un PN malgré ses injonctions : « [j]'adore les femmes qui montrent qu'elles se sentent belles », ce qui reviendra à faire dire à Hélène, si influençable : « [c]ontrairement à ce que rabâchait Dominique, le maquillage n'est pas futile, mais essentiel à faire émerger l'identité féminine », autrement dit : quel goujat, ce Dominique, qui aurait laissé entendre que la beauté naturelle n'a pas sa place en ce bas monde ! Alors, vous m'excuserez mais, laissé de côté par le batifolage de son épouse, il est peut-être normal qu'il s'aigrisse quelque peu.
Le plus drôle est peut-être qu'à côté de toutes les méchancetés qu'elle déverse sur son mari, Hélène adopte elle-même les comportements qu'on prête aux PN : le mensonge (« J'invente une excuse. Pas le choix »), le mépris de l'autre (« Rassurez-vous, tout le monde se contrefiche de votre personne », « [j]e décide aussi de le ridiculiser [...] »). Elle accuse Dominique d'abuser des « toujours » et des jamais » mais se plaint qu'il ne soit « jamais » à l'heure. Elle lui reproche de « monter ses filles contre elles » alors que c'est ce qu'elle met elle-même en place (« Je recommande une dernière fois à Angélique de jouer les indifférentes. » Euh, laisse-la vivre, non ?). Elle n'accepte aucune concession : lui demander quelque chose qui n'irait pas dans son sens serait perçu comme l'imposition d'exigences trop strictes. Enfin, elle prête des intentions à tout le monde, et c'en est presque caricatural (en parlant d'elle, évidemment : « [i]l est clair que Dominique ne ressent pas la souffrance d'un être abandonné, mais la rage d'un prédateur à qui sa victime échappe. »).
Qui est donc le manipulateur ? Qui est donc le coupable ? Sur ce sujet, je resterai perplexe.
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Agréable à lire, mais j'ai été surprise par la structure. Elle parle surtout pour ne pas dire presque que du divorce. Hélène nous raconte sa vie actuelle tout en revenant sur ses souvenirs de son ancienne vie. Elle a vécu avec un "homme" manipulateur. Je pense que si lui ne l'avait pas quitté, elle serait encore avec aujourd'hui malheureusement. J'ai trouvé qu'il y avait un peu de remplissage, "je ne sais plus comment appeler cet homme "Dominique, ducon, D, mon mari ? [...] " j'ai vu cette phrase de nombreuses fois au cours de ma lecture .... Je n'aime pas trop critiquer un livre comme celui ci car c'est du vécu et en plus avec un thème assez difficile. Ce livre est bien mais je m'attendais à mieux.
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Un livre bouleversant où l'on comprend au fil de la lecture la sournoiserie de ces manipulateurs. Un livre essentiel tant par l'histoire que par les explications finales.
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Monsieur,
Vu votre utilisation du gras, des majuscules, des encadrés et des soulignés, vous avez dû suivre une formation typographique de haut niveau.
Il est normal que vous puissiez parler aux filles dans des conditions d'intimité correctes. Vous conviendrez que c'est assez difficile dans une voiture.
Par ailleurs, les éructations stridentes de votre maîtresse et votre voix aiguë perturbaient le conducteur et de ce fait mettaient en danger notre sécurité.
Concernant la moralité des personnes que je fréquente, permettez-moi de vous rappeler votre comportement d'homme qui a trompé son épouse et abandonné ses filles.
Rassurez-vous, tout le monde se contrefiche de votre personne.
_ Ma pauvre fille! Tu n'as toujours pas pigé qu'une journée durait vingt-quatre heures! Le mercredi, ça veut dire que je dispose des filles du mercredi de 00h01 à 23h59! Je transmet immédiatement notre échange à mon avocat!
Tel un orfèvre qui prend son temps, mon mari a mis en oeuvre un lent processus afin de procéder à une destruction progressive de mes capacités psychiques.
Je ne peux m'empêcher de penser à l'allégorie de la grenouille. Selon cette légende, on considère que si l'on plonge brutalement une grenouille dans de l'eau chaude, elle a le réflexe de s'échapper d'un bond ; alors que si on la plonge dans l'eau froide et que l'on porte très progressivement l'eau à ébullition, la grenouille s'habitue et meurt ébouillantée.
Par son retard, il s'imposait déjà : pendant que je l'attendais, je ne cessais de penser à lui.
p 216
Plus il devient minuscule, plus la majuscule lui sied. Décidément, cet homme est un éternel paradoxe !