Bacchanales 31, Les mots sont têtus

Quel bonheur de découvrir et retrouver un numéro de la revue de poésie Bacchanales, le numéro 31 au titre éloquent : "Les mots sont têtus".
Il n'y a pas que les mots qui sont têtus. À la lecture de ce recueil de poèmes et de créations, édité par la Maison de la Poésie Rhône-Alpes, on est vite convaincu que les poètes, loins d'être des romantiques éthérés, peuvent aussi être engagés ou avoir un regard, certes très différent de tout un chacun, mais surtout ancré dans une réalité tantôt surprenante tantôt violente ou on ne peut plus banal. Je donnerai comme exemple l'oeuvre de Serge Pey qui se dit poète d'action. Ses poèmes sur des bâtons avec lesquels ils réalisent des scansions, des installations qu'il nomme : "pièges à infini" .Son 'hommage fort, révolté et poignant à 27 femmes de ménage attaquées, violées, torturées à Hassi Messaoud en est un vif exemple. "Aïcha jamais haicha/ jamais haicha Aicha" est un texte comme je n'en n'ai encore jamais lu.
Ce recueil propose, par ailleurs, des textes en prose dont la facture poétique est indéniable, où l'on constate que les poètes continuent de s'asseoir sur le rebord du monde et d'apporter leur regard sur le quotidien très quotidien. C'est le cas du travail d'Henri Louis Aliamet dont j'aime particulièrement l'évocation d'un phare, qui, dans ses mots, roule son gros oeil. Chaque texte alors comme dans tout recueil de poésie, trouvera en vous un écho ou pas du tout. Et les amateurs de poésie savent que c'est normal. J'ajouterai l'importance donnée, dans cet opus, aux travaux de tandems québécois qui ont métissés leurs oeuvres, en alliant textes et création plastiques. Ils sont reproduits malheureusement en noir et blanc mais, à mon avis, les fréquenter en exposition ne doit pas laisser indifférent. Je mettrai enfin le projecteur sur l'édito de Michel Calonne, dont j'ai par ailleurs consigné un extrait dans les citations. Dans cet edito court et dense, il porte déjà un regard sur notre monde, qui, semble-t-il, correspond encore bien largement à notre époque. J'ai aimé certaines belles phrases juste par leur facture mais pas uniquement heureusement. Il y présente l'homme comme "un singe à deux pattes" et nous propose en poésie de " repousser le coma qui menacent notre espèce." Tout cela datant de 2003 reste vraiment très actuel. Universel ?

Les petits plus :
je ne doute pas que les animateurs d'ateliers d'écriture trouveront sûrement dans le travail de Gérard Lemaire avec des textes comme " Traversée de l'arche" ou lorsqu'il nous interpelle "sur la gratuité de la main d'oeuvre" des pistes de créations littéraires.

Quelles bacchanales !