Epicure à Ménécée, salut.
Qu’on ne remette pas la philosophie à plus tard parce qu’on est jeune, et qu’on ne se lasse pas de philosopher parce qu’on se trouve être vieux. Il n’est en effet, pour personne, ni trop tôt ni trop tard lorsqu’il s’agit d’assurer la santé de l’âme. Or, celui qui dit que le moment de philosopher n’est pas encore venu, ou que ce moment est passé, est semblable à celui qui dit, s’agissant du bonheur, que le moment n’est pas encore venu, ou qu’il est passé. Par conséquent, doivent philosopher aussi bien le jeune que le vieillard, celui-ci afin qu’en vieillissant, il reste jeune sous l’effet des biens, par la gratitude qu’il éprouve à l’égard des évènements passés, et celui-là afin que, tout jeune qu’il soit, il soit aussi un ancien par son absence de crainte devant ce qui va arriver. Il faut donc consacrer ses soins à ce qui produit le bonheur, tant il est vrai que, lorsqu’il est présent, nous avons tout, et que, lorsqu’il est absent, nous faisons tout pour l’avoir.
Les recommandations que je t’adresse continuellement, mets-les en pratique et fais en l’objet de tes soins, reconnaissant en elles distinctement les éléments du bien vivre.
C'est un grand bien à notre avis que de se suffire à soi-même, non qu'il faille toujours vivre de peu, mais afin que si l'abondance nous manque, nous sachions nous contenter du peu que nous aurons, bien persuadés que ceux-là jouissent le plus vivement de l'opulence qui ont le moins besoin d'elle, et que tout ce qui est naturel est aisé à se procurer, tandis que ce qui ne répond pas à un désir naturel est malaisé à se procurer.
En effet, des mets simples donnent un plaisir égal à celui d'un régime somptueux si toute la douleur causée par le besoin est supprimée, et, d'autre part, du pain d'orge et de l'eau procurent le plus vif plaisir à celui qui les porte à sa bouche après en avoir senti la privation. L'habitude d'une nourriture simple et non pas celle d'une nourriture luxueuse, convient donc pour donner la pleine santé, pour laisser à l'homme toute liberté de se consacrer aux devoirs nécessaires de la vie, pour nous disposer à mieux goûter les repas luxueux, lorsque nous les faisons après des intervalles de vie frugale, enfin pour nous mettre en état de ne pas craindre la mauvaise fortune.
Il faut méditer sur ce qui procure le bonheur, puisque quand on l’a, on a tout, et lorsqu’il manque, nous faisons tout pour l’avoir.
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« Lettre à Ménécée », d'Epicure, c'est à lire en poche chez GF