Une chronique de Yann, sur Aire(s) Libre(s)
« Il détestait perdre son temps à analyser le monde dans lequel il vivait. il avait décidé depuis longtemps que sa vie ne serait qu'un passage, de l'enfance à la vieillesse, son destin à lui, qu'il ne pouvait partager avec personne, que personne ne vivrait à sa place, pas mieux, pas pire qu'autre chose. Il n'en avait rien à branler, des autres. La seule émotion qu'il se permettait encore, c'était celle que lui procurait un paysage. Quant au reste, c'était une question de pot. »
Si l'on en croit les mots de Patrick Raynal en quatrième de couverture, Tatouage est non seulement la première aventure de Pepe Carvalho mais, surtout, l'écriture de ce roman résulterait d'un pari qui métamorphosa Vazquez Montalbán de poète en auteur de romans noirs. Paru en 1976, ce brillant premier essai fut suivi jusqu'en 2003 (année de la disparition de son auteur) d'une quinzaine d'autres titres parmi lesquels La Solitude du manager ou Meurtre au Comité Central.
Tatouage démarre par la découverte d'un noyé sans visage sur une plage de Barcelone. Seul signe distinctif, le cadavre porte un tatouage dans le dos, « Né pour révolutionner l'Enfer ». Pepe Carvalho est embauché par le mari d'une coiffeuse de son quartier pour enquêter sur le défunt. Ses investigations le mèneront jusqu'au célèbre quartier rouge d'Amsterdam.
En donnant vie à Pepe Carvalho (qui allait le suivre toute sa vie), Manuel Vázquez Montalbán n'imaginait sans doute pas à quel point son détective allait très vite rejoindre les plus grandes figures du roman policier. Profondément attachant malgré la distance qu'il essaie de maintenir entre lui et le monde, ainsi que le laissent entendre les quelques lignes citées en exergue de cette chronique, Carvalho séduit le lecteur avec autant de facilité que les femmes qui l'entourent. Derrière une apparente froideur, le détective peut subir de véritables coups de sang qui semblent le surprendre régulièrement lui-même. Amoureux des femmes (au premier rang desquelles Charo, sa compagne, prostituée indépendante), Carvalho est également un véritable gourmet. À ce titre, la lecture de ses enquêtes est susceptible de mettre régulièrement l'eau à la bouche des lecteurs attachés aux plaisirs de la bonne chère. Vazquez publia même en 1989 un recueil intitulé Les Recettes de Pepe Carvalho (1996 chez Christian Bourgois). Chacun des repas qu'il fait chez lui est accompagné d'une bonne flambée dans sa cheminée, même au plus fort de l'été, allumée en sacrifiant un livre pioché dans sa bibliothèque.
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