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Critiques de Amin Maalouf (1187)
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Le périple de Baldassare

1666, l’année de la Bête…

Les gens n’ont plus qu’un mot à la bouche "Apocalypse" et voient dans la date qui approche le signe de la fin des temps. « Son ombre voile les poitrines et les fenêtres des maisons ».

Prédictions, prophéties, présages, augures…chacun interprète les signes et « quand on cherche des signes, on en trouve. Signes manifestes, signes éloquents, signes troublants, tout ce que l’on cherche à démontrer finit par se vérifier».



Quatre mois avant l’année de la Bête, Baldassare Embriaco, Génois d’Orient installé dans la ville libanaise de Gibelet où il tient un commerce prospère de curiosités et de livres rares, voit sa sérénité et sa bonne fortune mises à mal à mesure que s’approche la fin de l’année 1665.

Malgré sa volonté de raison garder, il a vu les choses se précipiter lorsqu’il a fait l’acquisition d’un livre étrange, rare et précieux, un livre légendaire très convoité écrit par un certain Mazandarani, s’intitulant « Le Dévoilement du nom caché » ou plus communément « Le Centième nom ».

Dans le Coran, sont mentionnés 99 noms de Dieu; le livre de Mazandarani recèlerait en ses pages le nom suprême du Créateur, le Centième nom, un nom « qu’il suffirait de prononcer pour écarter n’importe quel danger et obtenir du Ciel n’importe quelle faveur ».



Ce livre censé apporter le Salut, le marchand l’a eu en sa possession mais il l’a laissé échapper sans avoir pu y jeter un coup d’œil, le vendant presque malgré lui à un émissaire du roi de France.

Pris de remords, le cœur empli de doutes et de craintes, c’est avec le sentiment d’avoir commis une lourde faute qu’il lui faut impérativement réparer, que Baldassare décide d’entreprendre un long voyage afin de retrouver le livre perdu.

Mais sans doute que la décision d’un tel périple, dont il ne sait s’il se soldera par un échec ou une réussite, est aussi l’occasion pour Baldassare de donner un nouveau sens à sa vie et de fuir une existence terne et étriquée.

Accompagné de ses deux neveux Boumeh et Habib, de son serviteur Hatem et de Marta, une jeune femme passionnément aimée quelques années auparavant, il quitte Gibelet pour une course folle à travers le monde, qu’il consigne au jour le jour dans un journal.

Par terre et par mer, à pied, à dos d’âne ou par bateau, de Constantinople en passant par Amsterdam, Londres, Naples ou Gênes, il parcourt des villes à feu et à sang, des provinces ravagées par la terreur, des contrées saccagées et ruinées par le fléau des intégrismes religieux.

Au gré de ses pérégrinations, vivant mille aventures et mille désillusions, Baldassare témoigne de la folie des hommes lorsque la foi les aveugle et rencontre aussi l’amour à l’heure où il ne l’attendait plus.



Ecrivain nomade, lorsque le lecteur ouvre un livre d’Amin Maalouf, il sait que le voyage, l’exotisme et l’ailleurs seront au rendez-vous. Il y a chez Amin Maalouf un profond désir de briser les frontières que les hommes dressent entre eux, un immense sens du partage, une volonté de créer du lien entre les peuples, entre les terres, entre les langues.

Merveilleux conteur, l’écrivain franco-libanais à qui l’on doit le très beau « Samarcande » ou encore « Le rocher de Tanios », sait assouvir notre soif d’imaginaire, notre goût de l’aventure et notre désir de réflexion, par des œuvres denses, amples et consistantes dans lesquelles les questionnements sur l’homme, les valeurs d’humanisme, les interrogations sur la religion et sur l’identité s’inscrivent étroitement dans la trame fictionnelle.

« Le périple de Baldassare » est de cette veine. Ecrit sous forme de journal personnel, il est à la fois roman d’aventures, roman initiatique, roman historique, tout en possédant la saveur d’un conte oriental.

C’est à un long et beau voyage dans les grandes cités du XVIIème siècle que nous convie ici Amin Maalouf, un merveilleux périple entre Orient et Occident, au côté de l’attachant Baldassare Embriaco, homme tolérant et bon, humaniste et grand érudit, témoin de son temps, de la folie, de la bêtise et de la cruauté des hommes.

Baldassare narre son parcours avec les qualités et les défauts des grands hommes ; de son écriture posée et réfléchie, il livre tout sur le papier : ses craintes, ses espoirs, ses amours et ses doutes, la peur irraisonnée qui s’est emparée des hommes ainsi que les misères et les fléaux qui s’abattent sur les pays traversés, la peste qui décime, le feu qui ravage, la religion qui impose, l’obscurantisme qui tue…

La langue d’Amin Maalouf sait tout autant se faire chatoyante ou précise, tumultueuse ou réfléchie, poétique ou lucide pour faire de ce voyage un beau moment de littérature, même si, ici où là, l’on pourra constater quelques petites baisses de régime, mineures au regard de l’ensemble de ce très bel ouvrage.



« Le périple de Baldassare » a été également adapté en bande-dessinée. Une BD en trois parties réalisée par Joël Alessandra.

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Les Identités meurtrières

Les êtres humains se divisent en tout un tas de catégories bien pensées et bien définies : opinions politiques, opinions religieuses, orientation sexuelle, couleur de peau, … De temps en temps, dans une région du monde, une de ces catégories prend soudain une importance capitale pour une foule de gens, qui estiment d'ailleurs qu'il n'existe qu'une seule bonne réponse possible. Et tant pis pour les ceux qui pensent que la case à remplir est un peu étroite, et qui aimeraient pouvoir y inscrire plusieurs choses : les formulaires ont déjà été imprimés, faites votre choix, et plus vite que ça !



Étant moi-même binational, je ressens parfois cette impression de vivre un écartèlement forcé. À doses infimes certes : les cultures belge et française ne sont pas les plus inconciliables qui soient, les rares conflits ne portent généralement que sur des points de vocabulaire (alors que quiconque possède un brin de bon sens ne peut que reconnaître que « septante » et « nonante » sont bien plus logiques) ou des tests de loyauté lors des rencontres sportives entre les deux pays. J'imagine un peu le casse-tête de faire partie de deux cultures qui se considèrent comme concurrentes, voire même ennemies. Il doit être difficile de ne jamais se considérer comme un traître à l'un des camps, ou pire, traître à soi-même.



Cet essai d'Amin Maalouf aborde donc le thème complexe de l'identité, et pose directement les bonnes questions : plutôt que débattre sans fin pour savoir qui a raison, le plus intelligent est de se demander comment faire cohabiter au mieux des individus qui auront forcément des opinions différentes sur un tas de sujets. La première étape est de s'intéresser aux autres manières de vivre, et d'en comprendre la logique. Un quart de pas hésitant est parfois suffisant pour permettre à l'Autre de vous faire découvrir un large pan de sa culture. On regrette alors de ne pas l'avoir fait plus tôt.



Si les questions sont bien posées, les réponses se font toutefois attendre. Certains espoirs me semblent tout à fait utopiques : il y a peu de chance que la population mondiale devient tri- ou quadrilingue, comme il y a peu d'espoir que les cultures et les langues très minoritaires survivent éternellement. De même, si quelqu'un pense avoir le droit de me donner des coups de pied dans la rue, même en étant très respectueux envers sa manière de vivre, notre cohabitation sera sans doute délicate. Laisser à l'autre le droit de vivre comme il l'entend est après tout une opinion qui, comme toute opinion, a souvent été contestée.
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Les croisades vues par les Arabes

Je sors de la lecture des Croisades vues par les Arabes, étourdi et la tête pleine du bruit des batailles.

Un sacré boulot, qu'a livré Amin Maalouf pour offrir un ouvrage touffu, mais à la fois cohérent et passionnant!

Cette somme, imprimée assez petit tout de même, permet d'acquérir une compréhension et une vue d'ensemble sur les invasions franques.

Le malheur des musulmans, c'est leur perpétuel état de guerre civiles après la mort de leurs dirigeants! La racaille franque, quoique plus barbare et rustique, a pour force le courage, la détermination et la capacité à administrer le terrain conquis... Et la désorganisation de la première croisade a laissé place au rouleau-compresseur des chevaliers aguerris et solidement cuirassés!

Le lecteur subjugué, voit les cités (même celles réputées imprenables) conquises et leurs habitants massacrés avec la bénédiction du pape!

Mais, trop c'est trop, et les musulmans vont finir par mettre la pâtée au Francs et les renvoyer à leurs châteaux-forts... Non sans continuer à se faire des croc-en-jambes entre-eux, même si l'union prévaudra dans la colère face à l'envahisseur.

Pourtant, la victoire des musulmans aura le goût durable de l'amertume et du replis sur soi. Le Moyen-Orient en portera , à jamais, les stigmates.

L'apaisement des Francs et une meilleure organisation des instances gouvernementales arabes eussent permis un autre développement plus riche et harmonieux des deux civilisations.

C'est tout à l'honneur et à la rigueur d'Aminn Maalouf, que de reconnaître et constater ces "infirmités" du monde arabe, dont la civilisation et la puissance cédera le leadership à l'occident toujours plus à l'ouest.

Le texte d'Amin Maalouf est suivi, outres des utiles notes de références, d'une encore plus utile chronologie... Celle-ci permet au lecteur de se regrouper et de s'y retrouver après une bouillonnante lecture.
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Les croisades vues par les Arabes

« Ce livre part d'une idée simple : raconter l'histoire des croisades telles qu'elles ont été vues, vécues et relatées dans l'autre camp, c'est-à-dire du côté arabe. Son contenu repose, à peu près exclusivement, sur les témoignages des historiens et chroniqueurs arabes de l'époque. Ces derniers ne parlent pas de croisades, mais de guerres ou d'invasions franques. » p.5 avant-propos





Qu'est que l'Histoire si ce n'est un jeu d'écriture en partie double mais dont contrairement à la comptabilité l'actif et le passif sont tenus séparément par des personnes différentes en des lieux éloignés ? Dès lors très rapidement bien difficilement réconciliables. A jamais ?





C'est pourquoi il y a longtemps que je voulais lire celui-ci confiant en Amin Maalouf dont j'aime par ailleurs l'écriture. Nullement déçu et je salue le très beau travail de cet érudit, son grand attachement aux faits et sa fermeté vis-à-vis des faiblesses des siens, j'en oublierai malheureusement vite les détails aussi intéressants soient-ils. Il m'apparaît une fois de plus que l'Histoire des hommes n'est que la confrontation d'egos surdimensionnés liés au désir d'accroissement d'intérêts particuliers au détriment du bien de tous et ce quelques soient les camps et les époques. Chacun sublimant ses hauts faits et masquant ses bassesses, ainsi s'écrit l'Histoire s'attachant à magnifier les puissants, oubliant la détresse des peuples.





De cet épisode je retiendrai que toute la région entre Constantinople et le Caire en passant par Jérusalem bien évidemment, mais aussi Bagdad, Beyrouth, Damas, Tripoli, Antioche et plus à l'intérieur des terres Ankara, Mossoul était déjà bien régulièrement à feu et à sang avant l'arrivée de la première croisade constituée d'une troupe déguenillée d'égarés plus ou moins abrutis suivant un illuminé. Il n'aura pas fallu longtemps pour que les choses s'enveniment encore avec l'arrivée de soldats et cavaliers francs. Par d'autres lectures je savais déjà que ces expéditions avaient un premier but : celui d'écarter du pouvoir dans leur propre contrée les vassaux les plus gênants.





Eh bien de l'autre côté j'ai découvert sans grande surprise les mêmes abjections, tout n'était que jeux de pouvoirs, alliances temporaires, traîtrises et retournement à des fins d'intérêt personnel. Pour illustration je retiendrai cette bataille où une armée composée de Francs catholiques, de chrétiens orthodoxes et de musulmans se battit contre une autre armée composée d'autres Francs catholiques, d'autres chrétiens orthodoxes et d'autres musulmans. Ah ! Ah ! Elle est bien bonne et bien exemplative. Moi je me force à retenir de l'Histoire ce qu'elle voudrait passer sous silence. Saladin qui mit à sec les caisses de l'état par son inconséquence dispendieuse. Tout comme Louis XIV à une autre époque. Et pourtant tous deux admirés jusqu'à l'idolâtrie. Mais le petit peuple contemporain pendant tout cela ?





Non seulement l'Histoire est un jeu d'écriture mais elle est plus que tout un jeu de dupes : que de morts pour la gloire de si peu ! Il existe en finance et en comptabilité un mot que je voudrais voir prendre sa place dans l' Histoire : le « write-off » qui consiste à l'annulation d'une dette ou d'une créance douteuse pour permettre d'aller de l'avant. Que ce concept n'est-il étendu ? Je ne parle même pas de pardon ou de miséricorde juste de l'intérêt des parties en realpolitik et pragmatisme. Oui il m'arrive de rêver en début d'année. Comme tout Européen né après guerre, j'ai une vision fallacieuse de l'Histoire croyant la paix la norme et la guerre l'exception. Ce livre nous rappelle le contraire et nous n'avons du reste qu'à ouvrir nos yeux et nos oreilles.





Face à tous ces tumultes que peuvent trois petites chansons en cadeau pour mes voeux de 2020 ?



https://www.youtube.com/watch?v=VtosoG-Dx1w

https://www.youtube.com/watch?v=m-xRgP3kKlo&list=RD4¤££¤24De Francs31¤££¤&index=4

https://www.youtube.com/watch?v=eJwSZIajEvI

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Samarcande

Samarcande est un livre en deux parties. La première se passe au 11ème siècle, en Perse. Elle relate la vie d'Omar Khayyam, poète et scientifique. Il a consigné ses poèmes et ses pensées dans un manuscrit qui lui a été volé par Hassan Sabbah, le fondateur de la ligue des Assassins. Le manuscrit a été conservé dans la forteresse d'Alamut, avant de disparaître dans l'incendie qui l'a ravagée deux siècles plus tard.



La deuxième partie se passe à la fin du 19ème siècle et au début du 20ème. Le personnage principal est Benjamin Lesage, un Américain qui part en Perse à la recherche de ce manuscrit, parce qu'il a entendu dire qu'il a été sauvé des flammes d'Alamut. C'est un personnage de fiction, mais il est plongé au coeur des remous politiques de la Perse de son époque, dont il est une sorte de témoin privilégié auprès de personnages qui ont réellement existé.



J'avais un très bon souvenir d'une première lecture de Samarcande dans les années 1990. Je l'ai donc choisi dans le cadre d'un dîner littéraire sur le thème de la littérature du Moyen-Orient : c'était l'occasion de m'y replonger. Mais je n'ai pas eu la même impression qu'il y a 25 ans... car finalement, à qui peut plaire ce livre ?



Aux amateurs d'histoires avec un petit h et un s à la fin, d'abord. Car il y en a plusieurs : l'histoire de Khayyam et Hassan Sabbah, celle de Khayyam et Djahane, celle de Khayyam et Vartan... l'histoire de Benjamin et Chirine... Et surtout, l'histoire du manuscrit, que j'ai trouvée trouve fascinante. On a très envie de se dire que c'est vrai, que le manuscrit a survécu, et qu'aujourd'hui, il nous attend de nouveau dans un lieu inaccessible mais où on peut rêver qu'il est en sécurité.



Ensuite, il peut plaire aux amateurs d'Histoire, avec un grand H et pas de s à la fin. Parce que plusieurs pans de l'histoire de la Perse (de l'Iran, donc) sont racontés. Il est également beaucoup question d'islam, une religion comme les autres, avec ses décalages entre un dogme supposé et des pratiques qui changent avec les lieux, les époques et l'instrumentalisation politique qui en est éventuellement faite. Il y a notamment des éclaircissements sur les mystérieuses différentes entre Sunnites et Chiites. Plus encore qu'à des amateurs d'Histoire, c'est à des amateurs d'Histoire en tant qu'elle éclaire le présent que s'adresse ce livre.



Par contre, ce n'est pas un livre pour amateurs de profondeur psychologique, dont je fais partie : c'est sans doute ce qui m'a le plus manqué lors de ma deuxième lecture. On n'a pas beaucoup accès aux pensées intimes d'Omar Khayyam. Pourtant, même aujourd'hui, sa position de retrait du monde serait considérée comme originale. Quand Djahane vient le voir avec une question brûlante, un choix politique à faire dont va découler le sort du pays et qui décidera aussi de sa propre survie, il lui propose juste de tout quitter, de laisser les fauves s'entre-tuer et de vivre avec lui d'amour, de vin, de poésie et d'étude. "Un rejeton de sultan turc remplace un autre rejeton, un vizir écarte un vizir, par Dieu, Djahane, comment peux-tu passer les plus belles années de ta vie dans cette cage aux fauves ? Laisse-les s'égorger, tuer et mourir. Le soleil en sera-t-il moins éclatant, le vin en sera-t-il moins suave ? [...] Si tu attaches encore la moindre valeur à notre amour, viens avec moi, Djahane, la table est mise sur la terrasse, un vent léger nous vient des monts Jaunes, dans deux heures nous serons ivres, nous irons nous coucher. Aux servantes je dirai de ne pas nous réveiller quand Ispahan changera de maître". Ô combien me plaisent ces phrases... mais une fois qu'elles sont prononcées et que Djahane fait son choix, on n'en sait pas plus.



Alors si vous êtes différent de moi et que vous êtes soulagé à l'idée qu'on ne vous inflige pas les tourments intérieurs du personnage qui tient ce discours, n'hésitez pas, lisez ce livre. Mais si vous me ressemblez et que ce moment où on n'en sait pas plus, est justement celui où vous trouvez qu'on aurait enfin pu entrer dans le vif du sujet, alors hésitez et peut-être même, passez votre chemin... ou lisez directement les robaÿat d'Omar Khayyam.
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Samarcande

Apres Alamut, j'ai voulu rester dans l'ambiance avec ce Samarcande.



Deux histoires dans ce livre. Differentes, sans grand rapport si ce n'est une meme geographie, deux romans en fait, lies par un fil assez tenu: un manuscrit des quatrains d'Omar Khayyam.





Une premiere partie nous conte la vie du lettre-poete, dans la bouillonnante Perse du XIe siecle, ses amours, ses rapports avec le pouvoir comme avec les dissidents (d'un cote le grand vizir Nizam el Moulk, et face a lui le chef de la secte des Assassins Hassan ibn Sabbah, tous deux deja magistralement portreyes dans Alamut). Il laisse a sa mort un manuscrit de ses quatrains, les Roubaiyat, annote par lui, en mains de Hassan.



Deuxieme partie, deuxieme histoire, un americain feru de la poesie de Khayyam, part au debut du XXe siecle a la recherche de ce manuscrit, et se retrouve mele au renversement d'un Shah, a un essai de democratie, bientot reduit a rien par les puissances internationales (en ce cas, la Russie et l'Angleterre). Et evidemment s'amourache d'une belle princesse.



La premiere partie n'arrive pas a la cheville d'Alamut et la deuxieme n'est pas epoustouflante non plus. Ce n'est pas bien grave, la plume d'Amin Maalouf est assez fluide et la lecture de ce livre peut etre tres agreable.





Qu'est-ce qui m'a gene, alors? Qui a fini par m'irriter? La surenchere d'images en stereo, typees, stereotypees. Ah! “Samarcande, la plus belle face que la Terre ait jamais tournée vers le soleil!” Ah! Et toutes les autres villes, toutes legendaires, aux noms exotiques repetes comme une litanie, Merv, Balkh et Rayy qui n'existent plus, et la docte Nishapour, et Trebizonde, et Kom, et Khomein, et Ahvaz, et le sanctuaire de Shah-Abdoul-Azim. Des noms qui doivent nous transporter, synonymes de souks achalandes grouillants de marchands d'epices et d'ivrognes poursuivis, avec le kalyan qu'on fume en temps de paix, et les pleureurs professionnels, les roze-khwan, en temps plus noirs. Ah! Et les yeux en amande, toujours profonds, des princesses, au dessus de leurs voiles. Enivrement! Ah! le halo romantique des harems mysterieux! La feerie des vers declames sous le ciel etoile du desert! Extase! Je tombe en catalepsie! Maalouf, lui, tombe en plein dans la crevasse, dans le trou orientaliste qu'avait denonce Edward Said. C'est du Pierre Loti cent ans apres, forcement en moins bien. C'est du Tintin au pays de l'or noir. Un orientalisme abusif, trompeur, injuste pour l'Orient comme pour l'Occident, sterile.





Bon, je me suis lache, ca va mieux maintenant. Calme, je peux donc accorder un bon point a Maalouf pour son eclaircissement sur la provenance du nom des Assassins (meme s'il se contredit lui-meme en ce seul paragraphe): “On a accrédité la thèse qu'ils agissaient sous l'effet du haschisch. Marco Polo a popularisé cette idée en Occident ; leurs ennemis dans le monde musulman les ont parfois appelés haschichiyoun, « fumeurs de haschisch », pour les déconsidérer ; certains orientalistes ont cru voir dans ce terme l'origine du mot « assassin » qui est devenu, dans plusieurs langues européennes, synonyme de meurtrier. le mythe des « Assassins » n'en a été que plus terrifiant. La vérité est autre. D'après les textes qui nous sont parvenus d'Alamout, Hassan aimait à appeler ses adeptes Assassiyoun, ceux qui sont fidèles au Assass, au « Fondement » de la foi, et c'est ce mot, mal compris des voyageurs étrangers, qui a semblé avoir des relents de haschisch. […] En dépit d'une tradition tenace et séduisante, il faut se rendre à l'évidence : les Assassins n'avaient pas d'autre drogue qu'une foi sans nuances”. Qui c'etait qui avait dit que la religion est l'opium du peuple?





En definitive, un livre qui se lit facilement. Je m'excite, je m'enerve, mais je concede: ca se laisse lire (pas juste apres Alamut, ne pas refaire mon erreur). Et comme je connais la panacee a mes sautes d'humeur, je lirai d'autres oeuvres de Maalouf.

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Léon l'Africain

Hop, dans ma valise pour l’île déserte, direct.

Mais comment ai-je pu ne pas m’extasier lors de ma première lecture il y a 27 ans ? Dingue ! (en fait il y a des circonstances atténuantes, j’en causerai à la fin).



Quelle vie extraordinaire que celle de cet homme dont les noms sont à eux seuls un condensé de voyage. Hasan ibn Muhammad al-Wazzan al-Fasi, Hassan fils de Mohamed le peseur, de Fès, ou alors al-Ḥasan ibn Muḥammad al-Zayyātī al-Fāsī al-Wazzān, ou aussi Johannes Leo de Medicis, ou encore Giovanni Leone Africano, sans oublier le surnom de Grenadin. Cet homme a accompagné la fin du 15ème siècle et le début du 16ème siècle tout autour de la Méditerranée. Bien qu’il ne l’ait pas volontairement recherché, il a été témoin d’un nombre phénoménal d’événements historiques, comme un journaliste à l’insu de son plein gré. Auteur de fameuses Descriptions de l’Afrique, Amin Maalouf lui invente une autobiographie qu’il nous livre dans toute sa beauté.



Hassan nait dans le finissant royaume de Grenade dont il vit la chute à défaut de la comprendre. Qu’à cela ne tienne, ses parents font office de conteur à sa place pour ses plus jeunes années. Il grandit et s’éduque à Fès, voyage à Tombouctou puis plus tard dans l’empire de l’Askia Mohamed Touré jusqu’en Égypte. Il est commerçant, puis diplomate et participe à une ambassade auprès du sultan Ottoman Sélim, le père de Soliman. Le destin ou, comme il dit, la volonté du Très-Haut guide ses pas jusqu’en Italie où il se convertit au catholicisme, au moment où l’hérésie luthérienne prend corps. Ses mêmes pas croisent ceux de personnages qui enflamment l’imagination comme Barberousse, Sélim 1er, François 1er, Léon X ou Clément VII – les Médicis qui l’accueillent dans la famille. Mais Hassan semble poursuivi par une sorte de malédiction, comme s’il ouvrait la boîte de Pandore partout où il passe. Grenade tombe aux mains des Castillans, et c’est l’exil. Tombouctou brûle. L’empire Mamelouk d’Égypte est cruellement brisé par les Ottomans et Rome est ravagée par l’empereur Charles Quint. Cette histoire montre que la violence et la cruauté transcendent la religion, car ce sont des musulmans qui réalisent des horreurs au Caire, et des Chrétiens qui réalisent des horreurs similaires à Rome.



Mais au-delà des horreurs, Amin Maalouf dessine une vraie vie bien palpable pour Hassan et pour ses relations les plus chères : son père, sa mère, sa sœur, ses femmes, et les amis. Tous existent sous nos yeux, vivent des existences faites de joies et de peines, d’habitudes – j’ai adoré les descriptions du hammam de Fès, ayant personnellement profité avec plaisir de ceux de Cappadoce et de Ouarzazate – et de rires, acceptant les meilleurs moments comme les pires de leur vie comme des cadeaux du Très-Haut. Je ne crois pas qu’on puisse lire ses existences et rester accrochés à des préjugés sur l’islam. C’est une civilisation tellement humaine, avec ses beautés et ses malignités, que l’auteur rapproche de nous, et l’empathie et le respect ne peuvent que naître chez le lecteur un tant soi peu sensible. Hassan lui-même est très attachant. Il maîtrise si peu son destin. Il a toujours l’air un peu naïf même s’il se révèle parfois malin, parfois arrogant ou têtu (et c’est lui-même qui le dit).



Cette relecture est comme une première lecture. Lors de la première, la « vie réelle s’imposait trop à moi pour que je parvienne à m’en échapper par l’écrit. Je venais de terminer mes classes militaires et j’avais intégré l’équipe formatrice qui accueillait un nouveau contingent. Parmi eux se trouvaient des jeunes sous-officiers sortis tout récemment d’école. Et je me souviendrai toujours de leurs rires railleurs quand je leur ai dit que je lisais un livre d’un auteur qui se nommait Maalouf. Sans commentaires.

Mais je ne veux pas propager moi-même de préjugés. Dans ce corps comme partout, se trouvaient des gens que j’ai appréciés et d’autres que j’ai trouvés débiles, indépendamment de leurs origines sociales ou de leur éducation.

Désolé pour la digression.

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Un fauteuil sur la Seine

Un fauteuil sur la Seine, c’est mieux qu’un bateau-mouche, pour recevoir une écriture fluviale en eau douce et des effluves au ras du nez. Amin Maalouf ne s’assied pas inconséquemment pour occuper le 29e fauteuil de l’Académie Française. Non ! comme il sied, il fait un discours, mais plus avant. Il signe son entrée par un regard/hommage envers chacun des occupants l’ayant précédé. Et je serais bien en mal de vous dire lequel j’ai préféré, de ces hommes pensants et engageant leur voix pour le meilleur ou pour le pire, avec ambition ou pas, certains même à leur détriment, mais en parfaite harmonie avec eux-mêmes. Je les ai tous aimés, en vérité, pour leur force ou pour leur engagement, pour leurs convictions d’hommes et parce que chacun revêt un attrait particulier que l’auteur a su mettre en exergue. C’est cela me dis-je alors, la force de l’écrit quand il passionne son lecteur. Quatre siècles d’histoire et je n’ai pas vu le temps passer…
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Les Jardins de lumière

Entamer un roman de Maalouf, c'est déjà avoir la certitude de s'embarquer pour un beau voyage, dépaysant puisque ses thèmes de prédilection sont des récits d'Orient largement méconnus en Europe. Cette fois-ci, l'auteur dépoussière l'histoire de Mani, prophète qui a connu une ascension et une chute aussi fulgurante l'une que l'autre.



Né dans une secte d'inspiration chrétienne, Mani commence à prêcher à la sortie de l'adolescence et mêle dans sa doctrine christianisme, bouddhisme et zoroastrisme, syncrétisme qui lui attire les foudres des trois communautés. Bien qu'ayant peu d'adeptes, il se fait remarquer et reçoit la protection des puissants de l'empire sassanide, qui voient d'un bon œil une religion capable d'unir un empire étendu, sans heurter les sensibilités religieuses de qui que ce soit.



Le personnage de Mani éveille bien vite les curiosités, surtout que Maalouf le peint comme un sage qui se préoccupe uniquement des actes sans se soucier de la forme. Priez qui vous voulez, du moment que vous faites le bien ! J'ai aussi apprécié de découvrir que c'était un artiste accompli, qui a notamment peint un livre entier pour expliquer ses idées, uniquement à travers des images.



Pour autant, j'ai eu beaucoup de mal à m'attacher au Mani du roman. Peut-être la rareté des sources (presque tous les écrits manichéens ont été perdu aujourd'hui, on les connaît principalement à travers leur adversaire) a entravé Maalouf dans son écriture ; on a l'impression qu'il n'a pas voulu trop inventer les faits importants de sa vie, ni se tromper dans les grandes lignes de sa doctrine. Ça donne cependant un Mani assez inaccessible, coupé du monde qui l'entoure et qui reste constamment dans le flou au moment de prendre des décisions importantes. J'ai finalement été plus sensible aux personnages secondaires qui gravitent autour de lui et aux problèmes politiques de l'empire sassanide qu'au prophète.



J'ai apprécié le roman sur la partie culturelle et la curiosité qu'il peut provoquer, mais je trouve son personnage central un peu trop éthéré pour me marquer durablement.
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Léon l'Africain

L' écrivain, franco-libanais, Amin Maalouf nous fait découvrir ce que fut la vie de Hassan al-Wazzan alias Léon l' Africain .Ce dernier donne le nom éponyme du roman .Ce dernier est une autobiographie romancée et imaginaire .

De retour d' un pèlerinage à La Mecque, Hassan al Wazzan est capturé par des pirates siciliens qui l' offrent au pape, Léon X , grand pape de la Renaissance .

Léon l' Africain est un érudit , polyglotte, grand géographe . " Homme d' Orient et d' Occident, homme d' Afrique et d' Europe, Léon l' Africain est, d' une certaine manière, l' ancêtre de l' humanité cosmopolite d' aujourd'hui " .

Amin Maalouf en retraçant la vie de Léon l' Africain, nous montre combien cette dernière fut fascinante , belle et prodigieuse : magnifique destin que celui de Hassan al-Wazzan.

Grâce à son talent de grand romancier et son talent de conteur, Amin Maalouf nous donne à lire un très beau et bon roman !
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Les désorientés

C'est un roman tendre, empreint d'une mélancolie désenchantée où Amin Maalouf brosse des portraits à la fois dramatiques et affectueux de personnages aux prises avec leur envie d'exister différemment.

Dans un effort de mémoire, le personnage principal revient au pays essayer de revivre un moment fort auprès des amis, unis par la tolérance.



Le romancier glisse dans ce récit des mots uniques, dotés d'une sorte de pureté méditative pleine de souvenirs amers et de véritables regrets.



Il nous rappelle que les abandons du passé reviennent toujours gratter aux endroits les plus douloureux de la mémoire.





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Les Identités meurtrières

Votre identité est multiple, laquelle de ses facettes choisissez-vous de mettre en avant ? Plus vous en reconnaissez, plus vous êtes unique, nous dit Amin Maalouf qui est au centre d’une toile (au sens toile d’araignée) particulièrement riche.

Il souligne également combien il est facile et à priori légitime de prendre les armes contre ceux qui nous menacent, et combien le spectateur d’une grande injustice envers un groupe, peut petit à petit admettre comme justes les représailles contre le groupe persécuteur. Il rappelle aussi que la modernité n’a pas toujours été du côté de l’occident. C’est un ouvrage très positif. Un des leitmotiv de ce livre est de ne pas se replier sur soi sous prétexte que le monde est trop compliqué, ou qu’on ne s’y retrouve pas.

Si le propos se veut universel, il est tout de même centré sur ce que l’auteur connaît le mieux : la France et la communauté musulmane, bien que lui-même soit chrétien. Mais puisque Libanais, il connaît de l’intérieur la difficulté de faire cohabiter des confessions et communautés différentes. « J’ai seulement voulu lancer quelques idées, apporter un témoignage, et susciter une réflexion sur des thèmes qui me préoccupent depuis toujours, et de plus en plus à mesure que j’observe ce monde si fascinant, si déroutant, où il m’a été donné de naître. »

Plaisir rare, j’ai eu l’impression d’écouter un ami parfois exprimer avec talent, ce que je pense et ressent mais ne saurais si bien exposer et parfois m’enseigner des éléments que j’ignorais mais qui me semblent parfaitement analysés.

Bien que vieux de 17 ans ce texte est hélas toujours utile et le sera encore longtemps.



Challenge ABC 2014-2015



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Le rocher de Tanios

"Dans le village où je suis né, les rochers ont un nom" nous confie le narrateur de cette histoire. L'un de ces rochers, en forme de siège ou de trône, porte le nom d'un homme : Tanios. La légende dit que celui qui s'assoit dans ce siège disparait, et la coutume interdit aux enfants de l'escalader.

Intrigué par cette légende et cette coutume, le narrateur demande au vieux Gebrayel de relater l'histoire associée à ce rocher, pour démêler ce qui a trait à la réalité et ce qui n'est que fiction.

Au Liban, au milieu du 19ème siècle, les seigneurs ont droit absolu sur leurs villages et leurs habitants. Le Cheick de Kfaryabda s'éprend de la belle Lamia. Il faut dire qu’elle était à nulle autre pareille :

" - Elle se parfumait au jasmin, comme la plupart des filles du village. Mais son jasmin ne ressemblait à aucun autre.

- Pourquoi cela ? demandai-je naïvement.

- Parce que ce jasmin-là sentait la peau de Lamia.

Gébrayel ne souriait pas. Il regardait ailleurs. "

Quand le fils de Lamia nait, contre toutes les coutumes, le Cheick, en lieu et place du père, lui donne le nom sous lequel il sera à présent connu : Tanios.



Prix Goncourt 1993, Le rocher de Tanios évoque, à la façon d’un conte dans lequel se mêlent légende et réalité, une période trouble du Liban, dans lequel tournoient les Cheick locaux, qui s’affrontent entre eux, la montée en puissance des autres religions, des pays annexes, notamment l’Egypte de Mehemet Ali et ses soifs de conquêtes, et les puissances européennes. Au milieu de ces courants contraires, il y a un jeune homme aux cheveux blancs lui aussi en quête d’identité, d’amour, voire de haine, qui sert de catalyseur aux évènements rapportés : partout où ses pas le mènent, le changement arrive, les coutumes tombent, le pouvoir change de main, et l’histoire, celle du village ou celle de ses habitants, prend un autre tournant.



Qu’il est beau, ce texte d’Amin Maalouf : l’écriture est évocatrice, poétique, sensitive, et je me suis reprise à lire plusieurs fois un même paragraphe juste pour la beauté des sons, des images et des associations qu’il propose. Je me suis laissée portée en douceur par cette histoire belle et triste. J’ai été séduite par Lamia la belle, j’ai mis mes pas dans ceux de Tanios, et je garde de cette lecture la certitude qu’il y a un rocher, dans le village de Kfaryabda, qui porte le nom d’un homme. Et qu’importe si c’est une légende, c’est le vieux Gébrayel qui le dit : « Les faits sont périssables, crois-moi, seule la légende reste, comme l’âme après le corps, ou comme le parfum dans le sillage d’une femme »
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Les croisades vues par les Arabes

Comme toujours dans les livres historiques d'Amin Maalouf, cet ouvrage est très bien documenté, relaté et écrit.

D'ailleurs, l'originalité de celui-ci tient surtout au fait que cet évènement majeur pour la compréhension du monde moderne est situé du point de vue des Arabes, c'est-à-dire à l'opposé de celui que nous connaissons mais aussi au fait que les sources (en particulier celles de chroniqueurs de l'époque, ignorés jusqu'à présent) ne sont citées et expliquées qu'à la fin.

Des deux côtés, donc il n'y eu aucune pitié entre assaillants et assaillis. Les croisades sont faites aussi de luttes entre frères, entre tribus, entre clans.

Cependant, cette époque a connu aussi d'assez longues périodes d'alliances, de paix et d'harmonie grâce à l'action de souverains éclairés qui ont laissé des traces dans l'Histoire (cf. Aladin), tout autant que les sultans sanguinolents.

Le grand mérite de cet ouvrage est évidemment de présenter un autre point de vue sur les croisades. Dans sa conclusion, l'auteur esquisse un bref parallèle avec la période actuelle dans cette partie du monde, remplie également de bruit, de sang et de fureur.

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Les Identités meurtrières

Publié il a 18 ans, ce livre fait partie à mon avis de ces textes que chacun devrait avoir lu, de ces classiques que chaque bachelier aurait du étudier en terminale ou en 1ère.

Tous les jours les journaux télévisés, la presse papier nous parle de ces jeunes filles de ces ados en quête d’identité, mal dans leur peau, qui quittent la France pour aller faire le djihad….Certains sont des petits fils d’immigrés et on rappelle encore leurs origines…à la troisième génération…. ou leur religion. On entend souvent dire « un jeune musulman » mais jamais « un jeune catholique » …Pourquoi? Comme s’il ne faisaient pas totalement partie de la communauté française….Comme s’ils n’étaient pas totalement français, malgré leur carte d’identité…Comme si ce trait de leur identité leur collait à la peau.

Les conflits qui ont ensanglanté la fin du XXème siècle, Guerres dans l’ex-Yougoslavie, Guerre Hutus-Tutsis au Ruanda, guerre du Liban sont tous des conflits qui ont opposé des groupes de personnes qui pendant des années semblaient vivre en bonne intelligence, des conflits qui ont tous eu une cause identitaire, religieuse.

L’actualité donne encore plus de poids à cet essai prémonitoire

Amin Maalouf, académicien français, né au Liban dans une famille de culture catholique, est arrivé en France en 1976 à la suite de la guerre du Liban.

Il »décortique » l’identité. Oh ! Pas celle de notre carte d’identité, qui en dit bien peu de nous, mais notre identité complexe, qui fait que chacun de nous est unique ..Une identité composée notamment mais non exclusivement de notre patrimoine familial, culturel, religieux, de notre couleur de peau, de nos langues – langue de naissance et langues acquises – …de notre environnement, lieu d’habitation, sports pratiqués, etc….Nous ne pouvons donc avoir avec les autres que quelques points communs…

Cette approche humaniste et documentée, permet à chacun de comprendre que nous avons plus de points communs avec notre voisin qu’avec nos ancêtres…quels qu’ils soient.Nous devons, tous, faire un pas vers l’autre : « J’aurais envie de dire aux uns d’abord : « Plus vous vous imprégnerez de la culture du pays d’accueil, plus vous vous pourrez l’imprégner de la vôtre » ; puis aux autres : « Plus un immigré sentira sa culture d’origine respectée, plus il s’ouvrira à la culture du pays d’accueil ». » (P. 51)….Faute de quoi, au nom d’identités non respectées non comprises, non assumées, peuvent naître des extrémistes, des tueurs…

Nous vivons également dans un monde qui a tendance à uniformiser les cultures, la culture occidentale s’imposant sur tous les continents . Cette mondialisation, gomme les différences – prééminence croissante de l’anglais sur les autres langues, perte de langues locales, abandon de traditions culturelles locales, culinaires, émergence de fast-foods, de chaines alimentaires sans âme…etc. Nous devons lutter afin de les préserver ces cultures, ces langues locales ou nationales au même titre que nous luttons pour préserver les espèces animales ou végétales en danger.

Amin Maalouf nous dit : « L’objectif (de l’essai) est [……] : essayer de comprendre de quelle manière ladite mondialisation exacerbe les comportements identitaires, et de quelle manière elle pourrait un jour les rendre moins meurtriers ». Un danger que nous connaissons encore mieux aujourd’hui…

J’ai essayé de m’imprégner de cet essai dense et précis..J’ai aimé relire certains passages, noter ces phrases choc, et si on juge de l’intérêt d’un livre au nombre d’extraits que l’on a envie ou besoin d’enregistrer, au nombre de pages qu’on cornera, sans aucun doute « Les identités meurtrières », est sans aucun doute un livre qui ne peut laisser aucun lecteur indifférent, un livre que chacun, jeune révolté ou adulte critique et censeur, devrait lire et relire, un livre qui ouvre l’esprit, un livre dont chacun devrait s’imprégner.

Jusqu’aux derniers paragraphes, l’auteur nous pousse à réfléchir, et à agir

« D’ordinaire, lorsqu’un auteur arrive à la dernière page, son vœu le plus cher est que son livre soit encore lu dans cent ans, dans deux cents ans. Bien entendu, on n’en sait jamais rien. Il y a des livres qu’on voudrait éternels et qui meurent le lendemain, alors qu’un autre survit qu’on croyait être un divertissement d’écolier. Mais toujours on espère. Pour ce livre, qui n’est ni un divertissement, ni une œuvre littéraire, je formulerai le vœu inverse : que mon petit-fils, devenu homme, le découvrant par hasard dans la bibliothèque familiale, le feuillette, le parcoure un peu, puis le remette aussitôt à l’endroit poussiéreux d’où il l’avait retiré, en haussant les épaules, et en s’étonnant que du temps de son grand-père, on eût encore besoin de dire ces choses là. » (P. 189)

Il appartient à chacun de nous, de faire en sorte que son petit fils, que nos petits enfants aient cette réaction d’étonnement

Un ouvrage indispensable qui doit nous permettre de nous remettre en question, de nous interroger sur nos comportements, et de les modifier éventuellement.
Lien : http://mesbelleslectures.com..
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Samarcande

Samarcande est un roman historique, réel et fictionnel d’Amine Maalouf. L’auteur nous embarque dans une odyssée qui s’étend du 18 mai 1048 jusqu'au 18 avril 1912, trois jours après le naufrage du Titanic, là où le narrateur benjamin Omar Lesage perd le manuscrit d’Omar el Khayyâm.

L’auteur y décrit la vie du persan Omar Khayyâm et le périple de son manuscrit, ce fameux mathématicien qui a révolutionné l’algèbre avec ces travaux sur les équations cubiques, il suffit de rappeler qu’il est le premier qui a introduit le X symbole international de l’inconnu en math, astronome, poète et libre penseur! L’auteur des Robaites(quatrains) incluses dans le manuscrit.

Contre vents et marées, le manuscrit tombe entre les mains de Djemâl ad-Dîn al-Afghâni . Un philosophe réformiste et libre penseur ! Et finit entre celles de benjamin O Lesage.

Dans le fond Amine Maalouf y décrit les étapes politico-historiques de la perse et de l’orient.

L’absolutisme religieux, les traditions séculaires, la main mise des puissances étrangères y favorisant le despotisme et la corruption pour en tirer profil et qui reste toujours monnaie courante, la lutte pour le trône, le pouvoir corrompu et d’autres facteurs qui font que la démocratie et la bonne gouvernance ne s’y concrétise pas.

Quel en est le rapport entre Omar Khayyâm et Djemâl ad-Dîn al-Afghâni ?

L’auteur fait une passerelle entre les deux philosophes pour démontrer que le changement y vient de cette catégorie de gens !

Il est à noter que tous les personnages du roman entre autres :

Omar Khayyam, Nizam al-Mulk, Nizam al-Mulk, Alp Arslan, Malik Shah Ier, Hassan ibn al-Sabbah, Henri Rochefort, Nasseredin Shah, Djemâl ad-Dîn al-Afghâni , Mirza Reza Kermani, Mirza Reza Kermani, Howard Baskerville, Morgan Shuster ont bel et bien existé sauf jahane et chirine qui y sont employé pour assaisonner le coté passionnel du roman.

Bien-que l’ouvrage m’ait saisi, j’y trouve quelques passages un peu languissants ! Mais dans l’ensemble,le livre est une grande réflexion sur la démocratie , la liberté et les valeurs humaines.



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Samarcande

Le nom d'Omar Khayyam ne m'était pas totalement inconnu. Si je ne savais rien de cette figure historique, j'avais déjà entendu parler de ses poèmes sur le vin et l'amour. Une lecture commune m'a donc donnée l'occasion de découvrir ce grand homme avec le roman d'Amin Maalouf.



Dans la bande dessinée « A la recherche de Sir Malcolm » de Floch et Rivière que j'ai lue récemment il était fait mention d'un précieux manuscrit à bord du Titanic, ce qui m'a bien amusée quand j'ai lu le prologue de « Samarcande » qui commence justement à bord de l'insubmersible naufragé. A la lecture de ces toutes premières pages, j'étais donc amusée mais un peu dubitative. Où donc étaient Khayyam et l'Orient enchanteur que me promettait cette lecture ? Pas très loin puisque très vite on fait la connaissance du fameux poète mais « Samarcande » ne se contentera pas de raconter la vie de Khayyam. Il ne s'agit pas d'une banale biographie romancée. En fait, plus que Khayyam lui-même, c'est son oeuvre poético-philosophique qui est au coeur du roman et qui permet à l'auteur de mettre en lumière l'évolution politique de la Perse au cours des siècles. Un propos très ambitieux donc. Maalouf se hisse à la hauteur de ses ambitions et livre un roman très riche et passionnant.



La 1ère partie place le lecteur dans les pas de Khayyam en lui racontant sa vie mouvementée. Cette partie est sans aucun doute celle qui m'a le plus séduite. le récit est d'un dépaysement enchanteur. Dans cette partie du roman, Maalouf prend sans doute beaucoup de libertés avec l'Histoire pour donner un souffle romanesque à son récit, on sent bien que l'aspect biographique est très romancé. le plaisir de lecture est immense dans cette première partie qui, après s'être intéressé directement à Omar Khayyam, va se concentrer sur la secte des Assassins. Et c'est formidable que de suivre l'histoire de ces illuminés. S'ils n'avaient pas réellement existé il aurait fallu les inventer parce que, y'a pas à dire, elle a de quoi enflammer l'imaginaire cette secte. Et puis, j'ai adoré le rôle, discret mais fort, que joue le manuscrit de Khayyam dans l'évolution des Assassins.



La 2ème partie a de quoi surprendre. Après l'orient médiéval enchanteur et dépaysant de la 1ère partie, voilà que le lecteur se retrouve dans la Perse du début du XXème siècle. On suit cette fois un américain à la recherche du manuscrit de Khayyam et qui se retrouve témoin et acteur des événements qui vont transformer la Perse. On pourrait penser que le manuscrit de Khayyam n'est ici qu'un prétexte et qu'il ne revêt qu'une importance minime dans cette partie. J'ai trouvé au contraire que, s'il était quasiment absent physiquement du récit, Maalouf lui faisait jouer comme un rôle de miroir avec les troubles politiques du pays. C'est comme si la dualité entre Khayyam et Hassan Sabbah, le fondateur des Assassins, trouvait un écho dans la rivalité entre les tenants de la Constitution et ses opposants. Cette 2ème partie est très intéressante d'un point de vue historique. On apprend beaucoup de choses, c'est très dense. Mais cette partie m'a moins enthousiasmée que la précédente. Beaucoup moins romanesque, avec un souffle moins lyrique, cette partie est plus factuelle, moins portée sur l'émotion et l'aventure, même s'il y a de beaux passages qui retrouvent un élan exalté.



Sur un sujet assez voisin, j'ai préféré l'écriture de Sinoué dans son roman consacré à Avicenne. Mais j'ai passé un très bon moment avec « Samarcande ». C'est un roman riche et passionnant qui mériterait sans doute que je m'y replonge un jour pour tout bien appréhender. En tout cas, après cette lecture j'ai encore plus envie de découvrir l'oeuvre poétique de Khayyam.

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Le premier siècle après Béatrice

C'est le premier siècle après Béatrice qui va nous situer dans le temps et constituer le titre du roman. Si nous devions le résumer en une seule phrase, nous pourrions dire que : pour avoir occulté le Sud, nous avons perdu le Nord. La mémoire y est apocryphe et le narrateur s'attache à impliquer le lecteur à l'intérieur du texte afin de l'orienter vers une réalité perceptuelle, bien qu'elle soit à venir, en vérité. La datation évolue à partir de la naissance de Béatrice, la fille d'un éminent professeur, spécialiste des coléoptères, dont le sisyphus, ce qui nous amène au commencement, en Egypte. On y parle de fèves, qui sont vendues sur les marchés d'Orient, puis du pouvoir d'une certaine « substance » qui aurait la propriété d'influer sur la naissance, mais plutôt celles des garçons que celles des filles, ce qui a pour conséquence, à terme, de déréguler l'harmonisation et le partage qui s'opéraient naturellement, entre les sexes. Influences Nord-Sud donc, puis finalement Sud-Nord, archaïques les unes ou modernes les autres, puis vice-versa mais tout aussi néfastes et débouchant sur un fléau, voire plus, selon les différentes lectures que propose cet ouvrage.
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Samarcande

Samarcande est une cité qui évoque beaucoup, de part sa position aux confins des routes et de part son histoire .

Ici, l'auteur nous plonge dans le XI ème siècle et la vie d'Omar Khayyam, génie de son époque et auteur de recueils de poésies intemporelles.

C'est justement un de ces recueils qui est le fil rouge du livre puisque la seconde partie nous amène à la fin du XIX ème , toujours en Perse, à la recherche de ce manuscrit.

J'ai adoré la première partie . Cette plongée dans ce monde où complot, honneur , bravoure , trahison et influence de pouvoir religieux ne trouvent que l'épicurien Khayyam et sa douce comme obstacle.

C'est un récit haletant qui nous est offert.

Et puis l'on bascule au XIX ème, mais moi je suis resté au moyen age. Certes ,l'éclairage portée sur la Perse , les luttes d'influence des puissances coloniales et la recherche de la liberté par les Persans n'est pas inintéressante mais l'on a perdu ce côté conte dans lequel je m'étais immergé.

De plus, on ne peut pas dire que Samarcande soit le centre du livre qui aurait pu s'appeler Tabriz, Ispahan...

Il n'empêche que ce livre est un vibrant hommage au poète Khayyam et offre un bel éclairage sur la Perse et les luttes dans le monde de la religion musulmane.
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Nos frères inattendus

Alec Zander, dessinateur de son métier, écoute sa station favorite Atlantic Waves qui émet à partir des Cornouailles. Il habite sur un îlot isolé, que son père avait acheté en partie et n’a qu’une seule voisine Eve Saint-Gilles, romancière, en manque d’inspiration depuis le succès de son premier roman: L’avenir n’habite plus à cette adresse.



Je vis sur une île. Une île minuscule, la plus petite d’un archipel de quatre, appelé « Les Chirons ». Le reste de la population vit sur « Gros Chiron » où se trouve la seule agglomération digne de ce nom, Port Atlantique…



…Mon île à moi, la plus modeste, se nomme curieusement Antioche.



Brusquement, la musique est remplacée par un sifflement continu, en deux temps, dont l’intensité monte graduellement puis redescend avec un rythme identique comme un système d’alarme. Plus rien ne fonctionne, plus de réseau, plus de téléphone, black-out total pendant plusieurs heures.



Alec pense à une catastrophe nucléaire car les surenchères entre dictateurs augmentent de manière vertigineuse depuis quelques temps déjà. Il rédige des carnets pour noter ses réflexions au jour le jour sur ce qui est en train de se produire.



Quelques semaines auparavant, un dictateur caucasien avait mis le feu aux poudres, au moins en paroles, et une explosion dans le Maryland, immédiatement qualifiée de nucléaire l’avait plus ou moins étiqueté coupable. Le président américain, Howard Milton, avait décidé alors de mettre tous les engins nucléaires sous haute surveillance pour les démanteler.



Pendant le black-out, alors qu’il était en voyage officiel au Chili, le président américain a été plus ou moins pris en otage avec ses collaborateurs par une société qui veut purifier le monde ou du moins empêcher les Grands de ce monde de commettre l’irréparable. Tout le monde pense à la dénucléarisation bien sûr, puisque Milton venait de donner l’ordre de bombarder le site nucléaire du Caucase.



Tout au long du récit Alec Zander va rester en contact avec son vieil ami Moro qui est une proche du président américain, quand les liaisons fonctionnent bien sûr, et on va voir évoluer sa relation avec Eve, mais aussi avec les habitants de la terre proche où il va régulièrement se ravitailler, via le passage du Gouay, en fonction des évènements.



Je n’en dirai pas plus sur ce qui fait la trame du roman, pour ne pas divulgâcher, j’y tiens ; je préfère parler des réflexions d’Amin Maalouf prête à son héros.



A travers ce récit, on va découvrir ce groupe « Les amis d’Empédocle » aux noms évocateurs : le passeur de l’île ami d’Alec s’appelle Agamemnon, celui qui est en relation avec le Président des USA Démosthène, ils semblent venus d’un autre monde, mais lequel ? Qui sont « ces frères inattendus », amis, ennemis, sauveurs ?



Forcément, tout ce qu’on ne connaît pas irrite, angoisse, alors place aux théories fumeuses : complot, anéantissement, fin de civilisation, xénophobie, on est tous l’étranger de quelqu’un n’est-ce pas et ceux qui ne pensent pas comme nous ça nous dérange…



Dans ce roman, Amin Maalouf m’a entraînée dans un domaine où je ne l’attendais pas, au bord de la SF, alors que d’habitude il me fait rêver avec l’Andalousie et la Reconquista, ou sur les pas de Mani, le Moyen-Orient mais une fois de plus j’ai été conquise. Je suis une inconditionnelle, une groupie, certes, mais pas au point d’apprécier aveuglément tout texte émanant de lui et si ce livre ne m’avait pas plu je l’aurais dit.



L’écriture, comme d’habitude, est magique, le style littéraire, une langue comme on aime la retrouver, l’entendre, la lire à haute voix tant elle est belle, l’avoir en bouche comme un bon vin.



Vous l’aurez compris j’ai adoré ce roman et comme toujours dans ces cas-là, je trouve ma chronique médiocre…



Un grand merci à NetGalley et aux éditions Grasset qui m’ont permis de découvrir ce roman qui fait réfléchir, dernier opus d’un auteur que j’apprécie beaucoup.



#Nosfrèresinattendus #NetGalleyFrance
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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