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Citations de Antonio Tabucchi (283)


La nuit du premier janvier 1599, alors qu'il se trouvait dans le lit d'une prostituée, Michelangelo Merisi dit le Caravage, peintre et homme irascible, rêva que Dieu lui rendait visite. Dieu lui rendait visite par l'intermédiaire du Christ, et pointait son doigt sur lui. Michelangelo était dans une taverne, il jouait à l'argent. Ses compagnons étaient des crapules, certains étaient ivres. Et lui n'était pas Michelangelo Merisi mais un client quelconque, un malandrin. Lorsque Dieu le visita, il était en train de blasphémer le nom du Christ, et il riait. toi, dicta sans rien dire le doigt du Christ. Moi ? , demanda avec stupeur Michelangelo Merisi, mais moi je n'ai pas la vocation d'être un saint, je ne suis qu'un pêcheur, je ne peux pas être choisi.
Cependant, le visage du Christ demeurait inflexible, il n'y avait pas moyen d'y échapper. Et sa main tendue ne laissait aucun doute....
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j'aimerais bien comprendre un jour comment fonctionne la courroie de transmission qui relie tous les morceaux de ma vie (...), il faudrait ouvrir le coffre et étudier le moteur qui ronfle, mettre tout en relation, tous les instants, les personnes.
(Rébus)
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Lettre de Don Sébastien de Aviz, roi du Portugal, à Francisco Goya, peintre. P.30.
Dans l'axe central du tableau et bien en hauteur, entre les nuages et le ciel, vous ferez un vaisseau. Celui-ci ne sera pas un vaisseau représenté d'après la réalité, mais quelque chose comme un rêve, une apparition ou une chimère. Parce qu'il sera à la fois tous les vaisseaux qui emportèrent mes gens par des mers inconnues vers des côtes lointaines ou dans les abysses infinis des océans ; et en même temps il sera tous les rêves que mes gens on formés depuis les falaises de mon pays tourné vers l'eau ; et les monstres qu'ils ont créés dans leur imagination, et les fables, les poissons, les oiseaux merveilleux, les deuils, et les mirages. Et en même temps il sera aussi mes propres rêves que j'ai hérités de mes ancêtres, et ma silencieuse folie. À la figure de proue de ce vaisseau, qui aura une apparence humaine, vous donnerez un aspect vivant qui puisse rappeler lointainement mon visage. Sur celui-ci flottera un sourire, mais un sourire incertain ou vaguement ineffable, comme la nostalgie irrémédiable et subtile de celui qui sait que tout est vain et que les vents gonflant les voiles des rêves ne sont rien d'autre que de l'air, de l'air, de l'air.
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Hier matin, le docteur Pereira est revenu me rendre visite. Il est arrivé d'Italie par la poste jusqu’à cette rue de Lisbonne. Ignare j'ai ouvert la grande enveloppe jaune à l’intérieur de la quelle on devinait un carton, et je l'ai découvert assis à une table du café Orquídea en train de boire sa citronnade. Lui aussi me regardait, surpris que je le regarde. Il avait dénoué sa cravate, avait posé sa veste sur la chaise et d’une des poches dépassait le Lisboa , il tenait une cuillère suspendue en l'air comme si se rendant compte que je le regardais il avait arrêté de remuer la citronnade. Il me regardait par-dessus ses lunettes rondes, semblables aux miennes, les sourcils froncés, avec l'air interrogatif de celui qui demande : « Mais qu'est-ce que vous avez à me regarder ? ».J'ai presque eu envie de lui répondre : « En fait c’est vous qui m’avez appelé, lisez bien ce qu’il y a écrit sous le portrait : A Tabucchi de la part du Dr Pereira » ; mais je n’ai rien dit, car je connaissais déjà la réponse. Il en serait découlé une dispute désormais habituelle :
« en vérité c'est vous qui m'avez appelé !
— Mais non, mais qu'est-ce que vous dites, c’est vous qui m’avez appelé !
Il en avait toujours été ainsi, avec Pereira : avant de l'écrire et tandis que j’étais sur le point de l’écrire, surtout le soir, avant de dormir, quand les paupières se baissent et que les voix interieures s’entendent mieux.
Mais à présent c'était différent, ce n'était plus une évocation, un subtil jeu pour le rendre présent, pour l'appeler ou être appelé par lui, pour parler, afin qu'il se raconte, afin qu’il prétende avec moi ce que il voulait prétendre. De l' ex-vocare , c'est-à-dire de l'appeler dehors avec la voix, on était passés au con-vocare . Quelqu'un avait convoqué le fantôme en le matérialisant dans une image. Et maintenant l'icône de Pereira était sous mes yeux, massive, visible dans toute sa « pereireité ». Et le médium qui avait obtenu cette convocation était Giancarlo Vitali.
« Pour le moment mettez-vous là, lui dis-je en pensée, demain je vous trouverai un meilleur endroit, ensuite nous aurons tout le temps de parler de notre diatribe. En tout cas, je vous remercie d'être venu chez moi, j'étais toujours venu chez vous et je ne vous avais jamais invité».
Lisbonne, octobre 1997
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Pereira se fatigua vite. Il aurait eu envie de parler au portrait de sa femme, mais il renvoya la conversation à plus tard. Alors il se fit une omelette sans herbes aromatiques, la mangea tout entière et alla se coucher, il s'endormit aussitôt et fit un beau rêve. Puis il se leva et s'assit dans un fauteuil à regarder à travers les fenêtres.
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« Ho studiato a Londra”, disse, “e poi mi sono specializzato a Zurigo”. Tirò fuori il suo astuccio di paglia e prese une sigaretta. “Una specializzazione assurda, per l’India. Sono cardiologo, ma qui nessuno è malato di cuore, soltanto voi in Europa morite d’infarto”.

« J’ai étudié à Londres », dit-il, « puis je me suis spécialisé à Zurich ». Il sortit son étui de paille et prit une cigarette. « Une spécialité absurde, pour l’Inde. Je suis cardiologue, mais ici personne n’est malade du cœur, il n’y a que vous en Europe qui mourez d’infarctus ».
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Pour expliquer Pessoa, et peut-être pour neutraliser son inquiétude contagieuse, on a parlé de troubles et de traumas, de carence affective, de complexe d'Oedipe, d'homosexualité refoulée. Il est possible que tous ses arguments soient fondés-ou infondés : mais là n'est pas le problème et ce n'est pas cela qui compte. Ce qui compte, nous dit Pessoa, c'est que "la littérature, comme l'art tout entier, est la preuve que la vie ne suffit pas".
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Pereira se leva et pris congé. Au revoir, père Antonio, excusez-moi si je vous ai fait perdre tout ce temps, la prochaine fois je viendrai me confesser. Tu n'en as pas besoin, répliqua le père Antonio, pense d'abord à commettre quelque péché et viens ensuite, mais ne me fais pas perdre mon temps inutilement.
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Je lui demandais : qui es-tu, d'où viens-tu ? pourquoi est-ce que nous ne partons pas en laissant tous ces gens absurdes qui font semblant de jouer aux cartes, je veux rester avec toi pour toujours. Elle riait, me laissait imaginer pourquoi elle menait cette vie et me disait : attends encore un peu et nous partirons ensemble, tu dois avoir confiance en moi, je ne peux rien te dire de plus. Ensuite elle se mettait à la fenêtre, nue, et regardait la lune, et elle me disait : chante ta mélodie, mais chante-la tout bas. Et pendant que je chantais elle me demandait de lui faire l'amour, et je la prenais debout, appuyée au bord de la fenêtre, tandis qu'elle regardait la nuit comme si elle attendait quelque chose.
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Et Pereira était catholique ou du moins se sentait-il catholique à ce moment-là, un bon catholique, quoiqu’il y eût une chose à laquelle il ne pouvait pas croire : à la résurrection de la chair. A l’âme oui, certainement, car il était sûr d’avoir une âme ; mais la chair, toute cette viande qui entourait son âme, ah ! non, ça n’allait pas ressusciter, et pourquoi, aurait-il fallu que ça ressuscite ? se demandait Pereira. P 10
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En allait-il donc ainsi, le temps était-il de l’air qu’elle avait laissé sortir par un petit trou minuscule dont elle ne s’était pas rendu compte ? Mais où était le trou ?, elle ne réussissait pas à le voir.
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Les héritiers remercient

Je lègue à mes amis
un bleu céruléum pour voler haut
un bleu de cobalt pour le bonheur
un bleu d'outremer pour stimuler l'esprit
un vermillon pour faire circuler le sang allègrement
un vert mousse pour apaiser les nerfs
un jaune d'or : richesse
un violet de cobalt pour la rêverie
une garance qui fait entendre le violoncelle
un jaune baryte: science-fiction, brillance, éclat
un ocre jaune pour accepter la terre
un vert Véronèse pour la mémoire du printemps
un indigo pour pouvoir accorder l'esprit à l'orage
un orange pour exercer la vue d'un citronnier au loin
un jaune citron pour la grâce
un blanc pur : pureté
terre de Sienne naturelle: la transmutation de l'or
un noir somptueux pour voir Titien
une terre d'ombre naturelle pour mieux accepter la mélancolie noire
une terre de Sienne brûlée pour le sentiment de durée

Maria Helena Vieira da silva, Testament (p. 147)
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Puis le lépreux se leva et Villon le suivit en
direction de la forêt. Quand ils arrivèrent au
premier arbre, Villon observa qu'un pendu était accroché aux branches. Il avait la langue tirée, et la lune jetait une lumière livide sur son cadavre. C'était un inconnu, Villon poursuivit son chemin. Sur l'arbre voisin aussi, il y avait un pendu accroché aux branches, mais c'était également un inconnu. Villon regarda autourde lui et vit que la forêt était pleine de cadavres qui pendaient aux arbres. Il les regarda un à un, avec sérénité, se déplaçant entre les pieds que la brise faisait se balancer, jusqu'à ce qu'il trouvât son frère. Il le détacha en coupant la corde avec le poignard et il l'étendit sur l'herbe. Le cadavre était raide, à cause de la mort et du gel. Villon le baisa sur le front. Et à cet instant, le cadavre de son frère parla. La vie ici est pleine de papillons blancs qui t'attendent, mon frère, dit le cadavre, et ils sont tous des larves.
Villon leva la tête, perdu. Son compagnon avait disparu, et de la forêt, comme un grand
grand chœur funèbre chanté en sourdine, s'élevait la ballade que chantait le lépreux.
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Tous les soirs je chante, parce qu'on me me paye pour ça, mais les chansons que tu as entendues étaient des pezinhos et des sapateias pour les touristes de passage et pour ces Américians qui rient là-bas au fond et qui dans un moment vont s'en aller en titubant. Mes vraies chansons sont simplement quatre chamaritas, car mon répertoire est restreint, et je me fais vieux, et puis je fume trop, et ma voix est rauque.
Il m'incombe de mettre ce balandrau qu'on portait autrefois dans les Açores, parce que les Américains aiment le pittoresque, ils rentrent ensuite au Texas et racontent qu'ils ont été dans une taverne d'une île perdue où il y avait un vieux vêtu d'un manteau archaïque qui chantait le folklore de son peuple.
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“En Inde il y a beaucoup de gens qui se perdent”, dit-il, “c’est un pays fait exprès pour ça.
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Antonio Tabucchi
La combinaison de quelques mots suffit parfois à orienter notre vie.
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La jeune femme le regarda, suppliante. "Oh, Eddie ! " s'exclama-t-elle d'un ton déchirant en lui offrant sa bouche. Il lui enserra la taille avec un bras, l'obligeant à se courber légèrement en arrière. En la fixant dans les yeux, il approcha lentement sa bouche de la sienne et l'embrassa avec passion. Ce fut un baiser long et intense, on entendit un murmure d'approbation et quelqu'un siffla. "Stop ! ", cria le clapman.
"Fin de scène ! "
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Cher Monteiro Rossi, vous êtes un parfait romancier, mais mon journal n'est pas le lieu adapté pour écrire des romans, sur les journaux on écrit des choses qui correspondent à la vérité ou qui ressemblent à la vérité, vous ne devez pas dire d'un écrivain comment il est mort, dans quelles circonstances et pourquoi, vous devez simplement dire qu'il est mort, puis vous devez parler de son oeuvre, des romans et des poésies, et faire certes une nécrologie, mais qui au fond doit être une critique, un portrait de l'homme et de l'oeuvre, ce que vous avez écrit est parfaitement inutilisable, la mort de Garcia Lorca est encore mystérieuse, et si les choses ne s'étaient pas passées ainsi que vous l'affirmez ? (p. 42)
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Obsessions privées, regrets personnels que le temps érode mais ne transforme pas, comme l'eau d'un fleuve émousse ses galets, fantaisies incongrues et inadéquations au réel, tels sont les principaux moteurs de ce livre.

Justification sous forme de note.
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(Proust) Parfois, lui et Agostinelli arrivaient dans une petite ville déserte à la nuit tombée, la traversaient, s'arrêtaient sur la place, légèrement en pente pour que le faisceau des phares soit dirigé vers le haut. Éclaire le tympan, Agostinelli, disait Proust, puis il ouvrait Ruskin
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Qui est Pereira ?

Un détective privé
Un policier corrompu
Un journaliste
Un membre de la milice
Il est tout cela à la fois

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