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Citations de Charles-Ferdinand Ramuz (533)


Il disait : " C'est le soleil qui est malade. Il n'a plus assez de vertu pour dissiper le brouillard. "
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On ne l'avait pas entendue ouvrir sa porte, on ne l'a pas entendue venir, tellement elle est légère. Ses pieds touchaient la terre comme sans s'y poser. Il n'y a eu que le frôlement de sa jupe comme quand un beau papillon vous effleure de l'aile, rien que ce froissement d'étoffe qui fait pourtant que Décosterd se retourne ; alors il reste là, son verre dans la main. Rouge, à ce même moment, se redresse ; les bras lui sont tombés le long du corps, pendant que la lumière venue par l'ouverture de la porte est sur lui, sur son beau costume de serge bleu marine, sa chemise à col blanc, sa cravate, sa grosse moustache.
C'est qu'elle était plus brillante que jamais, c'est qu'on ne la reconnaissait plus.
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Sur la terre étrangère (et, si toute terre est étrangère, où est-il le pays de nos désirs et quand y aborderons-nous ?) écoute la voix qui supplie en même temps que les branchent souffrent du vent, jetant un cri à cause d'une même douleur, mais porte tes regards en arrière vers les lieux que tu as quittés, afin que ta pensée, sans cesse reconduite vers sa naissance, progresse selon les lois qui lui vinrent en même temps que la vie de s'être élevée sur les rives du lac aux lamentations des vagues.
Tel est l'aspect que tu donnes maintenant aux espaces, quand, les imaginant selon que tu conçois la beauté, tu les ornes avec amour de toutes ses séductions : l'air est une musique, le soleil le miroir de ta joie, la plante connaît tes étonnements.
Il y a deux pays, là où l'enfance fut heureuse et là où l'esprit s'est haussé ; et, comme ils sont semblables, aime le lac de l'amour que tu as pour toi-même, parce que tu demeures en lui, avant que franchissant les degrés du ciel, jusqu'à la réalisation de ton rêve, tu grandisses en vertu.
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Et un jour, ils s'étaient rencontrés, Julien l'avait accompagnée, ensuite il était revenu: au commencement, elle n'y avait pas pris garde; puis, peu à peu, elle avait eu plaisir à le voir, parce que l'amour entre dans le cœur sans qu'on l'entende; mais une fois dedans, il ferme la porte derrière lui.
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De son côté, il s'était mis en route ; c'était à son tour à lui de se remettre en route, pendant que la petite musique venait toujours, mais elle venait à présent pour lui entre les pins, dans se pensées, bougeant doucement derrière leurs troncs rouges, et par terre aussi c'était tout rouge, à cause des aiguilles tombées sur lesquelles Victorine glissait.
Pendant que la petite musique venait, et la petite musique venait d'en haut à leur rencontre, entre les pins ; tandis que Victorine glissait, parce qu'elle n'avait pas de clous à ses souliers.

(C. F. RAMUZ, "La Grande Peur dans la montagne", 1926)
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Si un poète sortait de vous, peut-être que vous ne mourriez pas.
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Elle était comme sont les femmes, qui peuvent être fausses et sincères en même temps, n'étant pas fausses par calcul, mais d'instinct, si bien qu'elles ne savent pas elles-mêmes si ce qu'elles disent est vrai ou non, puis se laissent prendre à leur jeu.
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On a vu seulement encore ses épaules et ses bras, une fois que le châle avait été tombé, mais on le lui ramasse. Elle prend la rose. " L'électricité! L'électricité ! Hé, là-bas, l'électricité ", parce que les commutateurs étaient dans l'auberge... Elle s'était piqué la rose de papier dans les cheveux au-dessus de l'oreille.. ."L'électricité!" Un coup de tonnerre. On n'y voyait plus, on ne s'entendait plus. On se faisait un porte-voix avec les deux mains..."L'électricité !...Ah!..."On se poussait vers elle. Et c'étaient encore ces coups de tonnerre. Les éclairs perçaient jusqu'à vous malgré l'éclairage ; ils paraissaient tout éteindre par moments pendant qu'on recevait le coup dans la figure, dans le derrière la tête, sur le côté de l'épaule. On n'a plus bien su où on en était.
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Le temps de l'enfance est le beau temps où on ne sait rien de la vie.
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D'ailleurs, elle était là, et c'est la grande chose. Elle, elle est là et elle est avec nous ; le reste compte peu. Il regarde encore si elle est vraiment bien là, puis peut-être qu'il n'y a plus qu'à se tenir tranquille, parce qu'il ne faut pas trop demander. Il s'est tenu parfaitement tranquille quelques jours ; il pleuvait. De nouveau, on voit pendre au-dessus du lac les averses comme des draps de lit tendus à leurs cordeaux. Le ciel s'était éteint. Elle s'était éteinte, elle aussi. Elle ne brillait plus. Elle était devenue toute grise. Un jour elle brille, puis elle ne brille plus. Elle s'est réfugiée dans sa petite robe noire, où elle reste sans mouvement, mettant son menton dans sa main, puis son coude sur son genou, devant la pluie. Le ciel s'est tellement caché avec toute sa belle couleur qu'on se demande s'il se retrouvera jamais plus, parce qu'il va falloir qu'il se réinvente lui-même. Et elle, peut-être bien aussi que c'est fini, parce qu'elle s'était inventée aussi (ou bien peut-être qu'on l'inventait).
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Elle le cherchait, elle aussi, des yeux : lui, devait les baisser chaque fois un peu plus ; elle, elle devait les lever un peu plus chaque fois.
Elle descendait, il restait assis ; elle s'arrêtait, elle se tournait vers lui, elle agitait son mouchoir.
Elle est devenue toujours plus petite, puis elle est arrivée à un endroit où le chemin recommence à aller à plat pour s'enfoncer un peu plus loin derrière un avancement de la pente ; là, il l'a vue encore, puis il ne l'a plus vue.
Là, il l'a vue pour la dernière fois ; là, pour la dernière fois, elle s'était retournée ; après quoi, on n'a plus aperçu que la moitié d'en haut de son corps, puis ses épaules seulement ; puis seulement son bras et sa tête, avec une main qu'elle lève encore.
Et un petit point blanc marquait la place de sa main...
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On a aussi tué un mulet. Comme on ne pouvait plus s'en servir autrement, à présent on va le manger. Car le mulet est une bête chère, un bon mulet vaut autant qu'un cheval, quelquefois même davantage. Et longtemps celui-là, sous le bât de bois bien sanglé, avait été seul dans la montagne, par les petits chemins où eux seuls peuvent passer, portant tantôt du bois, tantôt du fumier, et tantôt du grain ; ou bien le vin dans les barots, ou bien aussi son maître ; grimpant les pentes, faisant rouler les pierres sous ses petits sabots, mangeant un peu de paille ou d'herbe, puis il est devenu trop vieux. On l'a assommé d'un coup de maillet.

[C.F. RAMUZ, "Le Village dans la montagne", éditions Payot & Cie (Lausanne) / Librairie Académique Perrin (Paris), 1908, chapitre XIV — réédition "Bibliothèque des Amis de Ramuz" (Loches), 2001, page 154]
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Elle ramène ce qui est vivant du milieu de ce qui est mort.
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Vois-tu, les genoux, ça nous porte ; les genoux, c’est la charnière. Et, dans un pays comme le nôtre, tout en bosses et en creux, ça travaille, la charnière. Le mal se met aux places qui travaillent le plus. Par exemple, ceux qui boivent, c’est le coude. Ceux qui sont trop retenus d’argent, c’est les boyaux.
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[CHALEUR]

L'ombre du tilleul tourne dans la cour.
La fontaine fait un bruit de tambour.

Un oiseau s'envole du poirier ; le mur
brûle ; sur le toit brun et rouge,
La fumée d'un feu de bois bouge
Contre le ciel tellement bleu qu'il est obscur.

On n'entend pas un bruit dans les champs ;
personne n'est en vue sur la route ;
Seules dans le poulailler, les poules
gloussent encore, de temps en temps.

Puis plus rien qu'un arbre qui penche,
dans l'opacité de ses branches ;
avec son ombre, de côté,
comme sous un poids qui l'accable ;
et cet autre se laisse aller
en avant, comme un dormeur
qui a les coudes sur la table.

(C. F. RAMUZ, "Le Petit Village", Ch. Eggimann éditeur, Genève, 1903)
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Le vent s'était levé, un grand vent de montagne qui vient avec comme deux mains, et renverse les gens sur les routes.
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Il faisait beau dans le monde, seulement il faut quelquefois longtemps pour s'apercevoir qu'il y fait beau.
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Et, à ce moment-là, Séraphin s'étant tu également, on avait senti grandir autour de soi une chose tout à fait inhumaine et à la longue insupportable: le silence. Le silence de la haute montagne, le silence de ces déserts d'hommes, où l'homme n'apparaît que temporairement : alors, pour peu que par hasard il soit silencieux lui-même, on a beau prêter l'oreille, on entend seulement qu'on n'entend rien. C'était comme si aucune chose n'existait plus nulle part, de nous à l'autre bout du monde, de nous jusqu'au fond du ciel. Rien, le néant, le vide, la perfection du vide ; une cessation totale de l'être, comme si le monde n'était pas créé encore, ou ne l'était plus, comme si on était avant le commencement du monde ou bien après la fin du monde. Et l'angoisse se loge dans votre poitrine où il y a comme une main qui se referme autour du cœur.
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"Une voix d'homme, une voix de femme.
Et c'était elle et c'était lui; maintenant on voyait que l'homme aidait la femme dans les passages difficiles; là où la roche faisait mur, il sautait en bas le premier, il la prenait dans ses bras.
Et, au fin sommet de la paroi, la tranche du glacier ruisselait de lumière comme un rayon de miel; mais derrière ceux qui venaient et à mesure qu'ils venaient, tout le fond de la combe entrait définitivement dans la nuit et dans le silence, dans le froid et dans la mort."
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Il demeurait abattu et fermé, le soir vint, ils mangèrent encore, vint tout à fait la nuit ; quand ce fut l’heure d’aller se coucher, elle lui dit : « Viens-tu ? ». Il lui dit : « Va la première ! ». Il attendit un moment. Ensuite, poussant la porte, il s’assura d’abord que Christine était endormie, et seulement alors se glissa dans le lit. Il fit tout doucement, en sorte qu’elle ne se réveillât pas ; il s’étendit près d’elle, mais ne put s’endormir.

La chandelle brûlait sur la table avec sa petite flamme pointue, un peu fumeuse dans le bout. Et il la voyait là tout près, celle qu’il avait tant aimée ; ses tresses dénouées pendaient sur l’oreiller ; de dedans sortait sa petite oreille et, tiré en arrière, son front était lisse et luisant ; ah ! il aurait voulu mettre un baiser dessus, cependant il se contenait ; et puis, à cause qu’en rêvant elle avait sorti son bras nu, il ne put s’empêcher, il étendit la main, mais presque aussitôt il la retira, comme brûlé par ce toucher ; il se mit à trembler, il souffla la chandelle.
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