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Citations de Charles-Ferdinand Ramuz (533)


Un dimanche matin, pendant qu'ils étaient ensemble, les cloches se mirent à sonner. Elles sonnaient pour avertir le monde, une heure avant le sermon. Et, comme elles étaient mal accordées, l'une très basse, l'autre très haute, l'une battant vite, l'autre à longs coups sourds, elles avaient l'air, par les champs, d'un ivrogne avec sa femme qui s'en vont se querellant.
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Le silence de la haute montagne, le silence de ces déserts d'hommes, où l'homme n'apparaît que temporairement : alors, pour peu que par hasard il soit silencieux lui-même, on a beau prêter l'oreille, on entend seulement qu'on n'entend rien. C'était comme si aucune chose n'existait plus nulle part, de nous à l'autre bout du monde, de nous jusqu'au fond du ciel. Rien, le néant, le vide, la perfection du vide; une cessation totale de l'être, comme si le monde n'était pas créé encore, ou ne l'était plus, comme si on était avant le commencement du monde ou bien après la fin du monde. Et l'angoisse se loge dans votre poitrine où il y a comme une main qui se referme autour du cœur.
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Lui, là-haut, regarde toujours. Il a vu que les montagnes en ce moment avaient été atteintes sur leur côté par le soleil qui descendait, en même temps que sa lumière était moins blanche; il y avait comme du miel contre les parois de rocher. Plus bas, sur la pente des prés, c'était comme de la poudre d'or; au-dessus des bois, une cendre chaude. Tout se faisait beau, tout se faisait plus beau encore, comme dans une rivalité. Toutes les choses qui se font belles, toujours plus belles, l'eau, la montagne, le ciel, ce qui est liquide, ce qui est solide, ce qui n'est ni solide, ni liquide, mais tout tient ensemble; il y avait comme une entente, un continuel échange de l'une à l'autre chose, et entre toutes les choses qui sont. Et autour d'elle et à cause d'elle, comme il pense et se dit là-haut. Il y a une place pour la beauté...
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Elle restait la même, mais Julien n’était plus le même. Il était pareil à un homme qui s’est assis à une table servie et se lève quand il n’a plus faim. Il se lève et on voit qu’il va s’en aller et qu’on ne peut plus le retenir, parce que l’amour qu’il avait était une faim qui passe comme la faim passe. 
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Le lendemain matin il faisait du soleil. Les nuages, pendant la nuit, s'étaient défaits de devant la lune. Ils passent rapidement dessus, laquelle est là qui les élime comme la pierre fait d'un filet ; et, quand enfin le jour se lève, on la voit toute pâle et ronde, être seule dans le ciel bleu.

[C.F. RAMUZ, "Le Règne de l'esprit malin", 1917, chapitre III - III - page 1050 de l'édition La Pléiade, T.I]
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Charles-Ferdinand Ramuz
Il y a beaucoup de Paris qui sont sans racines, qui ne sont là que par hasard : des Paris d'occasion, des Paris sans passé, ce qui fait qu'ils sont sans présent et que, ne continuant rien, ils ne commencent rien non plus.
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Parfois, ils parlaient du passé. Elle regrettait le temps perdu sans Julien. Quand on aime, le temps où on ne s'est pas aimé est comme une belle robe qu'on n'a pas mise.
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Un dimanche, j'étais monté jusqu'à Blonay voir une maison qui avait brûlé. On entrait dans le printemps. Il y avait comme une mousseline verte autour des arbres, qui était les petites feuilles pas encore dépliées. La pente douce menait l'oeil jusqu'au lac un peu agité, et qui semblait couvert d'écailles. Il faisait tellement doux que j'avais ôté ma veste. Mais cette douceur n'était pas seulement dans l'air, je la sentais aussi qui m'entrait dans le coeur.

[C. F. RAMUZ, "Vie de Samuel Belet", 1913, IIème partie, chapitre V - page 731 de la réédition La Pléiade, "C.F. RAMUZ : ROMANS", Tome I, 2005]
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Ayant dénoué la corde, ils n'ont fait qu'entr'ouvrir la porte légèrement, tandis que la lune venait en une étroite bande bleue sur la terre battue devant eux. Et la lune a été un triangle, puis elle a été une belle route claire disant d'entrer, car ils avaient reconnu Clou ; mais Clou n'entrait pas.
Il se tenait dans la lune:
- Eh bien, vous n'êtes pas pressés d'ouvrir... Qu'est-ce qu'il vous prend? Vous vous enfermez?
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Véritablement Tolstoï a été avec moi, du temps que j'avais dix-huit ans, et lui, je sais qu'il ne se fût pas senti étranger , marchant à mes côtés dans la campagne. Elle était calme et simple comme celle qu'il a aimée. Et il a aimé les hommes d'une façon que je voudrais être la mienne, et il les a sentis comme je voudrais les sentir. Mais il n'a pas été le seul de son pays à me parler mon langage, encore que les mots fussent autres : ce pays où il m'avait introduit, je m'y suis à sa suite avancé plus profond, et les mêmes ressemblances partout se sont levées.

[C.F. RAMUZ, "Le Grand Printemps", Les Cahiers vaudois (Lausanne), 1917 — rééd. aux éditions Mermod (Lausanne), 1952]
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Je m'assieds sur le banc du milieu, j'empoigne les rames ; je tire dessus de tout mon poids, me renversant ; et eux alors, là-bas, n'est-ce pas ? Ils m'attendent et je me dis bien qu'ils me voient venir.
La terre m'a quitté, avec tout ce qui est petit ; je laisse derrière moi ce qui change pour ce qui ne change pas. Que je me tourne seulement un peu et la rive disparaît tout entière ; il ne reste plus que le ciel et l'eau. Encore est-ce la même chose à cause de l'image des nuages renversée qui se balance autour de moi, et ce bleu, aussi renversé, par quoi elle a une couleur.
Il n'y a plus de différence en rien ; tout se confond, tout se mêle ; est-ce au-dedans de moi ou au-dessous que je regarde ? Mais ils sont là et je les vois. Je ne suis plus jaloux ; eux, ils n'ont plus peur. Au lieu de reculer, ils se soulèvent sur le coude ; moi, je me penche encore un peu.

[C.F. RAMUZ, "Vie de Samuel Belet", 1913, IIIème partie, chapitre III - page 834 de la réédition La Pléiade "C.F. RAMUZ : ROMANS", Tome I, 2005]
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Alors viennent des histoires qui datent des très anciens temps, mais dont on ne s'est jamais fatigué et qui semblent toujours nouvelles, où on voit les fées du lac bleu faire des repas de pierres précieuses dans une maison de cristal et des tout petits hommes bossus viennent la nuit voler la crème avec des cuillères de bois qu'ils portent pendues à leurs ceintures. Il y a aussi les âmes qui sont condamnées à errer éternellement sur les glaciers, et quand surviennent les grands froids, on les entend au loin, raconte-t-on, se lamenter. On voit les noyés des torrents, quand Jean Verro frappa son frère et le jeta dans le torrent [...]

[C.-F. RAMUZ, "La Guerre dans le Haut-Pays", 1915, IIème partie, chapitre IV]
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Parce qu’un malheur ne vient jamais qu’un autre ne vienne ; les malheurs se marient entre eux, ils font des enfants, comme dans le Livre.
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Ce fut tout; il s'était tu. Et, à ce moment-là, Séraphin s'étant tu également, on avait senti grandir autour de soi une chose tout à fait inhumaine et à la longue insupportable: le silence. Le silence de la haute montagne, le silence de ces déserts d'hommes, où l'homme n'apparaît que temporairement : alors, pour peu que par hasard il soit silencieux lui-même, on a beau prêter l'oreille, on entend seulement qu'on n'entend rien. C'était comme si aucune chose n'existait plus nulle part, de nous à l'autre bout du monde, de nous jusqu'au fond du ciel. Rien, le néant, le vide, la perfection du vide; une cessation totale de l'être, comme si le monde n'était pas créé encore, ou ne l'était plus, comme si on était avant le commencement du monde ou bien après la fin du monde. Et l'angoisse se loge dans votre poitrine où il y a comme une main qui se referme autour du cœur.

[...]

S'étant habitués maintenant à peu près au manque d'air, bien que toussant encore part moments, ils se tenaient là, ayant commencé une conversation à voix basse; et ça grondait sourdement sous eux pendant ce temps; et, comme ils avaient le ventre appliqué contre la montagne, ils entendaient avec le ventre les bruits de la montagne qui montaient à travers leur corps jusqu'à leur entendement.
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C’est une côte au bord de l’eau, c’est comme un côté de baignoire, ça a deux cents mètres de haut. Et la terre n’y tiendrait pas toute seule, mais ils ont fait partout des murs qu’ils ont mis les uns au-dessus des autres, qui la soutiennent ; et où ils cultivent la vigne avec des fossoirs, remontant chaque hiver dans des hottes la terre qui est descendue. Ils sont là, voyez-vous, comme sur des marches d’escalier, et ils sont dans l’air, voyez-vous, parce qu’il y a de l’air partout. Il y a au-dessus d’eux l’air qui est bleu, en face d’eux la montagne qui est bleue, au-dessous d’eux le lac qui est bleu. Le soleil vous tape sur la tête, mais il y en a un autre, celui d’en bas, qui vous tape dans le dos. Ça en fait deux : celui d’en haut, qui est en un point, tout rassemblé ; celui d’en bas qui est tout cassé en morceaux et éparpillé, parce qu’il y a l’eau qui le balance et en bombarde la côte ; ça en fait deux qui chauffent ensemble : c’est pourquoi ils ont du bon vin.
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Je voyais que le malheur est comme un acide qui ronge en dedans, jusqu'à ce qu'il ne reste plus de nous qu'une espèce de coquille.
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Or, la tante Sabine, étant entrée un jour, à l'improviste, dans la remise, elle y surprit Cécile avec un garçon du village, qui s'appelait Ulysse Montagnon. Leur attitude, à tous les deux, ne laissait pas de doute sur ce qui les amenait là. Assis sur l'établi, l'un à côté de l'autre, ils s'y tenaient étroitement serrés, lui, le bras passé autour de sa taille, elle, la tête au creux de son épaule, car l'amour est comme un grand poids.
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Ils sont rentrés pour la Toussaint. Déjà la neige est tout près du village. Un petit peu d'hiver se tient ainsi à votre porte pour le jour des Morts, qui vient le lendemain. Ils vont ce jour-là prier sur les tombes. Les cloches sonnent toute la journée.
Elles sonnent pour les morts et marquent qu'on se souvient d'eux sur la terre, et intercèdent aussi pour eux, par leurs longues, lentes voix. C'est deux notes, une haute et une autre assez basse, qui reviennent tout le temps, avec un même son, une même cadence, et un même battement triste. Et alors cette voix s'en va vers les rochers, mais ils sont déjà renfermés dans leur solitude d'hiver ; et s'en va vers les pâturages mais ils sont vides ; et vers les bois, mais ils sont pleins d'ombre : et s'en revient tournant sur place et ne s'adresse plus qu'aux hommes, à qui elle dit : « Pensez à ceux qui s'en sont allés devant vous, et que ce jour viendra pour vous pareillement. »

[C.F. RAMUZ, "Le Village dans la montagne", éditions Payot & Cie (Lausanne) / Librairie Académique Perrin (Paris), 1908, chapitre XII — réédition "Bibliothèque des Amis de Ramuz" (Loches), 2001, page 140]
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Il ne disait plus rien, il ne bougeait pas ; et il y avait ces deux grosses larmes qui avaient de la peine à descendre, tellement sa vieille peau était rugueuse et inégale.
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A l’extrême pointe de ces aiguilles et de ces dents, l’aurore est comme un oiseau qui se pose, commençant par le haut de l’arbre, puis se mettant à le descendre, en même temps qu’elle multipliait ses perchoirs, elle sautait de branche en branche.
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