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Citations de Charles-Ferdinand Ramuz (533)


Les mauvaises herbes viennent bien toutes seules, mais rien de ce qu'on sème et de ce que l'on plante, au contraire.
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Et puis peut-être qu'il ne faut pas aimer les hommes pour leurs différences, mais leurs ressemblances, et voir surtout en eux par où ils sont tous frères, ayant tous les mêmes douleurs, les mêmes joies, les mêmes peines, une même façon d'aimer.
Les voir dans le durable, dans leur fond, non dans l'accident.

[C.F. RAMUZ, "Le Village dans la montagne", éditions Payot & Cie (Lausanne) / Librairie Académique Perrin (Paris), 1908, chapitre IX — réédition "Bibliothèque des Amis de Ramuz" (Loches), 2001]
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Comme l'eau qui s'est détendue me l'enseigne par sa belle ligne droite d'une rive à l'autre qu'aucun relief ne vient briser, je veux que ma pensée retombe des aspérités, qu'elle demeure allongée dans l'ignorance du vent.
Après l'orage et l'effort qui l'ont portée vers le ciel, toute dépliée en divers endroits comme des vagues aiguës, il est bon qu'elle connaisse les eaux dormantes et lisses pour qu'elle les limite dans son intérieur, quand le ciel est vide de souffles et que la montagne demeure en méditation.
Ma pensée aura successivement la beauté de la force qui s'épuise et de la faiblesse qui s'avoue, l'une subite et brève, l'autre durable, et toutes deux fécondes, car maintenant elle est de celles qui renoncent souvent vers le soir.
Elle considère alors l'image du lac qui garde son espace dans l'immobilité où les vents le réduisent et qu'il est menaçant quand même parce qu'il va bondir à la plus petite invitation des cieux.
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C'était sous un ciel ennemi de nous et jaloux, c'était contre toute la nature. C'était contre la terre fâchée qu'on la touchât, contre la plante ayant ses idées. Contre les animaux, contre les hommes, tous ennemis aussi les uns des autres, jaloux les uns des autres et en guerre toujours. Et l'homme ennemi des animaux, les animaux ennemis des animaux,et la plante ennemie de la plante. Et partout la destruction d'une chose par sa voisine, de sorte qu'on devait tout le temps réparer, tout le temps se défendre, et on passait son temps à s'empêcher d'être détruit...
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Crois-tu que j'y sois plus habitué que toi, au bonheur ? Il faut être plus simple que ça... C'est comme les visites, le bonheur; il faut bien le recevoir, sans quoi il ne revient pas...

p. 231
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Là-haut (on dit "là-haut ") quand on vient du Valais, mais quand on vient d'Anzeindaz on dit "là en bas" ou "là au fond"), la neige, en se retirant, faisait de gros bourrelets ; ils découvraient sur leurs bords, dans l'humidité noire que la vieille herbe recouvrait mal d'une espèce de feutre terne, toute espèce de petites fleurs s'ouvrant à l'extrême limite d'une frange de glace plus mince que du verre à vitre. Toute espèce de petites fleurs de la montagne avec leur extraordinaire éclat, leur extraordinaire pureté, leurs extraordinaires couleurs : plus blanches que la neige, plus bleues que le ciel, ou orange vif, ou violettes : les crocus, les anémones, les primevères des pharmaciens. Elles faisaient de loin, entre les taches grises de la neige qui allaient se rétrécissant, des taches éclatantes. Comme sur un foulard de soie, un de ces foulards que les filles achètent en ville, quand elles y descendent pour la foire, à la Saint-Pierre ou à la Saint-Joseph. Puis c'est le fond même de l'étoffe qui change ; le gris et le blanc s'en allaient ; le vert éclatait de partout : c'est la sève qui repart, c'est l'herbe qui se montre à nouveau ; c'est comme si le peintre avait d'abord laissé tomber de son pinceau des gouttes de couleur verte, puis elles se rejoignaient."
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Ce jour-là, quand je t'ai vue,
j'étais comme quand on regarde le soleil ;
j'avais un grand feu dans la tête,
je ne savais plus ce que je faisais,
j'allais tout de travers comme un qui a trop bu,
et mes mains tremblaient.

Je suis allé tout seul par le sentier des bois,
je croyais te voir marcher devant moi,
et je te parlais,
mais tu ne me répondais pas.

J'avais peur de te voir,
j'avais peur de t'entendre,
j'avais peur du bruit de tes pieds dans l'herbe,
j'avais peur de ton rire dans les branches ;
et je me disais : « Tu es fou,
ah ! si on te voyait, comme on se moquerait de toi ! »
Ça ne servait à rien du tout.

Et, quand je suis rentré, c'était minuit passé,
mais je n'ai pas pu m'endormir.

[…] Ça a duré ainsi trois jours
et puis je n'ai plus eu la force.
Il a fallu que je la revoie.
Elle est venue, elle a passé,
elle n'a pas pris garde à moi.

(C.F. RAMUZ, "Le Petit Village", Ch. Eggimann éditeur, Genève, 1903)
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Ils étaient les sept, ils sont arrivés sur l'arête. La neige en avait été balayée par les vents. C'est qu'ici ils ne sont contenus par rien, qu'ils soufflent du nord ou du sud. Eux se sont trouvés faire face à ce dos où les blocs, posés à la suite l'un de l'autre, ont eu soudain une couleur et une forme ; ils sont devenus gris et on voit qu'ils sont gris ; ils ne sont pas seulement gris, mais veinés et on voit leurs veines, et tachés et on voit leurs taches. Dans les vides qu'ils laissaient entre eux, un peu de neige était restée, on voyait la neige ; ailleurs on voyait la terre et il y avait aussi un peu de gazon jauni. Du jaune, du blanc, du gris, du brun.
C'est alors qu'Isabelle avait tendu le bras :
« Regardez là-bas, qu'est-ce que j'ai dit ? »
Ils s'étaient arrêtés. On la voyait maintenant, elle ; elle aussi, elle les voyait. On voyait la couleur de leurs visages, on voyait la couleur de leurs vêtements : les guêtres de Métrailler, les jambières de Tissières, la moustache de Julien Revaz ; et elle, ses joues joues brunes qui étaient dans leur milieu comme la pêche quand elle mûrit :
« Ça va être le beau temps. Souffle dans ton cornet, Jean, qu'ils nous entendent du village. Souffle comme à la caserne. Dis-leur : "Debout, les vieux, c'est le moment."... »
Jean a soufflé dans son cornet.
Alors on a vu le village renaître peu à peu à lui-même. De là-haut, ils l'ont vu ressusciter à la lumière (...)

[C.F. RAMUZ, "Si le soleil ne revenait pas", Mermod (Lausanne), 1937 — rééditions : éd. "L'âge d'Homme"(Lausanne) — Intégrale des Romans, coll. "La Pléiade", éd. Gallimard (Paris), 2005, tome 2, pages 1299-1300) — chapitre XIII]
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Il faisait beau dans le monde, seulement il faut quelquefois longtemps pour s’apercevoir qu’il y fait beau.
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Elle m'était entrée dans le cœur sans que je m'en fusse aperçu, c'est la meilleure façon. Elle avait ouvert la porte si doucement que je n'en avais pas entendu le bruit ; la porte s'était refermée. Et, quand même j'étais si fatigué, le soir, que j'avais grand-peine à tenir mes yeux ouverts, cette présence, que j'ai dite, faisait que régulièrement je m'asseyais à ma petite table. Il me fallait un grand effort, mais tout m'était facile et tout m'était plaisir, quand je me disais : « C'est pour elle. »
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Le soleil baissa et toucha le bout du grand Bourni pointu qui devint tout noir sur le ciel en lumière ; dans la boule brillante, il entra comme un coin, par lequel elle fut fendue, s'écartant dans le bas, puis mordue plus profond et séparée en deux. Alors, comme d'un tison qui s'écroule, monta haut dans le ciel une poussière d'étincelles. Et, à gauche et à droite, l'horizon tout doré s'ouvrait, et les larges espaces avec leurs milliers de montagnes, et de dedans les creux une vapeur montait, tandis que l'étang à présent descendait peu à peu dans l'ombre, et que, comme élevées au contraire au-dessus des choses par les suites d'étages de bois et de rochers, d'où fuyait lentement le bel éclat du jour, les neiges rondes des sommets étaient peintes et fleuries de rose.
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Il avait tiré près du poêle la petite table où étaient les tasses, ils s'y étaient assis en face l'un de l'autre et, ayant allumé leurs pipes, ils s'étaient mis à causer. Ils n'avaient point besoin de chercher leurs idées, c'était du pays qu'ils s'entretenaient ; et cela, le pays, les avait rapprochés encore, parce que Larrouy venait des Pyrénées. C'était, pour tous deux, cette même présence de la montagne à l'horizon, ce même bruit en eux du torrent sur les pierres, ce même soleil sur les glaciers.
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Si elle avait été là, qu'aurait-elle fait ? Il lui aurait dit : « Voix-tu comme je suis malheureux ! » Elle aurait répondu : « Oh ! je l'avais bien vu. » Elle lui aurait dit : « Est-ce que je ne peux pas t'aider ? » Ils auraient parlé ensemble un long moment. Ils auraient même pu se taire ; c'est d'être ensemble qui est bon.
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Il a rempli les verres qui étaient vides. Ils ont bu, l'un et l'autre ; c'était un bon marc réchauffant. C'est une bouffée de chaleur avec un parfum qui vous descend par un tuyau jusque dans le ventre et par un autre vous monte dans la tête où elle vous dégèle les idées qu'on a.
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Et dans le fauteuil il y avait le père Anzévui, parce qu'il était mort comme quand on s'endort, comme la lampe qui s'éteint faute d'huile, comme la fontaine qui cesse de couler par manque d'eau, comme se tait le son de la cloche quand le battant n'est plus en mouvement.
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Pour monter à Derborence, on compte sept ou huit heures, quand on vient du Pays de Vaud. On va en sens inverse d’une jolie rivière dont on côtoie le bord. L’eau resserrée entre les berges est comme beaucoup de têtes et d’épaules qui se poussent en avant les unes les autres pour aller plus vite. Avec de grands cris, des rires, des voix qui s’appellent ; comme quand les enfants sortent de l’école et la porte est trop étroite pour les laisser passer tous à la fois.
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Charles-Ferdinand Ramuz
Etre isolé du reste des hommes, c'est se sentir inutile. Se sentir inutile est pire encore que de se sentir coupable.
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Si vous veniez d'où je viens, vous auriez le soleil écrit sur la figure, parce qu'il va durer, il dure, on ne connait pas l'hiver là-bas, c'est lui qui renoue par-dessus l'hiver le temps où les feuilles de la vigne sont rouges ou jaunes avec celui où les souches pleurent serré et mouillent la terre sous elles, tellement il leur sort d'eau par le travers des bois taillés...
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Car il se fait sans eux, le temps, et bien souvent même contre eux et ils ne peuvent rien y changer, alors ils ont appris à obéir, mais ont appris aussi à être attentifs et à lire les signes qui sont écrits sur cette page vite tournée, à ce ciel qui est comme un livre qui aurait tellement de pages que la même ne se présenterait jamais deux fois. Et tantôt à un bout d'elle, tantôt à l'autre bout ; tantôt dans le haut, tantôt dans le bas. Le tout petit mot d'un nuage qui est apparu, s'en va ; la ligne écrite en gris du brouillard traînant à mi-mont ; la coloration d'un coucher de soleil ; quand la lune a une couronne de mariée ; - et sur la terre aussi les signes : la limace qui sort, l'araignée qui tisse sa toile, les taons qui sont méchants, l'hirondelle qui vole bas...
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Ils s'asseyaient l'un à côté de l'autre. Les escargots sortaient leurs cornes noires et tiraient leurs coquilles qui branlaient sur leur dos collant ; quand la terre est humide, les champignons poussaient en une seule nuit dans les feuilles pourries. Les noisettes étaient à peine formées encore et molles dans leur peau verte qui fait cracher, mais on trouvait quelquefois une fraise oubliée, qui vous tombait entre les doigts. Il faisait déjà noir dans le petit bois ; c'était comme une maison qu'ils avaient pour eux seuls et où on ne pouvait pas les voir, mais d'où ils pouvaient tout voir, car il y avait une porte ronde et des trous comme des fenêtres, avec le ciel comme une vitre. Les feuilles secouaient leurs gouttelettes sur eux, le ruisseau sonnait ses petites sonnettes, le temps était vite passé. 
(Chapitre 2).
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