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Citations de Charles-Ferdinand Ramuz (533)


Pendant qu'en bas les lumières s'éteignent, mais pour chacune qui s'éteint , une autre dans le ciel s'allume, comme si on tournait là-haut aussi les commutateurs.
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Ils n'ont connu d'abord que la porte s'était ouverte qu'au bruit que fit le lac qui entra ; puis la porte fut refermée et le lac se tut à nouveau.
Grin, justement, tenait un discours ; il se tut en même temps que le lac.

[C.F. RAMUZ, "La Guérison des maladies, 1917, Chapitre IV, II - page 1145 de la réédition La Pléiade, "C.F. RAMUZ : ROMANS", Tome I, 2005]
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Lausanne, auprès d'Arsens, parut à Emile une grande ville. Elle n'a pourtant guère plus de cinquante mille habitants. C'est la capitale du canton de Vaud, le plus considérable de la Suisse romande. Il est limité à l'ouest par la Franche-Comté, au nord par le canton de Neuchâtel, à l'est par ceux de Fribourg, de Berne et du Valais ; enfin le lac Léman fait sa frontière sud, et de l'autre côté du lac se trouve le Chablais ; de sorte que nous sommes enfoncés dans le pays de France, séparés cependant de lui par des montagnes et des eaux, et une autre religion.

[C. F. RAMUZ, "Les Circonstances de la vie", 1907 - Seconde partie, chapitre I - page 193 de l'édition "La Pléiade", "C.F. RAMUZ : Romans", Tome I, 2005]
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La plupart des hommes sont ainsi faits qu'ils ne peuvent s'intéresser qu'à l'immédiat et au détail ; ils aiment à se laisser tromper. Peu lèvent les yeux jusqu'au ciel, peu le comprennent. Peu savent même qu'il existe, et là-haut le grand mécanisme, l'astre plus ou moins approche, l'astre se rapprochant toujours. 
(page 29, chapitre 11 - Tome 2 Editions de la Pléiade)
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N'empêche que c'est le dernier soir qu'on a passé ici, et un peu plus tard ils ont pu voir qui avait raison d'eux ou de moi. Il leur a bien fallu entendre.
Ils s'étaient mis assis, puis les voilà qui se tournent du côté du mur, ils se cachent la figure sous leur couverture ; ils se font tout petits, ils se roulent en boule dans la paille et sous les couvertures ; moi j'écoute.
On marchait sur le toit.
Je dis : " Hein ? eh bien, la corde ? " mais voilà qu'à ce moment on saute en bas du toit. J'arrive comme on allait entrer. J'ai eu juste le temps de donner dans la porte un coup d'épaule au moment où elle s'ouvrait, et puis je l'ai calée dans le bas avec le pied, seulement il m'a fallu la tenir jusqu'au matin, et j'ai été seul à la tenir jusqu'au matin ; et tout était tranquille de nouveau quand le matin a été là ; mais, pour tout l'or du monde, on n'aurait pas pu nous faire rester une heure de plus ici. On est redescendus avec le troupeau le jour même.
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Un bateau à vapeur est entendu dans la profondeur, on ne sait pas où. Le bruit qu'il fait semble vous arriver de dessous la terre. C'est avec ses épaules quand on est couché qu'on l'entend ; quand on est debout, avec ses semelles. Le bruit du bateau à vapeur vient secouant l'espace d'en-dessous, en même temps que, dans l'air, il se mélange au bruit des abeilles. Et il y a son tremblement : est-ce pourquoi la lumière tremble ainsi ?

[C.-F. RAMUZ, "Fête des Vignerons", 1929 -- remaniement de son roman "Passage du Poète" (1923), ré-édité en 1984 aux Editions Séquences [REZE-LES-NANTES, Loire-Atlantique], chapitre XI, page 143-144]
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la liberté ... Qu'est-ce que ça veut dire? ... "Eh bien, se disait-il, c'est d'être autrement que les autres, en dehors d'eux, au-dessus d'eux. C'est d'être seul... c'est ça la liberté, et c'est mon or qui me la donne..."
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La nature ne va pas droit, l'homme cherche à aller droit. L'homme prétend à aller de plus en plus droit et à mesure qu'il avance à projeter devant lui, à l'intention d'une vitesse qu'il accroît sans mesure, des lignes de plus longue portée : la nature a tout le temps, on voit que l'homme au contraire est avare de son temps ; l'homme est pressé, la nature paresseuse. Oh ! comme cette Seine apparaît nonchalante, vue du haut de nos trois cents mètres, avec les méandres de son cours à quoi l'homme n'a rien pu changer, et il la laisse aller, et il va de son côté.

(C.F. RAMUZ, "Paris. Notes d'un Vaudois", 1938, H.-L. Mermod (Lausanne) -- pages 72-73 de l'édition Gallimard (Paris), 1939 ; réédité par la Blibliothèque des Amis de Ramuz, disponible auprès de l'association "les Amis de Ramuz", 2000, 198 pages -- [pages dites "d'En haut de la Tour Eiffel"... ] )
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C'est un homme avec une femme.
Les cinq qui étaient là avaient en face d'eux la montagne avec ses murailles et ses tours; et elle est méchante, elle est toute-puissante, mais voilà qu'une faible femme s'est levée contre elle et qu'elle l'a vaincue, parce qu'elle aimait, parce qu'elle a osé.
Elle aura trouvé les mots qu'il fallait dire, elle sera venue avec son secret; ayant la vie en elle, elle a été là où il n'y avait plus la vie; elle ramène ce qui est vivant du milieu de ce qui est mort.
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Caille, le colporteur biblique, a suivi encore un moment la route qui longe le lac ; puis s'est engagé dans un chemin de traverse. Au bout de ce chemin, il y avait une maison. C'était une grande maison fraîchement repeinte en blanc, avec des contrevents verts ; à côté de la porte, sur un banc de même couleur, une femme déjà assez vieille était assise.

[C.F. RAMUZ, "Les signes parmi nous", 1919, chapitre I - incipit]
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Ils avaient, toute l'après-midi, déchargé la "Vaudaire", poussant l'une derrière l'autre leurs brouettes sur la planche qui ployait sous leur poids. Vers 8 heures, ils eurent terminé leur besogne. Ils étaient nus ; ils ont été mettre une veste. Ils ont descendu l'échelle qui menait sous le pont à une espèce de chambre où il yavait un forneau à trois pieds posé sur un foyer de pierre, et où ils mangeaient et couchaient ; ayant ensuite remonté l'échelle, ils ont dit : " Et bien, on y va ? " On voyait la barque qui sortait de l'eau presque tout entière à présent, ayant retrouvé sa légèreté. Elle dansait sur place, comme une femme délivrée. Eux, ils avaient terminé aussi leur ouvrage ; c'était bien l'occasion, ou jamais d'aller boire un coup, parce qu'ils ne devaient repartir que le lendemain matin. On entendait le bruit des pianos mécaniques dans les cafés.

(C.-F. RAMUZ, "Le garçon savoyard", 1936, I -- incipit)
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Essoufflé et tout en sueur, M. Vernet avait relevé ses lunettes, et s'épongeait le front, son parasol entre les jambes. Il était habillé d'une jaquette de lasting, d'un pantalon noir et blanc à carreaux et d'une chemise en flanelle ; par là-dessus venaient un vieux chapeau de paille, des lunettes noires et le parasol ; et cet ensemble faisait rire, surtout le parasol, qui était le premier qu'on vît dans le pays, mais il le lui fallait, comme il disait, à cause de ses yeux qu'il avait faibles et malades. En effet, ils étaient enflammés et bordés de rouge aux paupières ; il les essuya avec précaution. Son front était tout en hauteur, et nu jusqu'au sommet du crâne encore à demi recouvert, mais d'où, par derrière, tombaient de longues mèches grises, plates. Il avait, en outre, un grand nez crochu, qui se perdait du bout dans une barbe rêche en pointe, laquelle cachait tout le bas de sa figure, et lui donnait l'air méchant, à distance ; seulement, de plus près, il ne semblait plus que craintif. Il avait l'air effaré et fuyant de ceux qui ont été traqués toute leur vie, avec des mouvements saccadés et nerveux ; il ne regardait jamais les gens en face quand il parlait, non par fausseté, mais par timidité : encore fallait-il le deviner, ce qu'on ne faisait pas toujours, et le plus souvent on le jugeait faux.
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Il eut le bonheur de naître planté profond en terre, et nourri de profond, comme un arbre avec ses racines. Il y en a qui sont seulement posés dans un pays. Lui, quand on lui demandait : « D'où es-tu ? » il pouvait répondre : « Je suis d'ici depuis toujours. »
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Il le fit asseoir près de lui et tout de suite le fit boire.
« À ta santé, reprit-il ; quand on est heureux on boit bien, quand on boit bien on est heureux. »
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Et il semble qu’on ne va pas pouvoir pousser plus loin. La pente devant vous devient tout de suite tellement raide qu’on est comme pendu en l’air. Tout l’espace, en une seule fois, monte du fond de son trou, vous sautant contre. D’abord, on ne ressent qu’une impression de profondeur, et le choc fait qu’on recule. Puis, peu à peu, l’étendue se construit, elle se peuple, elle s’organise ; les choses de tout côté se montrent, elles sont là partout dans leur beauté. Et on vient de très loin admirer cette vue, parce qu’il y a encore dans le bas tout le lac, toute l’immensité du lac ; et il est ridé, crevassé, taché, de toutes les couleurs ; il est d’une seule couleur et transparent comme du verre ; tellement transparent parfois qu’il semble qu’il n’y a plus de lac, et c’est comme si, par le trou percé là, on apercevait l’autre ciel, le ciel qui règne de nouveau sur l’autre face de la terre...
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C’est le vent qui a pris le dessus pendant la nuit. En haut des grands vieux ormes ronds, des nuages passaient très vite, comme une débandade de jupons blancs.
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[UNE ENFANCE], juillet 1940 :

Il n'y a point de passé, pour lui, et il n'y a point de futur pour lui. Il ne se souvient pas et il ne prévoit pas. Tout ce qui se présente est ainsi revêtu d'une magnifique nouveauté et ruissèle de fraîcheur ; tout seulement commence à être pour lui qui commence à être ; tout est pureté à sa pureté. C'est pourquoi tout l'étonne.
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D'où elles viennent, leurs chansons ? On ne sait pas. Il y en a probablement qui sont vieilles, mais d'autres sont de celles qui se chantent encore dans les villes, qui sont arrivées jusqu'ici, apportées un jour par quelqu'un ; seulement on ne les reconnaît pas, parce que c'est d'un autre cœur qu'on les chante ; et les paroles changent peu à peu. Il y a ordinairement dedans un galant avec sa bonne amie ; et ils s'aiment bien ; et le galant fait des cadeaux à sa bonne amie, c'est des bonbons et des gâteaux. Il y a le « Bouton de rose » :

« Dans un bouton de rose
Mon cœur est enfermé
Personne n'en a la clé
Que mon cher et bien aimé... »

Il y a encore : « Le sam'di soir après l' turbin ». Elles chantent : « Le samedi soir à Saint-Urbain ».

C'est des voix tristes, un peu timides, un peu plaintives, qui traînent et meurent à la fin des phrases ; et disent ainsi la vie difficile, et que l'amour passe vite ; et quelquefois on trouve bien le temps de rire, mais le plus souvent on ne connaît que le chagrin.
Les filles chantent toujours, dès qu'une chanson est finie, elles en recommencent une autre ; quand elles n'en savent plus de nouvelles, elles rechantent celles qu'elles ont déjà chantées. Peut-être que les garçons les ont entendues et se sont cachés dans le bois tout proche ; quelquefois on entend les branches remuer. Mais on ne voit plus rien, il fait à présent complètement nuit.
On voit briller des feux sur la montagne, très haut, près des rochers. Il y en a un d'abord, puis deux, puis trois. L'un grandit, l'autre diminue : ils vacillent un petit peu ; c'est les pâtres d'Arpitettaz qui les allument, quand ils passent la nuit dehors.

[C.F. RAMUZ, "Le Village dans la montagne", éditions Payot & Cie (Lausanne) / Librairie Académique Perrin (Paris), 1908, chapitre IX — réédition "Bibliothèque des Amis de Ramuz" (Loches), 2001, pages 96-97]
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Le père Fontana a continué à dire des choses à voix basse aux deux hommes qui étaient avec lui dans le café Crittin à Mièges :
« Oui... »
Il hochait lentement la tête.
C'étaient les nommés Ardèvaz et Charrat.
« Oui, a continué Fontana, parce que je dis, moi, que son or est meilleur que celui du gouvernement. Et je dis qu'il a le droit de faire de la fausse monnaie, si elle est plus vraie que la vraie. Est-ce que, ce qui fait la valeur des pièces, c'est les images qui sont dessus, ou quoi ? ces demoiselles, ces femmes nues ou pas nues, les couronnes, les écussons ? Ou bien les inscriptions, peut-être ? Ou bien leurs chiffres, disait-il, les chiffres qu'y met le gouvernement ? Les inscriptions, on s'en fout, pas vrai ? Et les chiffres aussi, on s'en fout. Ça ne serait pas la première fois que le gouvernement vous tromperait sur la valeur et sur le poids, tout aussi bien qu'un particulier. Demandez seulement à ceux qui s'y connaissent. [...] »

[C.F. RAMUZ, "Farinet ou la fausse monnaie", éd. Mermod (Lausanne)/éd. Grasset (Paris), 1932 — réédition Plaisir de Lire (Lausanne), 1997 — Chapitre I : incipit]
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On croit qu'on est ensemble, on voit qu'on est séparés. Une seule chose est sûre (pendant qu'ils vont et viennent, et sont l'homme et la femme ensemble, ou bien l'ami avec l'ami, et sont en groupes ou font des bandes, apparemment réunis, pouvant se voir et se toucher, pouvant s'adresser la parole, pouvant s'entendre, croyant même pouvoir se comprendre) : une seule chose est sûre, c'est qu'on est posés les uns à côté des autres, et puis c'est tout.

[C.F. RAMUZ, "Le Cirque", éd. Georg & Cie (Genève), 1925 — rééd. Du Lérot éditeur (Tusson), 2011]
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