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Critiques de Claude Farrère (88)
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Fumée d'opium

A lire ce livre, à humer la "Fumée d'opium" qui s'en dégage, on le jurerait, son auteur, Claude Farrère, a fréquenté les bouges de Fou-Tchéou-Road, et s'y est dépouillé, durant quelques nuits troubles et enfumées, de sa grossière humanité.

L'opium l'a-t-il saisi un jour de ses griffes pour l'emporter au vol de ses ailes vénéneuses ?

L'opium est un magicien qui transforme et métamorphose.

Il a fait de ce livre un ouvrage magnifique, empreint de poésie, parsemé de visions démentes, où la frontière entre réel et merveilleux n'est plus aussi consistante qu'à l'ordinaire.

La préface est de Pierre Louÿs.

Elle est de celles que l'on aurait tort de négliger.

Claude Farrère, en choisissant le thème de son livre, se plaçait délibérément dans la génération ayant précédé la sienne.

Et tout, depuis 1830 et l'arrière-romantisme, semblait avoir été écrit sur le sujet.

Pourtant, l'art du récit, la souplesse du style, l'imagination et l'habileté de la composition balayent ici toute remontrance.

"Fumée d'opium" est un recueil de 17 nouvelles classées en six époques :

- "les légendes", "les annales", "les extases", "les troubles", "les fantômes" et "le cauchemar".

L'ouvrage est érigé sur le romantisme trouble de l'opium qu'il pousse très fugitivement jusqu'à être érotique et décadent.

Et ses pages sont fréquentées par de philosophes empereurs, de pirates lettrés et dédaigneux et par un célèbre professeur ayant autrefois vendu son âme à Diable ...

Elles sont emplies d'histoires trop originales, trop incroyable pour être complètement inventées.

Claude Farrère le jure, il a vu, sur la mer de Chine, de ses yeux vu, Hong-Kop le pirate que poursuivait Hai-Loung-Wang le serpent roi pour avoir blessé Yu-Tcheng-Hoa, sa fille sacrée ...

L'écriture du livre est splendide.

Le lecteur y ressent dans ses veines la poussée d'une drogue, celle de la belle littérature qui est faite de mots, de phrases et d'élégantes tournures.

Mais derrière le romantisme et la mythologie de l'opium, se cache les effets d'une drogue et la description en est ici bluffante de réalisme et de justesse.

Une aiguille qui grésille autour d'une flamme rouge ...

Le livre s'est ouvert et le plaisir a déjà quitté toute réalité pour s'envoler vers les troubles et ensorcelants rivages de la plus belle des littératures ...



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Les civilisés

Un tel livre vaudrait aujourd'hui à son auteur d'être certainement livré à la pire des vindictes littéraires, et le plongerait sans nul doute dans un scandale dont il ne se relèverait que très difficilement.

En 1905, il a valu à claude Farrère de remporter le prix Goncourt.

Jacques-Raoul-Gaston de Civadière est officier de marine embarqué sur le croiseur "Bayard".

De retour du Japon, il retrouve, à Saïgon, ses deux amis : le docteur Raymond Mévil, un médecin qui aime les femmes et Georges Torral, un ingénieur mathématicien saturé de logique.

Tous les trois sont blasés, sceptiques et mécréants et se livrent sans vergogne aux pires des débauches.

Mais de Civadière va faire la rencontre de mademoiselle Selysette Sylva ...

Contrairement à beaucoup de ses lecteurs, j'ai ouvert ce livre en connaissant assez bien l'oeuvre de Farrère que j'ai suivi sur bien des océans, à travers bon nombre de ses livres.

Celui-ci est le premier qui a compté, celui qui l'a introduit sur la scène littéraire, celui qui est resté gravé dans les mémoires.

Ce livre ne condamne pas le colonialisme.

Farrère est un grand admirateur du maréchal Lyautey et de l'amiral Courbet.

C'est un implacacble réquisitoire contre la "clique coloniale" qui pour lui est "un cercle d'escrocs, de catins et de nihilistes trop civilisés".

Il pense que le système a été perverti par ces occidentaux licencieux et décadents "coudoyant l'indigène avec une insolence bienveillante de conquérants".

Pour Claude Farrère, "lorsque les yeux savent voir, il n'existe pas deux pays pareils dans le monde entier".

A travers toute son oeuvre, il sera attentif aux paysages et saura s'imprègner des civilisations rencontrées.

Il connaît donc très bien le pays dans lequel évoluent ses personnages.

Lorsqu'il est en Turquie, Farrère devient un musulman très croyant qui, assis à la terrasse d'un café Osmanli, contemple silencieux le Bosphore.

Et, devenu chinois en Chine, Farrère s'enorgueillit de sa race la plus vieille du monde, et de sa philosophie la plus clairvoyante et la plus ironique. ..

Mais la personnalité de Farrère est difficile à appréhender car elle se cache derrière la silhouette d'un homme rigide du XIXème siècle, d'un marin idéaliste et derrière celle d'un écrivain anticonformiste et singulier.

"Les civilisés", par sa qualité d'écriture et par la maîtrise de son récit, ressemble plus à l'apogée d'une oeuvre qu'à un presque premier roman.

La religion catholique dans cette ouvrage, comme d'ailleurs dans toute l'oeuvre de Farrère, est traitée comme quantité négligeable.

La Cathédrale de Saïgon n'est décrite que par ces mots : "sur la maison d'un dénommé Dieu".

Alors que l'on trouve dans plusieurs des ouvrages de Farrère un grand nombre de magnifiques descriptions de mosquées.

C'est que Farrère, comme Loti, est un Orientaliste.

Ce livre est écrit d'un trait de belle plume.

C'est un livre exigent et dense où les personnages sont hauts en caractère, et où les femmes sont jaugées à la même mesure que les hommes.

C'est un livre de pure littérature, une histoire d'amour tragique ...













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Quatorze histoires de soldats

Vous pouvez m'en croire, il faut entrer dans ce recueil par son dernier texte.

Il est très court.

Vous ne pourrez faire autrement que de le lire très doucement, et que d'y arrêter votre lecture ... le temps de reprendre votre souffle, que l'émotion s'atténue.

Ou, alors, je suis une midinette !

"La plus grande" est un splendide hommage de l'auteur de ce livre rendu à sa mère.

"Quatorze histoires de soldats" est un recueil de nouvelles publié, en 1916, alors que la première guerre mondiale déroulait encore son tapis d'atrocités et de barbarie.

Une fois de plus, Claude Farrère s'y révèle comme un écrivain atypique et étonnant.

Son regard sur le conflit est celui d'un soldat prêt à faire front.

Mais ce même regard est lucide sur les atrocités commises, sur la folie des hommes prêts à s'entretuer et sur l'injuste souffrance endurée.

L'homme est complexe, l'écrivain est courageux et ambigu.

Le recueil s'ouvre sur "le salut à César", un hommage au courage de deux de ses amis, anarchistes en diable, qui le rouèrent de coups, un soir de la mi-juin 1914, pour avoir au meeting de Wagram proféré des propos réactionnaires de mauvaise foi.

Tous deux furent fusillés pour refus d'obéissance devant l'ennemi ...

Tout Farrère, ou presque, est dans ce premier texte, dans ces deux magnifiques portraits, dans ce récit où rien n'est vraiment ce qu'il paraît.

Les soldats de Farrère sont des "demoiselles à pompon rouge", des déserteurs, des "tiraillourrs" ... Et ils n'ont pas toujours fières allures.

Dans "le déjeûner de l'empereur", un conte qui fut publié sans signature, en septembre 1911, dans "l'Autorité", Claude Farrère, officier de Marine et écrivain de droite, dénonce les véritables raisons de la terrible guerre qui se prépare : l'écrasement des partis de désordre, la disparition du socialisme devenu trop puissant en Europe.

Et l'on voudrait encore, après cela, dans Télérama, ce programme TV éminemment intellectuel, ranger le "bonhomme" dans une case d'extrême droite ...

Allons donc !

"Quatorze histoires de soldats" est un livre magnifique.

Il est composé de cinq grandes parties :

- "ceux qui font fantaisie", "ceux qui commandent", "ceux qui obéissent", "leur amies" et"ceux qu'on ne peut pas tuer" -

Car Claude Farrère a raison, et tous les soldats le savent.

Certains d'entre eux sont "tabous", on ne peut les tuer.

J'ai connu, il y a peu, un vieil homme qui au temps de sa jeunesse, en 1942, fut, la même nuit, torpillé, bombardé, coulé deux fois sur deux bâtiments différents, qui nagea de longues heures le visage à demi brûlé, qui fut déclaré mort par l'amirauté à ses parents et qui ... mourut en maison de retraite.

Auguste était un marin "tabou" et un sympathique vieil homme ...









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Une jeune fille voyagea

Ce livre est un roman exotique, féminin, et parfumé de mille senteurs annamites et indochinoises.

C'est un récit de voyage écrit par une fine plume élégante et délicate.

C'est l'histoire d'une femme qui veut être libre, fière d'elle-même et indépendante.

C'est une gifle retentissante assénée, en 1925, à l'orgueil masculin.

La jeune femme qui voyagea est Mireille Tirlemont, une jeune blonde de vingt ans.

Sur le point de faire, à la Baule, un beau mariage avec un homme qui n'avait pas l'air d'en avoir quarante, riche, et qui habitait un château très bien au milieu d'une grande terre en Normandie, la jeune Mireille s'est embarquée pour l'Indochine.

Elle voulait, de l'autre côté du monde, devenir la secrétaire de Fernand Dubourg, un vieux monsieur tout blanc de poil ...

Ce roman est un titre peu connu dans l'oeuvre Claude Farrère.

Pourtant, il en est, je crois, un des plus représentatifs.

Peut-être parce quelque peu ambivalent, il est plus à l'image des contradictions de son auteur, peut-être aussi parce que Claude Farrère s'y livre un peu plus qu'à l'accoutumée.

"Avant que d'en ouvrir la première page, que d'en parcourir les premières lignes, entendons-nous d'abord !

Cette histoire est une histoire de la plus haute moralité".

La jeune héroïne s'y refuse avec entêtement de se laisser entretenir par quiconque, fût-ce le plus irréprochable des légitimes époux.

Et ce roman d'abord est moderne par le féminisme qu'il affiche.

Pourtant, Claude Farrère, qui toujours se refuse à être "l'ignoble réactionnaire", s'y lance dans une vibrante leçon de choses sur le colonialisme généreux à la française où prévaut l'équité et la libre collaboration entre le colon et l'indigène.

Et six pages plus loin, décrit avec force admiration le train d'une bonne maison "servie par huit ou dix boys et quatre ou cinq congaïs qui, disciplinés à miracle, obéissaient à souhait".

Mis il n'en reste pas moins que les aventures de Mimi-Cô Mi, "une jeune fille voyagea" est un roman passionnant et sensible.

Et que les voyages, qu'ils se fassent à bicyclette, par auto, en sleeping, en paquebot, à pied, à cheval ou en sampang, forment la jeunesse ... et peuvent mener une jeune fille jusqu'aux portes du Tonkin ...









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Le juge assassin

Le juge est-il un assassin ?

Avez-vous lu Balzac ?

Si vous l'aviez lu plus attentivement, vous sauriez qu'un juge peut être une bête dangereuse.

Alcide Ferlot, s'il avait été coupable, aurait dû foutre le camp.

Innocent, il n'avait qu'à se méfier !

Alcide Ferlot était surnommé "Bébé Biberon", parce qu'il ne buvait jamais que de l'eau, du thé et du café, parfois.

Mais il usait assez régulièrement de pilules d'une substance inconnue qu'il appelait sa drogue Monte-Cristo, parce qu'il en avait trouvé la recette dans Alexandre Dumas-père.

Alcide Ferlot était un artiste.

Décorateur, costumier et éclairagiste de génie, il était le maître d'oeuvre des plus grandes scènes de théâtre parisiennes.

Mais pour son plus grand malheur, sa route a croisé celle du juge Hyacinthe-Jules Sarriare qui lui reprochait d'avoir fait commerce et d'avoir usé de stupéfiants interdits par la loi ...

L'inconvenance et la mauvaise foi la plus totale sont de mise dans ce livre.

L'auteur y assume un dangereux parti-pris pour la drogue !

Il y prône une justice à deux vitesses, suivant la personnalité de l'accusé et les services rendus par lui à la société !

Il y rend sympathiques des policiers laxistes qui entravent leur propre enquête !

Il y dévoie la plus pure jeunesse, en envoyant la jeune Marguerite Tardieu, entre deux devoirs, porter des menaces de mort à un magistrat de la république française !

Quelle immoralité ...

Mais quel Plaisir de lecture !

Ce petit roman policier malicieux, bien adapté, ferait une excellente pièce de théâtre.

Paru en 1954, il est l'avant-dernier livre, le dernier roman, écrit par Claude Farrère.

L'écrivain-marin, que l'eau salé a décidément lavé de tout préjugé bourgeois, tire sa révérence sur une pure fantaisie.

Il y a du "Zazie dans le métro", du "Bébert et l'omnibus" là-dedans.

Le ton est sarcastique, moqueur même.

Le récit est cocasse.

Les personnages sont croustillants.

Marguerite Tardieu, d'abord, la fillette de l'inspecteur de police.

Mais aussi Aline Chaliapette, une fort jolie artiste du théâtre St Georges.

Sans oublier le serviteur Yvon Conan, un ancien canonnier de la flotte.

Ce petit livre est un régal.

Claude Farrère, ici, s'amuse.

Une fois de plus, il brouille les pistes.

Et, bien mal avisé, qui penserai pouvoir épingler sur le revers de son costume d'écrivain une quelconque étiquette ...







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L'homme qui était trop grand

Mais quel personnage de l'Histoire de France peut donc être cet homme qui était trop grand ?

Ce livre est un roman historique écrit à quatre mains.

Deux grands écrivains puissant, en 1936, ont associé leur plume alerte et suggestive, se sont installés à l'écritoire : Claude Farrère et Pierre Benoît.

Octobre 1587, la reine Catherine de Médicis est une vieille dame.

Son fils, Henri III, le seul qu'elle ait vraiment aimé, règne sur un royaume rongé par les querelles, les fanatismes, les délires accumulés et déchaînés.

S'y livre une lutte féroce entre les catholiques et les huguenots, entre les hommes d'état et les hommes d'épée, entre les hommes d'intrigue et les hommes de cour.

Zita de Santarem, pupille du vieil ambassadeur d'Espagne et fille d'honneur de Catherine de Médicis, se lance sur la route d'Espagne escortée par François de Liancourt, un jeune gentilhomme lorrain qui est de fait un peu ligueur.

Leur route va croiser celle de Savinien de Reversac, gentilhomme gascon, appartenant donc au parti du béarnais Henri IV ...

Le livre est dédié à Alexandre Dumas.

Il sera dit qu'après lui, chaque ouvrage du genre comme semblant lui devoir droit d'auteur, devra lui attirer une dédicace.

Pourtant ici, pas d'excès, ni de tromperies.

Même si l'enfant est magnifique, il n'a pas été question de violer l'Histoire pour le concevoir.

Le récit est précis et fourmille de détails.

Mais il n'est posé que sur très peu de contexte.

Les deux auteurs sont en territoire connu.

Ils se lancent sans barguigner dans le coeur du sujet.

La reconstitution historique est flamboyante : la bataille de Coutras, celle qui fit du béarnais l'homme puissant du royaume ; la cour d'Espagne ; Paris en rébellion, Paris hérissée de barricades d'un genre nouveau ...

Les personnages sont peints de la meilleure huile, sont sculptés du meilleur ciseau.

Ils ont, pour l'instant de quelques pages, repris vie.

Claude Farrère et Pierre Benoît se permettent même de lancer un croche-pied : "pas un historien français n'a compris cette assez grande reine qu'était Catherine de Médicis".

Voilà qui est dit !

Voilà qui est expliqué ...

Le livre est dédié aux quarante-cinq,

à Monsieur d'Angleretz, dit Chicot, fou du roi qui, ni difforme, ni bossu, fût pourtant le meilleur et le plus hardi dans le rôle,

à Monsieur Maurice Maindron, spécialiste des costumes et des armes anciennes,

à Monsieur Alexandre Dumas, premier du nom,

et au longanime roi Henri, quatrième ...

Il n'a pas été dédié à Henri le balafré, montré comme un félon, un traître prêt à brader le royaume de France pour quelques milliers de livres ...

Des deux mêmes auteurs, en 1936, deux autres romans historiques, "Frère Jacques" et "Le cavalier sur le pont", étaient en "préparation", et qui ne semblent jamais être parus.

Quel dommage ...
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Pierre Loti

Claude Farrère prétend, ici, dissiper un malentendu.

Longtemps, il a été présenté comme le disciple choisi de Loti, comme un très intime ami, ou même comme son héritier spirituel.

Mais dès les premières pages, Farrère l'affirme.

Il n'en est rien.

Il n'y eût jamais, dit-il, aucune affinité entre les deux hommes.

Seul un hasard les fit se rencontrer.

Pourtant, le livre entier est un démenti de ses premières lignes.

C'est un livre de souvenirs, un livre sensible et délicat, un livre tissé d'émotions.

Le livre est un hommage à Loti.

Mais le propos n'est pas, ici, de confectionner une quelconque biographie, ni de composer une analyse littéraire de plus.

Il est de montrer Loti, tel qu'il était.

Le livre se décompose en deux parties principales : la première est la retranscription du journal que Farrère écrivit, d'octobre 1903 à septembre 1904, à bord du petit croiseur "Vautour" que commandait, en Turquie, le capitaine de frégate Julien Viaud.

La seconde est dernière visite que fit, à Rochefort, Claude Farrère à Pierre Loti.

Plus encore que dans ses autres livres, le style de l'écriture de Claude Farrère est ici splendide.

Il est magnifié par l'émotion.

Car, bien sûr, le livre parle de Loti, mais Claude Farrère s'y dévoilant, se révéle comme un homme sensible, un officier de marine attentif et un écrivain passionné de littérature.

Il émane de la dernière partie une profonde tristesse baroque.

Mais que le lecteur soit prévenu.

Ce livre n'est pas fait pour ceux qui ne le comprendrait pas.

D'ailleurs Farrère les supplie de ne pas le lire.

Ce n'est pas pour eux qu'il a été écrit.

L'ouvrage est fait de ce que, ni l'un ni l'autre des deux hommes n'ont dit, car ce qu'ils ont dit l'un et l'autre ne sera jamais pour d'autres que pour eux deux.

J'ai lu ce livre d'une traite, et ce qui ne m'était jamais arrivé, aussitôt, je l'ai relu, plus doucement encore, par peur de devoir le quitter trop vite ...

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Bêtes et gens qui s'aimèrent

Le titre est trompeur.

Il promet ronronnements et amitiés animales.

Le premier texte, "Une vie", est un leurre.

Il installe le lecteur, bien confortablement dans une lecture attendue.

Mais de bêtes, il ne sera ici question, durant quelques pages, que du "chat-comme-ça", dont le début de l'existence ne fut qu'une longue suite d'expériences pénibles, douloureuses et finalement formatives.

Finalement, c'est de gens qui s'aimèrent qu'il sera question.

Un brin de cynisme,

un rien d'humour,

un soupçon de fantastique,

de l'imagination à revendre,

quelques souvenirs,

beaucoup de désir et d'amour,

et toujours un style d'écriture à faire pâlir d'envie tous les prix littéraires de la contrée.

Voilà la recette de ce livre inattendu !

La plume est ici trempée dans un mélange d'élégance, de férocité et de subversion.

On frise le vaudeville, puis le drame ... qui pourtant survient.

Certaines des histoires de ce recueil sont tout bonnement effroyables.

Pourtant Claude Farrère, en véritable homme du monde qu'il est, toujours se montre courtois, indulgent avec la gent féminine, se montrant féroce et impitoyable avec l'homme qui la méprise ou ne sait la comprendre.

Claude Farrère est ici plus parisien que marin, plus féministe que débauché.

Tout au long de cet ouvrage, seules, les larmes auront le goût du sel.

Mais soyez en sûr, le cynisme n'y est que façade.

L'on découvre, derrière ses mots, un écrivain épris de liberté, libre de moeurs, dédaigneux de toute médiocrité et à l'avant-garde de ce vingtième siècle qui s'annonce.

Le livre est étonnant et délicieusement subversif.

Il ressemble à un badinage amoureux que, pour le plaisir du lecteur, l'on aurait trempé dans du vinaigre !

Voilà un livre qu'il serait impardonnable de ne pas ouvrir ...

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Cent millions d'or

Qui n'a jamais été tenté par une belle chasse au trésor ?

Ou par une bonne lecture ?

Autant le dire sans tarder, Claude Farrère, lui-même, prévient le lecteur bénévole, qu'il n'est pas toujours d'humeur à écrire gravement des choses graves.

Car il n'est point défendu de se distraire quelquefois entre braves gens !

Néanmoins, à l'aide d'un petit avertissement préliminaire, il sollicite l'indulgence.

"Cent millions d'or" est un petit bijou de 185 pages.

Préalablement à sa mise en volume, en 1927, chez Flammarion, il est paru dans le quatrième numéro du journal "Demain" publié en juillet 1924.

Il aurait pu s'intituler : "le secret du Tubelgeria".

Ce paquebot, ayant appareillé le 16 mars 1917 de Rotterdam pour New-York, aurait été torpillé par le sous-marin allemand U.84.

Il contenait pourtant cent millions d'or envoyés par les mêmes allemands à leur ambassade américaine.

Le trésor, dix ans plus tard, reposait toujours par 36 mètres de fond aux coordonnées de 51° 55' 22" de latitude et de 3° 35' 10" de longitude ...

"Cent milions d'or" est une série d'aventures à la fois classiques et rocambolesques.

Elles valent surtout par le ton goguenard du récit et le style d'écriture élégant du livre.

Claude Farrère est généreux dans sa prose comme seul sait l'être un vrai marin.

Une fois de plus, il nous offre une truculente galerie de portraits.

Une fois de plus, la femme y est à l'honneur.

Car poussés par leurs compagnes, et renseignés par le clochard irlandais Pat O' Donoghan, le grand armateur Tieresse, son secrétaire Jean-Paul Chappart et le capitaine au long cours Trouduc vont se lancer dans une extravagante chasse au trésor.

Le lecteur a été prévenu, du moins celui qui a pris la peine de lire l'avertissement préliminaire :

"le plus extravagant de cette extravagante histoire est qu'elle vraie"

On hésite à le croire !

On embarque cependant avec plaisir sur le Skagerrak ...

On revêtirait même bien une bonne vieille tenue de scaphandrier ... des scaphandriers qui, ici, payés à la journée, traînent leurs "pied lourds", et s'offrent même, au fond de la mer, le plaisir de jouer aux cartes ...

Ce court roman, au titre éponyme, est suivi dans le livre par trois courtes nouvelles :

- "le suicidé", un texte digne du théâtre du "Grand-Guignol" ...

- "fin de planète", un court texte de science-fiction furtive et explosive ...

- "l'an 1937", une jolie petite uchronie où l'on reparle du tunnel sous la Manche ...



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La seconde porte

"La seconde porte" s'est ouverte pour Claude Farrère douze ou quinze ans après "La porte dérobée".

Elle est celle qui le ménera de son adolescence à son âge adulte.

Est-ce le marin ou l'écrivain qui l'a marquée, en 1945, d'un livre de souvenirs et de réflexions ?

On ressent d'abord dans ce second tome de mémoires la même gêne à la lecture que dans l'opus précédent, mais très vite le style de Farrère réapparaît et dissipe le malaise où s'était engluée "La porte dérobée".

"La seconde porte" est un livre passionnant.

Elle est l'indispensable occasion de mieux apercevoir l'homme derrière l'écrivain.

Méconnue, souvent injustement étiquetée et décriée, sa stature a quelque chose d'antique.

La géométrie pure, pour lui, ne méne-t-elle pas à la philosophie, à la théologie et à la musique.

Trois choses qu'il place au-dessus des hommes.

Je tiens Farrère, et je soutiens fermement le fait, qu'il a été, et qu'il est toujours, le plus intéressant, le plus pénétrant, le plus prolifique et le plus sincère des "marins-écrivains" que nous donna la littérature française.

Son "Histoire de la Marine Française" est d'ailleurs certainement celle qui reste la plus définitive de son époque.

"La seconde porte" n'est pas un récit de voyages, et encore moins d'aventures.

C'est un autoportrait, un brillant morceau de littérature.

Farrère est un homme sensible et fidèle en amitiés.

N'écrit-t-il pas ici avoir voulu mettre dans sa vie un peu de douceur, un peu de loyauté, un peu d'honneur même et de l'amitié.

L'homme est du XIXème siècle.

Et sa plume y est encrée.

Son tracé est élégant, rigoureux et fantaisiste à la fois.

Il est un mélange de vieux principes et d'audacieuses nouveautés.

Surtout Claude Farrère, même s'il ne craint jamais de choquer les vieilles barbes, professe à travers tous ses livres un amour et un respect pour la femme à qui, courtoisement, toujours il offre ses meilleurs personnages.

Comme Loti, il est un orientaliste.

Et sa plume y puise la délicatesse, le dépaysement et la sincérité qui la rendent inimitable et indispensable ...

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L'autre côté :contes insolites

C'est un rendez-vous un peu spécial que nous donne Claude Farrère avec ce livre.

Immense auteur de littérature maritime, il s'aventure ici sur les rivages de l'étrange, de l'insolite.

Son propos n'est pas, à proprement parler, fait ni de science-fiction, comme souvent il a été dit, ni de fantastique, et pourtant ...

Ce recueil de nouvelles est composé de quatre parties : "Rêves", "Fantômes", "Hasards" et "Trois contes de Noël".

Les textes sont très courts et, alternant époques, lieux et personnages semblent rebondir entre eux.

Même si au milieu de l'ouvrage, un petit essouflement d'ennui se ressent dans sa lecture, "Lautre côté" est un livre magnifique.

Sur le contenu de tous ces petits récits, il ne faut point trop en dire.

Ce serait déflorer le plaisir du lecteur à venir.

L'étrange voyage, entre autres escales, appareillera vers la Chine, l'Ecosse, la Turquie et vers la baie d'Halong à la poursuite du grand serpent de mer durant une belle nuit de Noël ...

Claude Farrère nous invite ici à quelques insolites voyages dans le temps, l'espace et les rêves.

Qui pour cela serait plus indiqué qu'un marin doué d'une plume élégante, délicate et sûre.

Par un pur hasard, il y a peu, je suis tombé sur un article publié, ce mois-ci, dans un grand journal télévision se targuant généralement de grande culture.

Son titre était : "Trois raisons de (re) lire Claude Farrère, écrivain d'extrême-droite ... injustement oublié".

Injustement oublié ... certes !

Mais peut-on, aujourd'hui, accoler à l'homme, à l'écrivain qu'est Claude Farrère, né au XIXème siècle, l'étiquette "d'extrême droite" ?

A mon sens, L'article, très court, très synthétique, est flatteur pour la plume mais souffre, dans son positionnement politique de l'homme d'une manque de connaissance et d'un décalage de compréhension du contexte.

Ce qui est un défaut intellectuel très contemporain.

Je m'en excuse à l'avance auprès de lui, mais j'invite son auteur, Mr Prolongeau, à se plonger, plus profondément dans l'oeuvre de Farrère, et à éviter les titres un peu "démago".

Car Claude Farrère est, vu de notre époque, un homme complexe à saisir.

Pour revenir de "L'autre côté", où les textes ont parfois force de paraboles, on peut en dire que le style y est ciselé, que le propos n'est parfois dénué d' un fin humour, et que les récits sont imaginatifs et disparates.

Mais que toujours le marin retourne à la mer ...

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La sonate tragique

Lorsque je je m'apprête à tourner les premières pages d'un livre de Claude Farrère, c'est généralement bien calé dans mon canapé, un bon thé chaud à portée de main, ou, à la belle saison, allongé sur le sable, entre deux baignades ensoleillées.

Bref, je ne suis pas homme à bouder mon plaisir.

Déjà, mes lectures m'avaient porté vers une première sonate donnée à la mer, où Claude Farrère avait pianoté, en 1952, trois aventures exotiques d'un autre temps.

De cette "Sonate Tragique", écrite quelques deux ans plus tôt, j'attendais le même bonheur.

Mais, un livre ennuyeux, lorsqu'il d'un auteur que l'on aime, n'en est que plus décevant.

Trois courts romans, ou longues nouvelles, forment le corps de l'ouvrage : "histoire d'une pendulette", "la chatte blanche et le singe bleu" et "les deux martyrs".

La plume de Farrère y semble avoir perdu de son élégance, de sa force.

Le mot n'y est ni aussi envoûtant, ni aussi dramatique qu'à l'accoutumée.

Il ne parvient pas à se saisir d'aucun des trois récits.

Ce livre est celui d'un mondain, d'un écrivain repu ou d'un aventurier fatigué.

Claude Farrère y a manqué de souffle, d'inspiration.

Seul, le premier texte, "histoire d'une pendulette" m'a un petit peu accroché.

Cette pendulette est un cadeau fait à l'auteur, qui le suivit durant presque quarante ans dans tous ses voyages.

Elle fut la récompense d'un service rendu à deux jeunes enseignes de vaisseau à la suite du naufrage de la Saale devant le port de Casablanca ...

Ce premier récit est à tiroirs.

Il conte le naufrage du navire, les démêlés judiciaires qui en découlèrent pour son commandant et les deux chefs de quart incriminés, la vie de couple de l'un d'eux et l'affaire de la triple lettre que Farrère fit publier, en février 1911, dans les journaux pour empêcher le vote parlementaire d'une réforme qui eût été fatale à notre flotte militaire.

Mais le plaisir de la lecture est ici délayé et l'ennui s'installe rapidement.

Seul le portrait d'Aline, la jeune compagne de Lorrisset, suscite quelque peu d'intérêt.

Il est la peinture chinée d'une maîtresse bourgeoise, sorte d'épouse illégitime, éprise d'un amour tendre et attentionné et pourtant indifférent.

Le temps de cette courte critique, déjà, les deux autres textes du recueil se sont perdus dans l'oubli, le livre s'est posé dans un coin de bibliothèque pour n'en ressortir jamais ...

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La dernière porte

"La dernière porte" ne fait pas suite, comme on serait en droit de le croire, à "La porte dérobée" et à "La seconde porte" qui étaient deux recueils de souvenirs.

"La dernière porte" est un roman.

Et dans un petit renvoi de la 143ème page, Claude Farrère est catégorique :

"Ce roman n'a strictement rien d'une autobiographie.

Les aventures du personnage Hubert La Fresne ne rappellent de près ni de loin celles de l'auteur".

Tout de même ...

Tout de même ... la silhouette imaginaire du personnage en question, au détour du récit, semble s'encadrer parfois, comme une ombre, derrière celle de l'écrivain qui tire les ficelles de son destin.

Un livre peut-il vieillir ?

Peut-il vieillir, bien ou mal, comme une femme, un homme qui auraient traversé les années sans même y prendre garde ?

Ce livre a vieilli.

Transposé hors du temps où il a été écrit, là où il a dû être passionnant, il n'est plus qu'un honnête ouvrage, attachant et bien écrit.

Ce livre raconte la vie d'Hubert La Fresne, un homme, ordinaire parce qu'ayant manqué dans sa vie tout ce qu'il y a entrepris, mais exceptionnel parce que, marin, avocat, politicien, diplomate et grand amoureux des femmes, toujours il se refusa à mentir.

Le récit est long, peut-être trop.

Claude Farrère a entremêlé la vie de son personnage avec les événements politiques qui l'ont marqué et avec sa propre vision du monde.

Ce qui rend, par manque de repères, la lecture un peu ardue.

De plus on finit par se lasser de ces histoires de coeur, toutes un peu extravagantes, qui émaillent le destin du personnage.

La plume de Farrère semble s'être un peu émoussée.

Pourtant le livre est intéressant.

Il est émaillé de réflexions philosophiques, historiques, religieuses et métaphysiques.

Son auteur, même s'il semble vouloir le cacher, y a mis beaucoup de lui-même.

Certains diront "radotage" de vieil écrivain ...

Par tendresse pour ce dernier, je dirai "quelques lignes sans véritable conséquence" dans l'oeuvre de celui-ci ...

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La marche funèbre

Cet ouvrage, indéniablement, n'est pas une clef d'entrée dans l'oeuvre de Claude Farrère.

Il est, malheureusement, à glisser plutôt dans le bas de la pile de ses livres à découvrir.

Parue, en 1929, chez "Ernest Flammarion, Editeur", "la marche funèbre" est un roman.

A Saint-Jean-de-Luz, en 1912, mademoiselle Isabelle Hennebont épouse Paul de la Bohalle.

Le mariage est mondain, le couple assorti.

Forse que si, forse que non !

Fred Pahecq avait demandé la main de la jeune fille à sa mère qui, sans raison apparente, lui avait refusé ...

En quelques mots le décor est planté, les personnages ont acquis leur épaisseur.

Le drame, immoral et cruel, peut broyer la jeune femme ...

Le roman est daté.

Il est caractéristique de ces romans de moeurs qui ont fleuri à la fin du XIXème siècle.

Il en a tous les défauts et quelques-unes des qualités.

De plus, il est s'étire et la lecture s'essouffle.

Pourtant, il est une véritable peinture de son époque.

Et Claude Farrère, y montre l'autre aspect du talent de sa plume, moins connu, moins évident que son aptitude à dépayser, celui d'exposer, de peindre, d'attacher une forte psychologie à ses personnages.

L'arrière-pensée de ces derniers n'a jamais pour lui aucun secret.

Claude Farrère, une fois de plus, dans ce roman, se révèle être un véritable auteur féministe.

En effet, ici, comme toujours dans ses livres, la part belle est faite aux femmes.

Que ce soit dans des amours purs ou dans des scènes de débauche, dans le bien comme dans le mal, dans le luxe d'un hôtel particulier parisien ou au fond d'une fumerie d'opium, la femme y est toujours dépeinte plus forte, plus intelligente et intuitive, plus sincère que l'homme.

Claude Farrère aime écrire et dédier ses livres aux femmes.

"La marche funèbre" est un bon livre, un peu vieillot, un peu longuet, mais finalement assez théâtral dans sa forme et dans son déroulé.

Peut-être est-ce pour ça que je l'ai aimé malgré toutes ses imperfections ?

Et puis, en première page de mon broché, l'auteur a signé d'une magnifique écriture tracée à l'encre de plume violette.

Alors pourquoi gâcher son plaisir ? ...

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L'homme seul

Voilà un livre que l'on pourrait croire sorti tout droit du "grenier", l'antre où Edmond de Goncourt se plaisait à recevoir chaque dimanche les grands écrivains de son époque.

Claude Farrère n'y était pas un assidu.

Mais il est décrit comme un occasionnel dans le livre "Mes Goncourt" de Pierre Descaves.

De nombreuses années plus tard, en plein milieu de la seconde guerre mondiale, aurait-il écrit ce roman pour y réaffirmer son attachement ?

"L'homme seul" est l'histoire d'un écrivain.

C'est un roman composé de trois parties : "l'essor", "plein vol" et "la foudre".

Gilles Auxerre est né à l'improvisade.

Le siècle XIX est fini.

Le siècle XX commence à peine.

Le jeune homme veut, par amour, forcer la chance, et la lettre.

Il va écrire trois premiers livres qui comptent : "la chanson de la vie", "les combattants" et Féroce comédie".

Reconnu comme le premier de sa génération, il n'arrivera pas à écrire le quatrième qu'il désirait situer au delà de la matière et du mouvement ...

"L'homme seul" est l'histoire tragique d'une vie gâchée.

C'est un roman un peu long et fastidieux par moments.

On n'y ressent pas la force que Claude Farrère sait d'habitude insuffler à sa littérature.

De plus l'élégance semble avoir quitté sa plume.

On pressent derrière elle un écrivain fatigué, un homme vieillissant se rapprochant d'un dieu que jusqu'ici il avait dédaigné.

De plus, les personnages féminins ne sont pas épaissis, ce qui donne au récit comme un air bancal.

Le récit peut apparaître comme lent et monotone.

Mais la dernière page refermée, le lecteur que je suis s'est senti récompensé de ne pas avoir calé dans sa lecture.

Car, au final, malgré ses défauts, ce roman est un livre dense, une parabole tragique sur l'incertitude de la condition humaine.

Lorsque un destin trébuche toute sa vie durant contre une foule de menues trahisons, dont la somme empoisonnerait la vie du philosophe le plus stoïque ...

La dernière partie du roman est certainement la plus réussie des trois.

Son triste épilogue est de ceux qui relancent l'intérêt.

Et puis, de passage dans le Cotentin, dans sa dernière errance entre la Hague, Barfleur et Martinvast, Gilles Auxerre y rencontre un homme de nombres, de droites et de courbes, Vincent Tyrosse, professeur de mathématiques au lycée de Cherbourg ...

De retour au "pays" pourquoi alors bouder son plaisir ...





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La porte dérobée

Il y a peu à dire de ce livre, sinon que c'est un livre de souvenirs, et qu''il est le rendez-vous littéraire, un peu manqué, de Claude Farrère avec son enfance.

Le premier chapitre était prometteur.

Les premières lignes s'y révélaient étranges, intrigantes.

Elles promettaient, peut-être, la révélation d'un secret universel, celui du passage de "la porte dérobée" qui mène à l'âge adulte.

Malheureusement, Claude Farrère, devant cette porte dérobée, a abandonné le style naturel de sa plume pour adopter le ton babilleur de l'enfant qui grandit.

Et le livre en est gâché.

Ce livre est fait de beaucoup de nostalgie.

Mais la nostalgie des uns n'émeût pas forcément les autres.

Et Claude Farrère, une fois n'est pas coutume, n'a pas réussi à entraîner à sa suite le lecteur pourtant fidèle que je suis.

J'ai lu ce livre sur un rythme accéléré par l'ennui, avec l'envie d'en sortir au plus vite, et avec dans la tête la question du choix d'une prochaine lecture ...

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Roxelane

Roxelane est une ode à la beauté, à la beauté d'une femme et de ses yeux pénétrants, à la beauté du théâtre et à celle d'un Orient raffiné et haut en couleur.

"Roxelane" est une pièce de théâtre en trois actes, écrite par Claude Farrère.

Mais qui, destinée au théâtre lyrique, n'a finalement jamais été jouée.

Elle a été publiée, en 1920, dans la collection de "l'édition originale illustrée" des éditions "Édouard-Joseph" de Paris.

Le rideau se lève sur Stamboul, et sur le haremlick du sérail impérial ...

Le sultan Suleïman est l'époux.

Il est le roi des rois, l'ombre de Dieu, le khan de tous les khans, le sultan de tous les sultans, victorieux à Belgrade, Rhodes et Pesth.

Il est celui qui n'a jamais fui.

Sa première épouse est cadine Hasséki.

Son fils est le shah Zadeh.

Après avoir vaincu les infidèles à Beyrouth, le sultan est de retour.

Son vaisseau est au port, chargé de butin et d'esclaves.

L'une d'elle est la jeune vénitienne Roxelane, accompagnée de sa nourrice Khondjé Gul.

Pour elles, le lieu est terrible, le sultan épouvantable et la première épouse effrayante comme la mort !

La pièce prend vite des allures de tragédie antique.

La trahison et la perfidie s'y insinue comme le venin du serpent lorsqu'il a mordu.

Azraël, l'ange de la mort, déjà a marqué un front, celui de l'homme qui a souillé le harem, qui s'y est introduit du dehors.

Pour le coupable, un linceul de chanvre et le Bosphore profond pour tombeau ...

Cette très belle pièce est une pièce d'ambiance et de décorum.

Mais c'est aussi une magnifique histoire d'amour.

On y ressent la splendeur de ce seizième siècle à Stamboul où la finesse des moeurs voisinent avec la cruauté, où les colonnes de marbre surplombent les vasques et leurs jets d'eau, les tapis et les alcôves prises dans les murs.

La vieille ville de Stamboul est le décor de quelques livres, et de beaucoup de nouvelles écrites par Claude Farrère.

Claude Farrère connaissait bien la Turquie où il avait séjourné quelques années durant, et après, sa carrière militaire sur les vaisseaux de la République.

L'écrivain s'y était passionné pour l'âme turque polie par des siècles et des siècles d'une brillante civilisation.

Et il rend, ici, à cette âme turque tout ce qu'elle lui a offert d'émotion, d'intérêt et de beauté.

Rehaussé de quarante-sept bois dessinés et gravés, le livret qui contient la pièce est aujourd'hui devenu rare et forcément un peu cher à l'achat d'occasion.

Mais sa lecture est un petit moment de délicatesse et de fine littérature qu'il serait dommage de ne pas avoir glissé dans sa bibliothèque ...

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mes voyages : la promenade d'extreme - orient

Ce livre est l'aboutissement d'un rêve de gosse, un gosse de cinq ans qui des quais de Marseille voyait partir les longs courriers d'outre-océan.

Un gosse de cinq ans qui aurait bien voulu être à bord, et qui, parvenu à l'âge adulte, y a été.

Pour l'enfant qu'était Claude Farrère, trois pays représentaient les confins du monde : la Chine, la Cochinchine et le Japon.

"Mes voyages" sont une promenade en Extrême-Orient, la transcription de quelques causeries données à Paris en janvier, février et mars 1923.

Il faut d'abord partir pour arriver ...

Le départ se fera donc de Paris, de la gare de Lyon, avec le fameux train bleu, le "Calais-Méditérranée-Express", en sleeping bien sûr.

Puis, à Marseille, ce sera l'embarquement sur un paquebot.

Quarante jours de mer pour un beau et dépaysant voyage.

Et, embarquer avec Claude Farrère, c'est l'assurance que ce voyage soit aussi littéraire et plaisant.

Saviez-vous, par exemple, que Port-Saïd n'est pas une ville mais un buffet de grande gare ?

Farrère a un regard sur le monde de son époque qui n'appartient qu'à lui, une vraie originalité dans l'observation faite de culture et de respect.

Et toujours il y convie Loti, Musset, Ovide et quelques autres ...

Ici, le XIXème siècle, qui vient à peine de se refermer, s'invite également.

Ce livre est un récit de voyages agrémenté d'anecdotes, de souvenirs, parsemé de vieilles connaissances et d'endroits familiers à son auteur.

Parfois même le fantasque s'invite, le merveilleux et l'imaginaire tel ce serpent de mer du Faï-Tsi-Loung aperçu* une fois de plus en 1898 par la canonnière "l'Avalanche".

Le livre de Farrère a beaucoup de qualités, et des meilleures.

Il a bien quelques défauts de son époque, mais des moindres.

Il a d’ailleurs été dit beaucoup de bêtises sur Farrère, souvent sans l'avoir lu, parfois en n'attrapant à la volée que quelques lignes.

Farrère était un homme de son temps, un officier de marine, un homme d'action et d'opinions qui aujourd'hui n'ont plus cours.

Claude Farrère dit ici, dans "mes voyages", qu'il s'est promené des années par le monde.

Qu'il a aimé à peu près tous les hommes et tous les peuples qu'il y a fréquentés.

Mais que c'est dans le peuple chinois qu'il a reconnu les plus grandes profondeurs intellectuelles et morales, dans les peuples musulmans qu'il a rencontré la bravoure, la tolérance et la loyauté, au Japon qu'il a observé l'énergie, l'intelligence et la sagesse.

Et, même si ce livre se referme sur une spéculation hasardeuse et démentie depuis par la tragique conclusion de la seconde guerre mondiale, il n'en demeure pas moins que ce récit de voyages est un bonheur de lecture fait de culture, de paysages dépaysants et de longs jours de mer enchanteurs ...



*Mr Paul Doumer assistait, en 1923, à la conférence au cours de laquelle Claude Farrère rappela ce vieux souvenir. Se souvenant, il approuva d'un geste le conférencier. Il n'avait pas oublié !
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Fern-Errol

Claude Farrère, sur la fin de sa carrière d'écrivain, semblait tenir à "Fern-Errol" plus qu'à tout autre de ses livres.

Puisque, dans un de ses derniers romans, l'ayant placé sous le bras d'une jeune fille exaltée, il semble s'en féliciter et en tirer fierté.

Pourtant ... "Fern-Errol" ne s'avère être, en définitive, qu'un marivaudage morne, répétitif, et sans beaucoup d'intérêt.

Gérard Fern-Errol, à soixante ans, est un illustre chirurgien qui a pour "vieux" amis le compositeur et mari infidèle Amédée Montfermeil, ainsi qu'Eric Selva, scientifique touche-à-tout deux fois prix Nobel.

Gérard Fern-Errol va vivre, à l'automne de sa vie, une étrange histoire d'amour avec Mme D'Eyze, une amie de longue date que la vie n'a pas épargnée ...

La plume de Claude Farrère ne semble pas inspirée par l'histoire que lui sussure le désir du grand écrivain maritime.

Le récit manque de coeur et de souffle.

La prose, manquant de style, a vieilli.

Tout ce qui fait l'intérêt de la littérature de Farrère est ici absent.

Le lecteur s'ennuie et ne parvient pas à s'attacher aux personnages, à vibrer à l'unisson de leurs sentiments.

Ce roman est d'un autre temps.

Il ne parvient pas à s'en extirper.

Il résonne comme le dernier mouvement de révolte d'un écrivain vieillissant contre la course du temps l'éloignant d'un amour définitivement perdu.

Et sa plume en semble comme désemparée ...



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Sillages

Incongrûment, à la lecture de "Sillages", une idée ne me quitte pas.

Il me paraît impossible que Claude Farrère n'ait pas écrit ce livre pour moi, rien que pour moi ... et peut-être un peu pour vous, peut-être ?

Une fois de plus, Claude Farrère y brouille les pistes.

Le titre promet de la littérature maritime, de celle que Farrère affectionne, pleine de bateaux gris et de destinations exotiques.

Et l'ouvrage s'ouvre comme un livre de souvenirs.

Après le rendez-vous littéraire un peu manqué de "La porte dérobée", voilà que Farrère se prend d'attirer son lecteur dans les "Sillages" de sa jeune carrière d'officier de marine et de ses débuts d'écrivains.

Mais sa plume a retrouvé ici dans son style toute la force et l'élégance qui font son caractère.

Ce livre est tout cela.

Mais c'est, aussi et surtout, un passionnant voyage au pays de la littérature, une formidable leçon d'écriture et d'inattendues suggestions de lecture.

Comment et pourquoi devient-on marin ?

Pourquoi un jour franchit-on la porte cochère de l'Ecole Navale ?

Quelle idée saugrenue pousse la main vers la plume pour que le marin se fasse écrivain ?

Claude Farrère, entremêlant souvenirs et démonstrations de littérature, analyse son rapport à la mer et à l'écriture.

La leçon est précieuse et magistrale.

Elle définit par l'illustration le conte, la nouvelle et le roman.

Elle replace à sa juste mesure la collaboration supposée entre Corneille et Molière.

Elle donne une kyrielle d'idées de lectures.

Elle encourage et prévient.

Elle va parfois à l'encontre des idées reçues.

L'art de l'écriture, s'il peut se travailler, ne s'apprend guère.

Il est un don.

Voilà qui va faire grincer des dents les techniciens de la Lettre !

Voilà qui me fait marquer un point supplémentaire dans le débat qui m'oppose depuis toujours avec un jeune homme dont j'ai la chance d'être le père.

Ce livre comporte aussi deux magnifiques portraits, ceux de Pierre Louys et de Pierre Loti.

Claude Farrère, qui reçut par TSF à bord d'un croiseur, la nouvelle de son prix Goncourt, alors que ce dernier n'existait que depuis deux ans, fait la démonstration avec ce livre, qu'un marin puisse aussi être un véritable écrivain.

Ce qu'il paraissait mettre en doute au début de son ouvrage ...

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