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Critiques de Javier Cercas (526)
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Anatomie d'un instant

Voilà un instant qui dure...500 pages, et 500 pages denses, touffues, presque sans paragraphe, 500 pages d'enquêtes quasi journalistiques, d'investigations poussées et d'interrogations impitoyables de toutes les données du sujet.



Et quel sujet ! 500 pages sur le coup d'état manqué du 23 février 1981 où un "quarteron de généraux" franquistes a failli, quelques années seulement après la mort de Franco et au tout début de la Transition , renvoyer l'Espagne à ses vieux démons dictatoriaux, à ses nostalgies mal éteintes d'une junte au pouvoir , sa prétendue fidélité à la monarchie cachant mal son désir de reprendre en mains, avec l'aide des forces les plus réactionnaires du pays-Opus Dei etc ..- une Espagne qui s'orientait doucement vers la démocratie et s'ouvrait enfin vers le reste de l'Europe ...



Le 23-F- comme disent les Espagnols se trouve donc décortiqué sous le scalpel aigu de Javier Cercas, anatomiste sans concession.



Mais, me direz-vous, où est l’œuvre romanesque, derrière cette enquête pleine d'exigence de vérité et cette analyse factuelle exhaustive d'une seule journée? Où sont les personnages, où va se fixer notre nécessaire identification? où notre rejet? où notre inquiétude et notre goût des péripéties? où ,même, notre réflexion si on s'en tient aux faits et rien qu'aux faits? où enfin notre goût immodéré pour le style, la structure, si c'est l'Histoire et elle seule qui a force de loi?



C'est là que Cercas, une fois de plus, m'épate et me sidère: ce roman VRAI est aussi un VRAI roman!



La structure n’est pas –et heureusement- une plate chronologie de la fameuse journée : elle part d’un document photographique –et même télévisuel, car toute la prise d’otages des membres du Congrès siégeant en séance a été filmée par la télévision espagnole – et épouse trois gestes, ceux de trois personnages emblématiques : ceux des trois seuls hommes qui ont refusé de se jeter à terre à l’arrivée des militaires, tirant à tout va dans l’hémicycle : Santiago Carillo, député communiste, leader du PCE, le général Gutierrez Mellado, ancien franquiste, vice-président et ministre du gouvernement Suarez, et enfin le président Adolfo Suarez lui-même, venu assister à sa dernière séance du Congrès, où il devait donner sa démission officielle avant de procéder à l’élection d’ un nouveau président.



Suarez reste assis à son banc de président malgré la fusillade qui crépite autour de lui, Mellado se met en écran entre son président et les putschistes armés , et Carillo, à l’extrême gauche de l’hémicycle affectée aux les communistes, fraîchement réintégrés à la vie politique espagnole après en avoir été bannis, va s’asseoir bien en face de Suarez, qui a été l’artisan de cette réintégration et est devenu son ami, et fume ostensiblement sous la mitraille…



Cercas se livre à une analyse fine, empathique et toujours pertinente de ces trois hommes, de ces trois héros qui ont en commun , outre leur fermeté et leur courage, d’être des hommes politiquement finis, critiqués violemment par leur propre camp et qui recouvrent le 23 février, en l’espace de 24 longues heures, une sorte de grandeur et de panache qui efface leurs erreurs passées et fait disparaître les hommes derrière l’aura de la fonction, inaugurant ainsi la naissance véridique de la démocratie espagnole.



Le style participe de cette mise en scène des trois gestes : il tâtonne, se répète, se cherche, s’élabore en lentes volutes, comme on affine un diamant, comme on patine une sculpture, comme on accorde des instruments avant de faire jouer l’orchestre…ainsi le lecteur retrouve les mêmes phrases, les mêmes mots mais agencés d’autre façon, dans une trame de plus en plus serrée, dans une perspective de plus en plus signifiante - comme s’affirme progressivement la vérité, comme montent dans le bain du révélateur les traits d’abord flous de la photo avant de se fixer , bien nets, en noir et blanc, sur le papier .



Cette dissection patiente n’a pas mis en pièces les personnages, non, elle les a constitués, elle les révèle comme dans le film de Rossellini, Le Général della Rovere, le misérable fasciste infiltré au sein des partisans par les Allemands sous l’identité glorieuse du Général résistant, finit par se sentir l’âme d’un héros et d’un vrai partisan : la fonction a créé le héros…



Pour nous, l’Anatomie d’un Instant a créé les corps et les âmes de personnages héroïques, historiques et éminemment romanesques. De cette anatomie des trois gestes, presque identiques, nous percevons, enfin, les différences et comment l’un –Suarez- se dégage des deux autres.



Et là on touche à l’émotion, à l’émotion pure. Je ne peux résister au plaisir de citer Cercas :

« Le geste de Suarez est presque identique au leur, mais en même temps nous sentons qu’il est différent et plus complexe, ou du moins c’est ainsi que je le sens, sans doute parce que je sens aussi que son sens complet m’échappe.IL est vrai que c’est un geste de courage et un geste de grâce et un geste de rébellion, un geste souverain de liberté et un geste de comédien, le geste d’un homme fini qui conçoit la politique comme une aventure, et qui essaie tel un agonisant de se légitimer, et qui pour un moment , semble incarner pleinement la démocratie, un geste d’autorité et un geste de rédemption individuelle, et peut-être collective, le dernier geste purement politique d’un pur homme politique, et pour cette raison éminemment violent ; tout cela est vrai, mais il est aussi vrai que, pour une raison ou pour une autre, cet inventaire de définitions ne satisfait ni le sentiment, ni l’instinct, ni l’intelligence, comme si le geste de Suarez était un geste inépuisable ou inexplicable ou absurde, ou comme s’il contenait un nombre infini de gestes. »



Qui peut dire qu’il ne s’agit pas là d’un style, au sens où il est une écriture exactement au moule du sujet ?



Qui , après la lecture de ce « pavé » et malgré certaines longueurs ou reprises un peu lassantes, ne se trouve pas emporté, bouleversé par le personnage de Suarez, ce Della Rovere espagnol ? Qui ne clôt pas ce livre en étant tragiquement conscient de la fragilité nécessaire et de la grandeur admirable de toute démocratie ?





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Le château de Barbe Bleue

Un texte auquel Javier Cercas a apporté une attention encore plus prégnante.



Les deux qui précédaient cette trilogie, à savoir « Terra Alta » et « Indépendance », étaient à mes yeux des réussites, surtout lorsqu’on sait que l’écrivain ne s’est mis que tardivement au roman policier (à la soixantaine). Dans ce troisième volume qui fait chronologiquement suite aux précédents sans qu’on ait fondamentalement besoin d’avoir lu les autres, on retrouve Melchor le bibliothécaire anciennement policier, sa fille Colette maintenant une ado de 17 ans, sa petite amie Rosa et quelques anciens compagnons de route ou de galère.

Cependant il y aborde un thème différent et que je trouve très actuel, celui des jeunes filles retenues dans des domaines prestigieux appartenant à de parfaits prédateurs.

Sa fille, venant d’apprendre que son père lui avait menti concernant les raisons de la mort de sa mère lorsqu’elle avait 3 ans, décide de poursuivre seule les vacances commencées à Barcelone en compagnie de sa meilleure amie Elisa. Très vite Melchor comprend qu’il lui est arrivé quelque chose et enclenche au plus vite une procédure de disparition. Cela n’arrêtera plus la spirale dans laquelle est engloutie Cosette.

Voila Melchor une nouvelle fois bouleversé, pris dans un ensemble de sentiments qu’il a toujours essayé de combattre : la colère, la haine et la vengeance. Concernant la haine, de très belles phrases sont dites par Melchor.



Le trafic d’êtres humains, ici essentiellement celui des très jeunes filles, ainsi que la corruption qui gangrène la presque totalité des Baléares, sont au coeur de ce dernier volet de la trilogie. S’ajoute un merveilleux décor de fonds que Javier Cercas dépeint si magistralement. Ce décor se révèle ici comme un indéniable piège à jeunes touristes dont un certain nombre ne rentreront plus chez eux, mais Cercas ne tombe pas pour autant dans ce côté niant niant rencontrés dans d’autres livres.



L’amitié est toujours présente en fond et aucun jugement n’est porté ; que des faits, rien que des faits dans ce monde de brut. Je le trouve même un peu trop gentil dans ce dernier volume. Le premier volume était plus incisif, ce que j’avais peut-être préféré à ce dernier qui se veut un peu trop douçâtre aux vues de la gravité des thèmes. C’est mon seul bémol, tout perso mais manifeste pour moi.



A noter également que la traduction m’est apparue comme une réussite elle aussi. Il s’agit d’Aleksandar Grujicic et Karine Louesdon ; le premier est serbe et a vécu en Espagne et en France, la seconde est française et traduit Cercas depuis « le Monarque des ombres » (zut pas lu, à mettre sur ma liste).
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Terra Alta

Le lecteur sort de ce livre avec un sentiment étrange d’âpreté, de rudesse et d’infinie tristesse. Il lit les critiques, souvent dithyrambiques mais ne s’y reconnait pas…Il n’aime pas ce flic, Melchor, ne crois pas à sa rédemption.



Melchor, fils de pute et de mille pères, étaient un psychopathe à l’intelligence aigrie. Et puis Melchor a trouvé en prison l’évangile selon Saint Javier : Les Misérables. Formidable tuteur de résilience, ce livre déterminera son destin. Melchor sera Javert, vrai gentil et faux méchant. Même si l’identification floutée à Jean Valjean fera de lui un héros de l’anti-terrorisme.





Le lecteur retrouve Melchor, marié et père de famille ( sa fille s’appelle Cosette, comme il se doit), intégré à la police de Terra Alta, une région brumeuse et viticole, au sud-ouest de la Catalogne . Il est désigné pour participer à l’enquête concernant le meurtre atroce d’un couple de nonagénaires richissimes. Melchor/Valjean/Javert/Cercas n’est pas au bout de ses peines. Tout comme le lecteur qui suit une trame narrative convenue.



Mais Melchor peut compter sur son avocat ( qui est peut-être son père biologique ?) pour se sortir d’affaire et naviguer entre 2 enquêtes ( il reprend celle concernant la mort de sa mère)



Le lecteur comprend assez vite que les vielles vengeances liées à la guerre civile n’en finissent pas de tarauder les auteurs hispaniques.



Bon, je vous dis cela dans le style d’un Javier Cercas, ici particulièrement sombre et opératoire. C’est un grand écrivain et je lirai la suite de cette trilogie un peu plus tard, c’est certain .

Et puis il faut que je poste ce billet avant que ce livre devienne translucide et que je perde une nouvelle fois le réseau.
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Terra Alta

Polar espagnol sur la « terra alta » catalane, lieux marquants de la guerre civile du vingtième siècle.



Un polar où l’histoire du policier prend beaucoup de place : son enfance avec sa mère qui vend ses charmes, son passé de voyou avant de devenir policier, sa tendance à vouloir châtier lui-même les méchants, ses amours et même la littérature, les livres qui ont contribué à façonner sa vie.



Nouveau venu dans la région, le policier a du mal à appréhender les secrets de ces lieux qui gardent en mémoire la Guerre civile, celle où l’ennemi peut être son voisin, son frère.



Un roman de qualité, mais j’aurais aimé que l’auteur explore davantage l’Histoire que les angoisses du héros que j’ai parfois eu du mal à trouver crédible.

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Terra Alta

Si vous cherchez un roman policier captivant et bien écrit, la traduction est cependant à parfaire, ne cherchez pas plus loin.





Terra Alta, de Javier Cercas, est le premier tome d’une trilogie, qu'il est indispensable de lire dans l'ordre chronologique, centrée sur le personnage fascinant de Melchor Marin.





L’auteur réussit à manier les conventions du genre policier tout en y insufflant l'âme de ses précédents romans, offrant ainsi une histoire très riche.





L’intrigue se déroule dans la région catalane de Terra Alta, où un odieux et affreux fait divers ébranle la région. Melchor Marin, un jeune policier héroïque, va contribuer à la direction de l’enquête. Celle-ci est tortueuse, mais c'est un régal de lecture, exhortant à ne pas abandonner le livre avant la résolution de l'intrigue.





Mais au-delà de celle-ci, Terra Alta est le prétexte pour aborder des thèmes essentiels tels que l’héritage de l’histoire espagnole et la complexité de la nature humaine. Le livre est par ailleurs un hommage à la littérature et à la lecture, plus particulièrement "Les Misérables" de Victor Hugo, le livre de chevet de Melchor : le conflit intérieur du jeune policier bouillonne entre Jean Valjean, le bandit, et Javert, le policier intraitable et psychorigide.





En bref, Terra Alta est un excellent roman policier qui offre à la fois une histoire et des personnages captivants, parfois complexes.



C’est un livre que je recommande vivement aux amateurs du genre.



Bonne lecture.



Michel.




Lien : https://fureur-de-lire.blogs..
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Terra Alta

Pour sa sécurité personnelle, afin d’éviter de possibles représailles, Melchor a été rattaché à l’unité d’investigation de la Terra Alta, il fait parfois des cauchemars liés à son autre vie. En Terra Alta il ne se passe jamais rien, c’est une terre inhospitalière, très pauvre. Une terre de passage, où ne restent que ceux qui n’ont aucun autre endroit où aller. Une terre de perdants.

Deux morts à l’intérieur d’un mas, deux personnes âgées, deux amas de chair ensanglantés, mélange de sang et de viscères qui ont aussi éclaboussé les murs. Le mari était un homme d’affaires de premier rang. La chambre du couple a été mise à sac, la domestique roumaine tuée elle aussi, d’une balle dans la tête. Un boulot d’experts.



Un récit noir, qui nous raconte une haine qui empoisonne une vie jusqu’à la moelle pendant plus de soixante-dix ans. Le récit alterne l’enquête sur ces sordides meurtres avec le passé de Melchor : son enfance, son arrivée en Terra Alta, sa rencontre avec Olga. Javier Cercas nous raconte minutieusement cette enquête en nous plongeant dans la vie d’un commissariat. Melchor, le personnage central est une sorte de cow-boy solitaire, complexe, séduisant et attachant dont le lecteur se doute bien qu’il traîne un lourd passé, qui sera révélé peu à peu. Tout au long de ce roman plane l’Histoire de l’Espagne en général et de la Catalogne en particulier avec une référence permanente aux « Misérables » de Victor Hugo.



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Le mobile

Le mobile est un vrai coup de cœur et j'ai dévoré ce court roman ou longue nouvelle d'une traite. On rencontre Álvaro qui souhaite écrire un roman, il cherche d'abord sous quelle forme, puis son scénario. "Álvaro prenait son travail au sérieux. Chaque jour, il se levait ponctuellement à huit heures. Il finissait de se réveiller sous une douche d’eau glacée et descendait au supermarché acheter du pain et le journal. De retour chez lui, il préparait du café, des tartines grillées avec du beurre et de la confiture et il petit-déjeunait dans la cuisine, en feuilletant le journal et en écoutant la radio. À neuf heures, il s’asseyait à son bureau, prêt à commencer sa journée de travail."

Pour créer ses personnages, il va s'inspirer de ses voisins et essayer d'influencer leur propre vie pour pouvoir avancer ses projets d'écriture.



Javier Cercas, que je lis pour la première fois, écrit avec humour. Il aborde le thème du réel et de la fiction avec brio. Une note de fin de l'auteur, indique que cette nouvelle faisait partie d'un recueil de 5 nouvelles mais qu'il n'a finalement gardé que celle-ci. Dommage, j'aurai bien aimé lire les autres. En tout cas, ce premier écrit montre le talent de l'auteur qui m'a séduite et qu'il me tarde de découvrir d'avantage.
Lien : http://missmolko1.blogspot.i..
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Le château de Barbe Bleue

Il est bon de voir des auteurs qui refusent de refaire toujours les mêmes livres ou de raconter les mêmes histoires. Javier Cercas est de ceux-là. S'être mis au polar/suspense en démarrant avec une trilogie, ça vaut une bien belle salutation.

Après Terra Alta et Indépendance, il clôt la série avec Le château de Barbe Bleue.

Ce sera encore une fois, Melchor Marin qui sera au coeur même de l'intrigue, frappé de plein fouet émotionnellement et physiquement par ce nouveau revers de la vie. Sa fille, Cosette, en vacances quelques jours à Majorque ne revient pas à la maison. Elle a décidé d'y prolonger son séjour et disparaît. Bien sûr, Melchor est fou d'inquiétude et remuera mer et monde pour retrouver sa fille.

Et voilà où je suis restée sur ma faim ici comme avec les deux autres tomes. L'émotion.

J'ai eu du mal à y croire, Cercas n'a pas su trouver les mots pour me toucher, pour m'y faire croire. Ho je ne discute pas ici de l'intrigue, (quoique dès la disparition de Cosette, on devine tout), de la narration ou de la langue mais plutôt de ce qui vient me chercher. J'ai eu beaucoup de difficulté à croire en Melchor. Je sais bien que c'est ainsi que l'on veut le personnage: meurtri, froid, hanté par un passé plutôt glauque, par un amour inachevé, par la désillusion mais voilà, personnellement je n'ai pas été convaincue par les mots, les gestes, les attitudes de Melchor.

Toutefois, le sujet des violences acceptées et faites aux femmes, des abus de pouvoir et de la corruption, ces vilénies dénoncées par Cercas m'interpellent et prouvent encore une fois (de trop) l'iniquité et l'injustice de ce monde.

Alors voilà, trois étoiles sur cinq pour cette trilogie, une par tome.

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L'Imposteur

Javier Cercas fait plus que raconter la vie d'Enric Marco, l'imposteur qui s'est fait passer pour un survivant de l'Holocauste. Les entretiens de l'auteur avec l'homme sont aussi un moyen de parler de l'Histoire de l'Espagne et de lui-même, Javier Cercas, en tant que personne et romancier.

Enric Marco a traversé l'histoire avec résignation mais il éprouve, par la suite, l'envie de s'inventer un côté révolté, en mêlant habilement réalité et mensonge. L'auteur livre une belle analyse sur ce personnage complexe qui sublime sa vie, tel un Don Quichotte, afin de devenir un symbole de lutte pour l'Espagne. Cet imposteur qui a trompé tout un peuple avec son aisance et ses grands discours syndicalistes, ses souvenirs affabulés, ses prétendues rébellions…

Avec cet essai, Javier Cercas questionne le lecteur sur la réalité et le mensonge, le droit d'utiliser la mémoire collective pour en faire une histoire personnelle ou celui de se déclarer héros pour permettre à l'Espagne de se rappeler de son Histoire.

Quelques longueurs parfois mais un essai biographique qui permet de s'interroger sur Marco mais aussi l'auteur, L Histoire, la vérité... Bravo Monsieur Cercas !

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L'Imposteur

Dans ce capharnaüm qu'est la rentrée littéraire, la sortie de L'imposteur de Javier Cercas semble incongrue. Ce livre, exceptionnel, aurait mérité d'être publié à un moment moins agité, loin de cette avalanche qui ensevelit le pauvre lecteur. Javier Cercas est un auteur immense qui se nourrit du réel et de l'histoire. L'imposteur, à l'image de L'adversaire de Carrère, est un roman sans fiction mais saturé de fiction. Une enquête journalistique et une réflexion sur ce que représente la littérature. Ni plus, ni moins. Le "héros" de L'imposteur est Enric Marco (94 ans aujourd'hui), l'homme que toute l'Espagne a vénéré pendant plusieurs années : combattant du franquisme, rescapé d'un camp de concentration, président de l'Amicale de Mauthausen : un porte-parole, un symbole, une victime, un saint, une icône. Médiatisé, célébré, adoré. Jusqu'à ce jour où un modeste historien a révélé la supercherie : Enric Marco, depuis l'âge de 50 ans, avait réinventé sa vie, mentant sur (presque) toute la ligne. Javier Cercas a songé pendant des années à écrire un livre sur cet imposteur. Mais pour quoi faire ? Pour le comprendre au risque de justifier ses dires impardonnables ? Pour le sauver et lui tendre le miroir de la vérité ? Il a longtemps repoussé l'échéance mais Cercas a finalement décidé de dire tout ce qu'il savait, tout ce qu'il avait découvert, tout ce qui resterait toujours dans l'ombre. Et dans L'imposteur, l'écrivain ne cache rien : ni ses doutes, ni son dégoût ni sa fascination lors de ses 5 rencontres avec Marco. C'est fascinant et vertigineux, plus détaillé qu'un rapport d'un police. Audacieux, aussi, parce que ce n'est plus du simple procès d'un parfait mystificateur, un Picasso du mensonge, qu'il s'agit, mais de celui d'un pays entier où la démocratie s'est construite sur les vestiges d'un vaste mensonge collectif. Certes, Enric Marco est coupable de s'être attribué un faux passé mais Javier Cercas s'en prend aussi à l'industrie funèbre de la mémoire collective qu'il oppose au travail des historiens. Un terreau sur lequel l'imposture de Marco a pu se développer sans que quiconque, pendant des années, ne remette en question une histoire héroïque de toutes pièces inventées. Le livre est volontiers répétitif, il s'attarde parfois sur des anecdotes sans importance. Mais sa puissance narrative est époustouflante, son érudition également, les parallèles entre son personnage et le Don Quichotte de Cervantes, imparables. Au bout du compte, Javier Cercas a compris Enric Marco et son lecteur l'a suivi, subjugué. Il n'a pas justifié ses mensonges mais les a décortiqués, expliqués, désossés. C'est tout simplement stupéfiant et passionnant de bout en bout.








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À petites foulées

Bien avant les soldats de Salamine, qui l'a fait connaitre en France, ce premier roman du grand auteur espagnol Javier Cercas raconte la vie d'un médiocre professeur italien dans une université des USA qui va voir sa vie bousculer suite à l'irruption d'un voisin qui travaille dans la meme université que lui...

Roman à l'ambiance étrange, métaphysique, presque fantastique, ce livre surprenant au dénouement inattendu est aussi une belle satire du monde universitaire, entre Lodge et Roth... un excellent premier roman qui augurait du très bon!!
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Terra Alta

Traduit de l'espagnol par Aleksandar Grujicic et Karine Louesdon



« Un joyeux sacrifice humain »



Alors oui, c'est un polar : il y a des morts, des enquêtes.

Mais pour moi, il s'agit beaucoup plus de l'histoire d'une comarque ( division territoriale en Espagne ), la Terra Alta en Catalogne et plus largement de l'Espagne, encore marquée par la révolution sociale de 1936, puis par la guerre.

C'est aussi l'histoire d'un homme complexe, à la vie compliquée, Melchor, auquel je me suis attachée. Et donc, je vais emprunter le second tome pour voir ce qu'il devient.

La quatrième de couverture est beaucoup trop explicite à mon goût. Elle aurait gagné à être plus concise.

La couverture est très belle avec cet oiseau ( un corbeau ? ) en ombre chinoise.

Au final une belle lecture, un peu rude par moment car certains détails sont très crus.
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Indépendance

Deuxième volet de la trilogie commencée avec Terra Alta où nous retrouvons Melchor dans un chapitre choc d'ouverture où il défend de jeunes prostituées. Mais l'essentiel du roman n'est pas là puisque Melchor est appelé en renfort à Barcelone aux côtés de son ancien chef Blai. Cette fois il doit enquêter sur un chantage visant la maire de Barcelone.



Les recherches vont plonger les enquêteurs dans les sombres manigances des familles ‘régnantes' de Barcelone, celles qui détiennent toutes les clés de la richesse et du pouvoir depuis longtemps et qui sont prêtes à tout pour que rien ne change, indépendance de la province ou pas.



J'ai été moins embarquée dans ce roman que pour Terra Alta, les discours sur la politique catalane sont trop longs et desservent à mon sens le rythme du roman. On devine que l'auteur veut faire passer un message ou régler des comptes. Heureusement que le récit de l'enquête est parfois entrecoupée par les aveux partiels d'un des protagonistes ce qui donne envie d'en savoir plus.



La conclusion de l'intrigue est alors sans grande surprise sauf en ce qui concerne un twist final qui permet à Melchor de résoudre enfin un mystère qui touche à sa vie personnelle passée. Autre bémol en ce qui concerne des personnages un peu caricaturaux, vraiment très noirs et très cyniques d'un côté ou résolument humanistes de l'autre, seul Melchor, le héros dont on attendait le retour est en demi-teinte, plus nuancé, un peu trop peut-être même. Cela reste un assez bon roman policier et je lirai tout de même le troisième volet en espérant retrouver le même enthousiasme que pour Terra Alta.

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Le château de Barbe Bleue

Polar d’une fille disparue, qui se change en « Mission impossible ».



L’ex-policier devenu bibliothécaire n’a pas de nouvelles de sa fille, partie en vacances à Majorque avec une copine. Pour la retrouver, il devra faire face à une sordide histoire d’exploitation sexuelle de mineures.



Si l’intrigue semble parfois un tantinet capillotractée, il n’en demeure pas moins trop réel, ce phénomène des hommes riches qui « achètent » les services de petites filles.



À lire aussi pour le plaisir d’une visite à Majorque.
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Terra Alta

Dans une province montagneuse et pauvre de Catalogne, un inspecteur nommé Melchor est appelé pour enquêter sur un meurtre sordide, celui de deux personnes âgées, un chef d’entreprise, potentat local, et son épouse. Des mobiles apparaissent, des suspects également. Un chef de service presse les policiers de terminer au plus vite l’enquête, au mépris des convictions intimes de Melchor.

Ce qui a amené le jeune homme à devenir policier, et aussi à atterrir dans cette région éloignée de sa Barcelone natale, est dévoilé petit à petit dans des chapitres alternés. L’enquête n’est pas de tout repos et va mettre en péril la vie de famille que le policier a construit en Terra Alta.



J’ai beaucoup apprécié les livres précédents de Javier Cercas, (L’imposteur, Le monarque des ombres) et ses analyses très fines de la nature humaine, dans des récits tournants autour de faits et de personnages réels. Le voici qui s’essaye à la fiction sous forme de roman policier, ce qui a de quoi intriguer. Si j’excepte la description de la scène de crime, des plus difficiles à lire, cette incursion dans l’univers du polar est tout à fait réussie. L’auteur en respecte les codes, sans toutefois abandonner les sujets qui lui tiennent à cœur, comme l’histoire récente de l’Espagne et ses répercussions sur la période contemporaine, et sur les communautés humaines, de la famille au village.

Des pistes s’avèrent nombreuses et des personnages se dévoilent au fur à mesure que l’enquête creuse leurs personnalités, et tout fonctionne très bien. Le parallèle avec les personnages et l’intrigue des Misérables, roman que Melchor a découvert lors de sa « première » vie, ajoutent une dimension littéraire tout à fait intéressante. Le personnage principal possède la profondeur nécessaire pour en faire un policier attachant et complexe à souhait, dont on regrette immédiatement qu’il ne soit pas le héros d’une série. Quoique, sait-on jamais ?
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Terra Alta



Cet auteur espagnol délaisse l'histoire tragique au XXième de son pays,( qoique que) et s'investit dans un polar éminemment littéraire. Et la littérature espagnole est rarement concise. J'aurais pourtant aimé lire cet Actes Sud d'une traite.

L'intrigue se passe de nos jours au sud de la Catalogne, une région pauvre, aride, mais où sont plantées à perte de vue des éoliennes.

Melchor, un "flic" venu de Barcelone pour des raisons obscures arrive à Terra Alta alors que vient de se produire un triple assassinat; un couple de nonagénaires très riches et une employée.

Ces gens , les Adell, des artisans importants font travailler beaucoup de monde, ils sont respectés, aimés c'est autre chose.

L'histoire se déploie donc , avec des retours sur la vie de Melchor.

La guerre d'Espagne est présente dans le lointain.

Un roman superbe qui pourrait donner lieu à une trilogie.

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A la vitesse de la lumière

Voilà un livre dans lequel je suis entré tranquillement, qui m'a progressivement happé par son intensité en crescendo et dont j'ai terminé la lecture à bout de souffle.



Avec ce roman qui date d'une douzaine d'années, l'auteur, l'écrivain catalan Javier Cercas, s'efforce de disséquer les méandres de la culpabilité et du remords dans la conscience. Il entrecroise les parcours de deux personnages, qui cherchent chacun leur double dans l'autre. L'un est un vétéran américain du Vietnam, un ancien membre d'un escadron d'élite accusé de crimes de guerre, qui se débat dans la quête d'une impossible expiation. L'autre – narrateur de l'ouvrage – est un jeune écrivain qui, malgré les mises en garde, perd ses repères moraux dès son premier succès de librairie et doit en assumer de lourdes conséquences. Les drames arrivent en un éclair et transforment les destinées à la vitesse de la lumière. On ne les voit pas arriver, mais certaines pages sont brutales.



Le début est pourtant doucement anesthésiant – une sensation agréable, au demeurant ! –, comme lorsqu'on se trouve confortablement installé dans un univers familier, ou pour être plus précis, lorsqu'on a l'impression d'avoir déjà lu quelque part les pages du livre qu'on a entre les mains. Dans A la vitesse de la lumière, plusieurs traits m'ont conforté dans ce ressenti.



L'écriture de l'auteur, superbement traduite de l'espagnol, est faite de longues phrases qui se déploient et se redéploient en modulations harmonieuses ; de très longues phrases dont la composition unit, dans une syntaxe irréprochable, la narration des faits et le ressenti qu'ils inspirent au narrateur. Ça ressemble à du Proust et j'aime beaucoup. (Je relis souvent, au hasard, deux ou trois phrases de Marcel Proust ; une façon d'échapper à l'agitation du quotidien, comme lire de la poésie ou écouter de la musique.)



Comme A la recherche du temps perdu, A la vitesse de la lumière – un air de parenté dans les titres que je découvre en les écrivant côte à côte ! – pourrait passer pour une autobiographie. le narrateur, auquel on ne connaît ni nom ni prénom, ressemble en tous points à l'auteur, mais ce n'est pas tout à fait lui !... Une anecdote : après la publication du roman, Javier Cercas, qui enseigne à Barcelone, a dû préciser à ses étudiants qu'il n'avait pas été victime personnellement du drame subi par son personnage de narrateur dans le livre, un ouvrage de fiction.



La première partie du livre m'a rappelé des schémas de romans anglo-saxons contemporains. Un jeune plumitif au début de son chemin d'écrivain a opportunément trouvé un poste de professeur assistant dans une université américaine. Il s'y lit d'amitié avec un collègue plus âgé du nom de Rodney Falk, un intellectuel féru de littérature, dont le comportement étrange le pousse à chercher à en savoir plus sur son passé. Cette recherche se concrétise par la mise à nu progressive du personnage de Rodney, l'ancien militaire qui ne s'est jamais remis des contradictions auxquelles il a dû faire face, là-bas, au Vietnam et chez lui, après son retour. L'histoire est racontée par son père, dont la narration est enchâssée dans la narration principale, une construction romanesque courante dans la littérature du dix-huitième et du dix-neuvième siècles.



Toutes ces parentés littéraires pourraient traduire un manque d'originalité de l'ouvrage. Peu importe. Soulignant que certaines idées deviennent des clichés juste parce qu'elles sont vraies, Rodney avait prévenu son ami narrateur que, quand on cherche à « dire des choses originales pour faire l'intéressant, on finit par ne dire que des conneries ».



Dans la descente aux enfers des deux hommes, aucune rédemption par l'amour ne semble possible. Reste la mort… Et la littérature. Cette ultime voie passe par un retour aux sources qui boucle l'histoire. En trouvant ainsi comment terminer son livre, le narrateur trouve aussi son salut.


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Le mobile

Très court roman dans lequel un apprenti écrivain se demande où trouver la substance de son premier roman et, tout en ayant une trame en tête, décide de dénicher chez ses voisins les caractéristiques à donner à ses personnages. Sauf qu'il va tenter d'orienter ses voisins à vivre la trame de son roman. La fin se devine malheureusement aisément.



Il s'agit du premier texte assez court de l'auteur. Comme il l'explique en postface, il s'agissait au départ d'un recueil de cinq récits, mais c'est le seul que Cercas a décidé de conserver et de faire republier.



Pas mal, mais je ne conseillerais pas ce livre-ci pour découvrir son oeuvre, le style reste plutôt convenu.

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Le mobile

Un écrivain en manque d’inspiration épie ses voisins afin d’en faire les personnages de son futur roman, mais comme la vie de ces derniers semble un peu morne, il décide de pigmenter leur quotidien.

Un tout petit roman de 80 pages où le suspense monte crescendo mais où le final est un peu attendu.

Petite déception car j’avais énormément aimé « A la vitesse de la lumière » il y a quelques années et je n’ai pas retrouvé la force d’évocation de l’auteur dans ces quelques pages.

L’histoire est distrayante, légèrement malsaine, mais à mon grand regret, il n’y a rien de plus. Le style semble plat et froid, presque clinique et cela m’a empêché d’éprouver de l’empathie pour les divers protagonistes.



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A la vitesse de la lumière

Que dire de ce roman si ce n'est qu'il m'a bouleversé. Cercas nous emmène à travers l'histoire d'un écrivain reconnu (Cercas lui-même ?) et son ami américain vers des questionnements existentiels. Avec une grande maitrise et une grande virtuosité, le roman résonne en nous bien après la fin de sa lecture. Une belle découverte.
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