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Critiques de Javier Cercas (526)
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Le monarque des ombres

" Un littérateur pourrait répondre à ces questions car les littérateurs peuvent affabuler, pas moi: l'affabulation m'est interdite. "

"Je ne peux que m'en tenir aux faits, certaines choses sont avérées. Ou presque avérées.

Car le passé est un puits insondable et noir oú l'on arrive à peine à percevoir des étincelles de vérité , ce que nous savons est sans doute infiniment plus petit que ce que nous ignorons ...."



Pourquoi cette longue citation pour parler de ce livre en forme d'enquête fouillée et passionnante?

Parce qu'elle résume les raisons objectives du travail du grand écrivain - historien Javier Cercas.

Il cherche à comprendre les raisons qui ont mené son grand -oncle à devenir franquiste .





Le héros du livre: Manuel Mena avait 19 ans lorsqu'il fut tué , le 21 septembre 1938 , lors de la terrible bataille de l'Ebre, après son fourvoiement au sein de la phalange .



Sous- lieutenant dans une compagnie de tirailleurs de l'armée franquiste il était l'oncle de la Mére de Javier Cercas.

L'écrivain a toujours vu sa photo dans la maison familiale ,vaillant sous - lieutenant et figure de martyre au sein de la famille maternelle de Cercas , dans le village d'Estramadur oú il a grandi ..

Sa mére en garde un souvenir ému , il offrait toujours des cadeaux à la gamine qu'elle était alors....idéalisé par elle, comparé à Achille pour des idées au royaume des ombres....



Cette parenté , au contraire pour Cercas , cet oncle franquiste a longtemps été " le paradigme profondément encombrant , l'héritage le plus accablant " de sa famille ...



Javier Cercas est un spécialiste de l'Histoire de son pays, avec un grand H, la majestueuse histoire de son Espagne Natale à laquelle presque tous ses ouvrages sont consacrés .....



L'auteur finit par enfin écrire sur lui, bien que dissuadé par un ami pour qui la guerre civile est encore proche:" La vérité n'intéresse personne . " Il tergiverse , il doute , c'est aussi l'histoire de la maturation d'un livre , de sa mise à jour ....



Il enquête , consulte des archives , interroge des témoins encore vivants , collecte un certain nombre d'anecdotes, vérifie des dates, des lieux, confronte des témoignages afin d'appréhender au plus près les contours de cet oncle mort à l'aube de sa vie..



Les chapitres alternent entre ce qui est resté de la biographie de l'oncle et ceux détaillant l'enquête minutieuse de l'écrivain -historien.

Pourquoi ce jeune phalangiste s'est - il engagé?



Par conviction idéologique ? " Élan primaire " d'Aventures ?

Par désir de gloire ?

Par haine de la République ou pas?

L'écrivain ne s'autorise aucune affabulation, il s'en tient aux faits vérifiés.

Parfois il" cède la parole au silence " lorsqu'il lui arrive de ne pas savoir ....

Manuel Mena gagne au fur et à mesure de l'enquête en complexité dont nous ressentirons l'engagement comme ceux de l'auteur, les doutes, la complicité palpables .



L'auteur met à jour les contrastes et les ambiguïtés, , les causes de la guerre civile, les violences qu'elle a engendrées , s'interroge sur ceux qui furent franquistes " par action ou omission " , "foncer ou éclaircir les ombres"?

C'est une lumineuse réflexion philosophique sur la mémoire et l'héritage, l'héroïsme , la guerre, la vérité , l'exil.

Javier Cercas écrit aussi sur lui- même ,livre de la honte de la famille transformée en responsabilité selon "Hannah Harendt" .

Continuer d'avoir honte de sa famille et de l'héritage qu'elle lui laisse serait ajouter un " voile" sur une Histoire trés complexe .

" Savoir, ne pas juger, comprendre " , dit l'auteur à son cousin .

" C'est à ça qu'on s'emploie , nous les écrivains " .

Un livre instructif d'un grand écrivain.



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L'Imposteur

Il y a des œuvres qui rebutent même leurs auteurs. Soit parce qu'elles révèlent plus qu'ils ne le voudraient sur eux-mêmes, soit parce qu'elles s'attaquent à quelque chose qui dépasse les normes sociales. Et parfois, on retrouve les deux motifs concomitamment, c'est le cas pour L'imposteur qui déshabille Enric Marco de tous ses attributs de héros national. Roi déchu quelques années avant la parution de ce livre de son trône de résistant anti franquiste et de survivant de l'Holocauste, Marco se retrouve totalement nu ou presque sous la plume de Javier Cercas.

C'est pas beau à voir.

Car menant l'enquête, l'auteur espagnol démonte méthodiquement le château de sable que s'est construit Marco avec un aplomb sans pareil. Attelé à recomposer son parcours, Cercas use toutefois de la littérature pour mettre en scène sa propre investigation ou pour évacuer quelques unes des zones d'ombre. C'est certainement pour cela que l'auteur utilise volontairement l'expression de roman sans fiction et non le terme de biographie qui est quant à lui totalement absent.

Les faits grossièrement reconstitués et les certitudes peu à peu acquises donnent en tout cas un portrait fascinant à lire. On découvre un anonyme, voire un invisible prisonnier d'un narcissisme flamboyant qui n'a pas seulement menti et réinventé sa vie, il est également parvenu quelques facteurs extérieurs aidant à inscrire son nom dans l'histoire de son pays. Le prestige du résistant et du déporté gagné ainsi que les mensonges de plus en plus sophistiqués ont rendu sa falsification presque indétectable et lui presque invulnérable.



A partir du moment où l'usurpation faisait consensus au sein des institutions faute de contradicteurs, et les mensonges disséminés dans des vérités irréfutables ayant revivifié la mémoire collective (laquelle avait été balayée par la transition démocratique après la mort de Franco), il n'était pas confortable d'œuvrer à révéler l'imposture ou à la décortiquer. Les nombreuses répétitions obsessionnelles de l'auteur en témoignent, de même que le dialogue imaginaire entre l'auteur et Enric Marco...il met en évidence les défis et les contradictions morales de Javier Cercas qui, après tout, se sert de la fiction également dans ses œuvres pourtant hantées par la quête de vérité.



Bien que je ne sois pas une admiratrice de l'esthétique littéraire de l'auteur, cette enquête a été passionnante à bien des égards. Javier Cercas ne s'est pas contenté de déconstruire la vie d'un homme, il a tendu un miroir dans lequel on voit le reflet de l'Espagne piégée par le culte de la mémoire et celui de l'auteur en proie à ses propres contradictions. «Marco n'était pas seulement fascinant en tant que tel, mais aussi par ce qu'il révélait des autres».

S'atteler à écrire sur un personnage réel est toujours une entreprise risquée car on risque de tomber dans la complaisance de mauvais goût. Mais Cercas est parvenu à éviter cet écueil en s'engageant dans le récit prudemment. Et lorsque l'exercice est réussi, on se rend compte combien la fiction est paradoxalement importante dans la transmission de l'Histoire...

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Les soldats de Salamine

Rafael Sanchez Ferlosio raconte au cours d’une interview :



« De là, réfugié dans un trou, il entendait les chiens aboyer et les tirs et les voix des miliciens à ses trousses qui savaient qu’ils ne pouvaient perdre trop de temps à le rechercher car les franquistes les talonnaient. A un moment donné, mon père a entendu dans son dos un bruit de branches, il s’est retourné et à vu un milicien qui le regardait. C’est alors que quelqu’un a crié : Il est par là ? Mon père racontait que le milicien était resté à le regarder quelques secondes et qu’ensuite, sans le quitter des yeux, il avait crié : Par ici, il n’y a personne ! puis il avait fait demi-tour et était parti. » (page 17).



Que peut-il se passer d’essentiel dans cette fraction de seconde où le regard d’un soldat de l’armée républicaine en déroute, rencontre celui d’un homme traqué, qui n’est autre que Rafael Sanchez Mazas, cofondateur de la Phalange.



C’est cette anecdote qui va inspirer à notre journaliste, écrivain moyen en panne d’inspiration depuis dix ans, largué par sa femme, dépressif, cet extraordinaire roman qu’est « Les soldats de Salamine », en référence à la défaite de la flotte perse contre les gecques à la bataille de Salamine mais aussi à un roman jamais écrit par Rafael Sanchez Mazas.



Je ne connaissais pas Javier Cercas, je m’étais notée « Anatomie d’un instant » et je suis tombée sur « Les soldats de Salamine »! je ne me suis pas fait mal, bien au contraire, c'est une réussite.



Ouvrage admirable, passionnant, très bien écrit que ce livre de Javier Cercas. Sa construction est inclassable mais happe le lecteur dans une enquête qui se doit de faire toute la lumière sur cette page de l'histoire ou alors sur cette légende.



Face aux méandres de la mémoire de toutes les personnes que le journaliste va rencontrer, l'auteur revient sur la guerre civile espagnole et trace une petite biographie d'un homme qui deviendra ministre sans portefeuille de Franco.



A chaque témoignage, il doit effectuer des recoupements pour tenter de se rapprocher au plus près de la vérité. C’est son obsession. Il s’est écoulé soixante années depuis l’exécution de Sanchez Mazas qui devait avoir lieu au sanctuaire du Collel et dont ce dernier à réchappé. De rencontre en rencontre, de consultation en consultation des archives, il parvient à retrouver des acteurs de ce drame, « les amis de la forêt » de Rafael Sanchez Mazas, ses compagnons de cavale, trois déserteurs de l’armée républicaine.



Toute l’investigation s’appuie sur une documentation d’historien mais Cercas brouille les pistes et le lecteur assiste à l’élaboration de l’histoire dans l’Histoire. Aucun jugement ne se dégage de cette enquête, Cercas n’émet aucune opinion si ce n’est qu’il est surpris devant la personnalité de Sanchez Mazas, homme érudit, éduqué qui néanmoins, entraînera son pays dans un bain de sang.



Ce récit est découpé en trois chapitres : « Les amis de la forêt », « Les soldats de Salamine » et « Rendez-vous à Stockton ». A mes yeux, ce dernier chapitre est le plus émouvant, l’auteur y met beaucoup d' affect ainsi que sa reconnaissance à l'égard de tous ces combattants qui sont morts. Ses sentiments transparaissent dans son écriture et émotionne le lecteur.



Toute sa gratitude, il l’exprime à travers le personnage de ce vieux Miralles, républicain espagnol, qu’il finit par retrouver en France, dans une maison de retraite pour personnes agées.



Cercas fait dire à Miralles « Quand je suis parti au front en 1936, d’autres garçons étaient partis avec moi . Ils étaient de Terrassa, comme moi ; très jeunes, presque encore des enfants, comme moi ; j’en connaissais quelques-uns de vue ou pour avoir parlé avec eux, mais pas la pluspart. C’était les frères Garcia Segués (Joan et Lela), Miquel Cardos, Gabi Baldrich, Pipo Canal, le gros Odena, Santi Brugada, Jordi Guyadol. Nous avons fait la guerre ensemble, les deux guerres : la nôtre et l’autre mais c’était la même. Aucun d’entre eux n’a survécu. Tous morts. Le dernier était Lela Garcia Segués. Au début, je m’entendais mieux avec son frère Joan qui avait le même âge que moi, mais, avec le temps, Lela est devenu mon meilleur ami, le meilleur que j’aie jamais eu : on était tellement amis qu’on n’avait meme pas besoin de se parler quand on était ensemble. Il est mort à l’été 1943, dans un village près de Tripoli, écrasé par un char anglais. Vous savez, depuis la fn de la guerre, je n’ai pas passé un seul jour sans penser à eux. Ils étaients si jeunes…..Ils sont tous morts. Tous morts, morts, morts, tous. »



Et c’est encore Miralles qui nous rappelle à tous que La veille de la Libération de Paris, ce sont les membres d’une unité espagnole de la 2ème DB du Général Leclerc qui ont atteint avant tout le monde le centre de Paris. Composée de Républicains espagnols, la 9ème compagnie du régiment de marche du Tchad a été surnommée La Nueve avec des Halftracks portant le nom de « Teruel » « Guadalajara ». Elle fut placée sous le commandement du français Raymond Dronne et de l’espagnol Amado Granell.



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Terra Alta

J'avais tant aimé tous les autres Cercas que j'attendais beaucoup de Terra Alta, sa (première ?) tentative de polar, qui plus est sous l'égide magistrale des Misérables, mon classique "chouchou", lu et relu !



Comme le marque ce début (un poil) réservé, mes attentes ont été (un poil) déçues.



Melchor Marin est devenu flic comme Jean Valjean est devenu M. Madeleine, par la grâce non d'un évêque mais d'un avocat, qui a offert sa chance à ce "fils de pute" (littéralement) que la misère et l'assassinat de sa mère avaient transformé en racaille, en assassin, et finalement en taulard. Un Misérable des temps modernes.



Pour venger sa mère et châtier ses assassins, Melchor Marin est devenu flic et justicier comme Javert, son improbable héros dans les Miserables. Comme lui, il se fait de la justice une idée si haute qu'elle le tire hors de son humanité jusqu'à frôler l'injustice absolue d'un règlement de compte dont il se fait un devoir.



Melchor Marin est devenu flic et héros en "neutralisant"-radicalement-quatre terroristes islamiques. On l'exfiltre en Terra Alta, sur les terres de la bataille de l'Ebre (ay Carmela, ay Carmela... boum bala boum balaboum bamba). Terre où il s'est passé tant d'horreurs pendant la guerre civile qu'elle est devenue un coin perdu où il ne se passe (plus) jamais rien.



Comme Valjean tiré par les émeutes de 1832 de la sécurité tranquille et un peu soporifique du couvent de Picpus, Melchor est tiré du coin de paradis où il vit avec sa femme (une bibliothécaire qui lui fait découvrir d'autres livres que Les Misérables) et leur fille, Cosette, (évidemment !) et jeté dans la tourmente que déclenche un effroyable meurtre.



Jusqu'ici, dirais-je, tout va bien. C'est un peu long, un peu lent, un peu pas très bien écrit-ou traduit ?- mais le portrait de Melchor tient la route, et la relecture des Misérables aussi, même si le surlignage est un peu appuyé.



La suite s'emballe dans des coups de théâtre invraisemblables et des explications successives tout aussi peu crédibles mais qui font intervenir politique et histoire, deux thématiques étroitement liées à toute l'oeuvre de Cercas et qui piaffaient derrière la porte...



N'est pas Victor Hugo qui veut. Un polar revisité par les Misérables, je veux bien, mais une irruption brusque de la guerre civile dans ce contexte, il fallait la travailler davantage. L'amener imperceptiblement, comme Almodovar dans Madres paralelas, où la recherche sur la filiation épouse et rejoint avec brio celle d'un passé à vif, sinon vivant, enfoui dans les fosses franquistes.. .



Qui aime bien, châtie bien. Je sais, je suis sévère, mais moi qui suis vraiment une grande fan de Cercas, j'ai même trouvé au style des maladresses inhabituelles. En particulier dans les discours rapportés qui m'ont paru de laborieux exercices pour varier les verbes déclaratifs !



Restent une meditation sur la justice parfois un peu brouillonne ou plutôt brouillée. Et dans ma tête le chant del Paso del Ebro - balaboum balaboum balaboum bamba! qui me file toujours la chair de poule quand j'y pense.



Ay Carmella, ay Carmella...

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L'Imposteur

"L'imposteur" ou "Autopsie d'un imposteur" ,est "la vraie histoire" d'Enric Marco,icône antifranquiste,porte-parole des survivants espagnols de l'Holocauste, qui s'est construit une vie fictive,basée sur des mensonges sur toute sa vie.Il sera démasqué en 2005 par un jeune historien espagnol.

Écrire une critique sur ce livre s'avère difficile,car le livre est complexe et se lit à plusieurs niveaux.

D'emblée avec le tout premier paragraphe,Cercas nous prend de court:

"Je ne voulais pas écrire ce livre.....Ce livre est terminé.....Je ne voulais pas l'écrire parce que j'avais peur....Ce n'est que maintenant que je sais que ma peur est justifiée."

En faite le vrai protagoniste du livre est Cercas lui-même.Il a fait un travail d'orfèvre,se consacrant corps et âmes à démonter des mensonges construits sur une période de 30-40 à 50 ans. Le résultat? Un livre époustouflant de simplicité,de lucidité et d'intelligence,qui repose sur la vérité et sur des faits au plus près de la réalité,laissant quand même du terrain à la fiction et beaucoup de questions sans réponses....

Et pour Marco? Cercas dit que la fiction sauve, la réalité tue,mais jusqu'à une certaine limite , au-delà de laquelle le contraire peut s'avérer....

A travers l'histoire de Marco, Cercas revient à la littérature: un roman est-il un mensonge ? Une fiction est-il un mensonge ?et compare Marco avec un romancier :"Marco opére comme un romancier..comme Marco le réel,le romancier est profondément insatisfait de sa vie; non seulement de sa propre vie mais de la vie en général; et c'est pourquoi il la refait selon ses désirs,par le biais des mots,dans une fiction romanesque..."

L'auteur pose aussi la question de l'imposture au niveau de l'histoire et la mémoire collective de l'Espagne, qui a facilité l'imposture de Marco.L'Espagne doit faire face à son passé avec la réalité et non la fiction.

J'ai beaucoup aimé aussi sa confession sous forme de dialogue fictif avec Marco...que je trouve sincère et touchant.

Est-ce-que en écrivant ce livre , Cercas a-t-il atteind son but?,transformer ce livre en grand diffuseur de la vérité définitive d'Enric Marco? Un livre peut-il concilier un homme avec la réalité et avec lui-même?c'est-à-dire au jour où on sait pour toujours qui on est....je pense que oui...un oui hésitant .....
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Le monarque des ombres

Que dire si ce n'est que je me suis profondément ennuyé à la lecture de ce livre qui ne veut pas dire son nom. Biographie ? Enquête ? Fiction ? Rien de tout cela. Un personnage mort à dix neuf ans, un homme qui sera aussi bien le héros du village que , 80 ans plus tard , celui qui a choisi le mauvais camp .Javier Cercas a longuement hésité à raconter l'histoire de ce membre de sa famille et on sent cette hésitation se manifester tout au long de cet ouvrage. Y aller ou pas ? Raconter ou non ?Et que sait on ?L'écriture est belle , une bonne traduction , certes ,mais , pour moi ,la magie et la dextérité de l'auteur ne fonctionnent pas et je trouve que l'histoire traîne, traîne,lassante , ennuyeuse. Ce n'est pas le premier ouvrage de cet auteur que je lis mais c'est le moins exaltant

Livre d'histoire très bien documenté, un cadre bien posé, mais un trop grand trouble règne autour du personnage de Manuel.On sent une grande pudeur , une grande retenue, un refus de trop en dire sur cet aïeul par trop encombrant et aussi parcequ'à sa place , pas sûr que la décision d'appartenir à tel ou tel camp ait été aussi facile que ça à prendre. Il y a des passages magnifiques,mais on retombe trop vite dans l'ennui.



J'avoue avoir été déçu. C'est mon point de vue. Cette histoire de famille n'est pas la mienne , même si je peux comprendre le but de l'auteur.Pourvu qu'il se soit rassuré , ce serait bien ,moi , je ne suis pas convaincu .

Un rendez-vous manqué , ça arrive.
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Anatomie d'un instant

Nom de code 23-F, aujourd'hui il suffit de le googliser pour atterrir sur youtube et y voir comment a été restituée en différé aux espagnols l'irruption filmée du commando putschiste, lors de ce fameux coup d'état du 23 février 1981 au Congrès madrilène. C'est ce film, plus précisément le geste du président Suarez, qui fournira le point d'entrée des investigations de l'auteur, soucieux de nous préciser en prologue ses hésitations à aborder le monstre hybride de la bonne façon. Dans un premier temps il l'a romancé, avant d'y renoncer : «... en fait, rien de ce que j'aurais pu imaginer sur le 23 février ne me touchait ni ne m'exaltait autant et ne pouvait se montrer plus complexe et plus éloquent que la réalité pure du 23 février». Alors il s'est plongé dans le labyrinthe de la vérité historique. Rien de plus qu'une habitude, pour ne pas dire une obsession chez Javier Cercas. Ici encore son récit développe le ton singulier du romancier historien soucieux de démêler l'imbroglio des fils relationnels entre les différents protagonistes, de plonger aussi dans leur passé, d'analyser l'écheveau sans fin des faits, des paroles et des gestes, mais aussi de dérouler la pelote de l'imagination quand la vérité se défile. Car tout n'est pas figé, tout n'est pas avoué, tout n'est pas révélé. Le passé n'existe pas on le sait, ça n'est qu'une représentation au présent de choses révolues. Quant au présent, il avance inéluctablement.

Et autant prévenir le lecteur, démêler l'histoire du 23-F est une entreprise ardue, j'imagine même pas le travail de l'auteur au vu des efforts de concentration qu'il m'a fallu pour simplement le lire. On s'y perd forcément un peu entre les différentes parties, communistes et fachistes, socialistes et royalistes, militaires, renseignements généraux, coup d'état et contre-coup d'état, trahisons, collusions ou ententes improbables. On est en pleine Transition démocratique post-franquiste, Adolfo Suarez ne fait plus vraiment l'affaire après son démantèlement express du système franquiste, le coup d'état est imminent, il gronde en sourdine, il semble inéluctable dans ce pays à la tradition putschiste. Et il aura lieu, la démission surprise de Suarez précipite les choses du côté des militaires restés pour la plupart fidèles aux idéaux franquistes. Un coup d'état qui se voulait mou pour mettre en place un gouvernement de coalition avec un militaire à sa tête, mais le crépitement sec des balles dans l'hémicycle annonce encore l'écho du dérapage et son avortement à venir par l'entremise royale.

Une enquête difficile à démêler, une vérité difficile à figer, pour un livre au travail de fourmi difficile à restituer. J'aurais pu entrer dans un résumé des personnages et vous parler du lieutenant-colonel Tejero, d'Armada ou de Milans les conspirateurs principaux du putsch, du général Mellado, de Carillo le communiste et de Suarez les traîtres du gouvernement de Transition, du rôle ambigu de Cortina des services de renseignements de l'AOME, pour forcément en oublier et me perdre dans la confusion de l'incomplet. Peut-être que l'anatomie d'un instant ne se plie tout simplement pas aux règles convenues d'un compte-rendu, peut-être que l'histoire sous l'angle du vrai est trop complexe à démêler et résumer, mais peut-être suffit-il de dire que la passion folle de l'auteur envers la vérité a de grandes chances de déteindre sur le lecteur. Pour peu qu'il ait l'envie, ou le courage de s'y plonger.
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Les lois de la frontière

« Même si c'est rassurant de trouver une explication à ce qu'on fait, la plupart de nos actes n'ont pas qu'une seule explication, à supposer même qu'ils en aient une »



Tout, je dis bien absolument tout ce qui est raconté dans ce roman est en accord avec cette citation.

Car le héros Ignacio Cañas, surnommé « Le Binoclard » (mais qu’est-ce qu’un héros ?) a été un jeune homme de 16 ans, fils de famille honnête et travailleuse, et s’est retrouvé, l’espace d’un été, membre d’une bande de délinquants.

Ses raisons ? Il n’y en a pas qu’une, à supposer même qu’il y en ait une...

Et des années plus tard, sous la forme d’un entretien avec un écrivain voulant parler de Zarco, le chef de la bande, il essaie de retrouver la vérité, sa vérité et celle des autres.



Et donc il y a Zarco, ce jeune blond charismatique n’ayant peur de rien, petite frappe spécialiste des vols de sac à l’arraché, des vols de voitures et des braquages de banques. Zarco et Tere, la « plus belle fille du monde » selon le Binoclard, secrètement amoureux.

Qu’ont-ils à faire de la vie, ces deux-là ? Pourquoi ont-ils accepté le Binoclard dans leur bande ?

Leurs raisons ? Il n’y en a pas qu’une, à supposer même qu’il y en ait une...



Si, « à 16 ans, toutes les frontières sont poreuses », l’été tourne sot, l’attaque d’une banque tourne court , et le Binoclard repasse la frontière, celle marquée par le parc de la Devesa, à Gérone, entre le territoire des besogneux, des miséreux, s’abritant dans des logements provisoires et celui des « honnêtes gens », vivant dans des appartements et des maisons confortables.

Et pourtant, il y croyait, Ignacio alias le Binoclard, malgré ce que lui avait dit Zarco :

« T’es pas comme nous.

Parce que tu vas à l’école et pas nous. Parce que t’as une famille et pas nous. Parce que t’as peur et pas nous. Tu penses la peur, pas nous. T’as des choses à perdre, pas nous.

Laisse tomber. Casse-toi, mec. Retourne à ta famille, reprends l’école et ta vie d’avant.

J’ai passé en taule quelques mois, mais toi, la taule te passera dessus. Aussi dur et fils de pute que tu veuilles être. A cause de ça aussi, t’es pas comme nous.

En plus nous avons que cette vie, alors que toi, t’en as une autre. Fais pas le con, laisse tomber. »



C’était la fin des années 70, encore blessées par les reliquats de la dictature morte en 75.

Et puis nous voilà fin des années 90. Zarco, Tere et Cañas se retrouvent. Cañas est un avocat renommé, Zarco est en prison.

Pourquoi se retrouvent-ils ?

Leurs raisons ? Il n’y en a pas qu’une, à supposer même qu’il y en ait une...



J’ai beaucoup apprécié l’écriture de Javier Cercas, mêlant l’intime et le social, décortiquant la psychologie et le cœur de quelques-uns et les brassant avec la vie d’une ville et d’une région.

Ce roman se lit lentement, car tout, je dis bien absolument tout, a une portée qui dépasse les apparences.

L’échec, la fidélité au passé, l’aide gratuite, le bien et le mal, l’amour, la vérité : tout ceci s’entremêle et nous fait réfléchir, à travers les entretiens menés par l’écrivain où Cañas s’épanche, mais où le policier ayant mené l’enquête dans les années 70 et le directeur de la prison de Gérone donnent aussi leur propre version des faits.



Alors, Cercas nous a-t-il raconté des faits divers ? Peut-être, car j’y ai cru ! Je suis même allée voir sur Google si la bande à Zarco avait existé...

Mais au-delà du fait divers, il a touché l’universel.

Pourquoi ai-je aimé ?

Mes raisons ? Il n’y en a pas qu’une, à supposer même qu’il y en ait une...

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A la vitesse de la lumière

La première partie du roman m’entraîne dans une université américaine de l’Illinois. Tu connais Urbana. Bien sûr, souviens-toi de ce film qui a su donner des lettres de noblesse à ce trou du cul de l’Illinois où même une Marylin Monroe dans sa splendeur ne réussirait pas à réchauffer les cœurs de ces péquenauds. Certains l’aiment chaud. Au début, Jacques Lemmon et Tony Curtis doivent donner un concert dans une ville glaciale du Middle West. Mais poursuivis par quelques gangsters, ils filent en Floride déguisés en choristes. Eh bien Urbana, c’était cette ville où ils n’iront jamais préférant s’encanailler sous le soleil de la Floride. De là à en déduire qu’il fait meilleur en Floride qu’à Urbana… Sauf qu’à Urbana, il y a une bonne université avec un département de langues étrangères portant sur la littérature espagnole et des cours donnés en catalan.



Urbana, première partie, un écrivain débutant s’y installe, "double" imaginaire et romancé de l’auteur en personne, Javier Cercas. Il y croise notamment un vétéran du Vietnam et se lie d’amitié au cours d’échanges sur la littérature, dans un bar où, si le premier prétexte fut de causer catalan, le second était de s’enfiler quelques bières dans une ambiance éclairée d’un comptoir de bar…



Mais je n’ai pas envie de t’en dire trop – pour une fois. Porque ? Parce que j’ai adoré, tout simplement. Alors comment te faire aimer ce roman, te donner envie de faire l’amour avec ce livre ? D’autant plus que je sens cette pointe de frustration, Javier Cercas, mi-estremadurien mi-catalan, signe ici un roman bien plus américain qu’espagnol. Alors toi qui voulais flirter avec les catalanes, tu devras de te satisfaire des universitaires de l’Amérique profonde. En contrepartie, la moitié du roman se passe à Barcelone. On ne danse pas le flamenco, là-bas ?



Il est question d’histoire d’amitié, forte, de liens qui se créent et qui attachent les âmes sans que l’on sache pourquoi, et malgré les dédales de la vie. Que l’on soit dans l’Illinois ou en Catalogne, l’esprit de cet ami hante celle de l’auteur qui n’est plus un débutant et qui a acquis même une certaine notoriété. Un roman sur les écrivains, sur la peur de la page blanche ou la page remplie de banalité. Un roman fait pour moi, parce que surtout il m’a rappelé les premiers romans de Paul Auster. Je te l’ai dit, avec « à la vitesse de la lumière », j’ai des pages de littérature américaine avec sa guerre du Viêt-Nam et la musique de Van Morrison. Oui, il faut lire ce roman pour ses longues digressions sur les atrocités de cette putain de guerre, et pour écouter en boucle la voix écorchée de Van Morrison sur « Astral Weeks », une bouteille de vin et deux verres.



Urbana, dernière partie. Le roman s’achève. Je suis presque triste de le finir, je n’ai pas envie de passer à autre chose. Pourtant, il faut tourner la dernière page. Et me dire que tout n’est pas fini. Bien au contraire. C’est la vie. Qu’elle soit en Catalogne ou dans l’Illinois. La bière a le même goût, mais le ballon pas la même forme.
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Terra Alta

Cela fait quelques années que je ne m'étais pas promené en terre catalane, pour boire une bière fraîche sur une terrasse ombragée à regarder le cul des catalanes ou le sourire des andalouses. En attendant Penelope Cruz, - pourquoi pas ?-, venue s'aventurer dans mes fantasmes ou mes souvenirs, je m'installe pour déguster un bon polar, premier d'une trilogie, signé d'un maître de la littérature espagnole, découvert avec Les soldats de Salamine et surtout établi au zénith de mes écrivains avec A la vitesse de la lumière, un chef d’œuvre.



A toi, venu t'asseoir à la table d'à-côté, bienvenue donc en Terra Alta...



Cela commence par un fait divers banal, même pas sûr que la une du journal en soit bousculée : les époux Adell, riches nonagénaires propriétaire de la grande - et seule -usine locale, monopole des richesses et de l'emploi, viennent d'être retrouvés morts... déchiquetés... torturés. Du sang, des silences, l'enquête commence avec le jeune Melchor, féru de littérature du XIXème. Mais c'est surtout l'occasion d'en découvrir un peu plus sur ce policier qui doit son salut à Jean Valjean et Javert. Délinquant juvénile, c'est en prison qu'il découvre Les Misérables de Victor Hugo (roman que je n'ai bien sûr pas lu, contrairement à Melchor qui en fait son livre de chevet pendant des années, lisant, cornant, relisant, écornant, à de nombreuses reprises). Et c'est ce livre qui le sauva, contrairement à sa mère et sa femme assassinées toutes les deux, de quoi approfondir les démons de Melchor au cœur de son âme.



La dernière page tournée avec la résolution de ce crime de haute bourgeoisie espagnole, la dernière gorgée avalée de cette IPA amarillo, la dernière lame rangée en attendant que la justice s'attaque à l'injustice, je repose Terra Alta sur l'étagère de ma bibliothèque où sont classés mes autres Actes Sud. A sa droite, Indépendance, le second volet des Misérables de Melchor qui m'embarquera un autre jour sur d'autres terres catalanes.
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A la vitesse de la lumière

Avec : A la vitesse de la lumière, je découvre Javier Cercas et c'est un véritable coup de cœur.

Pendant toute ma lecture, j'avais l'impression d'être dans un café à écouter un vieil ami me raconter une histoire d'êtres humains si fragiles.

C'est d'ailleurs le thème du roman, une histoire d'amitié. Une amitié improbable entre un jeune espagnol qui veut écrire un roman et un vétéran de la guerre du Vietnam qui a beaucoup lu.

La menbrane centrale du récit, c'est la littérature et l'écriture.

Le narrateur, notre espagnol finira par écrire la vie de son ami, Rodney, le rescapé et le coupable de la guerre du Vietnam.

Il est beaucoup question de culpabilité dans ce roman, les atrocités commises par Rodney au Vietnam lui empêchent toute vie ultérieure. Rejets et remords sont la pierre angulaire de notre homme.

Mais la culpabilité ne s'inscrit pas que dans l'horreur de la guerre.

Le narrateur, va aussi la connaître par la folle spirale du succès que lui apporte un de ces romans. Et, cette spirale fait un tour complet jusqu'à que ces deux amis le comprennent.

Qui peut aider l'autre à sortir de l'enfer ?

Celui qui écrit la vie de l'autre ?

Fascinante dualité, la vie s'en mêle et chacun revit ou incarne une partie de l'autre.

Un roman magnifique où les ressorts de l'âme et la psychologie sont subliment mêlés.



"Trouver des coupables, c'est très facile, ce qui est difficile, c'est d'accepter qu'il n'y en ait pas"



Longtemps, cette phrase résonne en nous.

Un livre que je vous recommande et vous en souhaite la lecture.
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Terra Alta

Un policier, Melchor, qui est entré dans la police dans l’espoir d’élucider le meurtre de sa mère, est confronté à un crime ignoble, la torture et l’assassinat de deux personnes très âgées et très riches, dans la Terra alta, une région de Catalogne à l’écart de tout. ● Il y a bien un roman policier dans ce roman, mais il est secondaire par rapport à la psychologie et à la vie de Melchor. Aussi le récit est-il assez lent, avec de nombreuses analepses. ● Son thème principal est la justice : peut-on se faire justice soi-même ? La justice portée à son plus haut degré ne revient-elle pas à de l’injustice ? Tout cela sous le haut patronage de Victor Hugo et de ses Misérables, roman très souvent cité, Melchor s’identifiant à Javert. ● Le livre se lit sans déplaisir mais il faut être conscient de ce qu’on peut venir y chercher. Je pensais avoir affaire à un thriller, je me trompais et mes attentes ont été déçues.
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Terra Alta

Très louangé, ce titre m'a toutefois laissée sur ma faim. J'ai comme l'impression que ce premier tome n'est qu'un amuse gueule. Un titre pour titiller ma curiosité, pour que je me lance sur les traces de l'inspecteur Melchor Marin à Terra Alta. Pour que je le suive....

Après une adolescence de délinquance, après une vie de jeune adulte garde du corps d'un chef de cartel, après des années en prison, Melchor décide de se refaire une vie. Il se lance dans les études et devient policier...casier judiciaire effacé semble-t-il et voilà, peau neuve! Durant ses années de prison, Melchor découvre Victor Hugo et se passionne pour Les Misérables. Certains des personnages lui serviront presque de guide dans sa vie. Si Melchor se décide à devenir policier, c'est qu'il est hanté par la recherche des assassins de sa mère, prostituée à Barcelone.

Puis, les attentats terroristes de Cambrils font de lui un héros mais un héros qui devra prendre le large pour sa propre sécurité. Il atterri donc à Terra Alta où il devra enquêter sur le meurtre sordide de deux riches vieillards propriétaires de presque tout ce qui se trouve dans cette région .

Mais j'ai eu comme l'impression que tout ce qui arrive n'est que le prétexte à nous parler de Melchor. Cette enquête policière, car enquête il y a bien sûr, est en périphérie, le sujet principal reste véritablement le personnage de Melchor, sa psychologie, ses valeurs, sa vie, sa quête de justice. Et surtout, peut-on se faire justice soit même ? Enquête policière où, pour ma part, dès le début de celle-ci, j'ai identifié les principaux criminels. C'est trop évident par la façon dont le tout nous est amené.

Malgré le rythme lent de la narration et même avec ses nombreux retours en arrière, celui-ci reste précis. Une écriture claire, nette et intelligente.

Je me laisserai probablement tenter par le tome deux. On verra.



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Les lois de la frontière

Cercas replonge dans les années post-franquistes et nous offre un beau roman qui serait le pendant juvénile de son oeuvre, Anatomie d'un instant consacrée au 23 F, un roman fort sur le fin de l'enfance, sur l'adolescence et l'intensité des liens que l'on peut nouer ces années là.

L'image de la movida madrilène a tellement pris le pas dans l'inconscient collectif sur la réalité de l'Espagne de la fin des années 70 - "Franco était mort depuis trois ans , mais le pays, régi encore par les lois franquistes, avait l'exacte odeur du franquisme: il puait la merde."- qu'on a oublié la misère qui y régnait alors, et l'explosion de la violence et de la drogue qui en découla.

En 1978, à Gerone, un gamin de la classe moyenne, Ignacio Cañas alias le Binoclard, se lie par hasard d'amitié avec El Zarco, un jeune voyou charismatique des bidonvilles d'à côté, et tombe amoureux de sa petite amie Tere. Les braquages, la drogue et l'argent facile deviennent son quotidien jusqu'à ce que leur route se sépare brutalement. Cañas, qui avait "franchi la frontière", tait sa complicité avec la bande, retrouve le droit chemin et devient un avocat prospère, tandis qu'El Zarco, sorte de Robin des bois héroïnomane aux yeux de l'opinion publique, est le prisonnier le plus célèbre d'Espagne. Vingt ans plus tard, Cañas accepte de défendre un Zarco au bout du rouleau et renoue avec son passé.

L'habileté de Cercas à déboulonner le mythe du braqueur au grand coeur est telle que je réalise au bout de la centième page (!) par une allusion aux chansons des Los Chichos et des Chunguitos, que le personnage del Zarco ressemble étrangement à Juan José Moreno Cuenca, El Vaquilla, un des délinquants les plus emblématiques de l'époque. C'est un pan de la littérature et du "cine quinqui" (Los últimos golpes de El Torete ,Yo, "El Vaquilla", El lute...) qui resurgit, des noms de types morts d'overdose, du sida ou sous les balles, toutes ces histoires de perros callejeros qui ont nourri les chansons flamencas et les récits tirés "de faits rééls" à la fin des années 70.

Avec Les lois de la frontière, Cercas fait revivre ceux que l'on appelle "la génération perdue de l'héroïne". C'est avec beaucoup de lucidité sur le contexte économique et social de l'époque, sans aucune fascination pour cette jeunesse avide de liberté et en rupture totale avec la société que Javier Cercas exhume pour le lecteur une Espagne qui commençait sa mutation dans la douleur.

Quand vingt ans plus tard, à travers le parcours del Zarco, le Binoclard pointe sous Cañas et que l'homme mûr se confronte enfin aux protagonistes les plus importants de sa jeunesse, il ne peut énoncer une seule vérité sur les choix qui marquèrent cet été 1978, ni sur les lois de la frontière.
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A la vitesse de la lumière

Encore une fois, je reviens à Javier Cercas que Pecosa, avec tout son talent, m'a fait apprécier. Il me reste deux livres traduits en français à découvrir : A petites foulées, son premier roman, et A la vitesse de la Lumière, que je viens d'achever.



Une fois de plus Javier Cercas m'a touchée en plein coeur, malgré son phrasé tortueux qui fait penser qu'on visite la coquille d'un gastéropode.



Je suis en effet entrée dans le récit « à petites foulées », circonspectes, et j'ai été soudain emportée à grandes embardées, « à la vitesse de la lumière », à la vitesse de l'émotion, malgré la distance clinique que Cercas introduit toujours entre lui et son sujet, malgré cette ironie, cette cruauté, cette objectivité d'archiviste qui lui permettent de se prendre pour point de départ, point de vue et point de mire de presque tous ses récits sans jamais sombrer dans l'exhibitionnisme ou le narcissisme, sans qu'on se sente jamais tenté de qualifier ses livres d'autobiographiques, alors qu'il le sont quasiment tous, à un degré ou à un autre.





Le début, malgré le titre fulgurant, est, comme souvent chez Cercas, tâtonnant: il met lentement en place la vie de bohême, les amis artistes, les rêves d'avenir, la peur de l'enlisement dans la ville provinciale de Gérone, la tentation de Barcelone, les interminables discussions dans les petits bistrots enfumés, quand tout à coup, comme une trouée dans le brouillard, éclate, pour le narrateur , l'opportunité inespérée d'un poste d'assistant d'espagnol à la faculté américaine d'Urbana.



Mais une fois à Urbana, le récit à nouveau tâtonne, tourne , littéralement autour du sujet, car le narrateur, apprenti – romancier, y fait la rencontre d'un ancien vétéran du Vietnam, plein de silences et de culpabilité, Rodney Falk, un fin lettré, amoureux de Hemingway mais le coeur à jamais en enfer. Cercas verrait bien Rodney en sujet de son prochain roman, si le sujet, décidément récalcitrant, ne lui glissait entre les mains.



Retour à la case Barcelone. Cercas s'est mis à écrire et à publier. Son premier livre qui porte un regard caustique sur l'université américaine- Rodney n'y apparaît qu'en silhouette- passe inaperçu, mais le second, Les Soldats de Salamine, est accueilli par un succès fulgurant, foudroyant, qui fait sauter toutes les digues : griseries d'ego, bouffées d'orgueil, inlassables beuveries, folle fatuité, honteuses trahisons…Tant d' Hybris attire les foudres du destin qui fond simultanément, à la vitesse de la lumière, sur l'auteur qui a oublié l'homme qu'il était et sur son (futur) sujet qui ne peut oublier, lui, l'homme que la sale guerre vietnamienne a fait de lui. Sur celui qui , en Espagne, est en train de perdre son âme et celui qui , en Amérique, ne peut malgré tous ses efforts la retrouver tout à fait.



Une étrange symétrie s'imprime dans les dernières pages de ce récit entre celui que l'écriture a failli perdre et celui que le silence, plus que la parole tardive, a perdu.



Bouleversante conclusion, qui évite tous les pièges de la facilité ou du romanesque et retrouve le chemin de l'amitié vraie, de la simplicité, du réconfort.



On ferme ce livre à la fois tâtonnant et fulgurant, le coeur serré.

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Le mobile

Javier Cercas ne m'était pas inconnu, j'avais vu plusieurs fois ses romans exposés dans les librairies dont « Terra Alta », mais je n'étais pas allée plus loin. Alors merci Idil (Bookycooky) pour m'avoir permise de découvrir cet auteur espagnol avec ce court récit de moins de cent pages.



A l'origine, « le mobile » faisait parti d'un recueil de cinq nouvelles écrites dans la jeunesse de l'auteur. Au final, Javier Cercas conservera uniquement celle-ci qu'il publiera en 1987.



*

Le récit commence par la présentation du principal protagoniste de cette histoire, Álvaro. Ses réflexions sur la littérature et l'acte d'écrire nous permettent de découvrir un homme tourmenté, fermé, obsédé.

« Il considérait que la littérature est une maîtresse possessive. Soit il la servait avec un zèle et une dévotion absolus, soit elle l'abandonnait à son sort. »



Puis l'histoire évolue et devient un thriller psychologique dans lequel, entre les dialogues et les monologues intérieurs, on est amené à s'interroger sur les personnes manipulatrices, sur les obsessions de chacun et leurs conséquences.



*

Álvaro, le narrateur de ce récit, conseiller juridique passionné de littérature, projette d'écrire un roman policier ambitieux qui bouleversera l'histoire de la littérature.

Pour cela, il choisit les personnages de son roman parmi les habitants de son immeuble, un retraité discret qui cache ses économies chez lui, dans un coffre-fort fermé à clé, et un jeune couple en proie à des difficultés financières.



« Álvaro se plonge dans son travail. Ses personnages l'accompagnent partout : ils travaillent avec lui, se promènent, dorment, vont aux toilettes, boivent, rêvent, s'assoient devant le poste de télévision, respirent avec lui. Il noircit des centaines de pages d'observations, d'annotations, d'épisodes, de corrections, de descriptions de ses personnages et de leur milieu. »



Impitoyable, insensible, inébranlable, l'écrivain va jouer avec ses voisins, comme un marionnettiste tirant les ficelles, les espionnant, les manipulant, influant sur leur vie, leurs choix et leurs décisions, dans le seul but d'en faire des pantins, de leur faire jouer le rôle qu'il leur a attribué dans sa fiction et amener ainsi le couple à commettre le meurtre du vieil homme.



« Malgré tous les revers du siècle, il fallait continuer à croire au roman. Certains l'avaient déjà compris. Aucun instrument ne pouvait capter avec une telle précision et une telle richesse de nuances la complexité infinie du réel. Quant au certificat de décès du roman, il estimait qu'il s'agissait là d'un dangereux préjugé hégélien ; l'art n'avance ni ne recule : l'art advient. »



L'atmosphère du roman s'épaissit jusqu'à la toute fin, surprenante, originale.



*

La force de ce premier roman, c'est avant tout dans la mise en lumière des mécanismes de création littéraire d'Álvaro dans une vertigineuse mise en abyme. Ce « roman dans le roman » entretient ainsi un jeu de confusion entre la fiction et la réalité dans un format court qui maintient l'immersion totale du lecteur.



Je dois dire que le déroulement de l'intrigue, l'ironie que l'on perçoit également, la tension si bien ajustée, piquent forcément la curiosité. Et, même si je suis restée vigilante, essayant de garder le lien avec le réel, recherchant les moments de bascule, lorsqu'est arrivée la dernière page du récit, j'ai été stupéfiée de m'apercevoir que j'avais été manipulée par l'auteur.

Quel auteur, me direz-vous ? A vous de le découvrir, mais cette dernière page justifie tout l'intérêt du roman.



*

Pour conclure, ce court récit se lit d'une traite pour mieux savoureux la chute. « le mobile » est une sorte d'expérience littéraire dans lequel la fiction et la réalité, dans un jeu de dupe, se fondent jusqu'au meurtre.

Cette première nouvelle, grâce à une habile mise en abîme, laisse présager de très belles lectures à venir. Une découverte originale qui permettra de reprendre son souffle entre deux lectures plus imposantes.
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Terra Alta

On a connu Javier Cercas spécialiste de non-fiction dans Anatomie d'un instant, capable de disséquer sur des centaines de pages d'un récit dépourvu de la moindre fantaisie littéraire la tentative de coup d'état espagnol du 23 février 1981. On l'a lu se questionner sur la fiction dans L'imposteur, en érigeant là-aussi sans la moindre fanfaronnade romanesque la biographie d'un homme qui avait quant à lui fait de sa vie un roman. On le connait pour sa passion envers la vérité et l'histoire espagnole, spécialiste de récit du réel, ayant un rapport particulier à la fiction. Difficile dans ces conditions de l'imaginer auteur de polar.

C'est pourtant bien sur ce terrain que nous plonge d'emblée cette fiction, par la découverte macabre d'un triple assassinat dans la comarque de Terra Alta. Les Adell n'avaient certes que peu d'amis dans le secteur, peu ou prou de vie sociale, le patriarche en cacique à la tête de son entreprise des Cartonneries d'Adell, adepte de management à l'ancienne. Mais de là imaginer et surtout comprendre ce carnage et cette torture avant la mise à mort du couple d'industriels nonagénaires - sans trop s'attarder sur la domestique roumaine, la horde d'enquêteurs dépêchés sur les lieux aura bien du mal à le faire. Y compris Melchor. Surtout Melchor devrait-on dire, lui l'étranger transféré au commissariat de la comarque pour se mettre à l'abri d'éventuelles représailles barcelonaises. C'est d'ailleurs tout autant sur lui que se portent d'emblée le mystère et le récit en s'installant dans un ping-pong narratif au gré des chapitres, le lecteur avide des deux histoires, celle de l'enquête au présent et celle sur le passé de Melchor, se demandant en découvrant sa bio comment elles vont bien pouvoir se rejoindre. Il faut dire que le personnage vient de loin. Un fils de prostituée assassinée et de père inconnu, à la jeunesse tumultueuse finalement incarcérée, ayant semble-t-il trouvé sa voie dans la police et sa raison d'être dans la lecture des romans du XIXe siècle, Les misérables en tête d'affiche : " la rancune et le désespoir de l'orphelin transformèrent le roman en un vade-mecum vital ou philosophique, en un livre oracle ou sapiential, ou en un objet de réflexion à faire tourner comme un kaléidoscope."

Si Melchor hésitera à s'identifier à Jean Valjean ou à Javert, le lecteur fidèle à Cercas aura quant à lui vite fait d'identifier l'auteur ibérique. le genre change, mais l'empreinte reste. On retrouve dans ce polar addictif son obsession de la vérité voire la justice incarnée dans l'acharnement d'enquêteur de Melchor, tout comme l'histoire récente de l'Espagne s'invite dans le déroulé de l'intrigue, car "ici, tôt ou tard, tout s'explique par la guerre". Mais on ressent surtout son talent indicible à accrocher le lecteur dans ses histoires.

Une trilogie est annoncée.... alors vivement la suite.



"Le problème, c'est que la réalité est pleine d'invraisemblances. Et en cela, elle ne ressemble pas aux romans, n'est-ce pas ?"


Lien : https://www.benzinemag.net/2..
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Terra Alta

Vous ne pouvez pas vous rendre cet été en Espagne pour cause de COVID ?

Voilà un excellent livre pour l’été, que je l’ai lu grâce à la recommandation de mes amis Babeliotes.



Le flic s’appelle Melchor.

Melchor, comme un Roi Mage : sa mère, une prostituée des environs de Barcelone a poussé un cri de joie à sa naissance. Le seul moment de grâce dans une enfance catastrophique : sans père (se questionnant sur tous les hommes de passage qui se faufilaient derrière sa mère pendant la nuit pour savoir si ce ne serait pas celui-là ?) et sans repère, ce fut la violence et la prison qui furent au rendez-vous de son adolescence.

Mais un autre rendez-vous provoqua son destin : celui de la littérature. A l’occasion d’une rencontre avec un écrivain venu parler avec les prisonniers (une scène superbe pour dénoncer ses écrivains hypocrites qui font montre de bonne œuvre en se déplaçant en prison), Melchor par hasard va découvrir l’ouvrage qui va faire basculer sa vie : « les Misérables » de Victor Hugo.



Amis Babeliotes qui vous intéressez à «Terra Alta », c’est le moment de vous replonger dans ce classique majeur de la littérature du XIXème. Pas tant pour suivre le personnage de Jean Valjean, qui deviendra Mr Madeleine par la suite, mais pour son personnage de flic intraitable : Javert. C’est donc décidé : à l’aide son avocat qui s’est pris d’amitié pour lui, Melchor poursuivra ses études en prison puis à l’extérieur, et deviendra le justicier qu’il rêve d’être, notamment pour retrouver les lâches assassins qui ont laissé sa mère battue à mort dans un terrain vague.



Dans « Terra Alta » Javier Cercas utilise les codes du polar à la perfection : un meurtre sordide (2 personnes âgées, notables en Terra Alta, torturées à mort), des indices trop visibles, un chef de police ambitieux mais qui commet des erreurs, un coupable idéal …



On suit l’avancement de l’enquête tout en suivant en alternance la vie de Melchior qui va rencontrer sa compagne par le biais … de la littérature puisqu’elle est bibliothécaire, et c’est ainsi qu’il lui fera découvrir « Les Misérables » tandis qu’elle lui fera découvrir la littérature du 20ème siècle.



On ne dira rien du dénouement ultime, pour ne pas briser le plaisir que les autres Babeliotes pourraient prendre à cette lecture, mais sachez que le polar est tenu jusqu’au bout. On pense au film « Isla minima » pour ce film tourné dans le delta du Guadalquivir, avec ses marécages couverts de rizières, ce labyrinthe végétal et aquatique, dans lequel se déroule une autre enquête tout aussi palpitante. Mais ici nous sommes sur les terres de l’Ebre, à l’extrême sud de la Catalogne et le paysage est tristement marqué par la fameuse bataille de l’Ebre, l’une des plus sanglantes de la guerre d’Espagne.



Personnellement je connaissais pour ma part Javier Cercas pour avoir adoré « les Soldats de Salamine » ou encore « A la vitesse de l’éclair » que j’avais chroniqué en son temps, ou encore « Les lois de la frontière » également chroniqué, je le découvre ici en auteur de polar, un genre dans lequel il excelle également.



Ses thèmes de prédilection sont toutefois toujours les mêmes : en revisitant encore et toujours l’histoire de l’Espagne et notamment celle de la guerre qui a profondément marqué le pays, y compris dans cette « Terra Alta » où personne ne veut plus vivre, sauf à y être né. Il traite des questions de souvenirs, de vengeance et de haine - « Haïr quelqu’un, c’est comme avaler un verre de poison et croire que c’est comme ça qu’on va tuer celui qu’on déteste » - mais aussi des efforts que font ceux qui restent sur une terre pauvre et hostile.



« La bataille de l’Èbre n’a fait que laisser des blessures visibles, » dit la belle Olga, comme si elle ne parlait pas à Melchor mais à elle-même. « Les tranchées, les ruines, les collines jonchées d’éclats d’obus, toutes ces choses que les touristes aiment tant. Mais les vraies blessures, ce ne sont pas celles-là. Ce sont celles que personne ne voit. Celles que les gens conservent secrètement. »

Melchor s’est découvert désormais une terre à habiter.



Alors en sachant qu’il s’agit d’une trilogie, j’attends comme beaucoup d’entre vous avec impatience la suite de ce « Terra Alta ».

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Indépendance

Je suis vraiment désolée de constater que je ne suis pas en harmonie avec le concert de louange concernant "Indépendance".

Je me réjouissais pourtant vraiment de retrouver l'enquêteur Melchior qui m'avait régalé dans "Terra Alta".

Las ... Je n'ai pas du tout été conquise par l'intrigue d'un pseudo chantage à la vidéo concernant la Maire de Barcelone. le personnage de Melchior apparaît bien palot à Barcelone, il n'a pas de grand rôle dans l'enquête mis à part la toute fin (que j'ai trouvée particulièrement bâclée - personnellement j'ai dû m'y reprendre à deux fois pour relire le passage où l'on apprend que les méchants sont punis).

Plus encore j'ai trouvé les propos concernant la situation politique catalane très bavards : en gros, je résume, droite comme gauche sont complices, ils font de la politique, usent et abusent de la communication, et sont foncièrement corrompus.

Le personnage sympathique de l'avocat, que j'avais aimé dans "Terra Alta", joue les baby sitter pour la petite Cosette, et va disparaître subitement à la fin.

Et enfin, comme si cela ne suffisait pas, Melchior va démêler l'affaire qui est censée le tarauder depuis son enfance : connaître les circonstances dans lesquelles sa mère a été assassinée.

Mais on est très loin de " le Dahlia noir" de James Ellroy, son lointain cousin, et l'intrigue est ici cousue de fil blanc.

Non, vraiment, je suis navrée Monsieur Javier Cercas, mais je me suis profondément ennuyée à la lecture de "Indépendance" - je recommande aux Babeliotes la lecture de "Terra Alta" beaucoup plus enthousiasmante.
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L'Imposteur

L'imposteur c'est l'histoire d'un imposteur espagnol Enric Marco qui a fini par être démasqué,alors qu'il devait participer aux commémorations du soixantième anniversaire de la libération des camps de concentration , qui s'était inventé tout un passé d'antifasciste. Je n'avais jamais entendu parler de cet auteur espagnol ni de l'histoire d'Enric Marco , c'est en lisant une critique sur le site que j'ai eu envie de lire ce livre et j'avoue que je ne suis pas déçue , bien au contraire , le livre a tenu ses promesses , c'est un livre qui pose des questions intéressantes sur les notions de mensonge , de vérités comme les phrases :

Le bon mensonge est pétri de vérités

Le menteur dit ce que l'on veut entendre . L'auteur met en parallèle le mythe de Narcisse qui ne doit ni se connaître , ni se reconnaître et d'un des plus fameux espagnol de fiction célèbre , je veux parler de Don Quichotte . L'auteur analyse les notions si fluctuantes du mensonge et de la vérité ,

évoque le chantage du témoin : le témoin et l'histoire sont deux choses différentes nous dit - il et l'historien doit avoir le courage de tenir tête .

' L'histoire et la mémoire sont opposées. La mémoire est individuelle partielle et subjective , l'histoire en revanche est collective et elle aspire à être totale et objective ' . La mémoire collective ce sont des souvenirs d'autres personnes qu'on a entendu , qu'on nous a raconté et elle n'est pas une source historique fiable .

Beau développement également sur la notion de kitch , le kitch en art et le kitch romanesque , utilisé par Enric Marco , qui est un ersatz de la vérité , en fait le

menteur nous dit ce que nous voulons entendre , la majorité des gens aiment ce genre de choses , il est donc difficile de le démasquer , il faut du courage pour le faire , on est le trublion , et personne n'aime en être un .

Les histoires racontées étaient trop romanesques , Enric Marco donnait trop de détails , il enjolivait de plus en plus son récit , au point que quelques anciens prisonniers des camps le prenaient pour un clown .

Mais l'auteur pose les bonnes questions et nous interroge sur le rôle des médias qui aiment ce genre de récits , plus le mensonge est gros plus la majorité y adhère.

Javier Cercas , nous parle de sa première rencontre avec Marco , au début joue le rôle de l'inquisiteur, il veut obliger Marco à reconnaître son imposture , il le pousse dans ses retranchements mais de toute façon Marco

ne l'a reconnaîtra jamais , il justifiera jusqu'à la fin ce qu'il a fait , pour le devoir de mémoire même s'il se rend bien compte qu' il a

déçu les gens qui sont maintenant gênés de l'avoir cru , il y a une petite minorité qui ne l'a pas cru .

Quel rôle a joué l'Espagne qui devait oublier son passé franquiste , pour pouvoir passer du franquisme à la démocratie sans guerre civile , on a fait un pacte d'oubli momentané , la majorité des espagnols ont occulté ou embelli leur passé . Ce n'est qu'à peu près vingt cinq ans après qu'on a enfin pu penser aux victimes , le délai de vingt cinq a été comme après la guerre en Allemagne.Les gens se sont réinventés un passé ou l'ont embelli . A ce moment de l'histoire d'Espagne , on a eu soudain envie de parler des victimes , de réparer le mal qu'elles ont subi et c'est dans ce contexte de devoir de mémoire que Marco a trouvé son public , le contexte permet aussi à Marco d'aller toujours plus loin dans ses mensonges .

Au fur et à mesure des rencontres avec Marco qui est tout de même un imposteur de première catégorie , l'auteur ne jouera de moins en moins l'inquisiteur , il essaye de comprendre et nous dit de façon très juste que c'est le rôle de l'écrivain aussi , il ne veut pas justifier les actes de Marco , encore moins le réhabiliter mais veut essayer tout au moins d'expliquer .

Marco le menteur pathologique , le séducteur , le narcissique a peut - être une ressemblance avec l'écrivain , un écrivain n'est il pas un menteur narcissique lui aussi .

Le livre est aussi un cas d'étude psychiatrique , qui garde ses mystères , homme qui a menti même sur sa date de naissance , qui a refait sa vie du jour au lendemain à deux reprises , séducteur jusqu'au bout , qui essaye de flatter l'auteur , qui ne

s'est pas écroulé après l'affaire, soutien indéfectible de ses filles , une a même pris la parole publiquement.. Homme à l'énergie débordante qui a fait un nombre incalculables de conférences , a écrit des articles , des livres , assoiffé de reconnaissance , de mise en lumière .

Un livre qui m'a passionné , j'ai vu que l'auteur avait écrit plusieurs livres dont Les soldats de Salamine , je le relirai , je pense que ce livre de non fiction comme l'appelle Javier Cercas est le meilleur livre que j'ai lu depuis longtemps .

Il m'a séduite par ses réflexions , ses questionnements pertinents .
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