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Critiques de Jean Anouilh (632)
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Antigone

Intéressante, dérangeante et très pertinente cette réécriture de Sophocle avec l'éclairage de cette autre tragédie qu'est la période de guerre et les compromissions qui la gangrènent.

Évidemment, poser Antigone en allégorie de la Résistance et Créon en allégorie du pouvoir veule et asservi de Vichy est tentant pour l'auteur, ou nous autres lecteurs.

Mais si l'on extirpe l'œuvre de sa gangue historique, si on la lit pour ce qu'elle est aujourd'hui, j'entends par là, si on la lit dans sa lettre et hors de tout contexte, le personnage le plus intéressant et qui nous donne le plus à réfléchir sur nous-même et sur la vie est bien celui du vieux roi Créon.

En effet, lui, sorti des espérances fleuries avec les boutons d'acné, sait qu'une vie d'homme est faite de compromissions et de sacrifices, faite d'apparences et de sauvetage d'apparences.

Antigone apparaît magistralement inadaptée à l'existence, une sorte de caricature, une manière d'enfant gâtée, qui ne sait malheureusement pas bien ce que c'est que la vie, que les choses ne sont jamais simples ni monolithiques.

Pour Antigone, il n'existe que deux engeances, le blanc brillant et le noir opaque. Créon essaye de lui faire sentir, qu'il peut exister des nuances et qu'il nous est toujours difficile de les nommer "gris" et que, dans la sagesse de l'âge nous devrions plutôt les évoquer comme étant " apparemment gris ".

Selon lui, il n'existe pas de différence fondamentale entre le traitre et le héros, si ce n'est l'utilisation politique et réfléchie qu'on peut faire de la mort de tel ou tel. La vérité est enfouie très, très en-dessous des apparences et des discours politiques et bien peu peuvent espérer gratter suffisamment profond pour la découvrir pleinement un jour.

En ce sens, je trouve que si l'auteur veut faire l'apologie de la résistance, en tant qu'idéal auquel chacun devrait avoir envie de se raccrocher, il rate un peu sa cible et fait d'Antigone une caricature, un véhicule kamikaze et non un symbole de la vraie force et de la vraie résistance telle qu'a pu l'incarner le Mahatma Gandhi, par exemple. (Et bien d'autres authentiques résistants qui ne se sont jamais pliés et qui n'ont pas choisi l'expédient facile de la mort pour autant. Dans le domaine littéraire, on pourrait citer, entre autres, le courageux et intrépide Dashiell Hammett, poursuivi lors de la Chasse aux Sorcières, Mikhaïl Boulgakov sous Staline, etc., etc.)

J'ajoute que le tour, parfois légèrement burlesque, qu'imprime Jean Anouilh à sa pièce, peuvent parfois nous évoquer qu'il a écrit plus une parodie de la tragédie de Sophocle qu'une mouture moderne.

Décidément, rien n'est simple, et je suis bien en peine de dire si cette pièce est un chef-d'œuvre, un habile tour de passe-passe ou un pâle reflet du joyau rutilant dont elle est issue.

La question posée reste la même que chez Sophocle, à savoir celle de l'obéissance aveugle à l'ordre émanant d'une hiérarchie, même si cet ordre va à l'encontre de nos propres convictions. Dit autrement, doit-on exécuter un ordre s'il nous apparaît immoral ?

Chez Sophocle, il y avait une dimension tragique qui remuait les tripes, ici, mes émotions ondulent mollement, comme sous l'action d'une brise légère, alors qu'elles avaient été secouées comme un jour de bourrasque par le vieil antique.

C'est une pièce intelligente, qui nous pousse à réfléchir et à nous positionner, mais scéniquement parlant, mais émotionnellement parlant, ce n'est pas du très grand théâtre à mon goût, d'où mes 4 étoiles et non 5 comme la richesse du propos pourrait m'y inciter.

Cependant, n'oubliez jamais que ce que j'exprime là n'est que mon avis, c'est-à-dire, une once de ressenti brut, autant dire, pas grand-chose.

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Antigone

Comment reprendre le mythe antique grec, la tragédie de Sophocle, et déstructurer la pièce de manière à se l'approprier et à en faire le symbole de la période dans laquelle vit le dramaturge ? Voilà le pari osé mais ô combien réussi de cet auteur de talent, Jean Anouilh, qui retranscrit cette histoire en lui donnant un côté résolument moderne. Exit le côté divin, Antigone se confronte à la justice des hommes. Elle n'est plus la belle jeune fille que l'on pouvait trouver chez Sophocle. Il n'y a qu'à lire le prologue pour s'en rendre compte :



"Voilà. Ces personnages vont vous jouer l'histoire d'Antigone. Antigone, c'est la petite maigre qui est assise là-bas, et qui ne dit rien. Elle regarde droit devant elle. Elle pense. Elle pense qu'elle va être Antigone tout à l'heure, qu'elle va surgir soudain de la maigre jeune fille noiraude et renfermée que personne ne prenait au sérieux dans la famille et se dresser seule en face du monde, seule en face de Créon, son oncle, qui est le roi. Elle pense qu'elle va mourir, qu'elle est jeune et qu'elle aussi, elle aurait bien aimé vivre. Mais il n'y a rien à faire. Elle s'appelle Antigone et il va falloir qu'elle joue son rôle jusqu'au bout... "



Avez-vous remarqué l'écriture très simple, presque familière, tranchant bien évidemment avec la tragédie grecque qui s'exprimait plutôt en ces termes-là :



"Clarté splendide ! La plus belle des lumières qui aient lui sur Thèbe aux sept portes, tu as enfin paru au-dessus des sources Dirkaiennes. Œil du jour d'or ! Tu as repoussé et contraint de fuir, lâchant les rênes, l'homme au bouclier blanc, sorti tout armé d'Argos, et qui, levé contre notre terre pour la cause douteuse de Polynice, et poussant des cris aigus, s'est abattu ici comme un aigle à l'aile de neige, avec d'innombrables armes et des casques chevelus.! (Première entrée du choeur)".



Anouilh a voulu que cette pièce soit accessible à tous. Il l'ancre dans notre époque, dans notre quotidien. Bien entendu, la date de parution,1944, y joue beaucoup dans le symbole de la jeune fille. Elle deviendra très vite une héroïne qui représentera tous les actes de rébellion visant à sauver sa patrie.
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Antigone

J'ai du lire ce roman quand j'étais au collège.... c'est maintenant au tour de ma fille. De ce fait, il était logique que je me plonge a nouveau dans cette pièce de théâtre.



J'en gardais un bon souvenir, ce qui est encore le cas aujourd'hui. Par contre ma vision et mon ressentit sont complètement différents.

A 14 ans j'avais complètement pris parti pour Antigone et je détestais et méprisais Créon.

Aujourd'hui, je suis plus tempérée sur le cas de Créon. Il me fait pitié, de ne pas laisser parler son cœur et de se tenir a une décision qui lui fait mal , mais qui le diminuerait politiquement parlant.



Disons que pour être honnête a 14 ans , j'étais une version d'Antigone, ou tout était noir ou blanc. Sans connaître tous les paramètres je montais au créneau et prenais parti fonction de mon cœur.

Aujourd'hui, je serais plutôt Créon ou effectivement la vie n'a pas que deux couleurs.. des nuances se mêlent à ce noir et au blanc , mes décisions et avis sont plus réfléchis. L'expérience de la vie fait que... néanmoins je n'en suis pas au point de prendre une décision immorale pour plaire au plus grand nombre. Je reste encore avec ce fond d'Antigone qui crie a l'injustice parfois et qui dit haut et fort ce que je pense..... et comme Antigone je m'attire parfois des ennuis.



Ce que je trouve vraiment "drôle" c'est ce changement d'opinion face à une œuvre, qui elle ne change pas.

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Antigone

« Et voilà. Sans la petite Antigone, c’est vrai, ils auraient tous été bien tranquilles. Mais maintenant, c’est fini. »

Un « « voilà » qui tombe comme un soupir désespéré, comme un couperet ; un « voilà » annonciateur de drames et de grands chagrins. Aussi, quelle emmerdeuse cette Antigone, cette « maigre jeune fille, noiraude et renfermée », cette petite garçonne au regard sombre qui inquiète et envoute ! Un mot, un geste, et la voilà qui bouleverse le bon ordonnancement du monde et des choses. Qu’est ce qui la pousse à toujours vouloir aller plus loin, à refuser de se contenter de ce qu’on lui offre, à dire non, toujours non ? Est-ce le refus obstiné de la médiocrité ? La recherche illusoire, impossible d’une certaine pureté ? Une force qui échappe à la compréhension des responsables, des réfléchis, des raisonnables ?

Face à son destin, Antigone dira non à la face du monde, non au roi Créon, non à la petite vie de femme aimante qu’on lui assigne, non à la foule haineuse, aux gardes veules, à l’homme qui l’aime, à toute sa famille. Elle préférera accepter la mort honteuse plutôt que de céder d’un pouce, contraignant le roi Créon à endosser dans cette histoire le mauvais rôle. Ce n’est pourtant pas un mauvais bougre, ce Créon. C’est un roi besogneux, un tâcheron sans envergure qui « s’emploie à rendre l’ordre de ce monde un peu moins absurde ». Il essaiera bien de la raisonner, il la suppliera même d’arrêter ses gamineries, mais face à son intransigeance, à ce feu intérieur qui la consume, il ne pourra rien faire et devra la mener à la mort, acceptant bravement de porter cette « plaie au côté, pendant des siècles ».

Il y eut une multitude « d’Antigone » qui ont traversé l’Histoire avec leurs étendards flamboyants. Des bonnes et des mauvaises « Antigone ». Parmi les bonnes, j’en retiendrai deux : Jeanne d’Arc et De Gaulle ! De Gaulle et son cri du 18 juin 40 lancé dans un immense désert : un non total, viscéral, échappant à toute raison.

La pièce fut jouée à Paris en 1944. Anouilh vint chercher l’Antigone de Sophocle, vieille de deux millénaires, pour magnifier la résistance face à l’occupant. Elle n’eut pas les effets escomptés. Les collabos applaudirent Créon, celui qui dit oui, qui « sue et retrousse ses manches, qui empoigne la vie à pleines mains et s’en met jusqu’aux coudes », tandis que les résistants vénérèrent Antigone et sa soif d’absolue, sa pureté, sa révolte incandescente.

Une pièce bien sombre, abandonnant ses acteurs au doute, à l’échec, aux regrets. Un récit intemporel comme je les aime, celle de l’individu contre l’état, contre un pouvoir arbitraire même s’il prend les traits d’un vieil homme débonnaire.

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Antigone

Antigone est la fille d’Œdipe et Jocaste. Elle a deux frères Etéocle et Polynice et une sœur Ismène. Elle doit épouser Hémon fils de Créon.

Tout semble se dérouler comme prévu. Elle est un peu surprise qu’Hémon l’ai préférée à Ismène, plus jolie qu’elle.

Ses frères Étéocle et Polynice se sont entre-tués lors de la guerre des Sept Chefs. Leur oncle, Créon, devenu roi de Thèbes, organise des funérailles solennelles pour le premier et refuse que le corps du second soit enseveli et expose son corps à l’air sous la garde des vigiles pour que son ordre soit exécuté comme il l’a exprimé.

Seulement, Antigone refuse la décision de Créon et bravant l’interdit, recouvre de terre le corps de Polynice geste qui ne sera pas sans conséquences puisqu’elle se fait arrêter.



Ce que j’en pense :



C’est en lisant le livre Sorj Chalandon « le quatrième mur » que j’ai eu envie de lire cette pièce de Jean Anouilh.

Je n’ai pas encore lu celle de Sophocle, donc je ne pourrai pas comparer mais ce sera une prochaine lecture car Anouilh m’en a donné l’envie.

Antigone est un personnage intéressant. C’est une rebelle qui refuse d’obéir à Créon. Elle est persuadée d’avoir raison, son frère mérite une sépulture, Créon n’a pas le droit de laisser le corps se décomposer. Elle va défendre son opinion avec entêtement jusqu’au bout. Elle sait ce qui va lui arriver, Créon essaie de la mettre en garde, il lui tend des perches pour qu’elle échappe à son funeste destin mais elle reste inébranlable.

Pour elle le monde est tout noir ou tout blanc et il n’y a pas de place pour les nuances, pour les compromis. Ce n’est pourtant pas faute de lui expliquer qu’on doit réfléchir, que l’entêtement est stérile et que sa décision va faire le malheur de tout le monde car elle entraîne les autres avec elle : Hémon, Ismène.

Créon est têtu aussi, plein d’orgueil comme Antigone : aucun des deux ne veut transiger, mais il a du recul, de la sagesse, et essaie de démontrer qu’entre les extrêmes une autre voie est possible. Il doit jouer son rôle de chef d’état sans se dérober et ne pas céder devant Antigone.

Mourir pour des idées c’est bien mais à condition, qu’il y ait des valeurs à défendre, or Antigone veut que son frère soit enterré pour respecter les traditions, alors qu’en poussant la réflexion, elle ne l’aime pas, et ne le respecte pas. Elle s’oppose pour s’opposer. Je ne veux pas comprendre. C’est bon pour vous. Moi, je suis là pour autre chose que pour comprendre. Je suis là pour vous dire non et mourir. P 82

Cette pièce a été jouée pour la première fois en 1944 sous l’Occupation, donc il y a une autre analyse, un parallèle qui se fait. On peut considérer que la rébellion d’Antigone représente la Résistance à l’ennemi, la désobéissance au Maréchal Pétain est symbolisée par la lutte d’Antigone contre les ordres de Créon, la mort sans sépulture, sans respect évoque aussi toutes les personnes mises à mort au nom d’une idéologie.

Par contre, c’est un pâle reflet de la Résistance, qui est une révolte certes mais une révolte qui a un sens, qui est fait au nom d’un idéal, la libération du joug, la rébellion d’Antigone est une révolte d’adolescente effrontée qui pense qu’elle a tous les pouvoirs, et qu’elle a raison contre tous, alors que la Résistance est une lutte d’adulte, réfléchie tournée vers un but altruiste : libérer la nation.

Hémon est un personnage intéressant aussi. Amoureux d’Antigone, il l’admire pour son courage et sa rébellion, il s’oppose à son père à cause d’elle et le dialogue entre les deux hommes est très intéressant car pour devenir un homme il faut désacraliser le père, ce qu’il va faire quoi qu’il lui en coûte.

Ismène est plus raisonnable qu’Antigone, moins fougueuse. Elle essaie de la raisonner. Même le personnage de la nounou est fort, elle sert de mère de substitution, elle est la voix de la raison, de la tempérance.

Anouilh ne met pas Antigone sur un piédestal, rappelons-nous ce que dit le chœur au début de la pièce. « Voilà. Ces personnages vont vous jouer l’histoire d’Antigone. Antigone, c’est la petite maigre qui est assise là-bas et qui ne dit rien. Elle regarde droit devant elle. Elle pense. Elle pense qu’elle va être Antigone tout à l’heure, qu’elle va surgir soudain de la maigre jeune fille noiraude et renfermée que personne ne prenait au sérieux dans la famille et se dresser seule en face du monde… » P 9

Une pièce très intéressante, où chaque personnage a son importance et qui permet une réflexion sur la volonté, la révolte, l’orgueil et aussi la modération qui vient avec l’âge et l’exercice du pouvoir… Evidemment, c’est une lecture que je vous recommande vivement.

note : 8/10
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Antigone

Une pièce qu'il faut lire jeune. Si je la relisais aujourd'hui, croyant avoir avancé en intelligence, je lui trouverais sans doute des tonnes de défauts, j'essayerais de ramener ma philosophie, je m'attarderais même, horreur, sur sa propension à la mise en abyme, bref…

Nous avons donc Antigone, un personnage, le seul qui importe. Elle est jeune, elle est révoltée. En face de lui, elle a Créon, qui est roi, et qu'elle qualifie de « cuisinier » : le pouvoir est en effet une cuisine qui sent au moins aussi mauvais que le cadavre de ses frères Polynice et Étéocle. Pour être révolté par la cuisine en question, et percevoir le caractère existentiel de cette révolte, dont il est finalement difficile de se défaire, il faut être jeune (ou courir après sa jeunesse, phénomène sur lequel on pourrait gloser à l'infini : il y a bien aussi de vieux militants, qui pensent que les syndicats existent encore, qui passent leurs nuits debout, non?).

C'est-à-dire qu'en vieillissant, on s'est un peu fait à tout cela, surtout lorsqu'on a pris des responsabilités (cela peut souvent faire sourire) et créé sa première société offshore (on y sourit beaucoup moins). Pour une illustration concrète, penser à Daniel Cohn-Bendit : en 1968, mai 68, quelques années plus tard, « une envie de politique », pour le présent, je m'abstiens de commentaires.

Anouilh s'adressait probablement aux jeunes, justement. Pour moi, il n'avait guère de message politique réellement articulé, en dehors d'une indignation, pour employer un langage d'aujourd'hui, face à l'injustice sociale, très visible dans « La Sauvage » par exemple. En quelque sorte, il les invitait à rejeter le pouvoir et, probablement, la guerre, en espérant, sans y croire du fait de son absence d'instinct grégaire (il n'y a plus d'espoir, le « sale espoir »), qu'au lendemain de sa pièce, il se trouve quelques Ismène pour suivre le mouvement de révolte.

Mais Ismène ne viendra pas et ainsi va le monde : il laisse sur le côté ses révoltés, ses inadaptés. Comme le souligne le personnage d'Eurydice, ils ne meurent pas tous : certains restent de côté même dans les positions les plus improbables, jusqu'à ce qu'arrive ou pas l'événement (éventuellement un rien, on se sait quoi) qui fait que le « ressort est bandé ». Antigone est une pièce triste, noire, bien de nature, comme disait Anouilh, à démoraliser les troupes.
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Antigone

Antigone, Antigone… tu as déjà fait couler beaucoup d'encre sur ce site… et ma critique ne mettra rien de neuf en lumière que ce qui a déjà écrit !! Je ferai donc simple et court : J'ai aimé lire ton histoire. Je t'imagine petite fille fragile, maigre, mais tellement forte de tête. Une femme de coeur, une femme de raison, une femme de confrontations. Mais tes élans de coeur et ton sens de la justice sociale t'auront perdu et c'est dommage, parce que le monde devrait être constitué de plus de femme comme toi. En fait, c'est mon humble avis. Mais ton entêtement aura eu des dommages collatéraux et c'est bien dommage. J'ai beaucoup apprécié ma lecture, une tragédie grecque a son meilleur. Et j'ai aimé le lire en ayant un peu lu sur le contexte dans lequel cette réécriture a été faite. Intéressant de savoir que certains y vont vu la glorification de la Résistance face au Nazisme. Comme un hommage à tous ceux et celles qui ont donné leur corps, leur vie, leur âme pour lutter contre le schème de pensées hitlérien. Une très intéressante lecture. A lire au moins une fois dans sa vie ! ;)
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Eurydice, suivi de

Comme souvent avec Anouilh, on rit et on pleure. Sachant que Roméo et Jeannette appartient à ses pièces noires, le ton est donné ! D'entrée de jeu, le titre prête à sourire, Shakespeare serait content ! On commence donc par sourire. Julia, Frédéric et la mère de ce dernier se rendent dans la famille de Julia avant le mariage. Julia avait envoyé une lettre pour demander à son père, son frère Lucien et sa sœur Jeannette, de tout nettoyer et de préparer un repas. Elle avait joint à sa missive un peu d'argent, sachant que sa famille était toujours fauchée. Bien entendu, à leur arrivée, il n'y a personne et la maison est d'une saleté repoussante. La pauvre Julia s'écroule. Mais son futur époux se montre très réconfortant et belle-maman prend les choses en main.



Le premier "personnage" de la famille de Julia qui fera son apparition est Lucien, le frère. Cynique, négatif, il n'écoute personne et parle sans écouter les autres. Il se trouvait dans la maison mais n'avait pas répondu à l'arrivée des visiteurs. Ayant vécu une douloureuse expérience amoureuse, il tourne tout au tragique, dans tous les sens du terme d'ailleurs puisque ses tirades sont dignes d'une pièce antique ou d'une pièce de Racine. Puis arrive le père, trouvé au bar-épicerie par la belle-mère partie acheter quelques conserves pour faire un semblant de repas. Il semble être un bon vivant que rien n'arrête. Pourtant, lorsque la scène (culte pour moi) du sacrifice de Léon le poulet arrive, le père se transforme, voulant ranimer la volaille. Quant à Lucien, il se révèle comme le plus grand tragédien de tous les temps ! Et c'est à ce moment, bien choisi, qu'apparaît la fameuse Jeannette, sorte de Phèdre sortie de nulle part, jetant un sort à la famille sur 10 générations (je sais, j'exagère !) pour avoir occis Léon, pour avoir fait couler le sang d'un être innocent. Et cette entrée fracassante marque le début des ennuis pour cette pauvre Julia, bien effacée face à cette famille de dingues... Le sourire s'efface de nos visages car on comprend dès lors que le côté tragique va prendre le pas.



C'est avec grand plaisir que j'ai relu cette pièce, sans impression d'ailleurs de "déjà lue". Avec Anouilh, on découvre toujours quelque chose qui nous avait échappé.
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Becket ou L'Honneur de Dieu

"La sainteté est une tentation."



Fichtre. Quand je pense que j'ai lu cette pièce seulement en complèment de "Meurtre dans la cathédrale", tout en m'attendant à moitié à ce que ça ne me plaise pas... !



"Becket", qui reprend le fameux épisode de l'histoire anglaise (12ème siècle), emploie la technique de "théâtre dans le théâtre" pour évoquer l'histoire de l'amitié, et plus tard la rivalité, entre le roi Henry II Plantagenêt et Thomas Becket, son compagnon de buverie anglo-saxon.

Celui-ci danse avec virtuosité sur des oeufs : il est jeune, insouciant, il veut vivre et profiter de la vie. Jusqu'au moment où le roi le pousse à accepter le poste suprême d'archevêque de Canterbury :

"J'étais un homme sans honneur. Et tout d'un coup, j'en ai eu un, celui que je n'aurais jamais imaginé devoir devenir mien, celui de Dieu. Un honneur incompréhensible et fragile, comme un enfant-roi poursuivi."

Traduit en mots ordinaires, Thomas retrouve sa dignité et l'estime perdues de lui-même. Pour les garder, il va sacrifier sa patrie, son confort, l'amitié du roi et finalement aussi sa vie.



En tant que double contrasté d'Eliot, Anouilh fonctionne impeccablement. La pièce est prenante, elle utilise un maximum d'effets dramatiques et les scènes alternent très vite, de manière presque cinématographique.

Les répliques des deux protagonistes, Thomas Becket et Henry II, sonnent de façon tout à fait convaincante, et en même temps elles sont intelligentes, pétillantes, surprenantes. Tant de fois je me demandais en tournant la page : "ha, qu'est-ce que le roi pourrait répondre à ça ?". Et la réplique suivante ne m'a jamais déçue.

Je ne connais qu'un seul autre dramaturge qui maîtrise aussi bien les dialogues, et je pense là à G. B. Shaw. La même façon élégante de traiter le thème politique en hyperboles, avec l'humour sec et la phrase ciselée. Entre bouffonnerie et méditation philosophique, entre comédie et tragédie, il aborde la révolte d'un individu contre l'ordre établi, la dichotomie de l'intimité et de la vie publique, mais avant tout, la recherche de responsabilité de sa propre vie.

Le talon d'Achille de la plupart des drames historiques est l'art d'incarner les faits notoires de façon presque désinvolte, pour ne pas donner une impression didactique et crispée, et ici c'est une réussite.

Et encore une chose : Anouilh montre en prime une imagination vigoureuse et le sens du geste dans ses notes scéniques (tamtams, éclairages, décors mobiles). Bref, en examinant "Becket" sous toutes les coutures, je ne trouve rien à lui reprocher.



Je supposais qu'Anouilh brossera le portrait de Saint Thomas de façon négative (l'annotation va plus ou moins dans ces sens) et que ça allait m'énerver. Je craignais aussi qu'après la justesse historique d'Eliot j'aurai une mauvaise surprise sous forme de roi-crapule. Mais non. "Becket" montre une délicate image de la relation compliquée entre le souverain et son ami - chancelier - archevêque - adversaire. Leur amitié problématique fait toute la beauté de la pièce. Henry s'en sort comme un homme faible mais sensible, malléable vis-à-vis de son compagnon intelligent dont il réclame l'affection. Chez Thomas, le dramaturge montre une continuité dans toutes les trois étapes da sa vie : bambocheur, homme d'état, saint martyr. Les deux têtus comme une mule. On ne peut (enfin, je ne peux) qu'aimer Becket, et ressentir au moins un peu de compassion pour le roi.

Quant au niveau "politique" de la pièce : on y parle si souvent de l'occupation normande de l'Angleterre que j'étais persuadée qu'Anouilh l'a écrit pendant la Seconde Guerre Mondiale, comme "Antigone". Un fois de plus je me trompais, elle est plus tardive. Mais on ne peut pas passer sur le fait que le patriotisme anglo-saxon de Thomas reflète le patriotisme de l'auteur ; d'ailleurs, quelques anachronismes intentionnels ne nuisent pas à la véracité historique, ils sont charmants.

Et ce leitmotiv de la fourchette... tout simplement parfait ! 4,5/5

................................................................................................................................

"- Alors, Thomas Becket, tu es content ? Je suis nu sur ta tombe et tes moines vont venir me battre. Quelle fin pour notre histoire ! Toi, pourrissant dans ce tombeau, lardé des coups de dague de mes barons et moi, tout nu, comme un imbécile, dans les courants d'air, attendant que ces brutes viennent me taper dessus. Tu ne crois pas qu'on aurait mieux fait de s'entendre ?"

- On ne pouvait pas s'entendre...."
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Antigone

Antigone...

J'ai été bercé par la mythologie, en y trouvant un attrait particulier pour ces histoires incroyables, et de grandes épopées. J'ai pris un grand plaisir à découvrir récemment la vie de Médée ou de Circé. Il y a quelque chose de fascinant d'ailleurs dans ces destins tragiques. Une forme d'envoûtement presque...



Antigone a longtemps été pour moi un personnage torturé, synonyme d'injustice. La BD portant son nom dans la saga "La sagesse des mythes" m'avait plu, même si pour moi, elle ne présentait pas assez la réflexion profonde de ce personnage. D'ailleurs, je trouve cela injuste qu'elle soit parfois présentée de façon si restreinte.



À mes yeux, Antigone est une femme forte, qui tient à ses engagements et ses convictions et qui choisit d'y rester fidèle. J'ai étudié cette pièce pendant ma scolarité. Elle m'avait beaucoup marqué, avec mes yeux d'adulte, il me manque de la profondeur, des réponses, et une présentation plus approfondie de l'histoire. Pour une pièce de théâtre, l'histoire est plus à vivre qu'à lire : il y a un pouvoir dans la mise en scène qui nous permet aussi de profiter de l'étendue et de l'impact d'une telle tragédie. Il y a aussi des éléments visuels, une intonation qui donne de l'ampleur au texte.



Avec mes yeux d'adultes, je ne suis pas déçu, mais je vois la distance que j'ai parcouru : jeune, j'étais fascinée par l'histoire de cette femme qui lutte et qui reste sur sa position envers et contre tous. Adulte, j'ai envie de la lire, de la comprendre, de découvrir plus avant ses tourments et la raison de ces convictions ancrées au plus profond d'elle-même. L’œuvre de Sophocle est en cela plus intéressante. Bien envie d'ailleurs de découvrir d'autres récits d'Antigone !



En bref : il est très intéressant de redécouvrir des œuvres qu'on a adoré jeune. On voit la distance parcourue, et on comprend mieux les raisons qui nous ont fait aimer l'histoire ou le personnage !
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Antigone

Elle est petite, maigrichonne, toute noiraude et renfrognée, sa robe est chiffonnée, déchirée, ses genoux griffés...



Elle est toujours en colère: contre les adultes, contre les puissants, contre les trop belles, contre les trop tendres, contre les règles qu'on lui impose, contre les compromis qu'on lui propose, elle est CONTRE, CONTRE, CONTRE



Antigone d'Anouilh c'est une ado qui ne veut pas vieillir, pas grandir. Quitte à mourir, là, tout de suite, pour ne jamais sacrifier un seul bout de sa terrible volonté d'enfant idéaliste, toute arc-boutée contre le monde ...



Anouilh a eu cette force-là: sans reprendre le mythe de Sophocle, si écrasant -celui d'une vraie héroïne tragique, qui refuse au nom des lois sacrées et non-écrites des dieux de se plier aux lois circonstancielles et politiques des hommes,- sans emboîter le pas à son illustre prédécesseur, il a eu , dis-je, la force de créer à son tour un nouveau mythe, qui a fait pleurer et frémir des générations d'adolescents: celui de l'ado éprise de pureté et d'absolu, pleine de terreur à l'idée de changer, de mûrir, de composer avec les autres.



Et il a aussi joué avec les codes: il faut relire le merveilleux prologue d'Antigone: c'est la meilleure explication de texte des théories d'Aristote sur la catharsis et le poids du destin dans la tragédie grecque!



Bref, une pièce majeure d'Anouilh, la plus grande de son théâtre, que personnellement je n'apprécie pas beaucoup. On compte les forgeurs de mythes contemporains sur les doigts d'une main..Anouilh avec Antigone est de ceux-là: il a réussi ce tour de force...
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Antigone

Sophocle me terrorisait pour découvrir la mythique Antigone: à l'idée de lire de la tragédie écrite avant la naissance de Monsieur Christ, je tremblais devant la difficulté de la tâche, convaincue de n'être jamais à la hauteur. Donc comme peut-être un certain nombre de non-lecteurs de Sophocle (oh si quand même, on doit être un bon paquet), je ne connaissais qu'un vague résumé de l'histoire et de sa morale. Et Jean Anouilh m'a rendu un fier service en récrivant une version moderne le siècle dernier. Enfin accessible et vulgarisée, je pris un réel plaisir à cette lecture.



Avant tout, cours de rattrapage et présentation rapide de Antigone (version 2015)



Acte I :

Antigone, gamine de 20 ans, part de loin la petiote: née de la relation de Oedipe d'un côté (le gars qui a fauté avec sa maman, bouuuh pas bien) et de Jocaste d'un autre (la fameuse maman incestueuse qui est donc mère et grand-mère d'Antigone du coup). Donc déjà, ils ne sont pas très clairs dans la famille, y a comme qui dirait du complexe dans l'air.

Arrive ensuite la fratrie: Ismène, la grande soeur qui ne pense qu'à sa petite personne et son confort, et Etéocle et Polynice, les deux frangins qui rêvent tous deux du trône de Thèbes après la mort de papa Oedipe (Oui papa était roi de Thèbes en plus de coucher avec sa daronne). Mais au lieu de discuter tranquille et trouver un deal autour d'un verre, ils ne trouvent rien de mieux que de se mettre dessus et s'entretuer. Même pas fichus d'avoir un vainqueur. Donc bim, plus de frères.



Acte II :

Tristesse, chagrin, douleur, deuil. Entre en scène, Tonton Créon, roi de Thèbes (et oui y avait plus de frères, faut suivre) qui prend les choses en main : on ne rendra les honneurs funéraires qu'au valeureux Etéocle, tant pis pour Polynice, le sale vaurien, qui lui, pourrira dans un coin. Pas cool le tonton parce qu'on sent que ça va encore créer des histoires ça. Et pour bien montrer qui c'est le chef, il en rajoute une couche: le premier qui se la ramène et s'amuse à contrecarrer ses directives, bim aussi, la mort. Autant le dire, ça ne rigole pas.



Acte III :

Antigone, 20 ans on l'a dit, et donc rebelle à la famille et à l'autorité, même pas peur du Tonton, se met alors en tête d'enterrer dignement son frère quitte à en payer le prix fort. Elle se frotte aux injonctions tontonales malgré les mises en garde de sa nounou, sa frangine et même de son mec, Hémon (fils de Tonton et donc cousin d'Antigone car les coucheries ça reste en famille chez eux).

Et tout comme dans Titanic on sait déjà que le rafiot coule à la fin avant même d'avoir démarré l'histoire, ben ici pareil, on connaît l'issue avant même l'ouverture du livre (le prologue est là pour nous le rappeler en cas d'oubli): un vrai carnage là-dedans, bim bim bim tous dead, Tonton peut pleurer.



Jean Anouilh présente l'histoire mieux que ça, rassurez vous.

En réactualisant sa version et en l'installant au coeur de la seconde guerre mondiale, elle est pour lui un excellent prétexte pour mettre le doigt intelligemment et subtilement sur la résistance face à un pouvoir impérieux et des décisions parfois ineptes. On peut peut-être juste regretter que Créon, représentant du pouvoir, apparaisse presque trop humain, et pas assez proche de la réalité de ces chefs d'états sous l'Occupation, plus souvent insensibles, froids, égotiques et inébranlables. Antigone illustre, quant à elle, à merveille la placide mais déterminée résistante, forte et combative, prête à jouer sa vie pour obtenir justice.



Véritable bijou d'un point de vue littéraire, historique et symbolique, cette oeuvre, très complète, est largement abordable par les plus jeunes.

Aucun doute : Antigone reste un grand classique intemporel et incontournable.
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Le Voyageur sans bagage, suivi de Le Bal de..

« Le Voyageur sans bagage » est une pièce de théâtre en 5 tableaux de Jean Anouilh. Créée au théâtre des Mathurins en 1937, cette pièce fait partie des Pièces Noires de l’auteur.



Résumé de la pièce : À la fin de la Première Guerre mondiale, Gaston est retrouvé amnésique, errant dans une gare, au milieu de soldats français. Recueilli par le directeur d'un asile, qui l'emploie pendant dix-huit ans comme jardinier, Gaston est ensuite réclamé par plusieurs familles, dont la famille Renaud, à laquelle il est présenté : c’est que l’homme, qui est pensionné depuis dix-huit ans et qui ne dépensait pratiquement rien, est à la tête de deux cent cinquante mille francs or, une petite fortune qui suscite des convoitises ! Car, oui, plusieurs familles réclament Gaston, ce cher disparu ! D'un caractère doux et gentil, Gaston découvre avec horreur -lors d’une conversation avec la famille Renaud- l'identité qu'on lui attribue : de son vrai prénom Jacques, Gaston serait un personnage violent (il prenait plaisir à tuer des oiseaux alors qu’il n’était qu’un enfant) et sans scrupule (il aurait été l’amant de Valentine, la femme de son frère présumé, frère qu’il aurait fait dégringoler du haut d’un escalier et qui en serait devenu infirme) ! Gaston ne se reconnaît pas dans ce portrait terrible, mais, quand il découvre sur lui la cicatrice d'une blessure infligée par l'aiguille à chapeau de Valentine, il n'a plus aucun doute sur sa famille d'origine. Abasourdi, inconsolable, décidé à ne pas endosser des habits de scélérat, prêt à fuir les méfaits dont on lui rebat les oreilles, voulant refaire sa vie coûte que coûte, Gaston va prendre une décision de la plus haute importance : je ne vous en dis pas plus !



Dans cette histoire de soldat amnésique, Jean Anouilh –qui s’est basé sur la vie d’Anthelme Mangin, dit « l'amnésique de Rodez »- met en scène la douloureuse servitude de la mémoire. Gaston a perdu son identité et oublié l'ensemble de ses souvenirs personnels (son nom de famille, les membres de sa famille, sa profession, etc.). Aujourd’hui, on sait que même les malades atteints d'Alzheimer à un stade avancé se souviennent de leur nom et du métier qu’ils ont exercé. La perte d'une information aussi fondamentale que l’identité est très frappante, car cette information –qui compte parmi les souvenirs les plus anciens d’un individu- est ordinairement préservée, dans la mesure où elle est consolidée de longue date dans le cerveau de l’individu. Les grands amnésiques ont souvent connu des chocs émotionnels traumatiques, et c’est évidemment le cas de Gaston qui a été témoin de scène de guerre et de morts violentes (ah les joies de la baïonnette et du gaz moutarde !). Normalement, ces malades peuvent se reconstruire, et c’est ce qui arrivera à Gaston (je vous renvoie au 5ème et dernier tableau de la pièce). Gaston choisira peut-être la fuite en avant, mais ça n’est pas de la lâcheté : il refusera d'endosser un passé, un milieu et des relations faites de faux-semblant et pleines de zones d’ombre. L’oubli, au lieu d'être subi, se transformera en une énergie que Gaston mettra au service de sa propre reconstruction.



Jean Anouilh utilise dans cette pièce différents registres émotionnels : l’indifférence, la résignation, la culpabilité, le malaise, l’angoisse, la curiosité, le désespoir, la fuite et l’espoir. Les neuf personnages de la pièce sont incroyablement typés (Valentine, Monsieur Renaud père, etc.), le suspense va grandissant et conduit au surprenant retournement de situation initié au 4ème tableau. L’écriture est finement ciselée, empreinte d’un profond réalisme, et l’humour ne manque pas. L’ouvrage se lit d’une seule traite. L’auteur nous chante un hymne à la liberté, glorifiant –face à la dure loi du destin- le libre arbitre de l’individu. Je mets 4 étoiles !
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Antigone

Cette pièce en un acte de Jean Anouilh met en scène Antigone, la jeune fille rebelle d'Oedipe, qui, à la suite de l'exil de ce dernier et de la mort de ses deux frères, Etéocle et Polynice, décide d'agir pour enterrer avec dignité Polynice, dont le cadavre est abandonné à la chaleur et à la puanteur. En outre, Créon, l'actuel roi de Thèbes et oncle d'Antigone, interdit à quiconque de s'approcher du corps sous peine de mort. Malgré cet ordre, Antigone brave tous les dangers mais finit par être arrêtée par un garde, puis amenée à Créon. S'ensuit alors un long entretien sur la vie, le bonheur et l'amour, ce que la si jolie réplique de Créon nous explique : "La vie n'est pas ce que tu crois. C'est une eau que les jeunes gens laissent couler sans savoir, entre leurs doigts ouverts. Ferme tes mains, ferme tes mains, vite. Retiens-là. Tu verras, cela deviendra une petite chose dure et simple qu'on grignote assis au soleil." mais Antigone ne veut pas céder, ce qui nous conduit malheureusement à un drame, ou plutôt devrais-je dire à des drames qui laisseront Créon seul face à son destin...



J'ai beaucoup aimé le personnage d'Antigone, une femme battante qui désire qu'on l'écoute et que justice soit faite ; elle connait très bien le sort qui l'attend mais qui résiste jusqu'à la fin, ce qui fait d'elle une légende incontournable : "Moi je veux tout, tout de suite – et que ce soit entier – ou alors je refuse ! Je ne veux pas être modeste, moi, et me contenter d’un petit morceau si j’ai été bien sage. Je veux être sûre de tout aujourd’hui et que cela soit aussi beau que quand j’étais petite – ou mourir." ; j'ai également apprécié Hémon, le fiancé de notre héroïne, dont je n'ai pas encore parlé mais qui joue un rôle prépondérant, puisque lui aussi bravera les ordres de son père (Créon) et rejoindra celle qu'il aime. Enfin, cette tragédie est d'une finesse admirable, constituée de répliques touchantes et d'une morale vraiment sincère, et je n'oublierai jamais ce roman qui m'a profondément marquée.



A lire absolument !
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Antigone

Relecture dans le cadre du soutien scolaire et redécouverte de cette tragédie de l’absolu. Une Antigone volontairement suicidaire, confrontée à la difficulté de vivre qui dit avec sa petite voix meurtrie et amère non au bonheur, consciente de ses faiblesses dont elle ne veut plus s’accommoder, aspirant à se dévêtir de la vie, par goût intime de la mort, car c’est tout simplement son destin qui doit s’accomplir. "Elle pense qu’elle va mourir, qu’elle est jeune et qu’elle aussi, elle aurait bien aimé vivre" Est-ce si sûr ?
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Le Voyageur sans bagage, suivi de Le Bal de..

Le voyageur sans bagage.



Un soldat, de retour du front en 1918, retrouvé amnésique dans une gare de triage, se trouve dans l'impossibilité de choisir quelle voie il doit prendre.

Interné dans un asile, il y mène une vie paisible. Pourtant on ne le laisse pas tranquille, plusieurs familles semblent reconnaître en lui l'un des membres de sa famille.

La première famille rencontrée fait de lui un portrait auquel il ne s'attendait pas, il ne l'accepte pas. Il ne se reconnaît pas dans ce jeune-homme antipathique, cruel, léger, inconstant.

Pourquoi ne pas saisir cette chance de l'amnésie, la chance d'être un homme sans bagage, sans passé, pour ainsi se retrouver tout neuf face à la vie qui se présente à lui.

Et puis, pourquoi ne pas choisir lui-même, en se débarrassant du fantôme de son passé, la voie qui lui sied le mieux. Pourquoi ne pas écouter son coeur en suivant un petit garçon qui lui montre le chemin…en se choisissant une famille de coeur.



Le bal des voleurs.



Une comédie qui met en scène une famille aristocratique qui s'ennuie, et dont l'intrusion de voleurs dans leur vie apparaît comme une distraction. Des mensonges, des masques, un histoire d'amour naïve, qui font vibrer pour un moment cette famille riche en leur donnant un peu de fantaisie, de gaité et d'émotion. Finalement la vie nous confronte bien souvent à ce genre de "masque ou mensonge", que l'on soit face à de vrais voleurs ou non. Il faut se méfier des apparences.





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Antigone

Conseil à l'attention de ceux qui, comme moi, ont trouvé pénible la lecture d' "Antigone" au lycée et n'en ont conservé qu'un souvenir nébuleux : relisez-le.

L'intrigue : Antigone, fille d'Oedipe, veut enterrer son frère Polynice malgré l'interdiction de son oncle, le roi Créon, qui menace de mort ceux qui contreviendront à son ordre.



Bon, rien de bien sexy dans ce résumé, et la façon dont la prof disséquait chaque mot (mon livre est truffé d'annotations qui en attestent) ne suscitait en moi aucun intérêt pour cette pièce de Sophocle revisitée par Anouilh. Pourtant, j'ai souhaité la relire avant d'attaquer "Le quatrième mur" de Chalandon (où il en est question), et j'ai été... éblouie et sidérée par la beauté du texte, sa pureté et la force de sa simplicité. J'ai également adoré les anachronismes disséminés ici ou là, et qui créent un troublant décalage dans la lecture : Polynice qui roulait comme un fou en voiture, Antigone qui passait ses vacances à la plage... Cet élan de modernité qui s'affranchit du classicisme tout en respectant les règles de la tragédie grecque est d'une fraîcheur inouïe.

En outre, j'ai été bouleversée par la teneur des échanges entre Antigone et Créon, celle qui dit non et celui qui dit oui, la jeune femme entêtée et le vieil homme indulgent. D'ailleurs, j'ai beaucoup aimé Créon, roi malgré lui qui aurait préféré continuer à lire tranquillement dans son coin plutôt que régner sur Thèbes. A ce titre, il y a moult réflexions qui interpellent sur la résistance (la pièce date de 1944, ce qui n'est pas anodin), le devoir, et le courage de vivre. Et tout cela, en un peu plus de 100 pages et un peu moins de 2 heures de lecture !



Alors, à tous ceux qui, comme moi, dessinaient des gribouillis dans les marges de leur livre (mais aussi à ceux qui ne le connaissent pas encore), je dis : n'ayez pas peur, n'hésitez pas à rattraper votre jeunesse en (re-)lisant et (re-)découvrant ce concentré de beauté, d'intelligence, et d'émotion, et vous aurez à nouveau 15 ans !

(ce dernier point est un peu exagéré, j'avoue -mais pas le reste)
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Antigone

« Une tragédie se compose de deux vérités contradictoires. » Harry Mulisch, "Deux femmes"

Je venais de finir Antigone et voilà que le roman suivant lui faisait écho. C'est étonnant parfois nos choix de romans que l'on imagine pris au hasard dans la pile...

Suis-je arrivée à l'âge où les paroles de Créon me parlent tant ? « La vie n'est pas ce que tu crois. » Sans doute.

Antigone est jeune, Antigone n'est pas encore polie par une vie qui apprend à prendre le meilleur dès qu'il se présente, et même si le meilleur ce ne sont que quelques secondes... Antigone veut la pureté, veut l'absolu à n'importe quel prix. Le propre de la jeunesse, fougue et entrain. Une tragédie qui parle à tous les âges de tous les temps.

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Antigone

"Antigone" de Jean Anouilh ou pour être plus précis L’Antigone d’Anouilh est une pièce ouverte à plusieurs points de vue ou lectures. On trouve d’abord cette lecture scolaire qui nous enseigne sur une fille courageuse qui affronte seule le méchant tyran (c’est beau tout cela). On a aussi cette lecture qui met l’écriture de la pièce dans son cadre historique (cela est intéressant). Ou encore, cette lecture qui compare entre diverses versions d’Antigone, depuis Sophocle (une recherche amusante). Par ailleurs, on peut lire "Antigone" d’Anouilh tout simplement comme si on allait découvrir une pièce différente pour la première fois ; une lecture vierge, cette dernière ressemblera à son lecteur.



Certes, Antigone est présentée comme un personnage tragique, mais cette représentation est un peu étrange. Antigone dans cette pièce est un personnage, loin d’être une personne ; elle en a conscience, elle l’assume. La vie est présentée comme un théâtre où chacun doit obligatoirement jouer son rôle, tout simplement. On le sent dès les premières répliques du Chœur. Antigone est une marionnette. Ensuite entre Créon qui a le mauvais rôle comme il le dit. Il lui annonce franchement que le héros antique et mythique de la tragédie c’est de l’histoire ancienne, c’est fini ; "ces temps sont révolus pour Thèbes. Thèbes a droit à un prince sans histoire." Dorénavant, les héros mythiques seront cravatés, seront plus véridiques, sans ces divagations (celles d’Antigone), bref, selon Créon, Antigone est le dernier héros tragique. Un nouveau théâtre est en train de naître là. Personnellement, j’ai vu que tout au long de la pièce, ce personnage d’Antigone est mis en dérision ! même les gardes se moquent d’elle. Tout son pathétique est dérisoire. Son acte glorieux est absurde comme son existence. Elle ne sait même pas pour quel motif, elle le fait. Elle le fait parce qu’elle est un personnage tragique à l’ancienne qui doit mourir, "elle s’appelle Antigone et il va falloir qu’elle joue son rôle jusqu’au bout".



La pièce d’Antigone met en exergue ce conflit des visions du bonheur, de la vie et du courage. Chacun présente un point de vue différent et essaie de l’argumenter. Devant la vision réaliste, raisonnable de Créon se dresse une vision sentimentale, presque absurde d’Antigone la fille difficile, gâtée et inexpérimentée. Le "Oui" de Créon parait-il est plus courageux que le "Non" téméraire d’Antigone. Ce "Non" qu’il ne faut pas mélanger avec celui du philosophe Alain dans un célèbre paragraphe ("Penser, c'est dire non. Remarquez que le signe du oui est d'un homme qui s'endort ; au contraire le réveil secoue la tête et dit non. Non à quoi ? Au monde, au tyran, au prêcheur ? Ce n'est que l'apparence. En tous ces cas-là, c'est à elle-même que la pensée dit non. Elle rompt l'heureux acquiescement. Elle se sépare d'elle-même. Elle combat contre elle-même. Il n'y a pas au monde d'autre combat…").



"Le vent se lève…il faut tenter de vivre." Voilà tout. Ceux qui l’ont tenté comme Créon et les gardes, en dépit de l’exigence et l’indigence, ont réussi à survivre. Tandis que les autres comme ce prince caricatural, cet amoureux puéril, ont dû succomber. Il faut être fort pour vivre.

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Médée

Superbe relecture par Anouilh de l'histoire de Médée et de Jason.

On revoit leur passé,la fuite éperdue à travers la Colchide,leur passion toute neuve, leur compagnonnage de " petits soldats". Et maintenant le présent,l'amour qui se délite,l'abandon de Médée pour la jeune Créuse.

Et surtout,à travers la violente confrontation des deux anciens amants,ce questionnement qui parcourt la plupart des pièces d'Anouilh:faut-il opter pour un bonheur à mesure humaine,tranquille,raisonnable,sans doute médiocre-c'est le choix de Jason et du Créon d'ANTIGONE-ou pour une vie d'intransigeance,de refus,de luttes solitaires,de crimes peut-être,comme Médée,pour atteindre un absolu qui ne peut déboucher que sur la mort,chez Antigone comme chez Médée?
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