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Critiques de Jean Anouilh (631)
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La Sauvage

Une des pièces sombres, tragiques, noires d’Anouilh, comme Antigone d’ailleurs.
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Antigone

Plus de 300 critiques recensées sur ce site à ce jour... Elle en aura fait user des claviers cette petite Antigone !

Ma critique n'apportera donc rien de plus, mais je tiens tout de même à rendre hommage à cette magnifique pièce !

Je ne suis guère calée en pièces de théâtre, le bagage théorique et référentiel me manque certainement... mais j'ai été touchée, remuée, par ce texte lu en binôme avec mon plus grand fiston. Lui est passé à côté (trop jeune, trop "garçon", il faut que jeunesse se passe!), mais de mon côté l'aspect Histoire m'a moins frappée que les tempéraments, psychologies des personnages.

J'y ai vu une scène familiale classique, poussée à l'extrême : la jeune adolescente, rebelle, éprise d'absolu, pure et droite, rejetant toute compromission, face à la figure paternaliste du roi Créon, désabusé, revenu de tout, conscient des exigences de la "vie réelle" devant lesquelles on ne peut se dérober... Bien sûr, on trouvera au fond de notre coeur un fond d'antigoniste (antagoniste?), cette soif de certitude, de passion poussée, tendue... L'ex ado en nous réapparaît à la lecture des belles tirades d'Antigone la fragile, Antigone la jusqu'au-bout-iste, mais j'y vois aussi l'égoïsme propre à cet âge, pense-telle un instant au drame que sa décision va créer ? A la douleur insoutenable pour ceux qui l'aiment ?

Là n'est pas la question de M. Anouilh, mais cela remet en cause la "blancheur" de l'attitude d'Antigone, face à la "noirceur" des autres, de tous les autres, dont nous faisons partie, en grande majorité, nous qui faisons avec les turpitudes, déceptions, efforts, sacrifices que la vie nous imposent, tout en gardant dans nos coeurs cette ligne droite "idéale".

Je me suis quelque peu égarée dans mes propos, veuillez m'en excuser, tout cela pour dire qu'il faut lire Antigone, qu'il s'agit là d'un texte tant poétique qu'intelligent, source de réflexions de tous ordres. Foncez !
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Pauvre Bitos ou le Dîner de têtes

André Bitos, fils d'une blanchisseuse et seul élève boursier d'une école catholique, subit les sinistres plaisanteries des autres élèves. Ceux-ci, issus de la bonne société, lui reprochent son origine simple mais surtout ne lui pardonnent pas d'être le premier en tout. Des années plus tard, alors qu'il est devenu un substitut du procureur de la République intransigeant, il est invité, par ses mêmes anciens camarades, à un dîner de têtes où tous doivent incarner un personnage de la Révolution française. On donne évidemment à Bitos le rôle de Robespierre. Le but, qui est une vengeance, est de le compromettre et briser sa carrière en l'amenant à dire ce qu'il pense vraiment de l'Ordre public, après l'avoir enivré.



Bien qu'appréciée du public, cette pièce, très critiquée à sa sortie en 1956, met en scène un simulacre de procès d'un personnage, qui malgré son rang élevé obtenu grâce à la gauche, aspire à faire partie de la société conservatrice qui le rejette. Inclassable sur le plan politique, Jean Anouilh a collaboré à un journal d'extrême-droite mais dans le même temps a fait jouer Antigone, pour finir, à la Libération, par s'élever contre l'épuration, une positon illustrée avec maestria par Pauvre Bitos ou le Dîner de têtes.

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Antigone

J'aime cette jeune femme qui semble fragile et qui est inébranlable, si sérieuse mais qui n'a jamais rêvé que de courir, découvrir, danser, cette fille fière et humble qui se sacrifie pour que l'âme de son frère trouve le repos.

L'adaptation que Jean Anouilh a faite de la pièce de Sophocle, afin de mieux la centrer sur l'actualité de la Résistance, en ressort fraîche, terriblement émouvante, de par son apparente simplicité et le fait qu'elle soit si abordable.

Une très belle redécouverte.

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10 novembre 2019



Relecture cette fois pendant celle du Quatrième Mur de Sorj Chalandon: redécouverte une fois encore de la pièce, de ce qu'elle porte en elle de magnifique et de tragiquement humain. Grâce au roman, j'ai porté une plus grande attention aux personnages secondaires que sont la nourrice et surtout les gardes qui agissent quels que sont les ordres puisque c'est leur métier, tout en restant maris, pères de famille et salariés profitant de leurs weekends et congés payés.

La mise en relation avec le roman m'a permis une nouvelle approche de la pièce, plus politique cette fois-ci, ainsi que son aspect intemporel.

Une pièce à lire, re lire et relire encore.
Lien : http://pourunmot.blogspot.fr..
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Antigone

Beaucoup de commentaires..:)

C'est une lecture récente après que l'"on " m'ait presque reproché mon côté ..antigonesque. Ah. Le problème est qu'Antigone, c'est toujours la même chose, faisait partie de mes innombrables failles culturelles. J'ai choisi de lire celle d'Anouilh, et ai finalement compris qu'on me reprochait d'être une emmerdeuse, et ça m'a fait rire, dans certains domaines, ce n'est pas faux. Passons sur ces considérations personnelles.



Cette version d'Antigone a été représentée pour la première fois en 1944 à l'Atelier, donc pendant l'occupation. La jeune Antigone , la rebelle, est l'image de la Résistance ( plus précisément Paul Collette qui avait tiré sur Laval) qui s'oppose aux lois de Pétain- Créon. En fait , Anouilh dénonçait la passivité de la majorité.. C'est étonnant d'ailleurs que cette pièce ait eu l'autorisation d'être montée et représentée sous l'occupation sans intervention de la censure ( comme Clouzot a pu le faire pour Le Corbeau, en 43, grâce à certaines ruses, comme l'expliquait Tavernier dans un entretien très intéressant).

J'ai lu que Mr Salacrou, dans Les lettres françaises, a écrit : Antigone « est une pièce ignoble, oeuvre d'un Waffen-SS »

Je ne sais pas de quelles lignes du texte il a pu tirer cela, je n'ai pas compris, peut-être n'avons-nous pas lu la même pièce?



Si on ne garde que le contexte, c'est une évidence qu'on ne peut qu'admirer le courage d'Antigone. Car, sans des gens comme cela, la France donnait une image bien ..résignée.



Après, c'est une pièce très moderne qui peut tout à fait être lue sans en connaître le contexte historique. Et même sans notion de vrai pouvoir politique . C'est un texte qui nous renvoie à nous-mêmes, nous sommes tous confrontés tous les jours à ce genre de situation. Enfin, en moins dramatique, heureusement:)

C'est un texte qui fait réfléchir car, finalement, aucun personnage n'est franchement mauvais, ni n'a vraiment tort. Ils ont tous leurs raisons d'agir comme ils le font, et ils les donnent. C'est bien le problème de la tragédie.



Pourquoi Antigone va-t-elle jusqu'au bout?Et bien, à mon avis , elle le dit dans cette phrase magistrale: "Il faut faire ce que l'on peut."

Et ce qu'elle peut faire, c'est mourir , car elle estime que son frère, quoi qu'il ait fait, a droit à être enseveli. Et qu'elle ne cédera pas , c'est sa volonté et sa seule liberté de choix.

Bien sûr qu'on peut tous se positionner face à cette attitude jusqu' au-boutiste. En fonction de beaucoup de choses, de ses propres expériences, de ses réflexions sur certaines décisions prises trop précipitamment etc. Personnellement, je crois qu'il faut se fixer des limites. On apprend à transiger, composer, accepter , mais il y a des limites et à chacun les siennes.



Il y a ,c'est évident , un troisième niveau de lecture qui est la comparaison avec l'Antigone de Sophocle. A réserver aux spécialistes de la tragédie grecque , que je ne suis pas du tout.

Je peux juste noter une citation de Pierre Vidal-Naquet , trouvée sur un autre site (Le Miroir brisé. Tragédie athénienne et politique, page 86) à propos de l'Antigone d'Anouilh : "La tragédie est une crise, négative ou positive, après laquelle personne parmi les héros n'est semblable à lui-même. Le Créon qui réunit le Conseil après la mort d'Antigone, de Hémon et d'Eurydice dans la pièce d'Anouilh est inconcevable dans une tragédie athénienne."



Oui, là, il y a beaucoup de dégâts, mais les gardes continuent à jouer aux cartes, la vie continue..









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Le Voyageur sans bagage, suivi de Le Bal de..

Une babelionaute me disait que les classiques ne déçoivent jamais. Le voyageur sans bagage et le bal des voleurs, les deux pièces de Jean Anouilh regroupées dans ce livre le confirment. J'ai passé un bon moment dans un passé pas si lointain, à la langue française dont la lecture a provoqué beaucoup de plaisir. De la curiosité également s'agissant de la construction de la pièce et de sa dramaturgie et comme une envie d'affronter l'épreuve de ce format d'écriture encore inexploré dans ma brève carrière d'apprenti auteur.
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Becket ou L'Honneur de Dieu

Une pièce très nettement au-dessus du panier chez Anouilh, dont je trouve souvent le pathos un peu facile et les personnages mesquinement petits-bourgeois, même quand ils sont censés être des mythes revisités..



Un peu comme Thomas More a résisté à Henry VIII, Becket, ami et ancien compagnon des fredaines du roi Henry II Plantagenet, devient brusquement son principal adversaire, tant la fonction à laquelle le Roi vient de l'élever a fait de lui un autre homme, épris d'honneur, de dignité et tiré hors de son existence terrestre par la gravité et le caractère sacré de sa fonction.



Un texte brillant, profond, jamais facile. Une pièce à voir mais aussi à lire et à relire, tant elle donne du grain à moudre dans ces temps où les fonctions sont des habits que l'on prend et que l'on rejette comme de vulgaires oripeaux de jongleurs , des attifements de Paillasse..

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Antigone

L'occasion : un spectacle donné par une compagnie amateur dans mon village normand, d'une très bonne qualité, comparable à ce que j'avais vu il y a fort longtemps au théâtre Marigny avec des stars.

Avec le même texte, comment donner des dimensions différentes aux personnages... C'est la force du théâtre.

Cette œuvre est l'une de celles qui m'a accompagnée : présentée en œuvre suivie au bac français, relue ensuite, vue en spectacle, achetée et montrée en DVD ... Et hier, retour aux sources (Ma, non? ).

La version proposait un Créon différent, un Créon désabusé, chef malgré lui, qui ne croit qu'à peine à ce qu'il décide. Il fait son boulot de tyran presque par nécessité.

Je me suis surpris, pour la première fois (peut être grâce à cette mise en scène) à comprendre sa position. Au sens large, c'est à dire au delà de l'aspect "rôle qu'il doit jouer" dans la tragédie. Le mauvais rôle.

Souvent présenté ainsi, la résistance versus le pouvoir, l'orgueil versus l'hypocrisie etc...

Et je me suis demandé si finalement, ce n'est pas simplement l'âge qui fait la différence. La jeunesse à Antigone, la vieillesse à Créon.

Sujet de réflexion.

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Antigone

Ecrire un truc aussi accessible, aussi moderne en 1944!



J'avais le sentiment que c'était au béotien que je suis que s'adressait Anouilh avec son magnifique prologue.



Si Antigone a choisi son destin, c'est du côté de Créon que ça bouillonne, un Créon devenu roi malgré lui, en mal d'autorité et qui tente désespérément de couvrir les désobéissances de sa nièce.

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Antigone

Je ne vais pas faire une critique de cette œuvre.

305 personnes l’ont déjà fait sur ce site.

Je passerai donc directement à mon ressenti.



Antigone est pour moi la figure du combat et de la liberté, du courage aussi, de celles qui trouvent la force de résister, de lutter. Ce petit bout de femme fait face, à elle seule, au pouvoir établi représenté ici par le personnage de Créon.

Elle n’a pas peur de mourir, elle poursuit son chemin vers la mort, sans remords, ni regrets.



Antigone est une héroïne intemporelle.



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Antigone

Ah Antigone, Antigone dont je connaissais le nom mais dont j'ignorais le destin, n'ayant jusqu'ici lu ni la pièce originelle de Sophocle, ni la version d'Anouilh.

Je découvre donc Antigone et j'ai la curieuse impression d'avoir en quelque sorte raté le coche. Et si je l'avais rencontrée plus tôt ? Si je l'avais lue à quinze ans ? Me serais-je sentie solidaire de son vain entêtement, de son jusqu'au-boutisme suicidaire au nom d'un idéal ?

Sans doute oui, car elle m'a touchée la frêle, l'entêtée, la tragique Antigone. Malgré l'inutilité de son geste, malgré le non sens de son sacrifice, elle a réussi à m'émouvoir.

Et pourtant, c'est le discours de Créon qui a trouvé écho en moi, sa conception du bonheur ( « Tu l'apprendras toi aussi, trop tard, la vie c'est un livre qu'on aime, c'est un enfant qui joue à vos pieds, un outil qu'on tient bien dans sa main, un banc pour se reposer le soir devant sa maison. ») et sa façon de le mettre au centre de son existence...



Challenge Muli-défis 2018

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L'Alouette

Cette Jeanne d'Arc n'est pas sans rappeler Antigone... Comme elle: un personnage qui s'accroche à des principes, à une humanité fragile et si facile à écraser... en refusant tout compromis, y compris lorsque sa vie est en jeu, ou lorsqu'en face un ennemi cynique s'applique à détruire ses valeurs. L'homme (ici la femme), confronté à l'humain haïssable, trouve sa force dans le refus de l'acceptation lorsqu'elle est compromission et trahison de soi-même.

L'Alouette est le procès de Jeanne d'Arc, mais le fond du texte n'est pas la religion: simplement la nature humaine, et la foi qu'elle a en elle-même.
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Le Voyageur sans bagage, suivi de Le Bal de..

J'ai lu avec passion les deux pièces de ce recueil.

Pour Le voyageur sans bagage, il s'agit d'un superbe texte dont le sujet est très grave. Cette pièce est un drame qui conte le sort d'un amnésique, ancien soldat de la première guerre mondiale, en quête d'une famille. Celle qu'on lui présente, lui donne de lui l'image d'un monstre, et il ne veut pas se reconnaître dans le portrait qui lui est brossé. Très belle oeuvre.

Quant au Bal des voleurs, cette comédie est un délice. Le style est alerte. Les personnages sont souvent cocasses, et se mettent dans des situations qui offrent des rebondissements. Jean Anouilh nous met en présence de riches aristocrates anglais accompagnés de jeunes femmes à marier, de deux coureurs de dots financiers proches de la banqueroute et de voleurs grotesques, maladroits, ridicules. Cela donne une pièce savoureuse et pleine d'esprit. Cette lecture n'apporte que du bonheur.

Un recueil regroupant donc une pièce noire et une comédie, mais deux oeuvres d'une très grande qualité.
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Antigone

Tragédie revisitée par l'auteur, Antigone est une oeuvre splendide d'une très grande force. Anouilh la transpose à l'époque moderne avec génie. Texte très abordable. Magnifique. Décidément, je suis une grande admiratrice de Jean Anouilh.
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Antigone

Force est de constater que la pièce d’Anouilh me fait prendre un sacré coup de vieux ! Parce que abstraction faite du contexte historique dans lequel la pièce a été écrite, je me retrouve somme toute davantage dans l’argumentaire du vieux roi Créon que dans celui de cette fofolle d’Antigone. A qui j’ai envie de dire « Tout n’est pas blanc ou noir dans la vie ! Les nuances existent : même Grey en a trouvé 50 ! » Et encore « Jouit plutôt de la vie, ma fille ! La mort te rattrapera bien assez tôt ! »



De compromis en compromissions, aurais-je perdu mon âme ? Ou bien le souffle antique m’aurait-il fait un tantinet défaut pour vibrer au diapason d’Antigone ?



Peu importe en fait car j’ai beaucoup apprécié cette pièce justement pour son audacieux mix d’antiquité et de modernité mis au service de dame Tragédie.



Allez, que ceux d’entre vous que la vie n’a pas encore « créonisés » me tendent la corde pour me prendre ! ( créoniser = savoureux néologisme emprunté à la critique de chriskorchi )

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Antigone

Fascinante et troublante Antigone...



Je t'ai haïe adolescente.



Je t’ai découverte lors d’une sortie scolaire glaçante, dans une mise en scène glauque et sanguinolente, où la robe virginale d’Antigone se maculait de tâches vermeilles et angoissantes.



Quel intérêt, cette histoire insensée de recouvrir un mort d'une pincée de terre ? En quoi était-ce si important ? N'y avait-il pas des causes plus nobles, plus parlantes, plus vibrantes ?



Et en quoi est-ce actuel ? Quel rapport avec ce qui se passe dans le monde aujourd’hui ? Quel lien avec une vie d’adolescente ?



Rites auxquels tu ne crois même pas, impertinente ! Créon te le fait dire : qu'a-t-il d'essentiel "ce passeport dérisoire", "ce bredouillage en série sur sa dépouille" accompli par des prêtres qui n'y croient guère non plus, "cette pantomime" censée accorder le repos aux défunt ?



Ta réponse à cette question : le silence. Et un aveu : "Oui, c'est absurde !"



Or, s'il y a quelque chose que j'exècre en littérature, c'est bien cela : l'absurde et le non-sens. Autrement dit, après le carnage des guerres mondiales, le massacre et la déconstruction des lettres. L'absurde, c'est la littérature se sabotant elle-même, c'est un suicide d'écrivain.



Alors, pourquoi trouves-tu grâce à mes yeux, insolente ?



> D’abord, parce qu’il est impossible de pas tenir compte de la période trouble dans laquelle tu renais.



Anouilh te redonne vie entre 1941 et 1942, « à la lueur des premiers attentats terroristes », inspiré par l’attentat raté de Pierre Daval et de Marcel Déat, personnalités du régime de Vichy, par le résistant Paul Collette, le 27 août 1941. Acte d’engagement voué à l’échec, acte de désespoir, acte tragique : est-ce toi, Antigone ? est-ce absurde ?



Un résistant est-il un terroriste, comme veulent le faire croire ces petites affiches rouges placardées sur les murs de Paris ?



Et une résistante ? Une toute petite résistante ?



André Barsacq, ami de l’auteur, te vêt d’une robe noire, en pleine Occupation, en février 1944. Créon porte un frac, les Gardes, de long cirés semblables à ceux des miliciens ou de la Gestapo. Franc succès, y compris du côté des officiers Allemands. Mais tu n’es pas très présentable, on finit par en avoir assez, et on demande à Barsacq de cesser de te mettre en scène.



> Ensuite, il y a ta pureté, O Antigone. Pureté de ton caractère entier, noblesse et grandeur, toi, l'orgueil d'Œdipe. Ta faute, ton « harmatia », comme celle de ton père, c’est ton « hybris ».



Tu es dans ton rôle ; c’est la Moira, au sens propre, le lot, la portion qui est due à chacun. Ta destinée.



Mais le tragique est descendu sur Terre, il n’est pas question de dieux. « C’est une question de distribution. »



Pureté de la langue aussi. Les phrases sont courtes, frappantes, à la fois familières et percutantes.



> Puis il y a ce magnifique personnage de Créon, qui a le sale rôle, mais ô combien émouvant, presque attachant, ambivalent, l’être humain dans la splendeur de sa faiblesse et de sa compromission (ou de son compromis ?).

Et puis cette incroyable nounou, mère nourricière au sein chaud, réconfort sans lequel Antigone ne serait rien.



Hémon, dont le voile d’aveuglement se déchire lorsqu’il découvre enfin son père.



Ismène, raisonnable et froussarde. Raisonnable ou froussarde ?



Et Antigone, courageuse révoltée ou entêtée totalitaire ?



Créon, cynique ou réaliste ?



Chacun y lira un peu de soi-même au fond. Et c’est le sens de l’héroïsme d’Antigone. Il est gratuit. Il n’est « pour personne ».



« Et pour rien : pour se le dire à soi, pour l’apprendre, soi. »



Hors de tout contexte historique, la pièce questionne le lecteur. Nosce te Ipsum, Connais-toi toi-même.



La pièce est puissante et universelle. La pincée de terre n’est qu’un prétexte. Anouilh inspire Sorj Chalandon pour son magnifique roman Le Quatrième mur, qui lui redonne un autre sens, une autre lecture, à une autre époque, celle de la guerre civile au Liban dans les années 1980.



Bref, le Théâtre dans son essence, profondément politique, mystérieusement polyphonique, absolument et inutilement désespéré.













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Pièces roses : Humulus le Muet - Le Bal des v..

J'ai testé ce recueil de pièces de la collection Classiques et contemporains pour une classe et j'avoue ne pas être totalement emballé.

Le Bal des voleurs est la pièce principale et présente une suite de situations comiques et loufoques dans le pur style de la comédie du début du 20e siècle, héritière du théâtre de boulevard. On est à Vichy, des voleurs essayent d'escroquer les bourgeois en se déguisant et tout ne se passe pas comme prévu.

C'est assez drôle mais un peu long et complexe à force de répéter les situations et les coups de théâtre. On se perd un peu. Et puis c'est un peu prévisible, on a des styles de personnages trop classiques. C'est plus une pièce à voir qu'à lire. Malgré tout, c'est une découverte et ça change du Anouilh auteur d'Antigone.

Par contre, la première pièce, Humulus le Muet est simple, rapide, drôle si elle est bien jouée. Il y a une chute amusante qui a su faire réagir les élèves en cette fin d'année scolaire.
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Antigone

Représentée pour la première fois en 1944, cette réécriture de l'Antigone de Sophocle est surprenante et percutante. Antigone, à l’encontre de la décision du roi Créon, tente d’offrir une sépulture à son frère Polynice. Déterminée, elle va se rendre auprès du cadavre de son frère et tenter de l’enterrer. Héroïne tragique, elle va tenir tête à son oncle et mourir pour son défunt frère. J’ai d’abord fait la connaissance de cette pièce en regardant une adaptation, avant de la découvrir sur papier. Il aurait mieux fallut faire l’inverse, mais qu’importe ! D’abord déstabilisée par cette pièce anachronique et remplie de sous-entendus, j’ai été submergée par le trop plein d’informations. Un an plus tard, je me lance et j’ouvre la version papier. Et là, surprise ! Je suis totalement subjuguée par la plume d’Anouilh et par la vivacité de la pièce, profonde et complexe – ou plutôt, simple, tellement simple que cela en devient compliqué. Antigone fait son choix, et le respecte jusqu’au bout. Je resterai marquée par la lecture de cette œuvre dénonciatrice et efficace.
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Le Voyageur sans bagage, suivi de Le Bal de..

"Le Voyageur sans Bagage" est une courte pièce de 1958 que j'ai pris un grand plaisir à redécouvrir après une première lecture déjà plaisante pendant mon adolescence.



L'histoire. Gaston, amnésique rescapé de la Grande Guerre, héritier d'une rente d'invalidité coquette, devient l'objet de convoitise de bien des familles ayant perdu l'un des leurs sur le front. Animées par l'envie de faire main basse sur le pactole ou par la volonté sincère de retrouver un être cher, ces familles revendiquent toutes le droit de "reconnaître" Gaston. Parmi elles, la famille Renaud. Pour ses membres, pas de doute : sous les traits de Gaston se cache Jacques, le fils, le frère, l'amant terrible disparu presque vingt ans plus tôt...



Pour Gaston et pour le lecteur/spectateur, la boîte de Pandore est ouverte, découvrant, tel un diable qui sort de ladite boîte, un Jacques Renaud cruel et égoïste, être solitaire et mauvais, responsable d'un nombre appréciable d'incidents, de sales coups voire de crimes... Vous vous doutez comme la découverte d'un tel passé et d'une telle identité enchante Gaston qui vivait, quant à lui, bien heureux dans son asile à biner des laitues ! Quel homme souhaiterait intégrer la carapace délaissée d'un tel individu ? En un instant le voilà donc "voyageur sans bagage", sans souvenir, sans conscience, sans connaissance de tout ce qui l'entoure, rejetant à toute force le rôle qu'on veut lui faire endosser, cherchant désespérément une voie qui lui soit propre, celle de sa liberté ou tout au moins de son libre-arbitre.



Cette pièce est superbement écrite et mêle avec génie le drame et la comédie. En cela, elle est à mes yeux extraordinairement originale. Les thèmes abordés sont graves mais la pièce ne tombe jamais dans la tragédie, s'y tenant en marge, notamment grâce aux personnages secondaires très convaincants : la Duchesse, Me Huspar et les domestiques qui contrebalancent à merveille les tristes âmes guère franches du collier qui constituent la famille Renaud, candidate à "l'adoption" de Gaston.



J'aime particulièrement le dénouement qu'aurait très bien pu inspirer Saint-Exupéry et son Petit Prince mais je n'en dirai pas plus...
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La Répétition ou l'amour puni

« On n'est jamais aimé comme on peut le croire, c'est une vérité générale. »



Manipulation, « Comme c'est laid, n'est-ce pas, de vivre ? Cela piaffait d'impatience, cela croyait tout et cela se trouve tout seul tout d'un coup avec la vie devant soi, comme un gouffre. »



Rancœurs, « Dans la vie non plus il ne faut pas trop chercher les coupables. C'est le jeu le plus vain du monde. Tout le monde est coupable, ou personne ne l'est. »



Vengeance, « Évangéline... »



Différence de statuts dans la société, « J'aurais beau faire, je ne me ferai jamais à la corruption de petit monde frelaté où vous vivez. »



Amour « Je ne saurai jamais, même par ouï-dire, comment cela se déclenche l'amour ? »



et tristesse, « Une petite amie, dans une vie comme la sienne, cela se case. Un grand amour désintéressé : c'est hors de prix. ».



Une très belle pièce de théâtre et une plume qui m'enchante. Que de bons mots dans le château de Ferbroques !



« Mais un conseil en vaut un autre, laisse ce qu'ils appellent l'amour, ce n'est pas pour nous. »
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