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Critiques de Jean Cocteau (273)
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La Machine infernale

Jean Cocteau nous propose sa lecture du mythe d'Oedipe au travers de cette réécriture contemporaine. Il injecte dans la tragédie antique une bonne dose de comédie moderne mais ce qui n'en fait pas pour autant une comédie, disons simplement une tragi-comédie en quatre actes.



La trame est connue, archiconnue : le roi de Thèbes, Laïus et son épouse Jocaste ont eu un fils, Oedipe. Un oracle prédit que ce dernier tuera son père et épousera sa mère. Afin de déjouer la prophétie, Jocaste abandonne son fils sur un mont isolé, voué à une mort certaine. Mais un berger le recueille et porte l'enfant auprès du couple royal de Corinthe, qui va l'adopter et en faire un prince. En grandissant, Oedipe est mis au courant de la prophétie et décide de quitter Corinthe afin qu'elle ne s'exécute pas. Il n'est bien sûr pas conscient qu'il n'est pas le fils de sang du vieux couple. En chemin, il tue accidentellement un vieil homme qui n'est autre que Laïus. Averti du mal qui pèse sur la ville de Thèbes et représenté par la Sphinx (sorte de démon femelle), il décide de se mesurer à elle et de l'éradiquer. La prix de ce bienfait est la main de la belle reine veuve, Jocaste…



Jean Cocteau examine ce mythe non tant sous la férule des dieux mais sous le sceau du destin, d'où son titre, La Machine Infernale. En somme, quoi qu'on fasse pour échapper à son destin, notre marge de manoeuvre est faible ou vaine, ou les deux. du coup, j'y perçois un message qui n'est sans doute pas si différent de celui d'un Milan Kundera dans L'Insoutenable Légèreté de L'Être ou encore d'un Léon Tolstoï dans La Guerre Et La Paix.



Dit crument, cela donne : « Vous vous démenez, vous vous échinez pour influer sur le cours de votre existence et vous avez parfois la sensation d'y parvenir. Mais vous ne parvenez à rien du tout, si ce n'est à votre trou et dans des souffrances atroces. » Vu avec un regard optimiste, on pourrait cependant penser qu'au moins, pendant dix-sept ans, Oedipe a fait ce qu'il a voulu et qu'il a même tutoyé un sentiment qui était peut-être proche du bonheur. À voir…



Ce qui, personnellement m'a beaucoup plu dans cette pièce, outre la plume alerte de Jean Cocteau que je ne connaissais pas et que je découvre avec plaisir, c'est le personnage du Sphinx. Ce Sphinx qui peut représenter plein de choses et dans lequel chaque spectateur peut y percevoir à la fois son propre vécu et le démon personnel qui l'habite. Pour certains ce sera la guerre, pour d'autres la maladie, pour d'autres encore le malheur ou la malchance ou même la pauvreté.



Bref, ce Sphinx qui symbolise tout ce qu'on peut imaginer de douleur et de ressentiment est présenté, non comme une entité négligeable, car le mal vécu et ressenti est bien réel, mais comme un mal sur lequel on aime à faire peser d'autres maux que ceux qu'il inflige vraiment. Cette pièce a été écrite bien avant la Seconde guerre mondiale mais je n'ai pu m'empêcher d'y voir une sorte d'allégorie de la guerre.



En somme, la guerre est source de tous nos maux, c'est elle la vraie coupable. Mais il n'empêche qu'à y regarder de près, beaucoup des souffrances vécues ou infligées par les malheureux bougres étaient peut-être dues non pas à la guerre en tant que telle, mais au comportement délétère d'autres malheureux bougres. Exemple : on vous impose une guerre, avec son lot d'atrocités et de barbaries ; on vit des heures graves où la solidarité serait de mise et… et non. Certains essayent encore de se faire du beurre sur votre dos, c'est du marché noir, c'est de la magouille, c'est de l'entourloupe, c'est de la médisance, c'est de la délation. Comme si la guerre n'était pas, en soi, un mal suffisant, il faut que monsieur tout-le-monde en rajoute à sa façon.



C'est en tout cas comme ceci que j'interprète le passage de la matrone et du Sphinx à l'acte II. Un grand beau moment de théâtre selon mes critères d'appréciation. Pour le reste, une pièce solide, plaisante, où l'auteur a su habilement alléger le poids du tragique par des notes d'humour à la fois nombreuses et bien senties. Si j'avais un petit reproche à lui faire, c'est que je la trouve peut-être un peu statique, même si on peut, j'imagine, envisager tous les mouvements de scène qui soient, l'essentiel se produit sous forme de dialogue arrêté entre deux personnages, voire, de quasi monologue.



Mais ceci n'obère en rien l'impression générale positive que m'a procurée cette pièce et je vous prie de vous souvenir que ce n'est que l'expression d'un seul avis, qui n'a rien d'une machine infernale, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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La Machine infernale

♫Quand il est mort le poète

(Le poète)

Tous ses amis

(Tous ses amis)

Tous ses amis pleuraient

Quand il est mort le poète

(Quand il est mort le poète)

Le monde entier

(Le monde entier)

Le monde entier pleurait

On enterra son étoile

(On enterra son étoile)

Dans un grand champ

(Dans un grand champ)

Dans un grand champ de blé

Et c'est pour ça que l'on trouve

(Et c'est pour ça que l'on trouve)

Dans ce grand champ

(Dans ce grand champ)

Dans ce grand champ des bleuets♫

Gilbert Bécaud -1966-



 Jean Cocteau (1932-1963) avait dit de Gilbert Bécaud : « Bécaud a le courage d'être excessif — ce que si peu de gens osent — et de se montrer tel qu'il est, jusqu'au bout ». Bécaud se souviendra de son soutien et de ses encouragements, et c'est avec cette chanson qu'il rendra l'un des plus beaux hommages au poète trois ans après sa disparition.

Si comme moi, tu es un inculte coté "Classique"

Ignare dans la matière du Tragique

Mais Curieux du débat politique à l'ébat érotique

Découvre vite Cocteau, cette pièce mathématico-poétique

son interprétation symbole-hic freudo-oedipique

Écharpe le père quant à la mère tunique

Oserais-je, comment'es ! Quand on se nomme Laïus

"Tuez son père" ressort d'un simple lapsus...

Le beurre, l'argent du beurre et tout le crèmage

Point de tirage, l'orgueil gagnera Oracle-age

Accepte mon pseudo vers pour un Ô mage.

Je ne suis qu'un niais qui s'agenouille

et qui te conjure de lui pardonner.

Le temps m'étant mesuré pour cette chro-nique

il me faut le ménager si je veux en garder toute la considération qu'elle mérite...🙄



Et dire que c'était un livre de lycée destiné au pilon !

D'avoir pu le louper, me donne encore le frisson. 😱



C'était avant, je n'étais qu'un simple Ninosairosse

Et depuis Cocteau, je m'suis enc'Orphée rosse.
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La Machine infernale

« Un chef d'oeuvre d'horreur s'achève. Pas un mot, pas un geste, il serait malhonnête de poser une seule ombre de nous ».



Après lecture du très beau livre « Moi, Oedipe » de Alain le Ninèze qui nous offre de revisiter le mythe oedipien sous un angle original, une autobiographie, je poursuis ma redécouverte de ce mythe, cette fois en me tournant vers le théâtre et cette réinterprétation très moderne de Jean Cocteau qui, en une pièce en quatre actes, injecte une certaine dose d'humour dans cette lecture toute personnelle.

Une tragédie comique, le personnage d'Oedipe éloigné du roi fier et impérieux de Sophocle ici arrogant et impulsif, la présence de nombreux fantômes, un Sphinx qui perd de son aura fabuleux et féérique pour être plus proche d'un démon sous les apparences d'une femme, Jean Cocteau semble vouloir s'éloigner de la grandeur des dieux pour placer son regard sous le sceau du destin, cette machine infernale à laquelle les hommes ne peuvent échapper. Destin inexorable et impuissance des mortels, cette vision semble plus proche de celle d'un Sénèque.



« Regarde, spectateur, remontée à bloc, de telle sorte que le ressort se déroule avec lenteur tout le long d'une vie humaine, une des plus parfaites machines construites par les dieux infernaux pour l'anéantissement mathématique d'un mortel ».



Cette pièce a été écrite en 1932 et met en scène l'arrivée d'Oedipe à Thèbes, enfin, il ne le sait pas encore nous pourrions dire son retour plutôt, retour vers son propre berceau, après son départ volontaire de Corinthe. La « Voix » dans la pièce nous donne des éléments de contextualisation : le jeune Oedipe, après s'être fait moquer par ses camarades quant à ses origines, est allé voir une pythie et les oracles lui ont annoncé un destin terrible : il tuera son père et épousera sa mère. Il pense pouvoir contourner cette terrible prédiction en fuyant ses parents et donc sa ville, errance le conduisant à Thèbes. En chemin il tue par accident un vieillard.



Le 1er acte est consacré au fantôme de ce vieillard, qui n'est autre que Laïus, le roi de Thèbes, qui essaie de faire passer un message d'alerte à sa femme Jocaste. Acte étonnant où nous voyons un fantôme bégayant ne pouvant apparaitre que dans des odeurs pestilentielles de marais et de marécages, une reine qui ne cesse de s'énerver après son écharpe sur laquelle elle marche menaçant de s'étrangler avec. Ce premier acte pose le ton délibérément moderne et en décalage avec la pièce d'origine de Sophocle et étonne le spectateur. Jean Cocteau nous propose un pas de côté et nous le propose avec humour dès ce premier acte.



Le 2ème acte est consacré à la rencontre d'Oedipe et du Sphinx. Très éloigné des représentations épiques d'un Gustave Moreau, ce Sphinx a forme humaine et peut représenter tout démon personnel qui habite tout un chacun, douleurs, malheurs, maladie…La résolution de l'énigme est présentée sous la forme d'une mascarade, le Sphinx ayant donné la solution avant même qu'Oedipe la donne alors comme si cela venait de lui, d'un air fier. Il me semble que Jean Cocteau réduit considérablement la portée de ce mythe de l'énigme en la colorant d'une auréole de manipulation. Nous nous arrangeons souvent avec nos démons, marchandons avec eux, et sommes fiers d'annoncer une victoire contre ceux-ci, du moins un contrôle de ceux-ci, alors qu'en réalité nous ne résolvons rien, tout est en effet souvent simples annonces et belles paroles…était-ce là le message de l'auteur ? Cet acte est complexe me semble-t-il, il y a certains passages qui mériteraient pour ma part une relecture.



Le 3ème acte est centré sur la nuit de noce entre Oedipe et Jocaste où la différence d'âge entre les époux est mise en valeur. Jocaste découvre durant cette nuit durant laquelle ils s'offrent l'un à l'autre, les cicatrices sur les pieds d'Oedipe, lui rappelant ce bébé qu'elle a abandonné du fait d'un oracle prédisant que cet enfant allait tuer son père. En l'abandonnant elle avait percé les pieds du bébé. le jeune homme évoque un accident de chasse enfant, mais un certain trouble s'installe. Atmosphère étrange accentuée par le fait que le berceau de ce bébé est toujours dans la pièce, contre le lit des amants.



Enfin le 4ème acte évoque Oedipe roi dix-sept ans après, durant l'épidémie de peste qui ravage Thèbes. Un acte qui va porter sur le dénouement de l'intrigue et la compréhension terrible de la réalisation de l'oracle : Oedipe a bel et bien tué son père et épousé sa mère étant l'enfant de Laïus et de Jocaste, et ayant été adopté par un couple stérile à Corinthe qui a en effet trouvé ce bébé aux pieds percés. Jocaste se suicide, Oedipe se perce les yeux et décide de s'exiler.



C'est au final une pièce dans laquelle Jean Cocteau a su prendre de la distance avec le côté tragique et grandiloquent de ce mythe en introduisant de nombreuses notes d'humour, de la dérision, parfois même certains anachronismes (il évoque par exemple la présence de boites où on écoute de la musique la nuit...des boites de nuit en 1932, je ne sais mais c'est troublant).

Elle donne à réfléchir quant à sa portée philosophique, un peu différente sur certains aspects de la pièce d'origine. le Sphinx notamment a une portée que je pressens importante mais complexe. Ses liens avec une matrone tout d'abord puis avec Anubis sont clés et une deuxième lecture me sera nécessaire pour en comprendre toute les significations, ce d'autant plus que je ne suis guère familiarisée avec la lecture de la mythologie et encore moins de pièces de théâtre. L'acte II comporte des clés à côté desquelles je suis passée.

Mais le message central de la pièce dans sa globalité reste le même : pouvons-nous échapper à notre destin ? Ne sommes-nous que l'instrument involontaire de notre destinée ? de simples spectateurs ?



Ce fut une lecture plaisante d'une réinterprétation du mythe oedipien très étonnante de la part de Jean Cocteau, assez inclassable. Pas étonnant de la part de l'auteur qui écrit dans la pièce, comme s'il parlait de lui :



« Apprenez que tout ce qui se classe empeste la mort. Il faut se déclasser, Tirésias, sortir du rang. C'est le signe des chefs d'oeuvre, voilà ce qui étonne et qui règne ».



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Les Enfants terribles

Un père alcoolique & violent qui les abandonnent, et revient mourir chez eux, une mère malade, et eux, les enfants, ce frère et cette sœur, Paul et Élisabeth, âgé de 13 et 15 ans, livrés à eux-mêmes, qui se replient peu à peu dans un monde imaginaire et développent au fil du temps une relation complexe et exclusive. La chambre est ce lieu fermé au monde extérieur, à celui des adultes, et à la normalité, ou ils se livrent "au jeu". Un endroit à leur mesure, ou ils jouent la grande sérénade de l'amour et de la haine: un spectacle passionnel exacerbé, ponctué de "Je t'aime, moi non plus"; des émotions excessives où complicité, insulte, manipulation, cruauté, innocence, pureté, vénération, y fleurissent pèle mêle. Ils sont rejoints très tôt par Gérard, puis plus tard par Agathe, dont les regards adoratifs, décupleront la créativité. Tant que les rôles de chacun garderont leur immuabilité, l'harmonie se maintiendra. Mais dès que l'un d'entre eux dévira du rôle qui lui est arbitrairement dévolu… alors là, c'est une toute autre histoire.



Récit plein de poésie et de fantaisie sur l'adolescence exaltée qui enflamme l'extraordinaire et étouffe l'ordinaire, c'est aussi un récit dérangeant et oppressant. Nous y observons ces enfants tisser leur monde avec des fils de soie qui se resserrent inexorablement sur eux. Un peu à l'image du cirque de puces imaginaire de John Hammond (alias Richard Attenborough) dans le film Jurassic Park. Pauvre cocoon illusoire. Pauvres marionnettes démantibulées. Impossible cependant de rester sur le pas de la porte. Soit on entre dans la chambre - leur chambre - (au risque de devenir soit même un jouet entre leurs mains), soit on claque la porte et on s'en retourne d’où on vient. Car il n'y a pas de demi mesure avec ce genre d'ouvrage qui prend toute sa dimension dans l'excès: soit on aime, soit on n'aime pas!

Publié en 1929, cela n'en demeure pas moins un récit terriblement intemporel, et difficile à cataloguer d'ailleurs.



Je vous recommande de le lire sur fond de musique classique ou d'opéra. C'est très agréable. La musicalité qui se dégage naturellement de ce récit créée une sorte d'osmose entre les deux. A mon avis, les œuvres musicales qui le représente le mieux, sont l'opus 64 de "Romeo et Juliette: Danse des Chevaliers" (Serge Prokofiev) & "Danse Macabre" (Camille Saint-Saëns). L'une met plus en exergue une tension addictive, l'autre un envoutement torturé, mais les deux subliment l'émotion dans ses extrêmes : amour et haine, adoration et répulsion, vie et mort...Tout simplement Grandiose! Enfin, ce choix n'est que le reflet de mon interprétation musicale du livre ! Par conséquent, une liste très très loin d'être exhaustive.

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Orphée

Quelques mots sur Cocteau, ou le miroir aux alouettes.



« Je vous livre le secret des secrets. Les miroirs sont les portes par lesquelles la Mort va et vient. Ne le dites à personne. Du reste, regardez-vous toute votre vie dans une glace et vous verrez la Mort travailler comme des abeilles dans une ruche de verre. »



Je vais essayer d’expliquer l’appréhension que j’avais avec Cocteau. Il y a toujours chez cet auteur quelque chose d’agaçant ; comme une insupportable légèreté de l’être et du talent. On a peur d’être pris au piège, que ce ne soit qu’un tour de passe-passe. Aux pièges du sophiste et de l’esthète, du « tout ça pour ça », du mondain, du poète excessif donc insignifiant. Aujourd’hui nous pourrions dire en un sens que Cocteau est, peut-être plus qu’un dandy, la première figure « pop » de l’histoire.



Et pourtant, on sent qu’il y a plus que ça. On sent qu’il y a quelque chose de magistral chez ce « touche à tout ». On est immédiatement dans l’onirisme avec Cocteau. C’est un enchanteur, éternel enfant terrible, qui écrit comme on lance un sortilège.



« La frivolité est dure comme de l’acier » écrivait Montherlant ; Cocteau lui détestait qu’on eût pu le penser frivole, fantasque et superficiel, tout au contraire, la poésie fut pour lui une affaire d’un sérieux abyssal.



Dans cette œuvre de jeunesse rien n’est laissé au hasard, chaque détail de la scénographie, ambitieuse et technique (une tête qui parle, des personnages traversant un miroir…), est pensé et dicté par le dramaturge.

C’est aussi l’occasion d’une réflexion sur les liens entre l’inspiration créatrice et la difficulté d’être du poète, une fois que la machine infernale du succès est enclenchée, « Que pense le marbre dans lequel un sculpteur taille un chef-d’œuvre ? Il pense : on me frappe, on m'abîme, on m'insulte, on me brise, je suis perdu. Ce marbre est idiot. La vie me taille, Heurtebise ! Elle fait un chef-d’œuvre. Il faut que je supporte ses coups sans les comprendre. Il faut que je me raidisse. Il faut que j'accepte, que je me tienne tranquille, que je l'aide, que je collabore, que je lui laisse finir son travail. »



Le mythe antique d’Orphée est revisité dans cette pièce sous l’angle de la modernité. Modernité d’abord dans le couple que forme Orphée et Eurydice. Un couple au bord de la crise de nerf, entre passes d’armes, réconciliations et incompréhension mutuelle.

« Que savons-nous ? Qui parle ? Nous nous cognons dans le noir ; nous sommes dans le surnaturel jusqu'au cou. » Modernité ensuite dans l’abandon d’un certain académisme de forme, on ne s’attend pas à trouver d’éléments comiques a priori dans ce drame antique et pourtant. On devine également, chez le jeune dramaturge, l’influence du dadaïsme et du surréalisme (dont Cocteau fréquenta les chantres, de Man Ray à Tzara, en passant par Mina Loy) et les prémices de l’absurde, déjà présents chez l’ubuesque Alfred Jarry, dans le refus de faire sens, avec le cheval notamment.



« Ma vie commençait à se faisander, à être à point, à puer la réussite et la mort. Je mets le soleil et la lune dans le même sac. Il me reste la nuit. Et pas la nuit des autres ! Ma nuit. » Encore une fois, « qui parle ? ».

D’Orphée ou de Cocteau on ne sait plus très bien. D’ailleurs ce double, cet alter égo créé en 1925, le 24 septembre, à Villefranche-sur-Mer, le poursuivra toute sa vie, le legs de Cocteau c’est le Testament d’Orphée, des paupières peintes sur des yeux clos, à jamais dans sa nuit. « Turn around bright eyes… »



« Qu'il est laid le bonheur qu'on veut. Qu'il est beau le malheur qu'on a. » Impossible de dire ce qu’il y a au tréfonds de son art mais, finalement, comme dirait le Bartleby de Melville « I would prefer not to ».



Cet équilibriste des lettres reste incandescent, en apesanteur. Cette œuvre épouse sa morphologie : légèreté d’une plume, évanescence d’une fumée d’opium, mais écrite avec le sang du poète.



Qu’en pensez-vous ?

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La Difficulté d'être

Dans ce petit essai de 1947, Jean Cocteau, la cinquantaine, malade, livre sa difficulté d'être, avec la pertinence et l'esprit d'un esthète doublé d'un homme du monde. Comme Montaigne en son temps, il égrène les aphorismes, mais, se reprochant d'avoir trop dit de choses à dire et pas assez de celles à ne pas dire, illustre chacun en quelques mots sensibles et compacts, quelques pages intimes et désenchantées, entre Musset et Alain.

De la conversation, de l'enfance, du travail, des évasions, de l'amitié, de la mesure, de la douleur, du gouvernement de l'âme au rire, d'être sans être au mimodrame, son âme vagabonde, "intrépide et stupide" se confesse en autant de tableaux à l'élégance morbide.

Lecture courte, difficile dans les premières pages du fait d'un phrasé travaillé, mais qui ouvre l'âme à des réflexions pleines de pertinence et d'intelligence.
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Opéra - Plain-chant

La place de Jean Cocteau dans le vingtième siècle est singulière. Sa littérature, en effet, réconcilie avec grâce l’ère moderne et l’antique; la métrique, la rime, l'esthétique traditionnelles avec le choc des images modernes et surréalistes.



Grâce est le mot. Il n'y a qu'à voir son trait arrondi dans les dessins qui accompagnent certains poèmes, le vocabulaire choisi, son ambiance éthérée:

"Rendez-vous derrière l'arbre à songe"



Il y a aussi ce côté légèrement inquiétant hérité de l'acquis freudien: la présence persistante des miroirs, des statues animées et des anges autoritaires échappés de son inconscient. Cocteau, utilisant les jeux de mots comme moteur de son écriture, assume pleinement ses influences : Freud avait besoin d’Œdipe, lui d’Orphée! Ne sommes-nous pas d'ailleurs tous et toutes, filles et fils d’Homère ou de Sophocle ?



Plain-Chant, court recueil en fin de volume, approfondit de façon très poétique et gracieuse (encore une fois) le thème des Muses car, dans la poétique de Cocteau, n'est-ce pas toujours une question d'inspiration ?



Opéra est certainement un recueil emblématique de ce néo-classicisme assumé et un parfait exemple de cette atmosphère si inspirante que Cocteau a su imprimer sur l'art du XXe siècle.



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La Machine infernale

Peut-on échapper à son destin ?

La question est posée par Jean Cocteau dans cette adaptation très libre du mythe d’Œdipe ; cependant que la réponse nous est suggérée dans le titre même de la pièce : « La machine infernale » ; une pièce donnée pour la première fois au théâtre Louis Jouvet (Comédie des Champs-Elysées) le 10 avril 1934, avec notamment Jean-Pierre Aumont et Louis Jouvet.



« La machine infernale », ou comment transformer une tragédie antique en tragicomédie moderne… humour, ironie, dérision même, anachronismes ; mais le mythe reste, dépoussiéré, mais tellement présent. Une vision bien pessimiste de la condition humaine : l’homme ne peut-il vraiment rien d’autre face à son destin, que d’en être l’instrument bien involontaire, et finalement le principal spectateur…

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La Machine infernale

On n'est rarement déçu par les classiques me disait un babelionaute dans un message. Je le concède bien volontiers, d'autant plus que derrière ce choix se cache l'envie de m'essayer à ce format d'écriture et que décortiquer la dramaturgie de Cocteau ne peut être que source d'inspiration et d'humilité.
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Bacchus

La scène se passe en Allemagne en 1523. Le rideau se lève sur un drame en trois actes qui se joue autour d'une coutume locale.

Tous les cinq ans, à la fête des vendanges, un jeune homme est nommé "Bacchus".

Il est, alors, Dieu et roi de la cité pendant sept jours.

Ensuite on brûle son costume sur la place et le jeune homme redevient simplement ce qu'il était.

Mais parfois, il semble que le diable s'en mêle.

Ainsi le jeune Wilhelm de Haage, nommé "Bacchus" s'est livré à de tels orgies et de telles dépenses que ses compatriotes de honte ont voulu le lapider. Siegfied Wolf, lui, a tué un ennemi personnel contre lequel il n'osait s'en prendre avant que la coutume ne lui en procurât le prétexte.

Cinq ans auparavant, le fils ainé du Duc, alors âgé de 19 ans, a remporté la palme. Le septième jour son orgueil blessé et sa jeunesse lui ont fait mettre fin à ses jours. La duchesse en est morte de chagrin.

La fête est pour demain, la ville est pleine d'estrades et d'oriflammes.

Hans, un jeune paysan devenu idiot après avoir été la victime d'une chasse à l'homme organisée par les jeunes nobles de la cité, est élu.

Il est destiné à devenir l'instrument de la vengeance de Christine, la fille du Duc...

Dans sa préface, Cocteau précise que le but de sa pièce est "de rendre à Dieu l'intelligence qu'on vire en compte au diable et qu'on lui virait surtout au XVIème siècle où le diable jouait le premier rôle".

Elle a été représentée pour la première fois, en 1951, au théâtre Marigny, par la compagnie Madeleine Renaud-Jean-Louis Barrault.

C'est une pièce très belle, au style flamboyant. L'écriture en est ciselée.

Elle est de pure littérature. Et le ballet que jouent ses différents personnages est orchestré avec la plus grande intelligence.

C'est là, du grand théâtre.

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La Corrida du 1er mai

"La corrida du 1er mai" n'est pas un roman mais une réflexion, une pensée, une analyse sur l'Espagne et ce qui en fait son identité à travers les yeux de Cocteau.

Cocteau nous fait part avec beaucoup de poésie de son vécu, de ce qu'il voit et de ce qu'il comprend de la corrida, corrida qu'il découvre le 1er mai 1954 dans les arènes de Séville. Son regard est très intellectualisé et réclame un certain effort pour saisir toutes les références, mais cela vaut la peine.! La corrida n'est pas seule à être évoquée , le flamenco, l'âme gitane, Picasso... se retrouvent sous la plume de Cocteau. Ils sortent tous

"grandis" car admirés par Cocteau qui a le don de magnifier ce qu'il regarde, ce et ceux qu'il aime.
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La Machine infernale

En ce moment, je vais de surprise en surprise. Ayant choisi ce bouquin à son titre dans la bibliothèque de ma fille, ô première surprise, je m'attendais à tout sauf à une reprise moderne d'Oedipe !



Surprise numéro deux, voilà qu'on entre de plein pied dans une comédie ! Si ! Oedipe comédie, voilà qui change la donne. Du coup, je m'enthousiasme. Le ton est volontairement humoristique, et tourne quelque peu en ridicule ces personnages si "pompeux" d'origine !

Anachronismes et modernité résolue sont surprenants et jouissifs !



Hélas, arrive l'acte II avec le sphinx, et là, ouille, je déchante. Je laboure consciencieusement les pages, mais mon regard a une fâcheuse tendance à être irrésistiblement attiré ailleurs.

Ce sphinx trop humain m'ennuie, ses tirades itératives et répétées m'agacent, il faut même que je relise pour comprendre ce que je lis, et ça, c'est franchement énervant ! Je lâche le livre au bout de 2 pages la plupart du temps. J'ai donc mis une semaine pour arriver au début de l'acte III, "la nuit de noces", non mais où va-t-on !?



Ici on trouve un Oedipe gamin, préoccupé de "gloire et de règne", prétendument amoureux de Jocaste, aux côtés d'une Jocaste cougard, préoccupée de son vieillissement, et qui confond amour maternel et amour conjugal, en toute inconscience (quoique, pas tant que ça...), référence à Freud appropriée, et qui change quelque peu, puisque la plupart de ceux qui ont écrit "Oedipe" rendent Jocaste totalement et absolument aveugle à la vérité et à la réalité, sans le moindre petit soupçon de tracicule d'intuition sur celles-ci.



Enfin le dernier acte, avec les révélations qu'on connait, est ultra court. Il est vrai qu'il n'a guère d'intérêt, suicide et culpabilité tout à fait classiques ici, à part la chute, parlant de la "gloire" future d'Oedipe, merci papa Freud...



Bref, c'est une oeuvre surprenante et foisonnante, très dense. Un peu laborieuse à lire par moments, tout de même.
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Orphée

"J'ai perdu mon Eurydice, rien n'égale ma douleur..." un des plus poignants airs d'opéra de Glück..



Tout le monde connaît le mythe d'Orphée.



Le poète Orphée ne chante ni n'enchante plus le monde des dieux et des hommes depuis que son épouse , Eurydice, a succombé à la morsure d'un serpent.Plus de musique, partant plus de joie , aurait pu dire La Fontaine. Aussi les dieux autorisent-ils exceptionnellement Orphée à descendre tout vif aux Enfers pour rechercher Madame, mais comme toute permission exceptionnelle, celle-ci est assortie d'une contre-partie: tu ne te retourneras point. Orphée doit donc faire confiance aux Dieux, leur obéir littéralement les yeux fermés..Il est saisi d'une petite crise de foi et jette un coup d'oeil subreptice et rétrospectif derrière son épaule...Las! Eurydice se fige et s'éloigne à reculons, happée par les Ombres qui estompent bientôt son image. Orphée éclate en chants désespérés qui, comme on le sait depuis Lamartine, sont les chants les plus beaux..



Nombreux ont été les écrivains, musiciens, cinéastes qui ont repris, et modernisé ce conte noir pour grands enfants. Cocteau ne fait pas exception à la règle, mais lui, ce qu'il aime, c'est détourner, c'est surprendre, c'est choquer.



Chez lui, si Orphée descend aux Enfers, ce n'est pas pour retrouver Eurydice - elle l'ennuie, il ne l'aime plus- mais pour revoir l'image de sa propre mort à qui il a trouvé joli minois, grand narcissique qu'il est, et qu'il a surprise pendant ses multiples traversées du miroir séparant le monde des vivants de celui des morts..



Jeu dangereux. Heureusement qu'il y a l'ange Heurtebise, vitrier de son état, car on ne joue pas à traverser les miroirs sans faire un peu de casse..Ah, vraiment, les miroirs feraient bien de réfléchir davantage...



Notre Jeannot s'amuse et nous aussi à ce jeu de casse -casse avec miroirs doublement réfléchissants ...



Cocteau le polygraphe, le touche-à-tout, a même fait coup double: une pièce et un film, avec son beau Jean Marais en Orphée triomphant...



Un double plaisir, à lire, à voir, à relire et à revoir...
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Orphée

Je sais que je risque de me répéter dans toutes les pièces de théâtre que je vais critiquer mais je n'y peux rien, c'est un fait. Le théâtre est, pour moi, quelque chose qui doit être vu ou, du moins, entendu, et dont je ne pourrais certainement pas vous rendre un parfait résumé ici rien qu'en couchant des mots sur, non pas une page blanche comme je rêverais de le faire ! (Ce que j'entends pas là, c'est écrire bien entendu) mais ici.



Bref, essayons néanmoins. Ici Jean Cocteau réactualise l'un des plus belles légendes de la mythologie grecque : celui d'Orphée. Ici, il n'y a que très peu de personnages principaux : Orphée, son épouse Eurydice et Hertebise qui est vitrier de métier mais qui est aussi un ami du couple. Dans les premières scènes, il est également question d'un cheval blanc pour lequel Orphée s'est pris de sympathie et qu'il a décidé d'installé dans le petit cocon conjugal. Il lui parle tellement que sa femme en devient jalouse et décide de se tourner vers la reine des Bacchantes afin qu'elle l'aide à trouver un poison mortel pour qu'elle puisse se débarrasser de ce cheval qui monopolise toute l'attention d'Orphée.

Cependant, je ne vais pas trop vous en dévoiler puisque je suppose que vous connaissez tous plus ou moins le mythe d'Orphée ou que, si ce n'est pas le cas, vous ne manquerez pas de vous renseigner à ce sujet, les choses vont prendre une toute autre tournure !



Bien que je ne sois pas particulièrement une grande fan de Jean Cocteau, j'avoue que cette pièce est assez originale et très bien écrite. De plus, elle se li en un rien de temps, alors surtout n'hésitez pas à la découvrir !
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La voix humaine

Quand le téléphone matérialise la distance, cristallise la rupture et rend tout retour en arrière impossible.



Une femme seule, la nuit, au bord de la crise de nerfs, le coeur à fleur de peau. Une femme suspendue à une voix venue d' un fil, une femme suspendue à un fil où se suspend une voix. Une femme suspendue à un fil qui la relie et qui la coupe de celui qu'elle aime.



Et qui la quitte.



Une femme sur un fil. Une funambule de la souffrance. Une femme qui ne tient qu'à un fil. Une femme sur le fil du rasoir.



Ce que dit la voix au téléphone demeure inaudible au spectateur et pourtant il en lit toute la partition dans ses silences à elle, dans le tremblé de sa voix, dans la brisure du ton, dans la raucité du cri, dans le balbutiement du murmure, dans les halètements du souffle.



Une musique de chambre, un aria- pas tout à fait un duo: la bakélite du vieux téléphone a l'opacité d'un objet, son inertie, sa stricte neutralité.



C'est une présence-absence.



On est déjà , là, en 1927, dans le théâtre des années 50, dans un spectacle à la Beckett- qui s'en est souvenu, sûrement, dans la Dernière Bande , et qui a poussé d'un cran le revolver de l'ultra-moderne solitude en mettant Krapp devant une bande- son où il a enregistré sa voix de jeunesse..



D'Edith Piaf à Simone Signoret, avec ou sans la partition de Poulenc, La Voix humaine n'a pas pris une ride. Même si le vieux téléphone à cadran et écouteur a disparu, même si l'intrusif portable l'a remplacé..



Les ruptures contemporaines laissent encore moins de place au plaidoyer, à l'échange. d'ailleurs elles ne sont même plus scéniques : juste un "changement de statut" dans les réseaux sociaux, un "c'est compliqué" qui remplace un "en couple", ou alors , carrément, un "célibataire" sans appel, et c'est parti, "il n'y a plus rien à dire ni rien à espérer" comme disait Dom Juan.



La rupture aujourd'hui n'est plus une tragédie, c'est une com', une info'. Une apocope, en tous les cas.



Alors profitons de ce téléphone-là, de cette voix désincarnée, distanciée mais pas encore déshumanisée, qui donne à la comédienne en scène le loisir de jouer toute la gamme des émotions..



Une petite préférence pour Simone Signoret, avec sa voix charnelle, rauque et brisée de fumeuse de gitanes et de buveuse de whisky.



Chaque fois que je l'écoute, je la vois. Sa présence irradie. C'est elle la voix humaine.
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Les Enfants terribles

Malsain, claustrophobique, d'un onirisme tirant sur le gothique, graphiquement très marqué en rouge (le sang, l'écharpe), noir (la chambre, les âmes) et blanc (la neige), grouillant de miasmes de rébellion :



Il n'est finalement pas si étonnant que ce soit ce roman des années 50 qui ait tamponné le plus fortement mes années d'adolescence, tant il encapsule dans les quatre murs de la chambre-refuge que ces gosses occupent comme une citadelle tous les affres de cette délicate période.



J'en garde une image paradoxale, toute subjective et bien affectueuse, d'un roman à la fois intemporel et daté, mais aussi une phrase qui n'a cessé de me suivre tout au long des années :

"Tout ce qu'ils faisaient ne leur appartenait pas en propre : serviteurs d'une loi inflexible, ils le ramenaient à la chambre où se faisait le miel".
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Vocabulaire, Plain-Chant & autres poèmes

Il y a une esthétique propre à Cocteau, qui transparaît autant dans ses dessins, son cinéma que dans ses poèmes, une esthétique faite de rêve, d'antiquité, de mythes, de héros imaginaires, un paysage qui plonge abondamment dans les sources classiques... Il y a aussi cet art de la métaphore, de l'image fulgurante, de l'enchaînement de celles-ci, de leur collision dans des paysages devenus surnaturels qui en ferait comme un précurseur des surréalistes.

Dans son paysage mental, il y volète une multitude d'anges. Surtout, il y a Heurterbise, sa conscience, son destin, son inspiration.

Un paysage de rêve, de fantasmes, de métaphores qui nous en disent tant sur l'homme Cocteau, ses frayeurs, ses illuminations, sa peur de la mort et ses désirs latents.

Il y a peu d'humain qui ne soit magnifié dans ce recueil où se conjuguent classicisme et modernité.

Il y a enfin cette simplicité, cette évidence du langage "cocteauïen", cette même évidence poétique que l'on retrouve dans ses dessins.
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Orphée

Orphée revisité par Cocteau... dans ses didascalies, Cocteau insiste pour que les décors et les costumes soient adaptés à l'époque de la représentation. On peut aisément imaginer -mais je n'ai jamais vu la pièce - une Eurydice en jean moulant ou pourquoi pas en survêt', et un Orphée slammeur, pourquoi pas?



Orphée intemporel? Dans cette pièce, je le trouve bien un peu vain et égoïste, bien que passionné. Cette pièce, telle que je l'ai lue en tout cas, n'est pas une tragédie comme on pourrait le supposer, mais une sorte d'étude de moeurs aux aspects magiques. Et sur ce point-là, il n'y a pas à dire, Cocteau a l'art d'imaginer et créer un univers onirique autour d'une simple réalité. Chacune de ses oeuvres est une nouvelle découverte poétique, un enchantement de créativité.



Bien sûr il me faudrait maintenant voir cette pièce et en écouter la musique, le rythme et le souffle.
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Les Enfants terribles

Paul et Elisabeth sont frère et sœur. Dès le début du roman, Paul tombe malade à la suite d'une bataille de boules de neige. Celui qui a envoyé le projectile est Dargelos, pour qui Paul éprouve une admiration sans borne sans que celui-ci le remarque. Paul est assisté, dans sa maladie, par sa sœur et un de ses camarades, qui l'admire aussi, Gérard, lequel reporte bientôt son affection vers Elisabeth. Un jeu à trois se met bientôt en place entre Paul, Elisabeth et Gérard, et bientôt Agathe, orpheline ramenée par Elisabeth, les rejoint. Dans cet univers clos, les amours touchants et fraternels ont quelque chose de malsain, et tournent au drame.

Les désillusions des personnages entrainent la fin de leur innocence et de leurs adolescences. Le huis-clos charmant de la chambre perd vite de ses couleurs et dans l'immobilité apparait bientôt la morbidité. Un roman de tendresse et de violence.
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Les Enfants terribles

Que se passe t'il lorsqu'on met deux adolescents de 13 et 15 ans, frère et soeur, dont l'un est fragile, seuls responsables d'eux-mêmes, dans un grand appartement et sans soucis financiers?



Cocteau est un maître quand il s'agit de nous raconter des familles dysfonctionnelles, qui ont leur propre code, leurs lois souterraines. Ainsi, dans cette famille, le père violent disparaît bien vite, la mère se meurt, et Paul, le fils, est cloué au lit par une boule de neige lancée par Dargelos, le camarade d'école qu'il vénère. Elizabeth, la soeur aînée, s'occupe de lui, avec l'aide du docteur, ami de la famille et soutien.

Gérard, orphelin élevé par un oncle très souvent absent, s'immisce dans la relation conflictuelle et passionnée des deux enfants, et bientôt les trois abandonnés se créent un cocon aux lois mystérieuses, dans la grande chambre où ils dorment tous les trois -puis à quatre - et qui renferme tous leurs trésors et évocations de personnes élues comme des sortes d'idoles.

Ici, pas d'histoire d'inceste, comme on pourrait l'imaginer, mais un amour fort né sans doute du besoin vital de se protéger de ces parents absents, nourri par cet isolement dans la chambre dans laquelle on mange n'importe quoi à n'importe quelle heure et dans laquelle on obéit à des rituels secrets. Un amour si fort qu'il en devient maladif, mais chut, je n'en dis pas plus.

Lu une première fois il y a longtemps, je me souviens avoir adoré ce livre et avoir été marqué, tout comme avec Les Parents Terribles, par cette évocation de familles bancales et repliées sur elles-mêmes.

Je viens de le relire, et mon sentiment est un peu plus mitigé. Bien sûr l'histoire est belle, tragique, les enfants purs et cruels, à la Cocteau. Mais cette fois-ci j'ai été gênée par des phrases parfois trop hésitantes, ou foisonnantes, et par cet imparfait omniprésent qui donne la sensation que ce n'est d'abord qu'un résumé et que la vraie histoire est encore à venir.



Ceci dit, tout comme les Parents Terribles et la Machine Infernale, les Enfants Terribles, par des détails en apparence anodins à valeur prophétique - l'écharpe qu'on retrouve dans deux de ces livres - reste longtemps ancré dans la mémoire tel un conte mythique.
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